Théâtre. Le Mythe de Sisyphe d'Albert Camus adapté par Pierre Martot, au Lavoir Moderne Parisien...
14/02/2023
Il existe un moyen de peupler la solitude, et c'est le théâtre, sa mise en scène, son interprétation, son décor. Pour Albert Camus, c'était une vie multipliée à l'infini ; et l'amour de la vie trouvait à se satisfaire dans cette innombrable diversité de miroirs que présentait le théâtre. Jean Grenier, Albert Camus. Souvenirs
J’ai vu, début février, l’adaptation du Mythe de Sisyphe par Pierre Martot, au Lavoir Moderne Parisien. Lieu que je connais (cf. note précédente). Particulier, très dépouillé, dans un quartier très populaire du 18ème, Barbès-Château rouge.
Comme décor, là, seuls les murs, qui pourraient être des parois d’entrepôts vus du dehors, murs que la pluie aurait marqués. Le sol, les murs, lumière et ombre. Et l’acteur, seul en scène, avec le texte d'Albert Camus. Un texte qui n’est pas, on le sait, une pièce de théâtre. Mais méditation sur la condition humaine, ce qu’elle porte d’absurde, de désespoir, mais que l’écrivain de la lumière, de la beauté solaire, affronte pour l’inverser, puisque c’est, dans son œuvre, un point de départ, le support d’interrogations métaphysiques et de ce questionnement sur le choix qui est celui de tout être incarné : vivre, ou mourir. (La mort, finitude obligatoire et destin, étant paradoxalement ce qui peut faire choisir, par refus, le renoncement qu’est le suicide : et justement Camus affirme le contraire, le choix étant d’inscrire la vie, plus de vie, comme réponse à l’absurde). Cependant le questionnement, le doute, les hésitations, les craintes, tout cela est dit.
Lavoir moderne parisien… c’était début février. Reprise en préparation, autre théâtre… (Autres liens, fin de note)… https://lavoirmoderneparisien.com/
J’ai lu, sur La terrasse, un article qui dit que l’acteur incarne trois figures : l’acteur, « l’homme révolté », et l’écrivain. Dans la structure de l’œuvre de Camus, l’homme révolté (qui donne son titre à un autre essai, cycle suivant) est une réponse à l’absurde. Mais, évidemment les thèmes interfèrent (et les périodes d’écriture) et il y a, avec Sisyphe, une sorte de révolte contre le destin, au sens ontologique introuvable. D’abord question. Ensuite réponse. Derrière les mots de Camus et les questions de l’être humain en général, dont l’auteur porte la parole, on perçoit l’évidente implication de l’acteur partageant les interrogations, et pourtant il élabore aussi une distance : quelqu’un joue le texte de Camus, et « joue » avec le texte pour en faire sortir ce que lui en saisit. Mais l’acteur dérobe le Je de celui qui dit, corps présent. Pas de lecture (cela aurait pu être un autre choix et c’est presque figuré au début, avec la table) mais le texte est dit, mis en scène par la marche et les gestes dans l’espace nu. Parfois c’est illustrer une phrase en montrant ce que les mots suggèrent. On peut imaginer une autre traduction possible, aussi. Qui ne montrerait rien, et parfois c’est le cas : mots et silence. Le corps en scène a cependant besoin de faire image. Et que résonnent des instants gestuels. Parfois la voix enfle et devient cri. Moi-même j’ai trouvé le murmure aussi fort, préféré même cette force-là (c’est subjectif). Telle que, la voix fait sens.
J’aurais aimé qu’au début l’exergue de Camus soit dit, comme un sous-titre, car il résume tout ce Sisyphe camusien :
Ô mon âme, n’aspire pas à la vie immortelle, mais épuise le champ du possible.
(Pindare, 3ème Pythique).
C’est Pindare. Et c’est Camus se parlant à lui-même, dans l'envers et l'endroit des questionnements métaphysiques, les contradictions assumées.
Peu importe. Le texte est dit, lecture sonore (ou relecture et promesses de lectures à reprendre de ce texte et d’autres de Camus). Bien sûr, les passages du livre de Camus qui portent sur le comédien ont retenu aussi celui dont c’est le métier. Car le lecteur qu’a choisi d’être le comédien, premier temps (et on sent que ce fut l’opération centrale, cette lecture, d’abord) a mis en scène (avec la collaboration de Jean-Claude Fall) un texte dont il a tiré le livre qui lui importe, les questions et les pensées qu’il pouvait faire siennes comme acteur disant (et comme être humain avec ses questions sur la vie et la mort), mais aussi celles qu’il pouvait proposer aux spectateurs, leur suggérant indirectement d’aller voir si ce livre est aussi leur Sisyphe camusien. Salutaire message que le théâtre peut faire passer. Lire Camus… le relire.
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Le Mythe de Sisyphe, le livre d’Albert Camus…
À lire et relire dans Œuvres, Quarto, Gallimard.
Ou poche, Folio, Gallimard.
LIENS…
Le Mythe de Sisyphe au théâtre…
Note du journal La terrasse, par Anaïs Heluin… https://www.journal-laterrasse.fr/pierre-martot-met-en-scene-pour-premiere-fois-au-theatre-le-mythe-de-sisyphe/
Sur le site Arts Mouvants, Sophie Trommelin, qui a apprécié le travail du comédien, accorde aussi de l’importance au rôle de la lumière, à juste titre (opérateur lumière : Quentin Tartaroli)… http://www.artsmouvants.com/2023/02/le-mythe-de-sisyphe-dalbert-camus.html
Infos théâtre, texte de présentation… https://www.billetreduc.com/308468/evt.htm
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Pierre Martot, carrière (quelques éléments de bio sur deux sites)…
Lectoure… https://lectoure-voixhaute.fr/pierre-martot/
et
La Tempête, théâtre… https://www.la-tempete.fr/biographies/pierre-martot-1277
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Le LIVRE, survols en ligne…
France culture… https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-malheur-des-uns/sisyphe-ou-le-sens-de-l-absurde-1567151
Fiche Wikipédia. Le livre… https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Mythe_de_Sisyphe
Site, doc. philo. Commentaire et citations Extrait : « Pour Camus, Sisyphe est le héros ultime de l'absurde. Il a été condamné pour avoir défié les dieux et combattu la mort. Les dieux ont pensé qu'ils avaient trouvé une forme parfaite de torture pour Sisyphe, qui attendrait l'impossible, que la pierre reste au sommet de la montagne. Les dieux pensaient générer une frustration permanente, fondé sur l'espoir sans cesse renouvelé de Sisyphe. » https://la-philosophie.com/camus-mythe-sisyphe
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