À L'Index n° 46 (1). Poésie...
24/06/2023
À L’Index n° 46, premier compte-rendu, pour commencer… de cette revue portée par l'attention du poète et éditeur Jean-Claude Tardif.
Je reviendrai rendre compte de ma lecture des textes de ce numéro, très riche (voir les noms sur la couverture : auteurs francophones et auteurs traduits…). Pour l’instant je ne partage que ma participation dans ces pages (extraits ci-dessous), dans le sillage du Marché de la Poésie (où je serai au stand d’Unicité, n° 706, le vendredi 9 de 17h30 à 18h30 environ. J’y repasserai plus tard, le dimanche au moins).
Je suis présente dans la revue 46 pour un poème, une réflexion-méditation et une recension.
… Poème. Regarder (en exergue Val del Omar : lui emploie le terme de Dieu, qui n’est pas dans mon vocabulaire, mais je le comprends à ma façon, un sens plus ample – et je crois que pour Val del Omar c’est ainsi qu’il faut l’interpréter).
… Réflexion-méditation, L’ample. Exergue autre, un peu détourné, mais le texte dit comment.
… Recension. Lecture d’un recueil de Michel Diaz , pas le plus récent, mais comme c’est la première fois que je présente un livre de lui dans À L’Index, ce livre essentiel s’imposait :
Lignes de crête. Ce poète a publié de nombreux recueils et livres d’artistes, et pour moi c’est une œuvre phare.
Regarder, poème
Dieu écrit avec des bactéries et des galaxies ; et nous sommes aveugles.
José Val del Omar, 1904-1982. (Cinéaste et poète espagnol né à Grenade)
Escritos de técnica, poética y mística (inédit en français, trad. exergue MCSJuan)
...
Les yeux se ferment
au triomphe des ombres
mais rêvent d’ombre qui fasse sens.
Ils refusent la fraude du regard qui ment,
élisent une péninsule d’imaginaires rivages incandescents
ou une île de nuages intérieurs,
fluide réalité.
[…]
Crucial moment de l’œil qui sait plus que la main
et lit les phrases du Tout.
L’œil tutoie le vent océan,
les vies, jeu scénario.
[…]
Toi, si tu regardes, tu traces en toi des galaxies,
un arc-en-ciel de sens.
.
Et même sans yeux l’âme regarde.
………………..
Texte, prose.
L’ample, le vaste…
.
La vie augmente (poème)
Eugène Guillevic, Gagner
Guillevic, dans son poème, oppose, à ce qui est ou pourrait être vaste, l’augmentation de la vie, le prix des choses qui rend …tout simplement […] difficile / De vivre simplement.
Mais on peut interroger le vaste du vécu, des perceptions, d’une compréhension des dimensions amples de la vie, dans les faits du quotidien, "simplement", y compris dans une frugalité qui ne soit pas le manque absolu du dénuement matériel…
[…]
La vie ample c’est quoi (et vécue par qui) ? Qui, car il ne peut y avoir d’amplitude vécue qui ne soit perçue dans l’évidence d’une conscience du vaste. Rûmi nous dit de ne pas nous penser comme la goutte dans l’océan mais comme l’océan des gouttes. Pas plus vaste comme métaphore...
[…]
Mais le vaste c’est, aussi, en nous, un centre précieux, rejoint en suivant la voie des sages.
[…]
Voie des sages ou voix subtile des animaux (animaux de pouvoir, savent les chamans...). Penser la vie, et penser la mort. Oser penser l’autre face du réel…
………………..
RECENSION (Extraits)
Lecture de Lignes de crête de Michel Diaz, Alcyone, 2019.
En exergue au préambule, Thérèse d’Avila et Kant, citations qui traduisent notre faim intérieure, et dans le corps du texte des lignes d’Alain Freixe (extraites de Comme des pas qui s’éloignent). Que dit ce préambule, qu’annonce-t-il ? Un questionnement, une recherche comme en apnée, où l’attention à la solitude saturée de présence que révèle la marche, est celle de l’écoute du monde invisible où s’enracinent nos pensées les plus archaïques et dont nous recherchons toujours la clé.
On retrouve, relisant ces pages, un désir de déchiffrement présent dans bien d’autres textes du poète. La démarche est éclairée aussi par la brève postface où l’auteur dit le rôle de la marche dans l’émergence des textes, et celui des alchimies imprévisibles de la songerie.
Le livre est divisé en quatre méditations, offertes à Walter Benjamin, Friedrich Hölderlin, Claude Cahun, et Alejandra Pizarnik. On comprend pourquoi le préambule parle du risque de bascule dans des chaos de ténèbres, et pourquoi la postface mentionne la douleur inexprimée.
[…]
Compréhension intime qui fait que Michel Diaz tutoie Hölderlin en ami, en poète sachant ce que l’écriture qui exige rejoint aussi d’ombres douloureuses en soi :
tu questionnes ce nœud d’angoisse / où le sort t’a jeté
Et pourtant, que ce soit pour Walter Benjamin ou Friedrich Hölderlin, derrière le désespoir s’inscrit la présence de ce qui permet quand même d’entrevoir un autre espace.
[…]
Douleur aussi chez Claude Cahun, dans sa soif de liberté. La folie, elle l’a croisée pendant l’enfance, dans celle de sa mère. Mais c’est la guerre qui l’a affaiblie et qui la fera mourir relativement jeune. L’injustice nommée dans le premier texte c’est l’oubli de l’artiste et poète, retrouvée récemment. L’auteur répare l’oubli...
Il faudra bien un jour, dis-tu [...]
que se lèvent ces mots qu’a semés ta parole.
[…]
Le dernier texte du recueil est toujours pour Alejandra Pizarnik, elle dont il lui dit que La mort est une grande malle en sommeil dans la chambre de ton poème. Mais de ces mots
sidérés et sidérant le regard de celui qui
les lit, Michel Diaz demande s’ils peuvent
nous consoler. Et de quoi ?
Paradoxe, que les mots des chagrins et peurs, des solitudes, puissent être consolateurs ? Ou justement est-ce parce que nous retrouvons en nous les mêmes interrogations et qu’on reçoit un baume en lisant celui ou celle qui a affronté ses ombres (comme le fit Rimbaud dans Une saison en enfer, que lut Alejandra Pizarnik).
Consolés ? De quoi ? Il répond.
Peut-être de devoir, face au miroir énigmatique, interroger toujours, sans détourner les yeux, la face sombre du destin.
[…]
Superbe recueil, haute pensée…
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Lien NOTE À l’Index 46. SUITE... http://tramesnomades.hautetfort.com/archive/2023/08/02/a-...
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