« La malédiction », POÈME de Hassan Yassin…
29/05/2017
La malédiction, POÈME de Hassan Yassin…
J’ai lu ce poème sur un post qui reprenait la réflexion de Tieri Briet, suivie de sa copie du bouleversant poème de Hassan Yassin. Je ne reprends qu’une partie du texte introductif de Tieri Briet : l’essentiel, qui situe.
« Qui sont ces hommes qu'on chasse de rue en rue, de ville en ville ? Ne sont-ils plus rien d'autre qu'une malédiction ? C'est ce que dit Hassan Yassin, arrivé du Soudan. L'autre soir, il a lu son poème en arabe, sur la petite scène du Local où un atelier théâtre destiné aux migrants nous avait invités. Une comédienne traduisait ses paroles en français. Et puis en prononçant les derniers mots, Hassan a fondu en larmes. La tragédie du poème continuait sous nos yeux. » (…) « Je recopie le poème de Hassan Yassin. Je voudrais qu'il soit lu, entendu, diffusé sur les murs. Et que nos regards changent eux aussi. »
Tieri Briet
Le POÈME de Hassan Yassin, réfugié soudanais :
..
La malédiction
Je suis une malédiction
Je suis la malédiction incarnée
Suspendu à ma corde secrète
Attaché à l'utérus du ciel
J'entends les cris du vent et les pleurs aux alentours
Je parle aux fleurs autour de moi et j'admire le chant des murs
Ces murs de mon isolement infini et
La peur mon amie,
Rien ne me donne le sentiment de sécurité...
Vous les passants face à moi
Ne demandez pas la miséricorde en mon nom
Comme un pécheur dans l'attente du pardon
Détournez le regard
N'ayez pas pitié de moi
Donnez-moi juste un sac noir.
Pour que j'y rassemble ma désolation,
Ma défaite et mon anéantissement
... Pour pouvoir le mâcher et l'avaler
Donnez-moi du feu pour que je brûle mes saletés,
Je suis une charogne qui empuantit l'air tout autour
jusqu'à vous faire détester vos corps élancés
parfumés d'essences florales de Paris
Je vous inspire la haine de la race humaine
mes semblables désarticulés...
ceux qui ont subi les horreurs des guerres
... Je suis une charogne où demeurent les vers
Je ne serai ni leur dernier rêve, ni leur dernière demeure
Ni ce qui reste de leurs souvenirs
J'ignore le jour de ma mort
Laissez moi reprendre souffle
Fermer les yeux pour me réveiller au paradis
Je n'ai envie de rien
Rien ne me séduit plus
Même pas le baiser de l'enfant que j'aurais pu avoir
Ni la jouissance au moment de sa conception
Ni même la pénétration d'une partie de moi
Dans les vagins, berceaux de mes espoirs incertains
Priez pour que mon heure arrive vite
Le moindre regard vers moi ne vous inspire que dégoût
Laissez-moi quitter votre monde d'artifices
où je n'existe pas...
Je suis un anonyme sans identité, sans papiers
Un tas de détritus face à vos portes
Je veux mourir et remettre mon âme dans les mains de Dieu,
Je finirai en ange ou en démon, qu'importe.
Que ma mort ne soit pas lente,
Si seulement les fleurs poussaient sur mon cœur,
Parfumaient mes poumons et fardaient les vers qui me rongent de parures multicolores,
Et la mélancolie des carillons des cloches couvriraient les battements de mon cœur.
Que vos prières puissent envelopper ma peur.
Ne l'appelez plus corps,
C'est mon cadavre pourri qui vous observe,
Ce cadavre que vous méprisez !!
Même ces chiens me regardent bizarrement,
Vos chiens bien habillés qui ont une identité et un nom.
Dieu mon préféré, quand est-ce que tu me regarderas avec pitié
Pour ordonner à mon coeur de s'arrêter, mon cœur empli de fleurs emprisonnées,
Son battement me tue.
Quoi de pire que le mot réfugié pour nommer un homme ?
Des lambeaux de saleté recouvrent mon corps et l'enveloppent d'une chaleur aux relents pestilentiels,
Vos odeurs agréables dégoûtent les poux qui ont trouvé refuge dans mes cheveux.
Vous les passants devant moi :
Je suis un migrant qui a survécu à la fermentation de la chair en Méditerranée pour pourrir dans les rues de Paris.
Ces rues nettoyées au petit matin, et moi là !!!
Je suis le mensonge de ce monde,
Je suis cette part d'humanité médiatisée,
Ils cherchent des stratégies pour se débarrasser de moi,
Ils dépensent des sommes colossales,
Ils ont créé des commissions pour me déraciner.
Alors je ne sais plus si je suis un bout de viande ou un morceau d'asphalte.
Ce monde me procure du mépris,
Comme à mes frères renvoyés à la torture,
Assassinés au nom des conventions internationales.
Ou ceux qui ont échappé aux campements,
Aux empreintes maudites,
Venant des bains de sang Africains pour se retrouver plus bas que terre, mais pourquoi ???
Parce que je suis un réfugié rempli de pourriture,
allongé sans même pouvoir espérer.
Inquiet, je meurs avec le silence des lucioles, caressé par des papillons multicolores.
Hassan Yassin
Les commentaires sont fermés.