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18/06/2025

Traversées n°108, revue, dossier Pierre Perrin

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Lecture du dossier Pierre Perrin, revue Traversées (Patrice Breno éditeur).

Je connais plusieurs des textes de lui qui sont repris là. Mais ils demeurent forts, qui évoquent des souffrances d’enfance, surtout une, imposée par la mère (et le privant de son animal très aimé, jeune chien), fait dont il dit l’avoir tu trente ans, le refoulant. L’écriture dévoile. Et ainsi s’élabore une conception de l’écriture, sur cette exigence de vérité, de dévoilement. Plusieurs auteurs interviennent, pour des études, des chroniques, un entretien.


Ainsi Alain Nouvel a lu Une mère. Le cri retenu. Récit et réflexion sur un lien complexe pour lequel l’auteur fait retour par l’écriture afin de démêler les sentiments contradictoires inspirés par cette mère de son vivant et depuis sa mort. Il y a, dit le chroniqueur, « de la distance et de l’intime dans ce texte ». Dan Burcea aussi chronique ce même récit. Lui y voit la douleur mais s’intéresse à une photographie de la mère prise par son fils, et insiste sur le désir de communication au-delà du temps, interrogeant la place de la survie de l’âme dans la pensée de l’auteur, en voyant des traces dans un passage de rêve de rencontre post-mortem, qu’il cite, se demandant si « l’auteur reconnaît enfin l’existence inavouée de l’âme, tant mise sous silence tout au long de son récit ». Laurence Biava, émue, se demande ce qui, dans l’histoire de la mère, a opéré la cruelle transformation, supposant des blessures antérieures graves. Plusieurs commentent Le modèle oublié, livre sur Virginie Binet et Courbet. Jean-Yves Debreuille, rappelant que les traces manquaient, la correspondance notamment, dit que la réinvention s’appuie cependant sur une ample documentation, ce que prouve la bibliographie (« plus de soixante titres »). Henri-Pierre Rodriguez pense de ce livre qu’il « fait plus que sortir de l’ombre une femme sacrifiée aux égoïsmes d’un homme et d’une époque », il y voit aussi « une brillante analyse d’un caractère complexe ».

Daniel Guénette, lui, recense le recueil (anthologie) Des jours de pleine terre, notant l’importance des paysages, des lieux, dans l’univers de quelqu’un venant du monde de la terre. Il remarque un certain classicisme dans l’écriture de vers réguliers et la maîtrise de l’enjambement. Mais il en affirme aussi la modernité, ce qui rejoint la parole, caractérisant l’humanisme d’un moraliste. Pierrick de Chermont remarque « l’incroyable stabilité de la forme » pour des poèmes « écrits entre 1969 et 2022 ». Pour Philippe Colmant, Pierre Perrin est « un écrivain "particulier" », pour maîtriser « différents genres littéraires » (poésie, roman, récit, essai). Aymen Hacen s’intéresse, dès le titre, à « cette richesse dichotomique entre le pluriel et le singulier » et au doute « considéré comme l’apanage de la philosophie et des philosophes », dont Pierre Perrin fait matière poétique, jusqu’aux questions « métaphysiques ».

Daniel Guénette a lu aussi le recueil Finis litterae (Possibles hors-série). Sonnet comme « "pointe extrême" de la lettre », sans rimes. Indépendamment des textes plus lyriques, le lecteur s’intéresse aux textes du poète « pamphlétaire », auteur du « portrait-charge ». Yves Marchand met l’accent sur la lucidité et le regard complexe.

Avec Étienne Ruhaud c’est un entretien (art qu’il maîtrise), centré sur le recueil Des jours de pleine terre, anthologie. Pierre Perrin a-t-il vu dans son écriture « des évolutions sensibles » ? Oui, dit l’auteur, par de plus en plus d’exigence, de travail, de réécriture, vers « l’accès à la netteté, à la concision ». Sur la structure en chapitres que dit-il ? Le désir d’organiser, de construire le livre, et là, logiquement, en suivant le temps de vie, de la naissance au présent. Et sa poésie « d’inspiration autobiographique », « récit de vie », donc « existence » [...] « forme de matière première » ? Oui. « Pour moi, l’existence est tout mon univers, et contient l’âme aussi » (Et il cite Montaigne, « Je suis moi-même la matière de mon livre ». Est-il « poète lyrique » ? Il part, répond-il, « d’une émotion pour écrire un poème ». Et Pierre Perrin  cite Reverdy. Alternance « vers libres et prose », quel choix du « rythme » ? Pour lui « Le rythme s’impose naturellement ». Naturel, et « culturel », par la culture de l’alexandrin (il explique les combinaisons qu’il utilise). Mais « la prose est tout autant rythmée que le vers ». « Classique » ? [...] « Est-ce délibéré ? ». Oui, « J’aspire au classicisme ». « Images ? ». Oui. « L’image neuve, inouïe, forme une part de la poésie ». Affinités ? « quels créateurs ? ». « Je place René Char très haut, avec Fureur et Mystère ». Mais il cite plusieurs noms, dont Jean Pérol, Emmanuel Godo, Pierrick de Chermont, etc. Dernières questions. Sur Courbet, qu’il voulait mieux comprendre, et le monde actuel, dont il voit lucidement les failles et les risques de « barbarie ». Mais, répondant à la question de la mort il récuse tout désespoir (« La lucidité l’écarte »).

Recension, Marie-Claude San Juan

SITE. Revue Traversées : https://revue-traversees.com/

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