13/08/2024
Magie renversée, recueil d’Isabelle Lévesque et Sabine Dewulf
Magie renversée, poèmes d’Isabelle Lévesque et Sabine Dewulf, peintures de Caroline François-Rubino (préface de Florence Saint-Roch), Les Lieux-Dits, coll. Duo, 2024
Il y a sans doute plusieurs manières d’aborder ce livre. Celle que j’ai envie de choisir serait en marge des approches littéraires destinées à penser un événement-livre. Mais justement celui-ci s’inscrit dans des marges qui autorisent des lectures décalées. Un premier constat concerne Sabine Dewulf. Car quand on lit ce qui s’exprime de son univers on ne peut que remarquer que sa créativité emprunte une voie qui n’est pas que poésie. En créatrice de jeux qui sont des propositions invitant à traverser la frontière des apparences, à accepter de lâcher une rationalité plus conforme pour laisser advenir une attention à des parts cachées du réel et de soi. Elle s’intéresse aux oracles, aux clés qu’ils délivrent afin de voyager dans un autre espace du temps. Et si ce livre est un dialogue poétique cela permet de supposer que cet aspect de son univers est reconnu par Isabelle Lévesque, et qu’elle-même a ses propres entrées dans ce lieu d’une pensée ouverte à d’autres trajectoires de la conscience, ce que l’ouvrage confirme. Elles entrent donc à deux dans l’aire du regard autre. À trois, car les peintures de Caroline François-Rubino soutiennent ce déplacement du visible à ce qui lui est sous-jacent.
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11/08/2024
Sous l’étoile du jour, recueil de Michel Diaz
Sous l’étoile du jour, Rosa canina éditions, 2023.
Le préfacier, Alain Freixe, choisit de ne pas faire réellement une préface, si c’est orienter la lecture des textes de Michel Diaz. Il propose « quelques notes prises sur cette partition qu’élabore sa pratique poétique. ». Ces textes, comme en marge, ont, comme exergue, une citation de Jean-Marie Barnaud : « Tu marches cependant / tu ne sais où tu vas / dis-tu / tu vas vers ton secret / telle est l’audace / cela suffit pour une joie. » Choix très judicieux, ces vers, car Michel Diaz aurait pu l’écrire pour lui-même, lui pour qui la marche nourrit la pensée et le geste d’écrire. Et la marche est aussi la représentation d’un processus créatif.
De ces notes je relève un fragment : « C’est toujours la marche en avant. Vers l’impossible salut. À cause de cet appel insensé qui, du fond de notre finitude, nous a fait roi mage de notre vie en quête du vrai lieu. Telle est l’aventure de l’homme cet être des lointains. L’homme dans la poésie de Michel Diaz remonte ses épaules, relève la tête et poursuit. »
Michel Diaz a structuré son recueil en deux parties. Pierre du vent et Sous l’étoile du jour, qui donne donc son titre au livre.
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08/08/2024
Deux recueils de Teo Libardo
D’abord, présenter l’auteur. Teo LIbardo est né en Italie. Passé de l’exil à Lausanne au choix de la France, sud et soleil. Poète, il est aussi peintre et musicien. Et cela se sent dans ce qu’il écrit. Il regarde et écoute.
Ensuite, expliquer le sens du nom de l’édition, Rosa canina. Ce rosier a des racines qu’on croyait guérisseuses de la rage. L’édition évoque d’autres formes de la rage (comme la haine), tout ce qui corrompt l’humanité. Et elle fait ainsi de la poésie un rosier mental qui va tenter de répondre par des propositions donnant sens autrement.
Les deux livres lus sont Là où germent les mots, suivi de Les yeux naufragés (2020) et Il suffira (2021).
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06/08/2024
Concerto pour marées et silence n° 17, 2024, revue de poésie
Pour le monde je suis né dans ma date de naissance //
Mais je suis né dans l’infini des êtres
Pierre Esperbé, Concerto pour marées et silence
Le titre magnifique de la revue est celui d’un recueil de Pierre Esperbé (Guy Chambelland, 1974), qu’il accepta d’offrir. Ses textes structurent chaque numéro de la revue, lui donnant une composition musicale, en trois parties (Moderato, Adagio, Allegro), chacune introduite par un poème de Pierre Esperbé, de Concerto...
Musique, aussi, l’exergue permanent, appuyant le choix, une citation de Romain Rolland :
« Si la musique nous est si chère, c’est qu’elle est la parole la plus profonde de l’âme, le cri harmonieux de sa joie et de sa douleur. »
Ce numéro publie des citations plus amples de Pierre Esperbé, pour marquer le centenaire de sa naissance. Et cette fois des QR codes permettent d’entendre sa voix.
Avant même le premier texte, et après le dernier poème publié, il y a, comme toujours, une citation qui ouvre l’ensemble et une qui le ferme, parfois deux. Cette fois c’est Cathy Jurado, un extrait d’Intérieur nuit, puis Georges Cathalo quatre vers d’Ils ont peur, et enfin Marie-Ange Sebasti, avec un fragment d’Empoigner la lumière.
Le texte introductif de l’éditrice, Colette Klein (poète et peintre) parle du défi de l’écriture et de l’édition : « Je passe ma vie à lutter contre l’idée qu’en écrivant on jette des pierres dans des puits sans fond. Et, pourtant, il m’est impensable de ne pas relever le défi de chercher à remonter au jour ces pierres qui risqueraient de rester hors de portée. » Dans le numéro précédent elle parlait de son « monde utopique », celui « où les mots des poèmes ont plus de sens que ceux que l’on peut lire dans les journaux qui mettent à la une les crimes de l’humanité. »
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02/08/2024
Diérèse n°90, revue de poésie
En exergue de ce numéro, António Ramos Rosa : « J’écris peut-être pour maintenir l’ouverture de la source, même si je ne peux pas la découvrir ». Doublement intéressant. La raison d’écrire portée à haute exigence, loin des certitudes. Source ? Celle de l’écriture en soi, dont on ne sait pas le lieu du surgissement ? Celle des racines de ce qui est ? Ou l’écriture comme questionnement total sur la conscience et le langage. Le « même si » accentue la force de la démarche. D’ailleurs il avait écrit ceci : « La construction du poème c’est la construction du monde » (Respirer l’ombre vive). Et, dans Le dieu nu : « J’écris en essayant d’entendre la rumeur de l’inconnu ». J’ai envie de relier cela au serpent lové dessiné par Pacôme Yerma (page 1) et à son sage aux yeux clos (page 75).
L’éditorial d’Alain Fabre-Catalan, L’utopie du poème, peut être lu comme un prolongement de la pensée d’António Ramos Rosa. L’exergue est de Michel Deguy : « Donnant / Donnant est la formule ». Si la poésie veut à la fois dire le monde malgré l’obstacle de cette « extériorité radicale » qu’il offre, et aller « au fond de l’inconnu » au sens de Baudelaire, « comment réconcilier l’existence ordinaire et l’ouverture infinie que suppose la poésie ? ». L’utopie est double. Concevoir les poèmes comme « projets d’existence », ainsi que le nota Paul Celan, cité. Et vouloir la rencontre, celle du lecteur et celle du poète avec lui-même.
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23/07/2024
Revue L'Intranquille N° 26
J’ai lu avec intérêt les poèmes de María Mercedes Carranza (textes bilingues, espagnol de Colombie, trad. Brigitte Vanhove). Dont un poème pour rêver d’une rencontre amoureuse avec Ulysse, afin de comprendre le mystère de son itinéraire. Et un texte testament, ou presque, faisant le tour de sa vie, tous les rôles, les valeurs, les faiblesses communes... Moriré mortal... « Je mourrai mortelle / après avoir dit-on traversé / ce monde / sans le rompre ni le salir » (...) « Et quand surgit la peur / je regarde la télévision / pour dialoguer avec mes mensonges ». Puis, choix, Impudeur, splendeur et peur : « J’ai parlé de la splendeur de la vie / et de la séduction fatale de la déroute ; / quelqu’un a crié « mort à l ‘intelligence », / à l’instant même où Albert camus / disait des mots / d’acier et de lumière » (...) « Ainsi me fut offert le monde. / Ces horreurs, la musique et l’âme / ont chiffré mes jours et mes rêves. ».
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Revue L'Intranquille N°25
Le numéro 25 commence par un hommage à Jean Cocteau, mort en octobre 1963. Écho à l’exposition qui lui est consacrée à Menton, au Musée Jean Cocteau. L’auteur, Jean-Paul Gourévitch, rappelle surtout la fascination de Cocteau pour Orphée, sa « figure tutélaire », fascination qu’il partage avec lui. Orphée, ce personnage légendaire dont on ne sait vraiment s’il exista ou n’est que mythe (même si des poèmes lui sont attribués), mythe particulièrement riche et symbole à la fois de la création, le père imaginaire de la poésie, la représentation du rapport avec la mort, de l’amour passionné qui transcende la peur de l’au-delà, même infernal.
17:36 Publié dans Recensions.REVUES.poésie.citations.©MC San Juan | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : l’intranquille, atelier de l’agneau, poésie, livres, citations
29/06/2024
Mon marché, au Marché... de la Poésie
Le Marché de la Poésie, c’est aussi l’occasion de faire provision, parfois pour un long temps de lectures...
Pages pour aider à penser, construire sa liberté.
Pas étranger à la situation actuelle. Et L’Autre livre l’écrit dans son appel... que chacun aura interprété selon ses analyses pour voter le plus jute possible le 30 et le 7...
https://lautrelivre.fr/ Donc j’ai fait mon marché, ayant préparé ma liste de titres d’avance...
La Poésie, une sorte de résistance...
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20/06/2024
Marché de la Poésie, Juin 2024.
Marché de la Poésie...
Je serai vendredi 21-6 au stand 706, Unicité, de 17h à 18h30, avec mes livres...
Je mets là un autoportrait d’écriture en citations,
des extraits du recueil Le réel est un poème métaphysique
(proses, photographies, poèmes – et certains exergues, car on est ses lectures).
01:48 Publié dans Poèmes © MC SanJuan, POÉSIE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marché de la poésie, poésie, citations, mc san juan, le réel est un poème métaphysique, livres
11/04/2024
Revue À L'Index n°48
Dans l’éditorial, Jean-Claude Tardif aborde le problème de l’édition, dominée par des groupes de maisons puissantes qui "marchandisent", écrit-il, la production des livres. Et cela encombre la distribution de médiocrités. Il craint d’observer « la fin d’un monde, celui du livre et plus encore de la Littérature ». Se demandant si des auteurs des temps précédents pourraient être édités s’ils vivaient maintenant. Ils le pourraient difficilement, contre « ces livres de consommation rapide » qui « n’ont rien de rimbaldien ». Il conseille aux lecteurs, à la fin, d’aller « fouiller »… « la deuxième étagère ». Mais je crois que même cela ne suffit pas car là aussi il y a barrage, les petites éditions de poésie ayant des distributeurs qui placent peu ou pas les livres en librairie. Les livres sont dans certaines librairies quand il y a des lectures, et passent dans les autres le temps d’une commande. Heureusement qu’il y a des salons… Je me souviens de ce qu’a dit le poète Paul Valet sur sa fidélité à ces éditions moins en vue, son choix de ne pas s’adresser aux grandes, pour continuer à soutenir celles qui lui avaient permis de publier au début.
Dans la revue, des nouvelles, des poèmes (surtout), une recension, des traductions. Deux auteurs de Bahia, Brésil (traduits par Dominique Stoenesco) et deux poètes catalans (traduits par Pierre Mironer).
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00:56 Publié dans Recensions.REVUES.poésie.citations.©MC San Juan | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : à l’index n° 47, jean-claude tardif, poésie, citations
10/04/2024
Revue À L'Index n° 47. Poésie...
Dans son éditorial, Jean-Claude Tardif définit la poésie comme « état d’esprit qui induit un état d’être ; un humanisme, qui passe par l’échange et le partage des mots, des textes, des langues, pour, finalement, trouver l’autre, mieux l’entendre et l’écouter, puisque les mots et la poésie qu’ils façonnent, entrent en chacun de nous à un moment ou à un autre, d’une façon ou de l’autre. »
Dans la revue, de lui, une nouvelle, aussi. Histoire de mer, titre qui nous introduit dans un univers étrange, celui d’une île un peu mystérieuse. Un monde de rumeurs qui hantent les mémoires. Une transmission qui se nie elle-même, un lieu à quitter. Les êtres qu’on y voit sont imprégnés des brumes de ce monde d’eau. « Ce matin, le silence seul habite les rochers. Pour peu on pourrait penser que la mer, elle-même, n’existe plus. ». Le lieu frôle ou produit la perte, de lui-même (terre et mer) et du narrateur, qui croit sentir que son corps « se dissolvait dans l’air saturé de sel ».
D’autres nouvelles suivent, alternant avec des poèmes (plus nombreux). Dont celle de Jean Bensimon (pp. 51-61), L’Homme bleu. Son personnage découvre que sa peau est devenue bleue, et on lui fait comprendre que c’est sa peur qui se rend ainsi visible. Le récit devient alors une quête assez poétique pour aller chercher dans la profondeur de l’inconscient les anciennes terreurs. C’est un voyage dans le passé et dans des lieux qui peuvent représenter les mirages intérieurs. Car « la peur lui collait à la peau, suintant par tous les pores avec son odeur aigre, acide, elle imprégnait ses gestes, ses propos ». Voyage dans « le fleuve du Temps », parcours de « la forêt interdite », entrée dans la « demeure » qui cache les souvenirs sous la poussière de l’oubli ou du refoulement. Pour une prise de conscience libératrice…
À lire, dans ce numéro, des poèmes, dont des traductions… Et des recensions. Plus un hommage à Michel Cosem. Dossier, la poésie castillane (traduite par Roberto San Geroteo), et importante contribution sur la littérature ukrainienne (poésie et romans), réalisée par Vladimir Claude Fisera.
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00:44 Publié dans Espagne,culture espagnole, Recensions.REVUES.poésie.citations.©MC San Juan, Ukraine, actualité et culture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : à l’index n° 47, jean-claude tardif, poésie, citations, roberto san geroteo, espagne, vladimir claude visera, ukraine, myette ronday, lents ressacs, culture
07/04/2024
La moindre mesure du monde... Livre de Jean-Pierre Otte, L'Étoile des limites
La moindre mesure du monde, L’Étoile des limites, coll. Le lieu et la formule, 2023.
Le titre de cet ouvrage d’une quarantaine de pages correspond bien à l’intitulé de la collection, qui pose en exergue une citation de Rimbaud, « …pressé de trouver le lieu et la formule ». Ainsi « Le lieu et la formule » inviterait des auteurs cherchant à se penser eux-mêmes à travers un espace, et tentant de définir une sorte de géométrie intérieure en questionnant une géographie extérieure. Le mot le plus important serait la « formule », car arpenter un lieu pour le décrire seulement, cela ne présente qu’un intérêt très relatif, s’il n’y a pas une démarche interrogeant le JE dans sa profondeur inconsciente, d’une part, et sa place dans une démarche de conscience d’être, la dimension ontologique, d’autre part. C’est en tout cas ma conception de l’écriture, et comme le poète Daniel Giraud le disait pour lui-même, je ne sépare pas la poésie (vers ou prose fragmentaire) de la philosophie. C'est la seule poésie qui m’intéresse vraiment (à lire ou à écrire), celle qui rejoint le domaine métaphysique, et plus, selon la conception de Jean Rouaud, « l’ambition mystique de la poésie » (je le citais dans ma première note sur la triste polémique autour du Printemps des Poètes).
Il me semblait, avant de lire son texte, que le titre de Jean-Pierre Otte indiquait qu’il allait au-delà de tout parcours de sentier ou de marche dans du « local ». Même s’il parle bien d’un lieu il le dilue dans une sorte d’anonymat qui crée une abstraction propre à faire penser. Il va vers la mer, dont les rives sont une frontière d’univers, finalement, où qu’elle soit, et les oiseaux qu’il mentionne relient terre et ciel (sable et cosmos) comme le feraient les traits d’une gravure.
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03/04/2024
Hommage… Daniel Giraud, poète et traducteur
Daniel se déshabille nu, jusqu’à l’os.
Théo Lésoualc’h, revue Bunker, Marc Questin éditeur (cité par Claude Pélieu)
La vigie, le barbare à rencontrer, le témoin, un collage d’être et d’âme (…) un « grand » poète, il embrasse l’entre-deux, il est à demi-plein, à demi-vide (…).
Claude Pélieu, préface de All to no-thing
Mais la nature est un temple qui suppose la surnature. La métaphysique n’est-elle pas l’au-delà de la nature ? (…) La simplicité et l’oisiveté du poète ouvrent aussi aux vertiges et dérives dans l’indicible tout-autre qui n’est autre que nous-mêmes.
Daniel Giraud, Ch’an poèmes beat tao (éditorial de sa revue Révolution intérieure n°5, 1987)
The Outsider is a man who cannot live in the comfortable (…) He sees too deep and too much, and what he sees is essentially chaos. He is the one man who knows he is sick in a civilization that doesn’t know it is sick.
Colin Wilson, The Outsider
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Daniel Giraud... est décédé dans les premiers jours d’octobre 2023, pour rejoindre le Tout des anarchistes mystiques, le vide ternaire du Tao, cet absolu non-duel…
Quand j’ai vu par hasard ce fragment de Colin Wilson, extrait de The Outsider1, j’ai tout de suite pensé à Daniel Giraud, cet Outsider qui voyait « trop profond et trop », et que le « chaos » du monde révoltait, en libertaire rêvant d’un autre horizon du possible, et trop seul à le rêver. Si la civilisation « ne sait pas qu'elle est malade », cela rend malade ceux que cela désespère. Et Daniel Giraud, qui oscillait entre une tension vers ce qui pouvait rejoindre la joie et la bascule dans le désespoir, posait, contre cette solitude de conscience, l’écran de multiples dons permettant d’atteindre le tout-autre qu’il évoquait justement. Tant de curiosité pour des connaissances formant le puzzle d’une même recherche, que Claude Pélieu, dans sa préface de 2014 (pour All to no-thing), liste une litanie de mots pour le définir : traducteur, astrologue, poète, nomade, chanteur de blues, libertaire, citoyen du monde, grand voyageur, etc.
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01/04/2024
Poésie. Revue DIÉRÈSE n° 89
L’éditorial de Gilles Lades met, dès l’exergue (citation d’Antoine Emaz) et sa première phrase, l’accent sur l’émotion : « le cœur et la chair de notre existence ». Il montre comment l’émotion émerge de l’intime, avec sa part inconsciente et son rapport avec l’imaginaire. Donc, écrit-il, elle ne peut être écartée de la pensée du poétique. Mentionnant Valéry, Goethe, et plusieurs autres auteurs dont René-Guy Cadou et Yves Bonnefoy, il considère que « seul le verbe poétique » a la force, « en unissant auteur et lecteur », de relier « l’intime » au « cosmique ».
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Ouverture… En page-titre intérieure, une citation…
La Poésie est une présence infiniment légère et infiniment comblante.
Nicolas Dieterlé (1963-2000)
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20/03/2024
Revue DIÉRÈSE 88. Suite du parcours...
Dans la note précédente, j’avais fait un parcours rapide de la revue, accompagnant la lecture de la recension de Michel Diaz et de son récit. Je mentionnais déjà l’intérêt de l’éditorial d’Alain Fabre-Catalan, que j’ai encore relu. Il écrit que la poésie s’inscrit « dans cette extrême tension entre le mutisme de l’existence immédiate et l’invention du langage face au foisonnement du réel ». C’est pourquoi, le poème qui est lu « ne se donne jamais d’emblée ». Je trouve que ce qu’il dit de la lecture pourrait s’appliquer aussi à l’écriture : « Rencontrer une parole autre qui retentit à l’intérieur de soi », permettre « un dialogue avec l’inconnu d’une voix qui soudain vous révèle à vous-même ». Car le processus est proche, écoute de sa propre voix, qui contient aussi une part d’inconnu et provoque une révélation à soi-même de ce qu’on ne savait pas avant que les mots du poème le tracent. Et d’une certaine manière la lecture est une écriture qui participe de la création du poème. Comme l’écriture est une lecture des signes qui deviennent langage en laissant émerger les mots de la langue qui travaillaient souterrainement en soi. C’est d’ailleurs ce qu’il propose aussi pour penser le poème comme « expérience de soi à travers l’écriture ». Je retiens les mots « énigme », concernant poète et lecteur, et « déchiffrement » comme opération de lecture (mais elle succède au déchiffrement premier de notre part d’inconnu que le langage va traduire). Dans les deux moments, écriture et lecture, c’est la possibilité d’un accès à cette « énigme » qui fait qu’écrire ou lire un poème est vivre un triple « franchissement vers un au-delà de soi-même » (poème, poète, lecteur). Et encore plus quand le lecteur est aussi poète qui déchiffre « un au-delà de soi-même » en écrivant ses textes. Sachant que le poète authentique ne naît que par ses lectures de ceux qui l’ont précédé et de ceux qui vivent dans son temps.
Alain Fabre-Catalan appuie son texte sur deux citations de Claude Esteban, hommage à un auteur qui savait « épouser mieux l’obscur / pour avancer ».
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Ouverture… Citation en page-titre intérieure :
Chaque poème est un monde neuf qui nous reçoit
Comme si nous l’avions toujours connu.
Claude Albarède
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