René-Jean Clot, Une Patrie de Sel, ou le souvenir d’Alger. Douleur d’exil, force de créer (l’écrivain, le peintre)...
04/07/2020
Pour chaque être, dans la distance, se réconcilier avec ce qui l’a fait souffrir à un moment de sa vie est la vraie porte de la Connaissance, la seule voie pareille à un acte de vertu juste et bon.
René-Jean Clot,
Une Patrie de Sel, ou le souvenir d’Alger (excipit)
Librairie Bleue, 1992
Peintre (dessins, gravures, lithographies), romancier, poète, René-Jean Clot, natif d'Algérie (1913-1996) a réalisé une œuvre ample. Une quinzaine de romans publiés chez Gallimard, plusieurs chez Grasset (dont L’enfant halluciné), et quelques recueils de poèmes (publiés par Charlot (Alger), GLM (Paris), et L’Âge d’homme pour Peindre la mémoire en bleu, des nouvelles et fragments publiés par Maren Sell (La Neige en Enfer). Ses dessins sont impressionnants, sombres, profonds, d’une troublante vérité. Son œuvre a été commentée par des auteurs divers, belles rencontres, comme celle du regard de René Guy Cadou sur ses peintures.
Vocation d’enfance, sa peinture, il y fait allusion quand il parle de Salons où il expose avec d’autres et qui lui font ressentir une sorte d’amertume, l’impression de la trahison du rêve de l’enfant peintre. Il y a une sorte de douleur dans son exigence. Mais aussi une adoration intense exprimée dans des portraits. La peinture change les émotions.
Il le dit dans un ample poème dédié au peintre André Sablé
(en partage complice). Texte publié dans le numéro 44 des Cahiers Bleus qui lui fut consacré. en 1988 :
"Essaie de peindre sans remords
Une douleur plus forte
Que ton cœur chagrin
Peins-la pour en faire une joie."
Et tout le reste du poème est comme un superbe manifeste pour une peinture qui transcende le réel, et met la lumière sur la toile.
Mais dans ce livre d’à peine une cinquantaine de pages (la moitié en texte) il parle d’abord d’exil, et d’ostracisme vécu, de chagrin (c’est un écho au livre d’Aziz Chouaki, Les oranges). De la souffrance il dit qu’on peut en faire "un bien spirituel". Et que son chagrin lui donne "une leçon d’ordre moral". Il écrit en pensant "sur un fond de désespoir". Quand on lit René-Jean Clot, là et ailleurs, on trouve des textes d’une lucidité grinçante, une poésie de l’humour noir, dans certains fragments, et une poésie du visible. Il en parle dans ce livre où pourtant le sujet est de dire une colère métamorphosée en sagesse distante :
"Il faut se satisfaire du visible quand on est peintre, c’est avec le visible qu’on ressent le besoin d’un au-delà".
Il y a en lui le désir d’une éthique spirituelle, le goût du mystère métaphysique, alors qu’il écrit aussi des récits aux parts sombres, et peint des figures dont certaines sont belles mais effrayantes. Il y a chez lui le sens du tragique, et cela se voit dans les lithographies de groupes humains, scènes de la vie et drames de la vie, comme la série qu’on peut voir notamment sur le site livre-rare-book.com, et quelques-unes sur des sites de galeries. ("C’est l’injustice, écrit-il dans cet opuscule, qui rend la vie tragique, pas la perspective de la mort"). L’art qui l’intéresse passe par les sens, la peau. Ce bref ouvrage donne des clés pour comprendre l’œuvre (peinture, romans, poésie). Il a de la création la même conception que Rilke (comme celui-ci l’exprime dans les Lettres à un jeune poète). Clot aussi parle de "nécessité". Il écrit ceci, déjà, sous le titre Le cœur pourpre (fragments cités dans les Cahiers Renaud-Barrault N° 38, 1962, et repris dans la revue Cahiers bleus N° 44) :
"Trop d’art est un piège, pas assez un attrape-nigaud. Seule la nécessité est de règle. Regarde comme font les fontaines quand la soif s’étanche sur elles".
"Visionnaire énigmatique", dit de lui Le Monde, dans l’article sur le Prix Renaudot attribué pour L’Enfant halluciné. Et en conclusion : "sa passion unique : le service de l’art".
Libération, à sa mort, dit de lui qu’il exprimait la volonté de faire de l’écriture une "réparation" pour "donner une forme plus noble à l’échec humain". Une vision pessimiste mais de l'espoir dans l’art.
Les livres publiés chez Grasset succèdent à vingt ans de silence volontaire, après la série des romans chez Gallimard.
Lire de lui… Un amour interdit (livre hypnotique pour Dominique Daguet, auteur de deux essais sur René-Jean Clot - dont le très beau René-Jean Clot ou les ténèbres hallucinées - éditeur de ce volume et de la revue-somme sur lui. Lire Charhouz le Voyant, L’Enfant halluciné… Et les recueils de poésie. En plus de cet ouvrage de quelques pages… Mais aussi, pour mieux comprendre son art et sa pensée, Le cœur pourpre, qui fut édité par Pierre Cailler (Genève), éditeur qui voulait documenter et archiver la mémoire des artistes, leur conception de l'art.
recension © MC San Juan
LIENS (galeries, sites, articles, éditions, fiche)…
La Potinière...
AMAC, galerie de Chamalières...
Galerie Gabrielle Laroche, Paris...
Les plus nombreuses lithographies de René-Jean Clot (de très belles, et qu’on peut voir en grand en cliquant sur l’image…) sont sur le site livre-rare-book.com Malheureusement le lien est très long et le raccourci ne donne rien. On les trouve sur la Toile, avec la recherche "lithographies, René-Jean Clot", et c'est dès la première page, un des premiers liens (recherche plus efficace que sur le site lui-même sur le site lui-même… !).
Musée privé, liste de lithographies...
Plus une page avec la reproduction de L’enfant malade...
L’article de Libération à sa mort...
L’article du Monde pour le Prix Renaudot à L’enfant halluciné...
Page Gallimard (bibliographie)...
Page Grasset (bibliographie)...
René-Jean Clot, fiche wikipedia...
De (et sur) Dominique Daguet (poète, revuiste, éditeur), soutien indéfectible de René-Jean Clot. Page du Capital des mots... Poèmes et bio-biblio...
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