Méditation... "il ne demeure ici que la colline".
27/05/2019
"S'envolant haut, tous les oiseaux ont fui ;
S'engageant seul, un nuage lambine.
A nous fixer tous les deux sans ennui,
ll ne demeure ici que la colline."
Li Bai (701-762)
Louis Chevaillier, dont c'est la rubrique, a choisi, pour ce numéro sur la méditation, ce poème qui fait partie d'une anthologie de textes traduits du chinois. Sa brève présentation dit l'essentiel. Ce qui disparaît, laissant seulement la colline, c'est l'ego du poète.
Pour une pensée "entre taoïsme et bouddhisme", cette "disparition", cet écart, est un des buts de la méditation tchan (ancêtre du zen), une des formes évoquées dans ce numéro, qui fait un parcours assez complet de ce qu'on peut mettre derrière le mot de "méditation".
De la pratique intensive des méditants (ancrée dans une spiritualité, une culture) à la recherche plus superficielle d'un bien-être physique et
psychologique. (Recherche d'ailleurs parfois vaine, même si beaucoup sont satisfaits par ce qu'ils y trouvent, car la méditation peut provoquer des remontées de mémoires douloureuses, de traumatismes, et des remises en question qui seront très loin d'un quelconque confort. Le but n'est pas de laisser dans l'illusion...).
C'est un extrait de "Siddartha", d'Hermann Hesse, qui sert d'éditorial. La bd verticale fait un historique (vulgarisation). Le grand entretien est celui de Christophe André, qui conclut en se référant à la conception d' André Comte-Sponville, celle d'une spiritualité laïque, hors dogmes religieux. Car, dit Christophe André, la méditation "peut aider notre esprit à se confronter aux absolus - la vie, la mort, l'infini." Et nous sommes "des êtres spirituels confrontés aux mystères de l'existence." Pas pour s'extraire du monde, non. Il parle plutôt de "communion avec le monde". D'autres articles présentent des points de vue divers, comme le regret de l'oubli des sources (bouddhisme notamment) dans des pratiques à la mode (et parfois un "commerce" de la méditation). Les études scientifiques sont longuement évoquées.
Deux textes. notamment, sont à lire avec attention. Précieux...
... Celui d'Hervé Clerc, auteur de livres sur le bouddhisme. Il explique sa pratique, simple (une attention à la respiration), parle du "témoin" en nous dans la méditation, qui, dit-il, "vous conduit sur la margelle du monde, à l'écart de la beauté et de la douleur, à l'écart du moi." Il insiste sur la régularité, le silence ("Surtout du silence, pas de musique"), et conclut par cette formule, qu'il emprunte (en partie...) à Marguerite Yourcenar : " Méditer, en réalité, c'est vivre 'les yeux ouverts' ".
... L'autre texte que je retiens aussi particulièrement est le témoignage de Yuval Noah Harari, auteur connu de "Sapiens, une brève histoire de l'humanité", et dont le dernier livre est "21 leçons pour le XXIè siècle". Il a découvert très jeune, à vingt-quatre ans,la méditation Vipassana (l'attention au souffle qui passe par les narines, puis aux sensations du corps et aux idées et émotions qui traversent l'esprit et sont ressenties dans le corps - juste percevoir et lâcher). "Observer simplement la réalité de l'instant présent." Et lui aussi dit ceci de la méditation, rejoignant d'autres contributeurs.: "Loin de fuir la réalité, elle me met en contact avec elle".
LIEN. Le Un, numéro 248, sur la méditation ("Soyez zen")…
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