Islam et islamisme... Distinguer.
23/05/2017
Comment dénoncer l’islamisme sans servir les causes malveillantes du rejet des autres en Occident et ailleurs ? Comment proclamer l’altérité comme lieu de réflexion entre les jérémiades du Sud et les indifférences sophistiquées du Nord ? Comment dénoncer et dire ? Comment appeler à résister au Mal, à traquer en soi ses signes escamotés sous le prétexte de la communauté, de la religion ou de la spécificité culturelle, sans tomber dans l’offre de service aux radicalités d’en face ? Comment écrire sans être sommé ?
KameL Daoud (Introduction au recueil de ses chroniques 2010-2016, Mes indépendances, Barzakh / Actes Sud 2017).
Il est extrêmement important de distinguer l'islam (la religion de croyants qui ne sont pas des idéologues mais seulement des gens qui accordent une place à la spiritualité dans leur vie, en fonction de la culture transmise) et l'islamisme (construction idéologique et politique à visée totalitaire). Si on crée la confusion on stigmatise des gens qu'on voue ainsi à l'enfermement identitaire (et, pour les plus fragiles psychologiquement ou socialement, à une possible radicalisation). "Aimer" ou pas une religion ou les religions n'est ni de l'ordre d'une pensée politique ni une démarche laïque authentique. La séparation des églises et de l'État que définit la loi de 1905 n'exige ni amour ni détestation : juste de la vigilance et de la rigueur. Ce n'est pas la droite en tant que telle mais les extrêmes droites qui rejettent l'islam (et englobent les êtres dans leur détestation qui devient alors une forme de racisme) : le FN, les identitaires, des associations comme Riposte laïque. De même la complaisance à l'égard des islamistes a pour origine les analyses erronées non de la gauche mais des extrêmes gauches (aveuglement ancien qui date de la guerre d'Algérie et se poursuit aussi dans certains réseaux pro-palestiniens univoques et antisémites). La gauche a suivi (pas toujours) du fait d'un malaise néocolonial qui est dans certains cas un alibi. Enfin, l'anticléricalisme est une chose, mais "ne pas aimer les religions" n'est pas un marqueur de gauche (il y a des croyants engagés à gauche, autant que d'incroyants - même si ce terme de "croyants" n'est pas vraiment adapté car réducteur : des individus pour qui la spiritualité est part intégrante de leur vie, dans une religion ou hors de toute structure religieuse). Les marqueurs de gauche sont l'action pour la justice sociale, le respect de la liberté de conscience et de l'intégrité de la personne, des valeurs s'exprimant notamment par des refus (abolition de la peine de mort...). Les confusions produisent aussi des totalitarismes (et cela commence par le choix des mots) ; les pièges sémantiques deviennent des pièges dialectiques. Sur la question des religions... le stalinisme a érigé l'athéisme en "religion" de remplacement : ce n'est pas un modèle à suivre. La nature du totalitarisme se définit par une emprise sur la conscience des individus, en fonction de ce que le pouvoir du moment croit être la juste manière de penser, croire, ou ne pas croire. Les dictatures islamistes imposent de croire à leur manière, l'Inquisition catholique le fit aussi, avec la même violence, mais le stalinisme imposa tout aussi violemment de ne pas croire...
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