Je repense à son livre "Je craque", et au passage où il disait "Arrêtez le monde, je veux descendre !"... Son humour était le langage de certaines colères et l'écume détournée des chagrins d'un écorché vif (il l'a dit, que l'humour était un langage du désespoir). Un natif d'Algérie engagé contre toutes les formes de racisme, fraternel profondément. J'espère qu'on pourra revoir les films où il joue, avec des acteurs amis complices. Et revoir le documentaire de son voyage en Algérie, dans l'Est, avec son fils Nicolas (doué autant que son père...). Les marches dans les rues, les rencontres, et ce moment où on évoque ses bulletins dans son ancien établissement... Dans la vidéo il évoque le pont de Constantine (dit des suicidés, d'ailleurs, car haut - et tentant pour les déprimés...), où parfois il fut tenté de (au moins) imaginer ce que ce serait de sauter. Il y a une phrase de lui (empruntée à Simone Signoret mais reprise à son compte) qu'il est bon de noter "Je ne désaime pas" (il le disait notamment à propos de ses liens maintenus avec son ex-femme Sophie Daumier).
Bien sûr, il y a eu certaines déclarations de lui, ou certains positionnements, que je n’ai pas appréciés. Peu cependant.
Mais j’efface. Je garde le reste. L'essentiel. La générosité chaleureuse, la brûlure intérieure de l’exilé fidèle à ses racines. Lui qui, comme le dit son fils dans un de ses messages très émouvants, avait près de lui une photographie d’Albert Camus, signe d’une adhésion éthique et affective, une proximité de coeur avec un frère de terre. Une fidélité, là aussi.
Ce natif d’Algérie, était un écorché vif pour plusieurs raisons. Blessures familiales d’enfance et adolescence. Sans oublier des deuils (son ex-femme Sophie Daumier et son fils Philippe, qu’il avait adopté). Mais aussi la cassure qu’est pour tous l’exil du lieu de naissance. Il a gardé toujours de l’amour pour le pays natal, et pour les peuples d’Afrique du Nord. Il se disait plus proche de Camus que de Macias, marquant ainsi des liens - complexes - avec sa communauté de naissance. Révolté par les injustices sociales, le racisme et l’antisémitisme, ayant un regard critique acéré sur les politiques, personnalités et institutions. Il a été un excellent humoriste, qui compte, et un très bon acteur. Son goût de la vie le rendait capable de faire partager des élans humanistes et une vitalité contagieuse.
Celui qui écrivit dans un livre (« Je craque »), « Arrêtez le monde, je veux descendre », est mort, à 85 ans, sans que le monde se soit arrêté… Monde qui gardera mémoire de ce qu’il fut, et trace de son art, notamment aussi dans ses films, dont des scènes sont des séquences qui marquent l’art des comédies. Comme celles des films où Marthe Villalonga (pourtant de la même génération, à deux ans près, vieillie pour cela) arrive à se mettre dans la peau de sa mère (envahissante comme il se doit pour une mère méditerranéenne, et utilisant l’accent pied-noir pour accentuer l’effet du rôle). Scènes qu’on dit « cultes » dans les deux films « Un éléphant ça trompe énormément » et la suite « Nous irons tous au paradis ». Films dont les acteurs masculins forment une équipe cinématographique et amicale. Guy Bedos avait commencé sa carrière d’acteur dans un petit rôle d’un film de Marc Allégret, et il a continué de jouer avec des cinéastes importants, cependant il préféra un cinéma populaire aux films de la Nouvelle vague. Acteur, mais aussi scénariste, comme pour « Draguées au poivre » de Jacques Baratier.
Mélancomique... Ce mot créé par lui (son "Journal mélancomique"...) correspond totalement à ce qui émane de lui, qui inspire une sorte de tendresse protectrice, de celle que lui porte son fils.
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L’hommage de son fils…
"Il était beau, il était drôle, il était libre et courageux. Comme je suis fier de t’avoir eu pour père." Message de Nicolas Bedos. Le Figaro...
Et…
"Papa,
Une dernière nuit près de toi. Des bougies, un peu de whisky, ta main si fine et féminine qui sert la mienne jusqu’au p’tit jour du dernier jour. Ton regard enfantin qui désarme un peu plus le gamin que j’redeviens. Au-dessus de ton lit, un bordel de photos, de Jean-Loup Dabadie à Gisèle Halimi, de Desproges à Camus en passant par Guitry. Ça ne votait pas pareil, ça ne priait pas les mêmes fantômes, mais vous marchiez groupés dans le sens de l’humour et de l’amour. »
"Faut pas mégoter son chagrin". La lettre de Nicolas Bedos à Guy, son père. Le Figaro...
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LIENS
Vidéo-montage de passages sur la mort (et plus...). Ce que Guy Bedos en disait... Sur la page, ensuite, une liste de vidéos, des moments divers de Guy Bedos...
Guy Bedos est mort, la mauvaise blague. Ouest-France…
Guy Bedos rejoint le paradis des artistes. Son affection pour l’Algérie était sans limites. El Watan…
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