PARCOURS rapide de quelques livres… Alain Breton, Jean-Pierre Otte, Luc-André Sagne, Myette Ronday… Et… Solidarité (Pour Ashraf Fayad, poète prisonnier, livres, infos action, liens. Plus poème dédié, de Marie-Claude San Juan)…
30/07/2022
Quand on court contre le temps on a toujours du retard dans ses lectures, ses écritures, et tout le reste… Mais au moins poser un parcours. Rendez-vous avec des livres…
Donc lire..
Alain Breton
Premier recueil de poèmes de lui que je lis. Mais j’avais déjà découvert plusieurs de ses textes dans diverses anthologies (du Nouvel Athanor, notamment) et avoir l’intention d’en lire plus.
Intriguée par le titre, Je serai l’assassin des asphodèles, éd. Les Hommes sans épaules, 2022
Elles sont assez belles ces fleurs, fréquentes en bords méditerranéens, les asphodèles. Mais la mort, c'est elles qui la marquent. Au moins dans la culture antique (et parfois encore comme par une mémoire culturelle inconsciente), fleurs pour orner les tombes. Les tuer serait-ce tuer la mort ? En acceptant que la poésie soit (comme le dit Roberto Juarroz, cité en exergue principal) une forme de folie qui nous préserve du bon sens et des stupides idoles qui dévorent la vie des hommes. Et ainsi... qui nous permet de vivre et de mourir en tant que nous-mêmes. Le sujet de la mort est bien là. Celle qui nous guette, celle qui environne, celle que la société veut éloigner, celle qu'en fantasme on se souvient d'avoir vécue, habitant l'histoire en personnage du passé, celle de l'image des Érinyes / dans chaque gare... Celle que les humains infligent ainsi que firent nos ancêtres (mais...). Mais, car le monde est autre, cruel autrement. Cependant s'il y a présence du tragique des vies, il y a, en contrepoint, l'art des oiseaux. Métaphore de plus de sens.
Parcours rapide. Mais assez pour grappiller des fragments, y revenir, et noter qu’il aime citer (j’ai lu et relu les autres exergues…). Assez aussi pour avoir senti l’esprit, comme un voyage intérieur, s’interrogeant sur les émotions qui donnent épaisseur à tout ce que l’on vit, et, en arrière-profondeur de pensée, regardant comme de haut tous ces instants, ces bribes d’itinéraire, cherchant le sens, et la liberté intérieure qui se construit avec et contre le temps. Mais, comme le dit en exergue Marie-Claire Bancquart, éclairant le poème qui suit, p.135 (Nulle route que vers le dedans), le voyage est intérieur, pour se demander où avoir eu lieu (p.170), et se définir en poète visiteur du cri (p.178)
Citations…
Un jour je parlerai de choses et d’autres
car je n’ai pas promis
(Ces deux vers, p.11, suivent le titre Comment édifier un précipice, et l’exergue d’Alain Simon, dont je copie la dernière ligne, je viens pour seulement les philtres). On a le programme intime de l'écriture, sans obligation, mais avec un risque pris, ce précipice dressé dont on peut tomber, mais si la poésie s'autorise une forme de folie (Roberto Juarroz), elle a sa magie, ses philtres (Alain Simon). Mais les philtres, c'est Alain Breton qui les crée. Et ils ont leur efficacité, comme le démontre la postface d'Odile Cohen-Abbas, car elle voit aussi la face lumineuse qui vient de ces créations voyageuses, de ces rêves dont l'amour n'est pas absent.
Qui suis-je
même pas le mangeur de ciel
Plutôt de la lignée des Poissons
une simple arête qui clame la jetée
et donne écriture aux planètes
(p.53)
J’ai vieilli je ne dépends plus que de mes souvenirs
et de l’herbe si lente après la nuit
(p.93)
Et je ne savais pas
que ma vie irait toujours au poème
pour ne surtout rien comprendre
sauf la magie
(p.136)
Page de présentation sur le site de la revue HSE, Les Hommes sans Épaules … (revue, voir plus bas, aussi, présentation d’Ashraf Fayad, et des poèmes de lui dans ce numéro 53 sur lequel je reviendrai plus tard)… http://www.leshommessansepaules.com/auteur-Alain_Breton-4...
Page édition, le livre… http://www.leshommessansepaules.com/livre-Je_serai_l_assa...
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Sur les chemins de non-retour, éd. de Corlevour, 2022
Titre qui fait penser, déjà, qu’on trouvera une interrogation. Que peut être ce non-retour ? Serait-ce un voyage intérieur qui transforme au point de tout quitter, tout changer ? On entend le mot irréversible en cela. Un texte, sorte d’avant-propos, indique que les poèmes du recueil traiteront de disparition (toutes les formes, du départ à la démence amnésique). Mais le sens en est aussi une dépossession (de tout, de soi), pour atteindre soi, mais autre. Profondeur de la démarche, inscrite dans une écriture où le peintre n’est jamais loin (il l’est). Et un des textes en italique (ces textes entre prose et vers qui paraissent rythmer le recueil de notes narratives séparant les poèmes) semble un autoportrait décalé et ironique. Les poèmes sont comme ciselés par un analyste de son propre chemin de vie vers cet être définitif à l’horizon, et un vivant désirant…
épuiser les possibles, dans un excès de réel (dernier poème)
Citations…
Par degrés indifférents nous en sommes arrivés
au temps des éclipses et des effacements (p.11)
.
Cela qui est vraiment nous en nous-même,
et que l’on nomme l’âme, l’image de soi, (…)
je le vois assez comme une algue (p.48)
.
Et pourtant, quelque chose en nous vient en retard,
qui empêche d’atteindre enfin à son être définitif. (p.49)
.
(…) il faut se tâter à l’endroit des cicatrices de jadis
(…) Ou alors, s’en remettre au hasard, à ces mains gantées
qui jouent aux osselets dans l’ombre (p.62)
.
La mort est-elle l’ultime guérison ?
À l’extrémité du monde, il y a
un grand miroir qui nous rabat en arrière,
et qui dit assez que l’âme est le rêve de la chair. (72)
Page de l’édition… https://editions-corlevour.com/produit/sur-les-chemins-de...
Présentation, Les Hommes sans Épaules… http://www.leshommessansepaules.com/auteur-Jean_Pierre_Ot...
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Luc-André Sagne
Plusieurs recueils chez Encres vives… https://encresvives.wixsite.com/michelcosem/catalogue-1
Écrit sur le sable, éd. Les Lieux dits, 2022, coll. Cahiers du Loup bleu (collection dont j’aime qu’elle emprunte l’idée de son nom à une citation de Stephen Jourdain). Je n'ai pas réussi à trouver en ligne la reproduction de la couverture, sobre.
Ce recueil est un murmure délicat, parole toute en subtilité, méditation entre silence et écoute, de soi (rêve, émotions, pensée), de la nature (ciel, arbres, océan, couleurs). Ce que l'on écrit sur le sable se disperse au vent, mais on écrit par conscience de ce qui s'enfuit, trouve le silence. Et en même temps c'est une écriture ancrée dans la force matérielle de ce qui est.
Citations…
Le soleil sur l’océan
noue ses cordages à l’envers
et vient se poser dans tes paumes
.
Dans la nuit de l’océan
le nœud sacré que la parole dénouerait
si faire silence n’était pas la règle
.
De sable et d’eau faire de sa vie une traversée
Voir, sur Terre à ciel, un entretien avec l’éditeur, sur cette collection.
L’intention éclaire la qualité des choix.
L'édition...https://www.lieuxdits.fr
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Un héritage d’amour, éd. Complicités, 2022
Le titre m’aurait peut-être rebutée si je n’avais lu (et apprécié) des poèmes de Myette Ronday dans la revue À L’Index, en contradiction avec toute posture de mièvrerie sentimentale. Dans ce titre compte le mot héritage. Cette fiction plonge dans l’Histoire avec H majuscule. En exergue, une citation de Marie-Louise Von Franz (Reflets de l’âme). Est éclairant, ce choix. La pensée de cette collaboratrice de Jung, interroge dans cet ouvrage le phénomène de projection, notion psychanalytique importante, permettant de montrer comment on voit chez l’autre des parts de soi non suffisamment sues, ce qui fait comprendre les forces inconscientes dans les conflits comme dans les passions. Et ainsi que le dit la citation en tête du livre, les échecs et tragédies concernant les liens amoureux. Mais elle dit aussi, cette citation, l’enjeu de la dimension d’éternité qui habite l’amour (question d’âme). On devra lire en ayant cela en mémoire. Cependant, comme je ne recense pas les romans ce n’est pas le récit fictionnel qui m’intéresse là, et je ne mentionnerai pas le sujet, sauf pour dire que c'est lié à la seconde guerre mondiale, et que c'est une sorte d'enquête à triple sens. La couverture en révèle un aspect. Le langage, les mots, le non-dit, et les traces écrites, tout cela est sujet autant que ses personnages.
J’ai cherché dans ce livre l’écho de l’écriture des poèmes.
Citations…
La luminosité, de jour en jour plus parcimonieuse, rétrécissait encore comme la pulpe qui sèche autour du noyau. Le royaume de l’ombre et de l’humide s’étendait. Seul midi pouvait être d’or. Sauf si le soleil s’offrait en hostie voilée par une brume paresseuse.
.
La nuit était si opaque qu’elle lui collait au corps, lui collait à l’âme.
L’édition… https://www.editions-complicites.fr
Page sur Babelio.. https://www.babelio.com/livres/Ronday-Un-heritage-damour/...
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SOLIDARITE. INFOS et ACTION… (puis poème dédié, MC San Juan)
MISE à JOUR... Ashraf Fayad a enfin été libéré... automne 2022.
ASHRAF FAYAD, poète palestinien longtemps prisonnier en Arabie saoudite, pour ses poèmes (libéré, avec retard, alors qu’il était libérable depuis des mois).
Voir, marge gauche du blog, note-vignette (cliquer sur l’image ou la légende-titre pour ouvrir) et liste de liens (un peu plus bas), dont au moins une de mes notes.
Vignette marge gauche,aussi, lien vers la page de la revue italienne La macchina sognante, qui a publié, en version bilingue, mon poème dédié.
Le numéro 53 de la revue Les Hommes sans Épaules consacre quelques pages à Ashraf Fayad, présentation et extraits de poèmes. Revue qui ne l’oublie pas (mentions antérieures faites déjà sur ce blog)... http://www.leshommessansepaules.com/auteur-Ashraf_Fayad-6...
Ses livres (traduction Abdellatif Laâbi)…
Instructions à l’intérieur, éd. Le Temps des cerises, 2016… https://www.letempsdescerises.net/?product=instructions-a...
et Je vis des moments dificiles, éd. Maison de la Poésie Rhône-Alpes, 2019… https://blogs.mediapart.fr/herve-sanson/blog/021219/ashra...
ACTION : écrire un courriel de quelques lignes aux ambassadeurs d’Arabie saoudite (France, Belgique, Mission permanente de Genève), pour demander pourquoi il n’est pas libéré et dire son inquiétude. Action impulsée par des acteurs des droits humains marocains.
Adresses mails des 3 ambassadeurs d’Arabie saoudite (emb pour embassy) : en France = fremb@mofa.gov.fr / en Belgique = beemb@mofa.gov.fr / Mission à Genève = gassgemi@mofa.gov.sa et saudiamission@bluewin.ch
Si un mail ne passe pas, copie postale… adresses sur les sites des ambassades.
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La patience du feu, poème dédié (MC San Juan)...
// Solidarité, aussi, mon poème dédié à Ashraf Fayad – publié, version bilingue (trad. Sana Darghmouni), sur le site italien de littérature internationale, La macchina sognante (magazine co-animé par des auteurs et universitaires italiens, sous la direction de Pina Piccolo, lien plus bas vers la page…) // Voici :
.
Je lis un poème d’Erri De Luca,
dédié à un prisonnier.
Et, comme s’il regardait par la fenêtre dans sa cellule,
hors jours et lieux réels,
il le voit toucher un bout de bois,
de l’ongle et du temps.
Aucune fenêtre ouverte ne permettrait de voir
Ashraf Fayad
grattant peut-être un mur
de l’ongle et du temps.
Non.
Mais je l’imagine
luttant contre la fatigue des tristesses
avec des bribes de poèmes dans la tête,
ou des lettres
pesant le fardeau des jours et des jours,
lourdes aussi de distance, d’espace.
Je l’imagine entouré d’une foule invisible
de corps prisonniers et de corps libres,
fantômes qui nous hantent aussi,
fantômes que nous sommes aussi.
La peau d’un poète prisonnier
a l’épaisseur de mille mémoires,
en parchemin indestructible.
Ses yeux la profondeur des aveugles voyants,
éternels comme Rimbaud.
Ses yeux sont un miroir où la dictature se noie
et
se noiera.
Les mains se heurtent à la pierre des cellules,
l’esprit
NON.
Nos mots sont bouteilles à la mer.
Mais aussi pluie acide
décapant l’infamie
à force.
Nos mots, télépathiques gouttes de douceur,
traversent les frontières.
Nous errons dans l’écho de cris silencieux
mais nous sommes
le bruit
rempart.
Et nous marchons avec des paumes pleines de phrases
à jeter
au front des dictateurs.
Même en prison ton âme danse, Ashraf Fayad,
car les poèmes, avec ou sans dieux
(et peu m’importe)
valent chorégraphie d’être.
Ton âme danse
et je tutoie les âmes qui dansent,
avec ou sans le dieu des autres.
Car peu devrait importer à quiconque
qu’une pensée libre soit parole contraire
(dirait Erri De Luca)
et qu’elle ait la lucidité
de qui voit le sang du pétrole.
Et nous, foule autour de toi,
connus inconnus,
fantômes présents-absents,
non résignés,
non paralysés.
N’oubliant pas,
même les jours d’été au soleil.
N’oubliant pas.
Ni toi, Ashraf Fayad,
ni les autres emmurés du monde
victimes des tyrannies aux idéologies factices,
ces totalitarismes à peine masqués
qui se cachent parfois derrière un faux dieu sans transcendance.
Nous,
concernés,
impliqués.
Abasourdis par la cruauté du théâtre humain,
mais écrivant une autre pièce
dans l’urgence des mains tendues.
Nos murmures ont la patience du feu
contre toute puissance mortifère.
La patience du feu, poème dédié à Ashraf Fayad, Marie-Claude San Juan, version bilingue (trad. Sana Darghmouni), La macchina sognante… http://www.lamacchinasognante.com/la-pazienza-del-fuoco-d...
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parcours © MC San Juan
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