Rechercher : l'étranger camus
Gabriel Audisio, l’ancêtre principal… Méditerranée, Algérie
………………………................
SOMMAIRE, suite…
. Recension, Feux vivants, 1958
. Recension, L’opéra fabuleux, 1970
. Ulysse ou l'intelligence, 1945. LIEN vers la recension (note qui suit...).
. Textes DE Gabriel Audisio, citations : essais, roman, récit (prose méditative)
. Textes SUR Gabriel Audisio, citations
. Échos. Pensée de la Méditerranée… Réflexion, puis citations (de Jean Grenier, Fernand Braudel, Jacques Huntzinger, Henry Laurens).
. Bibliographie sélective...
. Liens vers des documents précieux (notes, critiques, entretien, études...)
.......................................
27/02/2021 | Lien permanent
De Paul Souleyre, Quelque part dans la foule il y a toi. Récit. D'une rive à l'autre, se trouver soi
Comme Albert Camus à travers son Premier homme, Paul Souleyre, né après l’exil de ses parents pieds-noirs, mène une recherche des origines, de l’identité, quête initiatique où quelques mentions de Camus sont des clés. Douleur du deuil, et naissance à soi-même. L’inconscient sait ce qu’on ignore, et il guide. Histoire initiatique du « retour » guérisseur vers l’Algérie de qui n’y a jamais vécu mais est habité par son algérianité. Retour vers le pays chanté par Camus, même si c’est vers la rouge terre de l’Oranie des racines. La réalité est parfois magicienne, et l’écriture force plus qu’analytique. Quand, à la différence de tous les membres de la famille […] [son] Là-bas tourne dans le vide (p. 127). Camus apparaît dans un moment triste, mais en soutien, pour avoir évoqué la mort et le deuil : À ton enterrement j’ai lu un petit texte de Camus que j’avais entendu dans une chronique. […] Camus n’était pas du genre à enfermer les gens dans des cartons […] …plus de force ; je voulais vivre le même sentiment avec toi (pp. 52-53).
Et dans son parcours de recherche sur les siens il constate des similitudes entre la vie de son grand-père à Oran et celle de Camus (p. 157). Mais l’un a eu la littérature pour transfigurer les traumatismes, l’autre pas.
Relisant ce livre je repense à ce que dit un des amis du père de Daniel Saint-Hamont, que celui qui attend de l’autre côté de la mer, c’est soi. C’est ce qui est arrivé à Paul Souleyre. Pourtant ce n’est pas un retour en Algérie au sens strict, puisqu’il est né après 1962 (en 1969) en France. Mais le lieu de naissance d’un fils d’exilés pieds-noirs, n’est pas seulement celui qui est inscrit sur ses papiers. Car il naît chargé de mémoires et de silences, habité par ce « là-bas » des parents, avec leurs douleurs et leurs imprégnations culturelles, leurs joies aussi. Pour se trouver il lui faudra traverser la mer et retourner vers Oran.
Mais ce livre est aussi celui d’une perte terrible, celle d’un enfant. L’auteur le dit dans son préambule : Ce livre est un séjour dans l’entre-deux. Doublement. Entre ici et là-bas, et entre présence et absence. Amour et deuil double. Et longue lettre à sa fille.
Une enfant perdue c’est inconsolable. Mais quel beau portrait d’elle à travers ces pages… Fillette d’une grande maturité, évidente à la lecture des passages de son journal intime (qu’elle ne voulait pas laisser secret) ou au rappel de certaines paroles, dont elle-même se demande parfois d’où c’est venu (comme peut le faire un écrivain conscient que c’est une autre dimension de lui qui s’exprime). Des pensées de jeune philosophe auteur d’aphorismes profonds dont elle semble croire que le sens la dépasse. La souffrance de la maladie et la pensée de la mort (dont elle parle), voilà une des raisons de cette force de pensée. Une autre étant sans doute la conscience des questionnements familiaux, cet héritage d’exil qui donne un regard autre sur la réalité. Mais il y a aussi (en plus de l’attention de ses proches) cette lucidité partagée avec son père (eux qui veulent être capables de pouvoir être sans états d’âme quand il le faut).
Cette enfant qui a souffert des années a été en quelque sorte un maître pour elle-même, sa famille, et son père. Ainsi quand il réfléchit à la complexité de l’amour, sa part de violence, même pour aider l’autre qu’on aime, il relie cela à son rapport à l’Algérie retrouvée (p. 15) : Peut-être m’as-tu préparé au terrain miné bordé d’amour qu’est l’Algérie, ou au terrain d’amour bordé de mines, comme on voudra.
Son premier séjour à Oran, quelques jours, coïncide avec la période des dix ans de sa fille. Parlant de l’amour il note une réflexion qu’on voit peu, au sujet des amours construits sur de l’exil. Ajoutant : Un désastre. Car les récits et témoignages sur des vécus d’exils mettent en général l’accent sur des questions d’identité, de nostalgie des lieux d’enfance, sur les traumatismes divers. Mais peu abordent le sujet des rapports amoureux. Que ce soit les relations entre exilés ou des liens plus métissés, en quoi ce processus de mémoire et d’oubli et ces questionnements troubles sur l’identité interfèrent-ils dans les choix des amours et les réussites (réelles ou apparentes) et les échecs (réels ou sur-interprétés comme tels) ? Ceux qui se construisent sur du flou mettent du flou dans l’amour. Avec quelques phrases Paul Souleyre ouvre des brèches dans l’inconscient.
Il révèle aussi un fait qui n’a rien d’anodin, sur les traces des blessures de racines, histoire de pieds. Et que les Français d’Algérie et les Juifs algériens soient nommés globalement Pieds-Noirs est finalement un heureux hasard, un signe qui fait sens. Car on s’ancre avec les pieds, on trouve ainsi sa verticalité. Or Paul Souleyre a vécu une expérience particulière. Des années avec une verrue inguérissable sous le pied droit. Et qui disparaît sans soin, pas n’importe quand : trois jours après avoir obtenu mon visa pour l’Algérie.
Donc… retour en Algérie où il n’est pas né mais dont il est. Double pays. Celui d’une apothéose (p. 18). Le lien qui se crée, les Algériens et tous les repères culturels, y compris signes qui se mangent (makrouds et calentica). Mais aussi lieu d’une absence, celle des Pieds-Noirs.
Autre intuition, intéressante, au sujet de son père, après avoir mentionné la valise (l’emblème absolu du Pied-Noir). Les lieux de vie, les intérieurs (p. 19) : Il est difficile de faire des généralités, mais c’est rarement neutre chez les Pieds-Noirs, on pourrait faire une géographie de chaque intérieur. La souffrance s’y cache plus ou moins bien. Cette souffrance de la génération qui le précède il la découvre aussi lors d’un colloque. Il est venu là pour tenter de comprendre, d’apprendre. Et habité par une interrogation (culpabilisante) au sujet de la maladie de sa fille. Pourrait-elle venir des souffrances des aïeuls ? Et pourrait-il sauver sa fille en guérissant sa mémoire de fils de Pieds-Noirs ? Jusqu’à comprendre que le lien était excessif. Cependant une autre sorte de guérison est intervenue, un travail de mémoire et de sens dans deux directions. Transmission reçue, transmission passée. S’adressant à sa fille qui pourrait légitimement, dit-il, avoir la parole dans un lieu de mémoire, il écrit (p. 23) : Toute la famille de ton père arrive d’Oran, s’est coltinée une guerre, un exode, des morts, des disparus, des perdus de vue, des abandons de sépultures et j’en passe, et […]. Et il rappelle la parole d’une femme s’adressant à lui (quand il arrive pour assister à ce colloque) : Faites attention, il y a beaucoup de souffrance. (Elle craignait la réaction d’un descendant pouvant secouer des émotions par ses réflexions éventuellement critiques, comme celles d’un jeune historien un peu provocateur.) Phrase qui l’a marqué, comme la difficulté de ces personnes à être entendues par leurs enfants, souvent, et donc leur solitude. Lui constate que trop de place est consacrée aux morts par ces petits groupes de militants de la mémoire (un minuscule pourcentage). Car s’ils ont raison de faire connaître des faits occultés (26 mars, 5 juillet…) ils ont tort de ne faire que ça. Ils ont fait le choix de vénérer les morts et de se figer dans le temps, écrit-il (p. 35).
Mémoire pour mémoire, celle qui émerge de sa recherche est l’ascendance juive de la référence ancestrale principale, la vieille Zohra, devenue française par le décret Crémieux, comme bien des Juifs algériens (en babouche et parlant arabe). Ensuite, métissages avec des immigrés espagnols, et, le temps passant, diaspora et dispersion. Effacement de certaines mémoires, ce marranisme oranais (et ses échos espagnols). Le marranisme crée un rapport très particulier à l’identité. Être d’où on vient, et ne l’être pas. En découvrir très étrangement des indices et des signes (comme un plat envoyé de Jérusalem à sa fille par une camarade de classe), et constater des amnésies. D’une manière ou d’une autre un effacement externe qui a un miroir interne. Les ancêtres ont glissé des traces, volontairement ou inconsciemment. La rationalité saisit ces traces de l’identité perdue (les noms perdus aussi, souvent) et ceux du présent ne savent pas toujours quoi en faire, si ce n’est interroger le passé et se construire une liberté sans appartenances qui enfermeraient ni renoncements qui trahiraient. On rejoint donc cette thématique de la trahison qui empêche parfois de questionner et douter. Cela avait été abordé dans le livre avec une citation d’Yves Saint Laurent (p. 29), qui avait de l’indulgence pour la trahison, plus que pour d’autres fautes (en pensant sans doute à l’amour). Mais peut-être pensait-il aussi à d’autres sujets en relation avec l’origine oranaise. Qu’est-ce alors que trahir ? Penser l’histoire autrement ? Et trahir qui ? Soi ou d’autres ?
Finalement, pour Paul Souleyre, ce qui compte le plus c’est l’Algérie liant passé et présent, surtout sans oublier le présent des vivants. Et en sachant être lié aux deux, être chez lui dans ce là-bas fantasmé en distance par d’autres. Il traduit cela ainsi (p. 46) : Il n’y a que les Algériens à comprendre que c’est chez moi même si ce n’est pas chez moi. Lui ne veut pas s’enfermer dans les dates de la guerre et l’obsession des morts. Je pense, alors, au poème d’Ahmed Azeggagh, Arrêtez, qui exprime ce même refus, adresse qui dans son texte est un appel aux Algériens et aux Pieds-Noirs. Ce que fait Paul Souleyre est peut-être ce qu’a écrit la poète Amina Mekahli, amie qu’il appréciait et cite, p. 61 (poète hélas décédée depuis) :
À l’orée des mondes où tout se reconstruit,
Sur cette bouche lointaine où poussent des étoiles
Aux tiges de cristal et aux pétales de peau,
Je déposerai les ruines du royaume défendu
Dans une urne de chair aux senteurs du désert.
Ce poème a une importance particulière pour lui, c’est le texte qui fut projeté au crématorium pour la cérémonie d’adieu à sa fille (être incinérée fut le choix de l’enfant). J’y vois aussi un écho avec ce qu’il constate, étudiant les vies des siens : des concordances étranges entre les destins d’une génération à une autre.
Retour à cette guérison du pied dont il parlait au début du livre et qu’il évoque de nouveau, bien plus loin, en ayant compris toute la signification, aidé aussi par les remarques d’un médecin homéopathe (nettoyage du corps et des racines, des émotions qui encombrent). Évoquant un vieil Algérien qui avait gardé, dans son appartement, les photographies de la famille qui y habitait avant, et les remet à celle qui revient visiter son passé, Paul Souleyre explique que sans doute il a dû se trouver allégé en pouvant rendre ces images qui ne le concernaient pas (et gardées généreusement dans l’espoir de ce retour). Il se trouve libéré, comme lui, de quelques fantômes encombrants (p. 211). Car, écrit-il, On est souvent embarqué dans des histoires étrangères à nous-mêmes.
Et Amina Mekahli, aussi, a joué un rôle, qui le guide pour entrer dans les significations des parts mystérieuses de la culture algérienne, en lâchant ses peurs. Elle a une perception presque mystique, sachant voir au-delà des frontières qu’une fausse rationalité dresserait. Lui accepte de traverser les apparences, de voir l’Algérie (p. 216) : C’est un pays illogique qui invite à la transgression. Il faut s’attendre à tout parce que rien ne se passe comme prévu. On met un peu de temps à s’habituer, mais après ce n’est que du bonheur.
Recension © MC San Juan
LIENS :
Mémoblog-Oran, Paul Souleyre : https://www.memoblog.fr/
Voyage à Oran. MémoBlog-Oran : http://voyage.memoblog.fr/
Quelque part dans la foule il y a toi : https://www.cultura.com/p-quelque-part-dans-la-foule-il-y...
Des nouvelles d’Oran (chroniques) : https://www.cultura.com/p-des-nouvelles-d-oran-9782322460...
Amina Mekahli (l’amie poète, citée dans le livre : importante pour Paul Souleyre, présente dans son processus de retour). Le fracas que fait une poétesse qui meurt, El Watan : https://elwatan-dz.com/amina-mekahli-nous-a-quittes-dieu-...
21/08/2023 | Lien permanent
Voilà comme j’étais. Sade par Marie-Paule Farina
Cette opiniâtreté qui fait l’écrivain, cet « envers et contre tout », cette énergie, cette bonne humeur persistante sont aussi ceux de l’autrice dès le sous-titre en forme de « nonsense » : « Autobiographie posthume ».
Nathalie de Courson, recension (blog Patte-de-mouette) du livre de Marie-Paule Farina
Quel roman que sa vie, dites-vous ! Roman vraiment ? Pas pour lui : "Et que l'on ne me dise pas que mes romans sont terrifiants, ce sont des romans, et dans les romans comme dans les baraques foraines, on ne tire qu'à blanc !"
Jean-François Mézil, recension, La Cause littéraire
Avec cette autobiographie fictive, vivante et documentée, Marie-Paule Farina offre, "de l'intérieur", des perspectives originales sur la vie, la pensée et l'écriture de Sade. (4ème de couverture, extrait).
J'ai lu attentivement la recension de Nathalie De Courson, puis celle de Jean-François Mézil, après avoir achevé la lecture du livre de Marie Paule Farina. Recensions de qualité pour un livre de qualité (belle écriture), dont l'auteur (je garde, moi, le masculin au neutre implicite...) écrit avec une telle maîtrise de son sujet qu'elle semble l'intime du personnage réel. J'ai surtout lu par curiosité et intérêt pour celle qui écrit, car les pages du Sade hors de ce livre me tombent des mains (en matière de sexualité ou érotisme je préfère lire Henry Miller, de loin, avec la fougue de sa passion vitale). Marie-Paule Farina a une écriture fluide, qui semble venir facilement, comme s'il n'y avait pas eu, avant, tout un travail de lecture et d'étude, commencé d'ailleurs dans ses ouvrages précédents.
Je vois, lisant, ce qui l'intéresse chez ce Sade que je n'apprécie pas. Une sorte de libertaire révolté, fou d'écriture. Mais je ne peux, pour ma part, ne pas penser à ces prostituées qu'il s'amusa à effrayer ou battre (lui, considérant que sa jouissance avait besoin de cela et que c'était excusable car affaire de tempérament, jusqu'à faire fabriquer les outils adéquats par un charpentier, et prévoir les baumes pour les plaies...). Il aurait, avec les mêmes tendances, sans doute eu aussi des ennuis dans la société de notre siècle et de ces dernières années, et peut-être goûté de la prison moderne... (Même s’il a sans doute été persécuté pour des raisons idéologiques et des fanatismes pas plus respectables que les faits que l’on peut lui reprocher). Un aristocrate utilisant à l'occasion les privilèges de son rang et très occupé de lui-même, aussi. Il se moque de ce qu'il appelle la "vertu", y voyant un ridicule de frustrés. (Cependant, de quelle « vertu » parle-t-il ainsi ? Est-ce vertu pudibonde et mortifère de gens qui refusent la vie même pour les autres, au nom des morales données pour être celles des religions (comme les divers ayatollahs actuels d’Iran ou d’ailleurs) ? Ou éthique de ceux qui refusent qu’on utilise et méprise des êtres, y compris des prostituées ? N'y a-t-il pas chez lui une sorte de frustration, d'impuissance à vivre le désir autrement qu'associé à des fantasmes violents, on peut le penser, selon ses propres déclarations...
Et pourtant il a réussi à fasciner une lectrice avisée, dont la formation est philosophique (et à qui on ne pourrait faire le reproche d'être indifférente aux droits des femmes...). Pour chercher en lui les parts de lumière que les ombres cachent bien...
J'ai remarqué et apprécié l'exergue. Alice, celle De l’autre côté du miroir, se saisissant du crayon du roi (personnage théâtral, figure de jeu) pour écrire à sa place, citation que Marie-Paule Farina reprend à la fin de son ouvrage, en inversant le sens, puisque le livre fait dire Je au Sade censé écrire son autobiographie avec le crayon que lui rendrait sa biographe et spécialiste.
Ayant lu, ce que je retiendrai c'est la complexité de cet être, comme de tout être. Le refus de juger de celle qui parle pourtant aussi des failles du personnage. Et au bout du compte, avec ce message, le livre vaut d'être lu.
J’ai cité en exergue des passages de recensions de deux commentateurs que j’apprécie, pour les lire régulièrement. Volonté de rester libre de comprendre cet ouvrage à ma façon, sans trahir l'intention de la biographe, et en gardant ma distance critique devant l’auteur et le personnage vivant qui écrivait. Et désir de compléter mon regard (tel que noté ici), par ceux de lecteurs qui adhèrent au charme (problématique pour moi) du sieur Sade... ou qui disent surtout ce qu’est pour eux cette œuvre littéraire.
Il a aussi le défaut (pour moi) de ne pas aimer la mer, cet univers de beauté... Et de dire le contraire de ce qu'affirmera bien plus tard René Char, sur la qualité du poète (mesurée aux pages non écrites, à la capacité de ne pas tout garder des flux d'écriture, et même de réduire ce flux). Sade trouve cela stupide. Donc Char stupide par avance, bien avant que celui-ci naisse et écrive... (Pour moi c’est le comble…).
Il y a aussi, dans mes réticences, le fait que souvent, et depuis des années et des années, j’ai vu un trio de noms, mentions systématiques, répétitives, de lecteurs qui en faisaient des références incontournables, comme si ces trois noms étaient le sommet de toute littérature et pensée : Sade, Céline, Heidegger. Goût de la transgression pour la transgression ? Fantasmes violents de l’un, pamphlets antisémites immondes et collaboration active de l’autre, et enfin adhésion au parti nazi et participation à la théorisation de la haine antisémite du troisième (c’est maintenant documenté). De tels noms associés, on se demande ce qui motive… Mais Céline n’est pas ici dans les références de la biographe et de ses deux lecteurs, très nettement non… !!! Totalement à l'opposé de leurs options. Autre univers de pensée. Le trio de noms est donc cassé.
Mais les citations que j’ai choisies de noter ici seront une présentation de l’ouvrage qui restituera le mieux ses qualités… Voici (Sade parle, à travers le crayon de Marie-Paule Farina, une Alice passée à travers le miroir du temps…). Mais le vrai Sade n'est-il pas plutôt celui que Camus rend responsable de légitimer la terreur ? Voir, fin de note, l'exposition de cette analyse.
p. 11. Rédiger des confessions, des mémoires, il faut réserver cela à la vieillesse, quand l’imagination est tarie, la mienne est bien vivante et pourtant j’éprouve une sorte de besoin de me raconter.
p. 17. Je sens souvent la folie me venir. C’est dans ma pauvre cervelle, un tourbillon d’idées et d’images où il me semble que ma conscience, que mon moi sombre comme un vaisseau sous la tempête. (Passage que l’auteur glisse chez Sade en le prenant à Flaubert, comme elle le dit dans sa postface, car la part de fiction aide à faire un portrait vrai, à révéler).
p. 30. Ceux qui auraient voulu un portrait de moi, l’auraient trouvé dans l’une de ces 120 journées, le vingt-troisième jour de novembre, jour de la Saint-Clément. Un portrait de moi, au noir, cynique, comme celui du moine Clément dans Justine.
p. 66. Il ne faut pas s’écrire. C’est mauvais à tout âge. La rumination ne donne que de l’aigreur. Mais on dit aussi, et depuis bien longtemps, que l’écriture rend les âmes oublieuses.
p. 95. J’aurais pu faire tant de choses que je n’ai pas faites mais nous ne pouvons pas corriger notre vie comme un brouillon attendant d’être mis au propre (…).
p. 171. (…) Tout ce qui m’a concerné n’a été que l’ouvrage du fanatisme des imbéciles dévots et de la grossière imbécillité de leurs séides…
p. 235. J’ai été la malheureuse Justine privée de toute information et de toute ressource et condamnée à deviner et à anticiper dans la douleur le sort que ses bourreaux lui réservaient ; mais j’ai été aussi, une plume à la main, la folle et rieuse Juliette tirant de son imagination une source continuelle de plaisir.
p. 250. Je suis parfaitement sain d’esprit mais j’ai des passions violentes auxquelles il me faut trouver des dérivatifs sous peine d’être physiquement malade.
Et enfin, dans la postface, elle écrit (p. 276) : Sade se peint très rarement de profil, j’ai donc essayé moi-même de le peindre de face en ayant constamment en tête la phrase de Vauvenargues : « À quoi bon rendre malheureux ceux qu’on ne peut rendre bons. »
................................................................
Ce que CAMUS pense de Sade. (Et qui correspond à ce que je perçois de malsain chez cet auteur. Pas seulement malsain de manière privée ou littéraire, mais dans une chronologie théorique qui choisit de penser CONTRE l’éthique.)
Jeanyves Guérin expose très clairement ce que Camus présente dans L’homme révolté. Et Sade est ramené, avec raison, à ce que signifient réellement ses jeux de fantasmes et ses pratiques de terreur (la prostituée fuyant dans la nuit, terrorisée, ce n’est pas un jeu de séduction fantasmé pour des pages…). Trois noms, trois responsables (Sade, Saint-Just, Hegel) : l’histoire du terrorisme a des racines.
Ce qui rejoint pour moi trois autres noms souvent associés par certains des lecteurs qui les apprécient :
Sade, Heidegger, Céline.
Jeanyves Guérin (Noces de sang. Albert Camus, revue Esprit. Terrorismes, oct./nov. 1984) :
« L’homme révolté. Ce livre relate la perversion de la révolte moderne et propose une généalogie de la terreur. Tout part, pour Camus, du XVIIIè siècle. On doit à Sade une légitimation libertine du terrorisme individuel et à Saint-Just une légitimation révolutionnaire du terrorisme étatique. Puis vient Hegel qui historise les valeurs et déprécie l’éthique au profit de l’efficacité. »
Lien, le numéro de la revue… https://esprit.presse.fr/article/jeanyves-guerin/noces-de-sang-albert-camus-30398
................................................................
Recension © MC San Juan
LIENS…
Recension, par Nathalie de Courson, blog Patte de Mouette… https://patte-de-mouette.fr/2022/11/09/le-marquis-de-sade-de-marie-paule-farina/
Recension par Jean-François Mézil, La Cause littéraire… http://www.lacauselitteraire.fr/voila-comme-j-etais-marie...
Page de l’édition… Éditions des instants… https://editionsdesinstants.fr/14738-2/
27/11/2022 | Lien permanent
École d’Alger littéraire : initiateurs, contexte, héritage...
On choisit pas non plus les trottoirs de Manille
De Paris ou d'Alger pour apprendre à marcher
Être né quelque part
Être né quelque part, pour celui qui est né
C'est toujours un hasard Né quelque part, 1988, Maxime Le Forestier (né à Paris, lui)
.
J’ai régulièrement besoin, comme homme et comme écrivain, de me retourner vers ce paysage. Par lui je me rapatrie. Jean Pélégri, Ma mère l’Algérie
Elle cherche partout une partie d’elle-même, un frère, une sœur, une herbe d’Algérie, un bleu (…), une odeur d’Afrique. Marie Cardinal, Écoutez la mer
Elle a ses assassins."
01/04/2021 | Lien permanent
Jean Sénac, poète majeur, présent sur le site du Printemps des poètes. 2020 : Le COURAGE... / LE LIRE : LIVRES...
20/02/2020 | Lien permanent
René Char, En trente-trois morceaux
29/06/2020 | Lien permanent
BEDOS, celui qui ne ”désaime pas”...
Je repense à son livre "Je craque", et au passage où il disait "Arrêtez le monde, je veux descendre !"... Son humour était le langage de certaines colères et l'écume détournée des chagrins d'un écorché vif (il l'a dit, que l'humour était un langage du désespoir). Un natif d'Algérie engagé contre toutes les formes de racisme, fraternel profondément. J'espère qu'on pourra revoir les films où il joue, avec des acteurs amis complices. Et revoir le documentaire de son voyage en Algérie, dans l'Est, avec son fils Nicolas (doué autant que son père...). Les marches dans les rues, les rencontres, et ce moment où on évoque ses bulletins dans son ancien établissement... Dans la vidéo il évoque le pont de Constantine (dit des suicidés, d'ailleurs, car haut - et tentant pour les déprimés...), où parfois il fut tenté de (au moins) imaginer ce que ce serait de sauter. Il y a une phrase de lui (empruntée à Simone Signoret mais reprise à son compte) qu'il est bon de noter "Je ne désaime pas" (il le disait notamment à propos de ses liens maintenus avec son ex-femme Sophie Daumier).
Celui qui écrivit dans un livre (« Je craque »), « Arrêtez le monde, je veux descendre », est mort, à 85 ans, sans que le monde se soit arrêté… Monde qui gardera mémoire de ce qu’il fut, et trace de son art, notamment aussi dans ses films, dont des scènes sont des séquences qui marquent l’art des comédies. Comme celles des films où Marthe Villalonga (pourtant de la même génération, à deux ans près, vieillie pour cela) arrive à se mettre dans la peau de sa mère (envahissante comme il se doit pour une mère méditerranéenne, et utilisant l’accent pied-noir pour accentuer l’effet du rôle). Scènes qu’on dit « cultes » dans les deux films « Un éléphant ça trompe énormément » et la suite « Nous irons tous au paradis ». Films dont les acteurs masculins forment une équipe cinématographique et amicale. Guy Bedos avait commencé sa carrière d’acteur dans un petit rôle d’un film de Marc Allégret, et il a continué de jouer avec des cinéastes importants, cependant il préféra un cinéma populaire aux films de la Nouvelle vague. Acteur, mais aussi scénariste, comme pour « Draguées au poivre » de Jacques Baratier.
21/06/2020 | Lien permanent
Jean-Claude Xuereb. Répondre aux questions graves...
Aux questions les plus graves, nous répondons, en fin de compte, par notre existence entière. Ce que l’on dit entre temps n’a aucune valeur, car lorsque tout est achevé, on répond avec l’ensemble de sa vie aux questions que le monde vous a posées.
Sándor Márai, Les Braises
En exergue à son ouvrage, Le jour ni l’heure, Jean-Claude Xuereb a choisi de poser cette pensée profonde d’un écrivain hongrois au destin douloureux, dans les secousses de l’Histoire, Sándor Márai. Antifasciste qui doit fuir son pays, puis homme inquiet et déçu quand le régime communiste s’installe en Hongrie. Longtemps méconnu, puis enfin révélé. Solitude et deuils, et permanence d’une cohérence, d’une fidélité à ses valeurs.
Jean-Claude Xuereb nous parle évidemment à travers cela. Lui aussi l’Histoire l’a bousculé, lui aussi vit des deuils (c’est évoqué dans certains poèmes du recueil, et se croisent là mots pour dire attachements et mémoire, mots pour questionner la vie, le sens). Les années passant, nous dit-il à travers le choix de cet exergue, on pense au bilan de sa vie, de son oeuvre : comment a-t-on répondu aux épreuves, aux événements, quelles réponses a-t-on données pour dépasser les traumatismes et échapper aux pièges des faux miroirs idéologiques? A-t-on su répondre, contre la haine des vengeurs dans les secousses du temps?
De belles rencontres : Albert Camus, René Char, Jamel Eddine Bencheikh… Et, en 1970, l’éditeur René Rougerie - auquel il rend hommage en lui dédicaçant un grand poème (« Job ou les avatars du corps-poème ». Titre où j’entends comme un écho des interrogations de Jean Sénac, terrien de la même Algérie méditerranéenne. En exergue, non au livre mais au poème, page 37, à côté de Raymond Guilhem (« Attrait du vide »… « Mon corps privé de lendemain »…« néant d’étoiles »… ), Albert Camus, fraternelle référence et… horizon philosophique qui veut dépasser le désespoir du vide et de l’absurde (étape et non fin dans le cheminement de pensée de l’écrivain philosophe), projet éthique de l’humaniste qu’est Camus (« Il faut imager Sisyphe heureux »). Le mythe camusien de Sisyphe associé à l’éditeur, et au « corps-poème », juste après la citation de Guilhem, pour qui « Un dieu ne tendra pas la main ». Comment, pour celui qui se dit (avec un peu de distance ironique) « mécréant », penser la fin de tout et de soi, la fin, comme celle de l’éditeur ami, René Rougerie? Et comment penser le retour de l’écriture, de poème en poème, de recueil en recueil? Le livre comme un mont qu’on gravit, un mont intérieur : à chaque fois autre et semblable dans l’exigence, Sisyphe reprend l’effort répété.
Mais Jean Rousselot écrivit « On peut mourir / la gorge obstruée par un cachet d’espérance » et c’est ce qui introduit le très beau poème « Pour ainsi dire », page 7. Refuser ce qui serait, pense-t-il (« mécréant »!) le mensonge d’un faux rêve. Mais regarder, à travers les objets qui sont là, ce qui est signe que « l’ancre » a été posée vraiment « au défi des exils successifs », que le soleil est amical (« comparse » comme l’amour).
Mais qui est, page 15, le « prophète / non reconnu des siens »? Est-ce le poète, dont « la trace messagère » n’est pas suffisamment comprise, les poètes étant souvent voués aux signes « que nul ne déchiffre »? A ces « lointains d’indicible »? (Comme l’écrivain Sándor Márai le fut longtemps).
Ceci est aussi l’exil, ou une conséquence de l’exil.
Méditation devant le miroir, page 18, pour questionner « le sens du verbe ‘réfléchir’ » et chercher en soi l’être essentiel derrière un reflet ou ce qu’on perçoit comme masque de soi-même (car le temps altère le visage, et se reconnaît-on?). Alors qu’en soi c’est « un enfant qui pleure » les deuils (page 65), mais un enfant qui a gardé le privilège de l’accord avec le soleil natif, retrouvé où qu’il soit.
Est-ce surtout le poète, ou surtout, simplement, l’homme de chair, le père, le grand-père (poème offert à ses petits-fils, page 21) qui hésite entre l’effacement (page 56) et la trace (page 57) ? « Il faudrait se délester pas à pas » écrit-il page 60.
Alors que (exergue, page 53, Léon Tolstoï, « Les hommes sont comme des rivières »). Mais, « coup de dé » le hasard a fait naître dans un lieu dévasté par les « purulences de l’Histoire ». Oui, Algérie native, longue guerre, conflits et terreurs, déchirements, exil. Plusieurs textes l’évoquent, si on sait, et c’est un balancement entre mémoire d’autrefois et mémoire de retour, pour un « site revisité ». Importance des lieux, comme ce Ravin de la Femme Sauvage, évoqué dans ces « Horizons de l’enfance », page 49. Mais. « je n’ai reconnu que le ciel »… Importance des êtres : Augustin « mon frère de Thagaste et Carthage », page 45. Repère. Augustin, frère de cette « Terre violente » (page 46), violente mais « Terre d’amour »… Pour laquelle la mémoire est déchirée par les souvenirs de supplices.
René-Jean Clot chanta sa douloureuse « ...Patrie de Sel », Albert Camus grava, dans le temps d’une guerre que l’on peut penser aussi comme guerre civile, ses « Chroniques algériennes » de dénonciation de l’injuste. Et je pourrais citer une litanie de témoins (Pélégri, Roy, Cardinal, Roblès, Audisio, Marcello-Fabri, Sénac, Vircondelet, et Dib, Feraoun, Haddad, Boulanouar, Yacine, Azeggah, Djaout, Alloula, Gréki, Kréa, Martinez, Amrouche, etc.).
Jean-Claude Xuereb, lui, distille des inscriptions qui invoquent l’Histoire d’une terre, l’identité d’errants méditerranéens, ancrés ou déplacés. Et il le fait de telle façon que tout natif le reconnaîtra comme frère d’algérianité, mais que cette réalité est transmutée en vérité universelle sur la planète de tous les exilés. Nimrod, que je viens de lire, comprendrait. Tchad, Algérie, îles, lointain… qu’importe. L’homme qui écrit aime les arbres et les oiseaux, même s’il dit ne pas avoir réussi à les apprivoiser… ces oiseaux libres des jardins ou des chemins. Mais quand? Aux « horizons de l’enfance » d’avant ou de l’enfance en soi, qui perdure, avec les images de son ciel d’autrefois?
Magnifique ouvrage… Grande oeuvre. Impossible de lire dans l’ordre ces poèmes. Il faut tourner les pages et revenir en arrière pour saisir le sens de ce qui fait aller-retour et se cache puis se révèle… Et relire.
Chaque livre des poètes est un morceau de testament. Tout est présent à chaque fois. Plus ou moins consciemment. Et plus la vie avance et plus c’est le cas. Mais pour cet ouvrage c’est une évidence dès le choix de l’exergue. Ce qui compte le plus doit être dit. Ce qui dot être tracé doit l’être absolument sans attendre. Dire les proximités, les solitudes, les tensions de l’écriture (Sisyphe…!) pour capter même ce qu’on ne sait. Les mots, l’amour, le soleil, la mémoire des suppliciés. Parce que la révolte est aussi un devoir, celle de Camus, celle des Justes. Et c’est le camp de Jean-Claude Xuereb.
J’ai une tendresse particulière pour un recueil (qui semble épuisé chez Rougerie), « Pouvoir des clés », livre où il réaffirme le programme d’une écriture qui se veut « outil de lucidité » (page 25). Avec l’humilité de celui qui espère que les Clés s’ouvrent, pour « oser persévérer » à écrire. Car la poésie vient avec ses clés, ou pas : mystère du courage de poursuivre. Je retrouve dans cet ouvrage le « pays natal », le désir de la mer, le soleil, les oiseaux et les arbres. Et les questions « graves », incessantes, pour une ontologie de l’écriture et du regard sur vivre, être, passer.
Dans « Pouvoir des clés » les mots sont « lavés ». Dans « Le jour ni l’heure », encore plus, sont lavés les mots et l’être, le réel des paysages et des destins. La lucidité est affutée : encore plus. L’écriture demeure, le style est reconnaissable, mais l’intensité est autre : Sisyphe a gravi la montagne et le ciel des lieux est aussi un ciel du sens. Très grand livre, vraiment. Car le lecteur, qu’il soit mécréant ou mystique, sera, lisant, lui aussi devant un miroir et la buée du temps, vers l’inéluctable fin. Lui aussi devra interroger sa vie, ce qu’il restera de ses choix à sa mort(dont il ne sait ni "le jour ni l’heure"). Valeur. Traces. Et textes, s’il écrit.
(Et je ne peux que mentionner l’avant-propos, deux pages, au poème-livre d’Anne-Lise Blanchard, Le Bleu violent de la vie, éd. Orage-Lagune-Express, 2004. Texte émouvant, sur l’exil et l’héritage des blessures, la parole des générations qui suivent…)
Fiche wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Claude_Xuereb
Page sur le site du Printemps des poètes : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Claude_Xuereb
Dossier, revue Phoenix, Marseille, numéro 15, automne 2014. Commande possible de numéros antérieurs... SITE... https://www.revuephoenix.com
Page de blog, Jean-Claude Xuereb ou les saisons de passage,Abdelmadjid Kaouah (auteur d’une anthologie de la poésie algérienne, « Quand la nuit se brise », Points), Joha : http://wwwjohablogspotcom-kaouah.blogspot.fr/2012/02/jean...
Portrait fait par Jacques Basse (auteur d'une anthologie de poésie illustrée par ses portraits de poètes).. Sur Jacques Basse, fiche... https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Basse
Page sur Recours au poème (avec deux textes : Ce qui bouge, et Regain) : http://www.recoursaupoeme.fr/poètes/jean-claude-xuereb
Nombreuses pages correspondant à des parutions dans diverses revues de poésie, comme Sillages, Texture, etc.
LIVRES publiés par les éditions Rougerie... https://www.editionsrougerie.fr/catalogue
.... MISE à JOUR 03-06-2016... Jean-Claude Xuereb, par Jean-Louis Vidal. Coll. Présence de la poésie, éd. des Vanneaux... http://les.vanneaux.free.fr
...
texte recension © MC San Juan
03/05/2016 | Lien permanent
CITATIONS. L'intellectuel et l'actualité...
Des CITATIONS (de MILNER, CAMUS, DE LUCA, SÉNAC, CYRULNIK, ZAMBRANO, plus une phrase de l'éditorial de CHARLIE HEBDO, daté 20-02-19, texte intégral lisible en ligne, lien ci-dessous), citations que j'associe à l'actualité (complotisme, marges factieuses des GJ, recrudescence d'un antisémitisme assumé et affiché - souvent déguisé, d'ailleurs, en antisionisme...). Et (mise à jour du 1er mars 19), Romain GOUPIL, citation d'une tribune sur fascisme et anti-fascisme (alliance jaune-rouge-brun...).
... "La fonction politique de l'intellectuel c'est d'aller où la société ne veut pas ; c'est d'être impopulaire." Jean-Claude Milner (entretien avec Philippe Lançon, Libération, 20-21 juillet 2002...)
10/02/2019 | Lien permanent
Kamel Daoud, lire et relire...
Kamel Daoud est primé pour une reconnaissance de son oeuvre de chroniqueur engagé pour les droits humains. Lui préfère se dire « concerné », et, oui, il l’est. Oeuvre marquée par la publication d’un choix, ample, de ses textes dans « Mes indépendances », livre publié par Actes Sud. Superbe.
Que ses chroniques soient lues abondamment, elles qui mettent en scène, en quelque sorte, le balancement subtil entre le total "oui" à la vie et la tension du "non". "Mes indépendances". Magnifique écriture d'un grand chroniqueur (nouvelliste et romancier aussi), mais l'écrivain est complètement présent dans les pages profondes, brillantes, du journaliste.
Exercice de lucidité, processus de questionnement permanent.
La critique, si on lit bien, porte sur les failles des deux rives. Aucune complaisance. Lecteur idéologue ou paresseux, sauvez-vous. Car Kamel Daoud ne propose pas le confort mais la secousse. Il secoue les préjugés, regrette que l'Algérie de 62 n'ait pas eu son Mandela (car un peuple métis en serait né, et une culture plurielle aurait pu être assumée). Il revendique fortement son algérianité (qui passe notamment par la langue). Et dans ce vital ancrage il entraîne Camus, dont il espère que l'Algérie arrivera à récupérer ses "cendres", au sens symbolique, c'est-à-dire à le revendiquer comme sien, autant si ce n'est plus que la France. Cela fait des années que je lis Kamel Daoud, et que je lis les commentaires que ses écrits entraînent. J'ai l'impression que, malgré les attaques qui perdurent (sur des erreurs de lecture), de plus en plus des Algériens le soutiennent, le comprennent, l'admirent.
CITATION, article de Livres Hebdo : « L’écrivain et journaliste Kamel Daoud vient d’obtenir ce jeudi 20 juillet le 16e prix Livre et Droits de l’Homme de la Ville de Nancy pour Mes indépendances, chroniques 2010-2016, pari en février chez Actes Sud. / Ce prix, sous la présidence d'honneur de Vincent Monadé, président du Centre national du livre, lui sera remis officiellement lors du 39e Livre sur la Place le vendredi 8 septembre à Nancy. De manière symbolique, cette année, le jury a souhaité dédier ce prix à l’écrivaine turque Asli Erdogan, qui, après avoir été incarcérée 136 jours, attend son procès et risque la prison à vie. »... Texte intégral...http://www.livreshebdo.fr/article/kamel-daoud-laureat-du-...
« Mes indépendances », page de l’éditeur… http://www.actes-sud.fr/catalogue/societe/mes-independances
28/07/2017 | Lien permanent