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René Char, En trente-trois morceaux
29/06/2020 | Lien permanent
BEDOS, celui qui ne ”désaime pas”...
Je repense à son livre "Je craque", et au passage où il disait "Arrêtez le monde, je veux descendre !"... Son humour était le langage de certaines colères et l'écume détournée des chagrins d'un écorché vif (il l'a dit, que l'humour était un langage du désespoir). Un natif d'Algérie engagé contre toutes les formes de racisme, fraternel profondément. J'espère qu'on pourra revoir les films où il joue, avec des acteurs amis complices. Et revoir le documentaire de son voyage en Algérie, dans l'Est, avec son fils Nicolas (doué autant que son père...). Les marches dans les rues, les rencontres, et ce moment où on évoque ses bulletins dans son ancien établissement... Dans la vidéo il évoque le pont de Constantine (dit des suicidés, d'ailleurs, car haut - et tentant pour les déprimés...), où parfois il fut tenté de (au moins) imaginer ce que ce serait de sauter. Il y a une phrase de lui (empruntée à Simone Signoret mais reprise à son compte) qu'il est bon de noter "Je ne désaime pas" (il le disait notamment à propos de ses liens maintenus avec son ex-femme Sophie Daumier).
Celui qui écrivit dans un livre (« Je craque »), « Arrêtez le monde, je veux descendre », est mort, à 85 ans, sans que le monde se soit arrêté… Monde qui gardera mémoire de ce qu’il fut, et trace de son art, notamment aussi dans ses films, dont des scènes sont des séquences qui marquent l’art des comédies. Comme celles des films où Marthe Villalonga (pourtant de la même génération, à deux ans près, vieillie pour cela) arrive à se mettre dans la peau de sa mère (envahissante comme il se doit pour une mère méditerranéenne, et utilisant l’accent pied-noir pour accentuer l’effet du rôle). Scènes qu’on dit « cultes » dans les deux films « Un éléphant ça trompe énormément » et la suite « Nous irons tous au paradis ». Films dont les acteurs masculins forment une équipe cinématographique et amicale. Guy Bedos avait commencé sa carrière d’acteur dans un petit rôle d’un film de Marc Allégret, et il a continué de jouer avec des cinéastes importants, cependant il préféra un cinéma populaire aux films de la Nouvelle vague. Acteur, mais aussi scénariste, comme pour « Draguées au poivre » de Jacques Baratier.
21/06/2020 | Lien permanent
Jean-Claude Xuereb. Répondre aux questions graves...
Aux questions les plus graves, nous répondons, en fin de compte, par notre existence entière. Ce que l’on dit entre temps n’a aucune valeur, car lorsque tout est achevé, on répond avec l’ensemble de sa vie aux questions que le monde vous a posées.
Sándor Márai, Les Braises
En exergue à son ouvrage, Le jour ni l’heure, Jean-Claude Xuereb a choisi de poser cette pensée profonde d’un écrivain hongrois au destin douloureux, dans les secousses de l’Histoire, Sándor Márai. Antifasciste qui doit fuir son pays, puis homme inquiet et déçu quand le régime communiste s’installe en Hongrie. Longtemps méconnu, puis enfin révélé. Solitude et deuils, et permanence d’une cohérence, d’une fidélité à ses valeurs.
Jean-Claude Xuereb nous parle évidemment à travers cela. Lui aussi l’Histoire l’a bousculé, lui aussi vit des deuils (c’est évoqué dans certains poèmes du recueil, et se croisent là mots pour dire attachements et mémoire, mots pour questionner la vie, le sens). Les années passant, nous dit-il à travers le choix de cet exergue, on pense au bilan de sa vie, de son oeuvre : comment a-t-on répondu aux épreuves, aux événements, quelles réponses a-t-on données pour dépasser les traumatismes et échapper aux pièges des faux miroirs idéologiques? A-t-on su répondre, contre la haine des vengeurs dans les secousses du temps?
De belles rencontres : Albert Camus, René Char, Jamel Eddine Bencheikh… Et, en 1970, l’éditeur René Rougerie - auquel il rend hommage en lui dédicaçant un grand poème (« Job ou les avatars du corps-poème ». Titre où j’entends comme un écho des interrogations de Jean Sénac, terrien de la même Algérie méditerranéenne. En exergue, non au livre mais au poème, page 37, à côté de Raymond Guilhem (« Attrait du vide »… « Mon corps privé de lendemain »…« néant d’étoiles »… ), Albert Camus, fraternelle référence et… horizon philosophique qui veut dépasser le désespoir du vide et de l’absurde (étape et non fin dans le cheminement de pensée de l’écrivain philosophe), projet éthique de l’humaniste qu’est Camus (« Il faut imager Sisyphe heureux »). Le mythe camusien de Sisyphe associé à l’éditeur, et au « corps-poème », juste après la citation de Guilhem, pour qui « Un dieu ne tendra pas la main ». Comment, pour celui qui se dit (avec un peu de distance ironique) « mécréant », penser la fin de tout et de soi, la fin, comme celle de l’éditeur ami, René Rougerie? Et comment penser le retour de l’écriture, de poème en poème, de recueil en recueil? Le livre comme un mont qu’on gravit, un mont intérieur : à chaque fois autre et semblable dans l’exigence, Sisyphe reprend l’effort répété.
Mais Jean Rousselot écrivit « On peut mourir / la gorge obstruée par un cachet d’espérance » et c’est ce qui introduit le très beau poème « Pour ainsi dire », page 7. Refuser ce qui serait, pense-t-il (« mécréant »!) le mensonge d’un faux rêve. Mais regarder, à travers les objets qui sont là, ce qui est signe que « l’ancre » a été posée vraiment « au défi des exils successifs », que le soleil est amical (« comparse » comme l’amour).
Mais qui est, page 15, le « prophète / non reconnu des siens »? Est-ce le poète, dont « la trace messagère » n’est pas suffisamment comprise, les poètes étant souvent voués aux signes « que nul ne déchiffre »? A ces « lointains d’indicible »? (Comme l’écrivain Sándor Márai le fut longtemps).
Ceci est aussi l’exil, ou une conséquence de l’exil.
Méditation devant le miroir, page 18, pour questionner « le sens du verbe ‘réfléchir’ » et chercher en soi l’être essentiel derrière un reflet ou ce qu’on perçoit comme masque de soi-même (car le temps altère le visage, et se reconnaît-on?). Alors qu’en soi c’est « un enfant qui pleure » les deuils (page 65), mais un enfant qui a gardé le privilège de l’accord avec le soleil natif, retrouvé où qu’il soit.
Est-ce surtout le poète, ou surtout, simplement, l’homme de chair, le père, le grand-père (poème offert à ses petits-fils, page 21) qui hésite entre l’effacement (page 56) et la trace (page 57) ? « Il faudrait se délester pas à pas » écrit-il page 60.
Alors que (exergue, page 53, Léon Tolstoï, « Les hommes sont comme des rivières »). Mais, « coup de dé » le hasard a fait naître dans un lieu dévasté par les « purulences de l’Histoire ». Oui, Algérie native, longue guerre, conflits et terreurs, déchirements, exil. Plusieurs textes l’évoquent, si on sait, et c’est un balancement entre mémoire d’autrefois et mémoire de retour, pour un « site revisité ». Importance des lieux, comme ce Ravin de la Femme Sauvage, évoqué dans ces « Horizons de l’enfance », page 49. Mais. « je n’ai reconnu que le ciel »… Importance des êtres : Augustin « mon frère de Thagaste et Carthage », page 45. Repère. Augustin, frère de cette « Terre violente » (page 46), violente mais « Terre d’amour »… Pour laquelle la mémoire est déchirée par les souvenirs de supplices.
René-Jean Clot chanta sa douloureuse « ...Patrie de Sel », Albert Camus grava, dans le temps d’une guerre que l’on peut penser aussi comme guerre civile, ses « Chroniques algériennes » de dénonciation de l’injuste. Et je pourrais citer une litanie de témoins (Pélégri, Roy, Cardinal, Roblès, Audisio, Marcello-Fabri, Sénac, Vircondelet, et Dib, Feraoun, Haddad, Boulanouar, Yacine, Azeggah, Djaout, Alloula, Gréki, Kréa, Martinez, Amrouche, etc.).
Jean-Claude Xuereb, lui, distille des inscriptions qui invoquent l’Histoire d’une terre, l’identité d’errants méditerranéens, ancrés ou déplacés. Et il le fait de telle façon que tout natif le reconnaîtra comme frère d’algérianité, mais que cette réalité est transmutée en vérité universelle sur la planète de tous les exilés. Nimrod, que je viens de lire, comprendrait. Tchad, Algérie, îles, lointain… qu’importe. L’homme qui écrit aime les arbres et les oiseaux, même s’il dit ne pas avoir réussi à les apprivoiser… ces oiseaux libres des jardins ou des chemins. Mais quand? Aux « horizons de l’enfance » d’avant ou de l’enfance en soi, qui perdure, avec les images de son ciel d’autrefois?
Magnifique ouvrage… Grande oeuvre. Impossible de lire dans l’ordre ces poèmes. Il faut tourner les pages et revenir en arrière pour saisir le sens de ce qui fait aller-retour et se cache puis se révèle… Et relire.
Chaque livre des poètes est un morceau de testament. Tout est présent à chaque fois. Plus ou moins consciemment. Et plus la vie avance et plus c’est le cas. Mais pour cet ouvrage c’est une évidence dès le choix de l’exergue. Ce qui compte le plus doit être dit. Ce qui dot être tracé doit l’être absolument sans attendre. Dire les proximités, les solitudes, les tensions de l’écriture (Sisyphe…!) pour capter même ce qu’on ne sait. Les mots, l’amour, le soleil, la mémoire des suppliciés. Parce que la révolte est aussi un devoir, celle de Camus, celle des Justes. Et c’est le camp de Jean-Claude Xuereb.
J’ai une tendresse particulière pour un recueil (qui semble épuisé chez Rougerie), « Pouvoir des clés », livre où il réaffirme le programme d’une écriture qui se veut « outil de lucidité » (page 25). Avec l’humilité de celui qui espère que les Clés s’ouvrent, pour « oser persévérer » à écrire. Car la poésie vient avec ses clés, ou pas : mystère du courage de poursuivre. Je retrouve dans cet ouvrage le « pays natal », le désir de la mer, le soleil, les oiseaux et les arbres. Et les questions « graves », incessantes, pour une ontologie de l’écriture et du regard sur vivre, être, passer.
Dans « Pouvoir des clés » les mots sont « lavés ». Dans « Le jour ni l’heure », encore plus, sont lavés les mots et l’être, le réel des paysages et des destins. La lucidité est affutée : encore plus. L’écriture demeure, le style est reconnaissable, mais l’intensité est autre : Sisyphe a gravi la montagne et le ciel des lieux est aussi un ciel du sens. Très grand livre, vraiment. Car le lecteur, qu’il soit mécréant ou mystique, sera, lisant, lui aussi devant un miroir et la buée du temps, vers l’inéluctable fin. Lui aussi devra interroger sa vie, ce qu’il restera de ses choix à sa mort(dont il ne sait ni "le jour ni l’heure"). Valeur. Traces. Et textes, s’il écrit.
(Et je ne peux que mentionner l’avant-propos, deux pages, au poème-livre d’Anne-Lise Blanchard, Le Bleu violent de la vie, éd. Orage-Lagune-Express, 2004. Texte émouvant, sur l’exil et l’héritage des blessures, la parole des générations qui suivent…)
Fiche wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Claude_Xuereb
Page sur le site du Printemps des poètes : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Claude_Xuereb
Dossier, revue Phoenix, Marseille, numéro 15, automne 2014. Commande possible de numéros antérieurs... SITE... https://www.revuephoenix.com
Page de blog, Jean-Claude Xuereb ou les saisons de passage,Abdelmadjid Kaouah (auteur d’une anthologie de la poésie algérienne, « Quand la nuit se brise », Points), Joha : http://wwwjohablogspotcom-kaouah.blogspot.fr/2012/02/jean...
Portrait fait par Jacques Basse (auteur d'une anthologie de poésie illustrée par ses portraits de poètes).. Sur Jacques Basse, fiche... https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Basse
Page sur Recours au poème (avec deux textes : Ce qui bouge, et Regain) : http://www.recoursaupoeme.fr/poètes/jean-claude-xuereb
Nombreuses pages correspondant à des parutions dans diverses revues de poésie, comme Sillages, Texture, etc.
LIVRES publiés par les éditions Rougerie... https://www.editionsrougerie.fr/catalogue
.... MISE à JOUR 03-06-2016... Jean-Claude Xuereb, par Jean-Louis Vidal. Coll. Présence de la poésie, éd. des Vanneaux... http://les.vanneaux.free.fr
...
texte recension © MC San Juan
03/05/2016 | Lien permanent
CITATIONS. L'intellectuel et l'actualité...
Des CITATIONS (de MILNER, CAMUS, DE LUCA, SÉNAC, CYRULNIK, ZAMBRANO, plus une phrase de l'éditorial de CHARLIE HEBDO, daté 20-02-19, texte intégral lisible en ligne, lien ci-dessous), citations que j'associe à l'actualité (complotisme, marges factieuses des GJ, recrudescence d'un antisémitisme assumé et affiché - souvent déguisé, d'ailleurs, en antisionisme...). Et (mise à jour du 1er mars 19), Romain GOUPIL, citation d'une tribune sur fascisme et anti-fascisme (alliance jaune-rouge-brun...).
... "La fonction politique de l'intellectuel c'est d'aller où la société ne veut pas ; c'est d'être impopulaire." Jean-Claude Milner (entretien avec Philippe Lançon, Libération, 20-21 juillet 2002...)
10/02/2019 | Lien permanent
Kamel Daoud, lire et relire...
Kamel Daoud est primé pour une reconnaissance de son oeuvre de chroniqueur engagé pour les droits humains. Lui préfère se dire « concerné », et, oui, il l’est. Oeuvre marquée par la publication d’un choix, ample, de ses textes dans « Mes indépendances », livre publié par Actes Sud. Superbe.
Que ses chroniques soient lues abondamment, elles qui mettent en scène, en quelque sorte, le balancement subtil entre le total "oui" à la vie et la tension du "non". "Mes indépendances". Magnifique écriture d'un grand chroniqueur (nouvelliste et romancier aussi), mais l'écrivain est complètement présent dans les pages profondes, brillantes, du journaliste.
Exercice de lucidité, processus de questionnement permanent.
La critique, si on lit bien, porte sur les failles des deux rives. Aucune complaisance. Lecteur idéologue ou paresseux, sauvez-vous. Car Kamel Daoud ne propose pas le confort mais la secousse. Il secoue les préjugés, regrette que l'Algérie de 62 n'ait pas eu son Mandela (car un peuple métis en serait né, et une culture plurielle aurait pu être assumée). Il revendique fortement son algérianité (qui passe notamment par la langue). Et dans ce vital ancrage il entraîne Camus, dont il espère que l'Algérie arrivera à récupérer ses "cendres", au sens symbolique, c'est-à-dire à le revendiquer comme sien, autant si ce n'est plus que la France. Cela fait des années que je lis Kamel Daoud, et que je lis les commentaires que ses écrits entraînent. J'ai l'impression que, malgré les attaques qui perdurent (sur des erreurs de lecture), de plus en plus des Algériens le soutiennent, le comprennent, l'admirent.
CITATION, article de Livres Hebdo : « L’écrivain et journaliste Kamel Daoud vient d’obtenir ce jeudi 20 juillet le 16e prix Livre et Droits de l’Homme de la Ville de Nancy pour Mes indépendances, chroniques 2010-2016, pari en février chez Actes Sud. / Ce prix, sous la présidence d'honneur de Vincent Monadé, président du Centre national du livre, lui sera remis officiellement lors du 39e Livre sur la Place le vendredi 8 septembre à Nancy. De manière symbolique, cette année, le jury a souhaité dédier ce prix à l’écrivaine turque Asli Erdogan, qui, après avoir été incarcérée 136 jours, attend son procès et risque la prison à vie. »... Texte intégral...http://www.livreshebdo.fr/article/kamel-daoud-laureat-du-...
« Mes indépendances », page de l’éditeur… http://www.actes-sud.fr/catalogue/societe/mes-independances
28/07/2017 | Lien permanent
Michel Cosem, Encres vives (Rocamadour, lieu... et Œuvres récentes). Ou ”Écrire sous l'écorce”...
On lit avec la trace en soi de phrases relues juste avant. Parcourant les articles sur les livres de Michel Cosem, j’ai eu deux fois des passages des Carnets d'Albert Camus en mémoire, comme en surimpression. Ce lien avec le lieu. Parmi les dix mots préférés de Camus, le monde, la terre. L’importance de cet ancrage dans la contemplation de la nature je le trouve aussi là, tant dans ce qui est dit 'sur' Michel Cosem, son écriture, que dans ce que je lis 'de' lui. Et quand je parcours ce qu’il dit de la demeure en pensant à la mort (ce qui reste après nous des lieux sans nous) j’ai devant les yeux la phrase de Camus qui voit, dans la "douceur" de "certains soirs" être une consolation qui aidera à mourir, sachant, dit Camus, "que de tels soirs reviendront sur la terre après nous". Nous sommes des lecteurs habités par des pages qui nous hantent. Mais cela ne fait pas écran, non, cela aide à comprendre. Ceux dont l’écriture est une méditation sur vivre et mourir, avec la conscience que nous sommes éphémères, s’éclairent les uns les autres.
"Écrire sous l’écorce", donc, ce vers du poème cité par Annie Briet, je le retiens plus qu’un autre, car il me semble traduire une poétique. L’écorce c’est la nature, puisque le réel des arbres. Mais c’est soi, notre peau à gratter en écrivant et ainsi aller au centre.
À travers tous ces textes cités, quels mots garder surtout pour prendre trace de cet univers ?
Je note… Lieu, lieux, terre, mystère, regard, imaginaire, rêve.
Je retiens une intention posée comme sens de l’écriture. Et c’est encore Annie Briet qui cite les phrases d’un entretien. Il dit vouloir "développer une vision du monde", "participer à la richesse intérieure de mes contemporains", définissant "l’acte poétique" comme "résistance : contre la pensée uniforme et pratique". Ainsi aider ce qu’on peut interpréter comme la possible expansion des êtres.
Et je me dis que son entreprise de revue-édition doit avoir la même motivation. Produire en nombre des paroles qui élèvent, en ouvrant la porte aux textes de poètes qui amplifieront cette participation évoquée, vers une "vision du monde" enrichie par le regard des poètes.
J’ai parcouru les différentes recensions regroupées ici, sur des recueils publiés chez divers éditeurs (dont L’Harmattan, Alcyone, Unicité, et Encres vives, aussi).
Je note des titres...
L’encre des jours (Alcyone, 2016)
Les mots de la lune ronde et Écho de braise et de cigale (L’Harmattan, 2017, 2018)
Aile, la messagère (Unicité, 2018)
La bibliographie qui complète le volume va de 2004 à 2018 (date de la publication de ce numéro 480). Elle ne contient donc pas le livre recensé plus bas, Encres vives/2020, et pas plus celui que j’ai découvert sur le site de L’Harmattan, au beau titre, Un sillon pour l’infini, 2021.
J’ai d’abord lu les citations choisies par les chroniqueurs. Puis repéré leurs mots, leurs ressentis.
Ils se rejoignent, insistant sur l’importance du regard et de l’imaginaire (ainsi Chantal Danjou), sur la conscience de la "finitude" (Annie Briet), la captation de ce qu’est la nature (Gilles Lades), la place du lieu, des lieux (Christian Saint Paul et Jean-Baptiste Testefort). L’univers animiste mentionné par Murielle Compère-Demarcy je l’ai perçu fortement en lisant le second volume, les poèmes. Ce qu’évoque peut-être aussi Jacmot en mentionnant l’importance de la personnification, dans les poèmes en prose de L’encre des jours (Alcyone). "Il n’est pas une rivière, une colline, une forêt, une roche, une route, qui ne s’anime aussitôt qu’elle est couchée (apprivoisée ?) sur le papier." Du recueil de 2018 paru chez L’Harmattan (Écho de braise et de cigale), Jacqueline Saint Jean dit autant les parts plus sombres (nostalgie, doutes, ombres) que ce qui s’oppose à la "désespérance" (les "gestes"… "enracinés"). Car il y a, écrit, "le partage des connivences et des éternités". Et, dans le même sens, pour voir confirmé que cette poésie est de profondeur, je lis Jean-Louis Bernard, pour Les mots de la lune ronde. "Michel Cosem désencombre la parole de ses artifices pour offrir au lecteur une capacité d’écoute souvent perdue en ce monde, cette écoute qui permet de percevoir l’illimité." D’autres textes méritent aussi lecture. C’est un parcours assez riche.
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La pierre à ciel ouvert
ou
"des espoirs aux lèvres d’étoiles"
Belles pages, qui invitent à "goûter à l’élixir de la beauté".
Poèmes en prose (mais trois en vers). Deux textes par page, sauf le premier, seul sous le titre intérieur. Et dont la dernière phrase, séparée de ce qui précède, pour être lue avec plus d’attention, révèle une perception de notre rapport au monde, cette fausse séparation qui vient de notre difficulté à vaincre le mental, à entrer en osmose avec le non-humain. Parfois, oui, cependant... Mais "si par hasard"… Oui, il suffit de peu pour casser le lien. Alors "tout est à recommencer".
"On ne maîtrisera jamais la dualité".
Superbe premier poème. Une vision mouvante et immobile à la fois. Comment la pierre des rochers peut prendre l’apparence d’animaux ou êtres fantastiques. À moins que ce soit plus que l’apparence. Comment la pierre peut être habitée par quelque chose qui pourrait être l’esprit des animaux (lézards, tortues, crocodiles). Imaginaire puissant ou intuition des "mystères du monde" que les "fées de la rivière" ont "dans leurs flancs". L’imaginaire a les clés du réel. Et de l’inverse de la dualité… Les rochers figurent aussi comme les pages des "tables de la loi" (lois des textes fondateurs ou "lois de la pierre", ou les deux).
Ce recueil est un manifeste amoureux louant la beauté d’un paysage, Rocamadour et ses environs. Mais c’est aussi la trace d’une tension entre les grandes questions métaphysiques et le rapport concret aux choses qu’on peut regarder et toucher.
D’un côté les sujets à penser...
Le temps, celui de tous les jours et celui qui s’échappe (éternel).
La dualité. Le monde vu où s’affrontent rapace réel et fées rêvées. Rapace duel car son cri menace l’accord fusionnel avec la nature, séparant.
L’imaginaire des religions. Les pierres "inventant d’émouvantes histoires de dieux qui n’ont jamais existé et de madone toujours vierge"…
Le passé, l’Histoire. Tout ce qui défila d’humain et de souffrance dans ces lieux. Et "on traverse l’endormissement du monde et les siècles qui vont avec".
Et, autrement, la présence presque charnelle de la nature. Chemins et chemins, rochers, rochers encore, pierre, cailloux. Herbes, lichen, arbres, pollen, rivières, fleurs, dont le rouge coquelicot qui efface, avec le jaune papillon, tout le gris du monde (poussière et vécus). Le papillon jaune me fait penser au papillon noir de Richard Moss (qui joue un rôle troublant pour lui dans une expérience spirituelle, un accès soudain à la non-dualité, ce papillon étant venu se poser un instant sur son front). Richard Moss raconte cela dans Le papillon noir. Cette évocation que je fais n’est pas là par hasard. Dans ce livre les humains sont peu présents, sauf par l’ombre du passage des pèlerins et la trace de ceux que l’arbre mort aime (l’arbre où un oiseau "affirme à qui veut l’entendre qu’il n’y a pas de désert intérieur"). Des jeunes filles, cependant, se penchent sur le ravin, et témoignent de la beauté.
Pas de bruit. Le silence et quelques chants d’oiseaux (ou "leur immémoriale prière").
Des animaux (oiseaux, donc, rapace déjà rencontré, cigale, corbeaux, abeille, et ce papillon jaune…).
Ce qui est le plus remarquable dans ces denses poèmes, c’est que la nature (végétale, animale) partout a une conscience qui s’exprime. Elle dit, oui, "tous les mystères du monde". Les tiges, sous la rosée sans doute, sont "perlées de rêve et d’illusions". L’eau de la rivière est celle de "l’intelligence". Le coucou apprécie "les voix" qui se dressent "contre les bûchers et pour toutes les libertés". Les champs sont "de lettres nues" et "disent l’avenir", rêvant d’humains (ou peut-être de tous êtres, humains et non-humains) "devenus de petits grains de pollen". (Là c’est à certaines pages de Gabriel Audisio que je pense, poèmes où sa méditation fait pleuvoir des étoiles du cosmos, et nous rêve en traces envolées dans l'espace, les humains laissant la planète continuer sa vie sans l'humain). Le dolmen communique, comme les croix des carrefours (car le poète sait deviner ce langage caché, comme il a su entendre le message de l’oiseau).
Les pierres parlent, et les chênes, quand les oiseaux font des "confidences".
Si j’ai pensé au papillon de Richard Moss c’est que le papillon de Michel Cosem en est très proche. Par la perception du vivant non-humain, par un lien avec ce qui dans le monde pense à sa façon, et qu’une conscience humaine peut saisir. Richard Moss a vécu un bouleversement stupéfiant apporté par un papillon. Michel Cosem témoigne d’une connivence avec ce qui l’entoure qui procède d’une connaissance intérieure du même ordre, intuitivement.
Car… "On aura encore cheminé au pays des mots sur les plus beaux chemins de fulgurance."
Et…
"Tout au bout une chance essentielle attend."
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Recension © MC San Juan / Trames nomades
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LIENS…
Michel Cosem, Le Printemps des Poètes… https://www.printempsdespoetes.com/Michel-Cosem
Bibliographie. Livres chez L’Harmattan… https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=auteurs...
Page auteur, Alcyone… https://www.editionsalcyone.fr/427376417
Page auteur, Unicité… https://www.editions-unicite.fr/auteurs/COSEM-Michel/aile...
Encres vives, Michel Cosem… https://encresvives.wixsite.com/michelcosem/edition
01/08/2021 | Lien permanent
ROBERT BADINTER, hommage.
Cet homme remarquable, Robert Badinter, a prolongé l’action de Victor Hugo, Albert Camus, Arthur Koestler, et quelques autres… L’abolition de la peine de mort, en 1981, est sa réalisation principale, aux répercussions importantes dans la conscience nationale et internationale (car la lutte pour l’abolition se nourrit des choix des pays abolitionnistes, surtout quand la parole a la force de celle de Robert Badinter). Mais en tant qu’avocat il a associé ce combat de justice à celui concernant les conditions de vie des prisonniers et l’état des prisons, en se désolant des difficultés et des lenteurs à réformer, soucieux aussi de penser la réinsertion des prisonniers après leur libération.
L'engagement contre la peine de mort c'est un combat de toute la vie, dont il fait le récit dans L'Abolition.
Autre abolition, la dépénalisation de l'homosexualité en 1982. On a du mal à réaliser qu’il ait fallu attendre 1982 pour cesser de judiciariser un tel domaine privé, et c’est donc une avancée majeure pour les droits humains.
Lui, dont la famille a vécu directement les horreurs de la déportation menant aux camps d’extermination, il ne peut accepter le négationnisme de ceux qui détournent les faits, les occultant ou les déformant. Il dénonça les mensonges de ces faux historiens.
cet engagement rejoint celui contre l’antisémitisme. Un de ces négationnistes, Faurisson, porta plainte pour diffamation et fut débouté. (Vidéo de la dénonciation du négationnisme par Robert Badinter au procès, voir lien, page Conspiracy Watch).
Et récemment il répondit aux détournements négationnistes de l'Histoire criminelle de Vichy par Zemmour, rappelant comment ce pouvoir de collaborateurs (Pétain, Laval, Bousquet) dépassa même les demandes des nazis en envoyant des enfants en déportation, les condamnant à mort. Comment comprendre que Zemmour, Juif pourtant, puisse nier à ce point la réalité, même si son histoire familiale n’est pas la même ? Zemmour prenant ses références à l’extrême droite il en épouse les dérives. L’explication étant dans cette conception nationaliste qui lui fait oser distinguer Juifs français et étrangers, comme critère, se trompant d’ailleurs sur le sort des premiers (sauvés non par Vichy mais par des résistants et des Justes, simples citoyens, dont des prêtres cachant des enfants dans des institutions chrétiennes).
Le combat pour l’abolition n’est pas achevé.
D’une part, car les idéologues du pire n'acceptent pas l'abolition. (Ainsi la zemmourienne petite-fille de Le Pen a osé déclarer qu'elle n'avait aucune envie de rendre hommage à Robert Badinter. le FN/RN, se dédiabolisant, use, lui, de circonvolutions, son électorat un peu moins).
D’autre part, les enquêtes montrent que les propagandes et l'ignorance ont des effets idéologiques. Un pourcentage (pas négligeable) de la population française suivrait bien la barbarie texane (ou iranienne...ou chinoise). Oubliant que tous deviennent meurtriers, dans un tel système, car déléguant aux bourreaux le fait de tuer.
Il y a donc encore des citoyens fantasmant une solution contre leurs peurs, malgré le fait que les exécutions de criminels (les statistiques le prouvent) ne diminuent en rien la criminalité. Mauvaise réponse sociale (qui tue d’ailleurs aussi des innocents) ou méthode dictatoriale : dans le monde et dans la conscience des populations l’abolition n’est pas encore inscrite.
D’où l’importance de continuer à faire lire Robert Badinter et ses prédécesseurs.
Il faut relire et faire lire Victor Hugo (Le dernier jour d’un condamné), Albert Camus (Réflexions sur la peine capitale, avec Arthur Koestler, et ses essais sur le sujet, regroupés, ouvrage que Robert Badinter a préfacé), et quelques autres auteurs (dont des témoignages). Ainsi cet ouvrage de Stephen King, La ligne verte, qui a donné un film émouvant.
LIENS…
Fiche Wikipédia… https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Badinter
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SUR Robert Badinter : Dominique Missika et Maurice Szafran, Robert Badinter, l’homme juste, Tallandier, 2021, Livre de Poche, 2022. https://www.livredepoche.com/livre/robert-badinter-lhomme-juste-9782253107422
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Ajout. Mise à jour du 16-03-2024.
(Pourquoi en 1997 fut publié Un antisémitisme ordinaire, sur l’éviction des avocats juifs par Vichy, sans réaction de leurs collègues et des ordres professionnels). La mélancolie abyssale de Robert Badinter, par Marc Knobel, La Règle du jeu, 08-03-2024… https://laregledujeu.org/2024/03/08/40144/la-melancolie-abyssale-de-robert-badinter/
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LIVRES de Robert Badinter (sélection) :
L’Exécution (récit d’un procès), Grasset, 1973, Livre de Poche, 1977…. https://www.livredepoche.com/livre/lexecution-9782253011224
Un antisémitisme ordinaire. Vichy et les avocats juifs (1940-1944), Fayard, 1997. [« Un siècle et demi après l'émancipation des Juifs par la Révolution française, le régime de Vichy promulguait une législation qui faisait d'eux des parias dans leur patrie. / En présence de ce droit antisémite, il importe de savoir ce que fut l'attitude de l'administration, des juridictions et des milieux professionnels concernés. »]… https://www.fayard.fr/livre/un-antisemitisme-ordinaire-9782213598024/
L’Abolition (histoire de son engagement contre la peine de mort), Fayard, 2000, LIvre de Poche, 2021… https://www.fayard.fr/livre/labolition-9782213607061/
Contre la peine de mort, Fayard, 2006. [« A ce moment de mon existence déjà longue, me retournant vers ce qui fut un combat passionné, je mesure le chemin parcouru vers l'abolition universelle. Mais, tant qu'on fusillera, qu'on empoisonnera, qu'on décapitera, qu'on lapidera, qu'on pendra, qu'on suppliciera dans ce monde il n'y aura pas de répit pour tous ceux qui croient que la vie est, pour l'humanité tout entière, la valeur suprême, et qu'il ne peut y avoir de justice qui tue. »]… https://www.fayard.fr/livre/contre-la-peine-de-mort-9782213630526/
Idiss (la vie de sa grand-mère), Fayard, 2018, Livre de Poche, [« J’ai écrit ce livre en hommage à ma grand-mère maternelle ». (…) « Il est simplement le récit d’une destinée singulière à laquelle j’ai souvent rêvé. »]… https://www.livredepoche.com/livre/idiss-9782253820307
Vladimir Poutine : L’Accusation (avec Bruno Cotte et Alain Pellet), Fayard, 2023. Présentation (extrait) : « Cet ouvrage présente les fondements de l'accusation contre Vladimir Poutine, président de la Fédération de Russie, auteur du crime d'agression contre l'Ukraine et des crimes de guerre et contre l'humanité commis par les forces russes dont il est le chef suprême. »… https://www.fayard.fr/livre/vladimir-poutine-laccusation-9782213726120/
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Plusieurs préfaces (voir bibliographie, fiche Wikipédia)
Pour les écrits réunis d’Albert Camus sur la peine de mort) : Albert Camus contre la peine de mort, Gallimard, 2011.
Celle du livre de Simone Veil, Mes combats : Les discours d’une vie, Bayard, 2016,
Et les textes du procès de Bousquet en Juin 1949, annotés par un historien, pour la démonstration d’un déni de justice (acquittement d’un responsable de la collaboration de Vichy avec les nazis). Le procès Bousquet, Fayard, 2022. [« Au-delà de l’intérêt historique que présente ce déni de justice, demeure une question essentielle : comment la Haute Cour a-t-elle pu acquitter René Bousquet et lui délivrer un véritable brevet de Résistance ? »R.B.]… https://www.fayard.fr/livre/le-proces-bousquet-9782213722337/
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Autres LIENS : articles, et deux vidéos (charge contre le négationnisme, page Conspiracy Watch, et le discours au Parlement, Le Monde)
Mort de Robert Badinter : 5 moments clés qui ont fait la vie de l’avocat et ex-ministre de Mitterrand, Marianne, 09-02-2024…[L'article a l'avantage d'être lisible intégralement, mais si le journal liste cinq moments clés de cette vie, il en oublie deux : en 1982 la dépénalisation de l'homosexualité, et la colère de Robert Badinter contre les "faussaires de l'histoire ».]... https://www.marianne.net/politique/mort-de-robert-badinter-5-moments-qui-ont-fait-la-vie-de-l-avocat-et-ex-ministre-de-mitterrand
Introduction et vidéo (Robert Badinter contre le négationnisme). Conspiracy Watch, 09-02-2024… https://www.conspiracywatch.info/la-colere-de-robert-badinter-contre-les-faussaires-de-lhistoire.html
Robert Badinter, un patricien intimidant, l’avocat de son siècle, Le Figaro, 09-02-2024… https://www.lefigaro.fr/actualite-france/robert-badinter-un-patricien-intimidant-l-avocat-de-son-siecle-20240209
L’adhésion des Français à la peine de mort, symptôme d’une justice en crise. (Mais au contraire les regrets de C. Estrosi, qui n'aime pas celui qu'il fut, votant contre l'abolition...). Le Figaro, 09-02-2024… https://www.lefigaro.fr/actualite-france/l-adhesion-des-francais-a-la-peine-de-mort-symptome-d-une-justice-en-crise-20240209
Robert Badinter, l’ancien ministre et avocat qui a fait abolir la peine capitale en France, est mort. Le Monde, 09-02-2024… https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2024/02/09/robert-badinter-est-mort_6215627_3382.html
Le discours de Robert Badinter. Page introductive (dont citations), et vidéo, Le Monde, 09-02-2024… https://www.lemonde.fr/culture/video/2024/02/09/le-discours-de-robert-badinter-pour-l-abolition-de-la-peine-de-mort-en-1981_6097730_3247.html
23/02/2024 | Lien permanent
Alain Finkielkraut, celui que certains aiment détester... ”Terrain miné” ?
Lorsqu’il m’arrive de perdre mon sang-froid, c’est parce que je suis la cible favorite de ceux qui n’ont que le mot “changement” à la bouche et pour qui rien ne bouge.
Alain Finkielkraut, En terrain miné. (Dialogue épistolaire avec Elisabeth de Fontenay).
(Citation éclairante, au sujet des humeurs d’Alain Finkielkraut, qui le font parfois réagir vivement, maladroitement donc… Réponse indirecte à la polémique récente, et à d’autres…)…
Page de l’édition, Stock… http://www.editions-stock.fr/en-terrain-mine-9782234083424
Oui, la citation de Houria B. par Finkielkraut manquait de guillemets oraux ou écrits, mais la dérision portait sur les termes de ce vocabulaire racialiste qui n'est pas celui de Finkielkraut mais bien du PIR (dit-il)... Le constat qu'il faisait des présences des uns ou des autres n'était pas complètement faux, tout moqueur qu'il soit, même si ceux qui ont montré de l'émotion à la mort de Johnny Hallyday, sans être forcément dans la rue, mais en écrivant, appartenaient à des communautés diverses. (Superbes hommages que j'ai partagés ici, preuve s'il en est). Mais faire de Finkielkraut un raciste de la même veine que ceux du PIR, c'est aussi stupide que de faire de Camus un "terroriste" (Camus est banni des bibliothèques turques pour ce qualificatif et pour ses idées que les résistants à la dictature d'Erdogan utiliseraient...). C'est de la mauvaise foi (ce qui se produit quand on détermine ses positionnements idéologiques avec des arguments qui déguisent et masquent les raisons réelles, plus ou moins inconscientes - mais pas toujours inconscientes...). Finkielkraut dérange surtout parce qu'il refuse les dénis et dénonce l'antisémitisme (réel, ample, puisque le tiers des agressions racistes sont antisémites alors que les Juifs constituent 1% de la population française, agressions ayant été, on le sait, jusqu'aux attentats meurtriers ciblés). Et s'il peut être parfois maladroit (à force d'être attaqué on a le droit de montrer de l'humeur...) il reste l'intelligence qu'il a toujours été. On le sait quand on l'a lu et quand on le lit. Mais ses interventions peuvent être passionnelles et ses analyses se perdre dans des détours de langage qui ratent leur but. Oui. Donc soyons lecteurs, capables de ne pas le suivre dans un pessimisme excessif (sur l'avenir) ou les négativités (regard sur le présent) tout en entendant des inquiétudes, légitimes cependant. Comme sont légitimes les critiques qu'on peut faire de ses positionnements quand il rejoint des auteurs qui devraient lui rester étrangers, par fidélité à lui-même (lire la chronique de Jean Birnbaum, lien ci-dessous).
Suis-je toujours d’accord avec Alain Finkielkraut ? Non, souvent pas du tout. Mais on peut exprimer des interrogations, des désaccords aussi, à condition de ne pas faire d’injustes procès fondés sur des interprétations erronées et des projections.
Je n’aime pas les polémiques haineuses de ceux qui visent autre chose que les termes utilisés dans un instant d’humeur. Ils auraient attaqué sur n’importe quoi, cherchant des prétextes pour nourrir une haine qui a d’autres raisons, dont l’antisémitisme de certains - de beaucoup - même masqué, ou le rejet de toute pensée qui réfute des complaisances identitaires ou idéologiques (mais parfois en tombant dans des pièges tendus en miroir, c’est vrai). Par contre je peux apprécier les réflexions critiques, et les trouver aussi nécessaires, si elles se situent dans un dialogue respectueux de l’être, quand elles viennent d’Elisabeth de Fontenay (livre à deux) ou de Jean Birnbaum. (Liens ci-dessous…). Pas de mauvaise foi, là.
Voici la réponse d’Alain Finkielkraut lui-même à la polémique sur l’emploi du mot « souchiens », Marianne, 11-12-2017, par Thomas Vampouille… (Effectivement, on peut lui reprocher une maladresse d’humeur, sans doute) mais lui attribuer une réelle adhésion au contenu idéologique d’une pensée empruntée à Houria Bouteldja de manière critique, c’est excessif. (Et ceux qui protestent ne sont pas toujours ceux qui ont critiqué le vocabulaire et l’idéologie du PIR)… S'il réfute c'est bien qu'il prend distance... (Et prend conscience d'une dérive de langage par imitation, provocation aux effets pervers). https://www.marianne.net/societe/souchiens-alain-finkielk...
La chronique que je propose en lecture ci-dessous est nécessaire… Elle est de Mathieu Bock-Côté (Québec), Figaro.fr, 14-12-17… Il décrypte les attaques portées contre un intellectuel français, avec un recul qui rend l'analyse plus pertinente encore, hors passions locales... (Que ceux qui aiment détester Alain Finkielkraut lisent, eux aussi)... http://www.lefigaro.fr/vox/monde/2017/12/14/31002-2017121...
LIENS complémentaires, dont réflexions critiques…
« De quoi Alain Finkielkraut est-il le nom? », Le Point, 02-05-2014, par Sébastien Le Fol… http://bit.ly/2j6rKTx
« Cinq livres clés de Finkielkraut », Le Point, 11-04-2015, par Thomas Mahler … http://www.lepoint.fr/politique/5-livres-cles-de-finkielk...
Elisabeth Badinter, « L’équation Finkielkraut = Zemmour = FN est absurde », Le Point, 11-04-2015… http://bit.ly/2k2JOiv
« En terrain miné ». Livre de dialogue, introduction et extraits. Par Anne Rosencher. « Elisabeth Fontenay et Alain Finkielkraut : Ce qui nous oppose »… Amitié malgré des désaccords (et nourrie par eux). L’Express, 07-09-2017… http://bit.ly/2k4RDnO
« Alain Finkielkraut joue avec le feu ». Par Jean Birnbaum, Le Monde, 23-10-2013 . Une critique d’autant plus intéressante qu’elle part de la lecture attentive et critique des textes d’une oeuvre qu’il connaît bien (ici d’un livre surtout, précisément), sans acrimonie personnelle, en disant une inquiétude sur des proximités avec des idéologues qui n’aident pas à penser. Il pose la question d’une trahison de l’auteur par lui-même, en comprenant les racines d’une évolution avec laquelle il n’est pas en accord du tout. Mais il ne rejette pas tout des questionnements et de leurs raisons… Passionnante chronique, où Alain Finkielkraut n’est pas une cible (comme souvent ailleurs) mais un auteur traité en interlocuteur problématique par certains aspects. Jean Birnbaum peut être dur, mais pas injuste… http://lemde.fr/2kBFh63
Fiche wikipedia… https://fr.wikipedia.org/wiki/Alain_Finkielkraut
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MISE à JOUR, 18-12-17. Chronique. Sarah Cattan répond avec humour (et plus) à la polémique autour d’Alain Finkielkraut. Tribune juive, 17-12-17… http://www.tribunejuive.info/opinions/finkie-mets-nous-de...
16/12/2017 | Lien permanent
CITATIONS sur le thème de la mort... (et ce n'est pas triste...).
Sur la mort (réponse à un appel à partages de références sur ce thème). Prétexte trouvé pour fouiner dans mes livres…
Relire des pages de livres où je sais retrouver des passages sur la mort, c’est faire un parcours qui traite, beaucoup, de sujets métaphysiques, mais aussi d’histoire (Shoah), d’éthique (la question de l’abolition de la peine de mort) et d’actualité (terrorisme, drames des migrants…). C’est infini, ce voyage dans sa bibliothèque… Et ce n’est absolument pas triste. Toute pensée profonde aborde la mort. On se sait d’autant plus vivant, même si c’est pour un passage éphémère.
TITRES et CITATIONS de…
… Des fragments dispersés dans l’oeuvre de la philosophe-poète espagnole María Zambrano, recueillis sous le titre Apophtegmes (Corti). Dont celui-ci : « L’horreur de la mort est le parallèle nécessaire à l’horreur de la naissance. » ou (même page, 73, « Si ‘la mort silencieuse’ a été l’idéal des stoïciens, la mort tranquille peut être celle des philosophes de la vie contemplative. »
… Plusieurs textes chez Albert Camus, et notamment dans Le Premier homme et dans ses Carnets. Dernières pages des Carnets je relève deux fragments : « Je souhaitais parfois la mort violente — comme une mort où l’on soit excusé de crier contre l’arrachement de l’âme… « (le fragment se prolonge, p. 344, éd. Gallimard). Pages 344-345, ceci « Si je devais mourir ignoré du monde,dans le fond d’une prison froide, la mer, au dernier moment, emplirait ma cellule, viendrait me soulever au-dessus de moi-même et m’aider à mourir sans haine. ». Et, évidemment, Camus abolitionniste… « Réflexions sur la guillotine ». Citation : « Ni dans le coeur des individus ni dans les moeurs des sociétés, il n’y aura de paix durable tant que la mort ne sera pas mise hors la loi. »
… Guy Lévis Mano (éditeur-poète). Volume coll. Seghers Poètes d’aujourdhui, p. 106 : « La mort n’a rien d’illimité. / Le hasard est toujours pour nous — / Ce sont toujours les autres qui meurent. » Et, p. 117 (poème,« La nuit du prisonnier »), « J’ai vu la mort et j’ai manié des outils de mort / Et me voici aujourd’hui sans mort et sans vie avec mes tribulations sans grandeur » (etc.).
… Anise Koltz, « Je renaîtrai », éd. Arfuyen (multiples passages)…
… Emily Dickinson, Poèmes (éd. Belin). « Si je ne suis plus en vie / Quand viendront les Grives », p. 31. Et fragment de poème, dans « Ainsi parlait Emily Dickinson », recueil de citations. Ainsi « Mourir — ne prend qu’un court moment », p. 39 (…). Et Le pire — j’aime la Cause qui M’a tuée — / Souvent quand je meurs » (…).
… Marina Tsvetaeva, « Le Poème de la fin ». Rupture, blessure, mort en soi.
« — Partons. — Et moi qui espérais : / Mourons. C’est tellement plus simple. »
… Etty Hillesum, « Une vie bouleversée ». Dernières lettres, du 3 et 10 juillet 43 et trois lettres d’août 43. Certains passages, et le tout.
… Ingeborg Bachmann, « Toute personne qui tombe a des ailes », Poèmes 1942-1967, Poésie/Gallimard. Le poème « Cimetière juif », p. 509. « Forêt de pierres, sans tombes remarquables, rien pour s’agenouiller, / et pour les fleurs rien » (…) « Qui atteint la sortie n’a pas la mort, / mais le jour au coeur. »
… Gérard de nerval, « Aurélia » . Il y fait le récit d’un voyage intérieur et évoque une traversée vers un monde de supra-conscience, une possible « rencontre » d’êtres d’un mystérieux au-delà, des souvenirs de vies antérieures, un questionnement métaphysique…
… René Char, « Sur la poésie ». Dans le volume « En trente-trois morceaux » (Poésie/Gallimard). P. 53-54. Citations, trois fragments : « La poésie me volera ma mort. »… « Les poèmes sont des bouts d’existence incorruptibles que nous lançons à la gueule répugnante de la mort, mais assez haut pour que, ricochant sur elle, ils tombent dans le monde nominateur de l’unité. » … « Faire un poème, c’est prendre possession d’un au-delà nuptial qui se trouve bien dans cette vie, très rattaché à elle, et cependant à proximité des urnes de la mort. »
… Bossuet, « Oraisons funèbres » .
… Margherita Guidacci, « L’Horloge de Bologne » (Arfuyen). Le poème « Inventaire du massacre », p. 19 (le livre porte sur l’attentat terroriste du 2 août 1980 à la gare de Bologne). Et, poème en fragments, « Ultimes échos », p. 43. J’en relève un : « Les décombres des corps parmi les décombres des murs ».
… Henry Bauchau, « Nous ne sommes pas séparés » (Actes Sud), « Le monologue d’Antigone », long poème, pages 53 à 59. En 4ème de couverture, un texte d’Henry Bauchau explique le titre : « Nous ne sommes pas séparés de la Terre, de la vie et de la mort. Nous ne sommes pas non plus séparés de l’histoire ». Il évoque le retentissement en nous du crime du 11 septembre 2001. Puis le lien que nous avons, devant la beauté d’un jardin, avec le tout.
… Georges Didi-Huberman, « Écorces » (Éds de Minuit). « Récit-photo d’une déambulation à Auschwitz-Birkenau ». Retour sur un terrible lieu de mort, et réflexion sur le regard, sur les « décisions de regard ».
… Michel Houellebecq, « Non réconcilié » (Anthologie, Poésie/Gallimard). Poème, p. 105. « Par la mort du plus pur / Toute joie est invalidée / La poitrine est comme évidée, / Et l’oeil en tout connaît l’obscur. /// Il faut quelques secondes / pour effacer un monde. » Et, volume « Poésies » (J’ai lu), « Rester vivant », partie « Survivre » : « Un poète mort n’écrit plus. D’où l’importance de rester vivant. »
… Erri de Luca, « Oeuvre sur l’eau » (Seghers). Un poème, « Noël » est dédié à un enfant de migrants, naissant et mourant en mer, p. 93-95. « Il naît dans les soutes des clandestins » (…) / « Il va avec ceux qui durent une heure ».
... Federico García Lorca (« A las cinco de la tarde », et autres poèmes...).
... Antonio Machado. « Champs de Castille », et « Solitudes ». (Poésie/Gallimard). Citation :
« Et quand viendra le jour du dernier voyage,
Quand partira la nef qui jamais ne revient,
Vous me verrez à bord, et mon maigre bagage,
Quasiment nu, comme les enfants de la mer. »
… Et, évidemment, la série des « 36 choses à faire avant de mourir », éd. pré#carré 2018 (Hervé Bougel éditeur), recueils miniaturisés de fragments poétiques d’une vingtaine d’auteurs. (Et réédition de nos textes plus anciens). Pour ma contribution en 2018 j’ai ajouté un sous-titre (« 36 traversées d’aubes crépusculaires »), un exergue (citation de Jean-Claude Tardif, poète et éditeur) et un épitaphe intégré au dernier fragment (citation de Benjamin Fondane).
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J’ajoute (non littéraire)
Et… « La source noire » de Patrice Van Eersel, Livre de poche. (Enquête journalistique. « Révélations aux portes de la mort »).
Trois dossiers (revues). Et bibliographies intégrées…
… « Aux frontières de la conscience » , Le Monde des religions, mars-avril. Avec des bibliographies qui concernent l’approche de la mort (p. 35, et dernières pages).
… « Mourir ? », revue 3ème millénaire, Automne 2016 (boutique du site…).
… « Si la mort… » , Inexploré, automne 2018, dernier trimestre 2018
20/03/2019 | Lien permanent
ISLAMISME et autres VOIES et VOIX d’ISLAM (regards laïques, et voie spirituelle du soufisme)
expression, leur comportement, et leurs choix de vie) rejoignent des positionnements qui les rapprochent d'esprits plus rigides, à cause d'une susceptibilité de caractère identitaire.
Maghress.com/SOUFISME et éthique (Forum, 2011)... https://www.maghress.com/fr/mapfr/21202
Conscience soufie… https://consciencesoufie.com/presentation/
Isthme... https://www.isthme.org/
Soufisme.org... http://www.soufisme.org/
Khaled Bentounes, AISA.ong... https://aisa-ong.org/actions/spiritualite/
Khaled Bentounès, Confrérie soufie Alawiyya, ses livres sur le soufisme… https://www.albin-michel.fr/khaled-cheikh-bentounes
26/07/2019 | Lien permanent