13/12/2025
Jardins de riens, de Françoise Favretto, Atelier de l’agneau, 2020

Jardins de riens. Trois parties structurent la série de poèmes brefs, pour ce livre de Françoise Favretto, qui en suit un autre, Jardins.
On est invité à visiter un jardin de ville, puis à passer dans le matin d’un verger (« Déplacement »), et enfin à contempler la nature vers un soir d’éclipse, en lisant « 19 petits textes »...
Avant même de lire tous les textes, des éléments révèlent une intention, un état d’esprit, pour cet ouvrage qui est aussi un objet d’artiste, avec ses feuilles, fins voiles verts transparents posés entre des pages, dans mon exemplaire (voir le lien en bas de note, explication, « livre unique multiple »). Car ces Jardins offerts sont « de riens » (faits du peu, du petit, de bricoles, des riens, donc...). Et tracés, entrés en écriture, comme faits de riens, poèmes brefs en miroir modeste de ce qui est regardé, pour ne pas peser sur ce réel-là. Les textes sont qualifiés de « petits », ce qui ne renvoie pas seulement à la taille (peu de lignes, touches légères) mais au refus du grandiloquent. Pas de posture d’orgueil créateur humain à opposer à la nature, comme elle est : présence silencieuse un peu en retrait, à hauteur d’herbe et arbre, dans l’écoute des sons. Et ces poèmes sont dits « hésitant », écrits en hésitant, l’hésitation étant la mesure du respect rendu aux oiseaux, aux fleurs, aux insectes... même nuisibles (ou considérés tels). Volonté d’insister sur un désir de peindre le peu des choses du jardin, le vivant minuscule, les brindilles du végétal, et de le faire juste en dessinant des pourtours d’existence, sans conceptualiser ce qui est. Une démarche volontairement humble pour tracer ce qui est vu. Et comment être sûre de capter et transmettre l’insaisissable, ce que les sens perçoivent, qui n’est pas idée mais corps ?
J’essaie de dire d’écrire
ce bruit
dans les feuillages
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08/12/2025
Concerto pour marées et silence, revue, n°18, 2025

La réflexion de Colette Klein qui ouvre la revue a pour exergue une citation de Romain Rolland sur la musique (« la parole la plus profonde de l’âme »), texte qu’elle aime rappeler, et qui convient à ces numéros structurés en mouvements musicaux par les poèmes de Pierre Esperbé, dont un recueil donne son titre à la revue. Textes de lui, « né dans l’infini des êtres », qu’on aime relire.
Colette Klein (revuiste, écrivaine et artiste) dit avoir renoncé à écrire de la poésie au moment de l’invasion de l’Ukraine, ayant le sentiment de la vanité du combat contre la guerre, lassitude qui n’a pas amoindri cependant son engagement pour soutenir les auteurs réprimés par des dictatures et l’expression de son désir de paix. Ce désespoir, qui ne l’empêche pas d’écrire autrement, est apaisé par la poésie qu’elle publie des autres, la trace d’espoirs, l’expression d’un idéal. Elle a relevé plusieurs fois, dans des textes reçus, publiés dans ce numéro, le mot paix, et en copie des fragments pour clore son texte.
Écrire de la poésie malgré les grandes douleurs dans le monde ? C’est une question qui est souvent posée, et qui le fut après Auschwitz (Adorno). Comme si les mots du poème ne pouvaient plus porter du sens contre l’absence de sens. Cependant des auteurs ont relevé le défi. Ainsi Charlotte Delbo, Primo Levi (poème liminaire « Si c’est un homme ») ou Paul Celan, qui subvertit la langue du bourreau (et langue maternelle) en la déconstruisant de l’intérieur et en l’habitant souterrainement de mots autres, jusqu’à des traces étymologiques de l’hébreu, créant du texte caché sous le texte, inscrivant du contraire.
Cette douleur de Colette Klein devant la présence envahissante de la guerre et de la violence, je l’ai trouvée, échos qui se croisent, dans une chronique de Raphaëlle Milone (La Règle du jeu, décembre 2025), analyse se référant à Franz Werfel, Einstein, Wells, pour questionner l’utopie d’un monde sans guerre : « Et si les visionnaires que l’histoire a relégués au rang de doux rêveurs étaient, en réalité, les seuls à avoir vu juste ? ». Elle les oppose à « nos temps de haut cynisme, de toisant nihilisme ». Elle leur emprunte l’idée d’une sorte d’association d’esprits éclairés, et précisément le projet de Franz Werfel, qui, en 1937, « hanté par le processus totalitaire qui menaçait » proposa de « fonder une Académie mondiale des poètes et des penseurs », utopie dont elle regrette le scepticisme qu’elle provoqua.
Écrire de la poésie pour résister ? Mais quelle poésie ? Pas, comme l’écrit Kenneth White dans Le mouvement géopoétique (Poesis), si ce n’est « que l’art de faire des vers sur des banalités, l’expression d’états d’âme à fleur de peau, associé à tout ce qui est vaguement imaginaire, fantastique, sentimental ou mièvre ».
Autre écho au texte introductif de Colette Klein, la recension, par Murielle Compère-Demarcy (Rebelle(s) Mag), d’un livre où ses peintures accompagnent les textes de Gérard Gaillaguet. Les Obstinés est le titre, et « Dans ce livre, l’Obstination devient une manière d’habiter le monde : obstination de l’écriture comme obstination du geste pictural. ». Il faut lire intégralement cette recension qui montre comment ce livre est une des réponses de Colette Klein aux inquiétudes de son questionnement posé en tête de la revue.
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Parcours, non exhaustif... dans l’ordre des pages
POÈMES, quelques citations
Richard Roos-Weil
« La tristesse du roi »
J’aurais voulu dire
Des mots si peu emplis de moi
...
Isabelle Lévesque et Pierre Dhainaut
« L’arbre rouge », poème à deux voix, strophes qui alternent
Pierre Dhainaut
À présent que sont partis les oiseaux
qui tournoyaient jusqu’à toucher les flammes,
ils se font entendre en hiver par silence
par trous d’ombre, la couleur ne s’affaiblit pas.
Isabelle Lévesque
La couleur faite arbre coule dans nos veines,
sacre parfait d’une institution fragile.
Le chiffre est seul dans cette forêt
- décision d’un peintre aveugle.
...
Béatrice Pailler
« Vert Fleuve »
Foyer du temps
heure intense
sur la langue
la vie des mots.
...
Jean-Pierre Otte
« Le temps des femmes bouleversées »
... Il n’y a plus personne dans le réel du monde
mais des foules mortes-vivantes
dans les miroirs d’un présent en trompe-l’œil
...
Pierre Rosin
Lorsque je les regarde se faufiler
entre les lames de la terrasse
je me demande
s’il arrive aux lézards
de regretter leur ancienne peau
[...]
Ou s’ils considèrent
sans se préoccuper du temps qui passe
s’être dépouillés d’un vieil habit [...]
qui les aurait empêchés de devenir ce qu’ils sont
...
Frédéric Tison
« Poèmes inédits »
Parfois la folie est une barque, Ô Amie, la folie est une barque.
[...]
Être maintenant au sein du déséquilibre
Ô funambule !
[...]
Même les anges perdent leurs ailes.
...
Michel Diaz
« Entre l’énigme et l’évidence »
Se tenir là. Muscles rompus par trop d’errances. Un souffle, à peine. Au tracé souterrain. En bordure d’oubli.
[...]
Il n’y a rien à dire comme il n’y a plus rien à faire d’un alphabet de cendres, l’ombre nous touche au front, s’installe à la fenêtre qui ne reflète aucune image
...
Léon Bralda
« De lait chaud et de pierres taillées »
Sur les vitres du monde : les embâcles traînant leurs amas de silence aux crues de la mémoire.
...
Michel Capmal
« Hors saison »
La plage archaïque. [...] Des organismes sans organes, erratiques, obstinés. Qui veulent nous confier les ultimes rudiments d’une langue sacrée, perdue, dévastée.
...
Guénane
« Les Idées sont des tiges folles »
Tant de douleurs de colères
faudrait-il que la terre entière
s’habille de noir
porte le deuil d’elle-même ?
...
Murielle Compère-Demarcy
Oiseaux migrateurs
creusant le miroir ailé
aux miroitements multipliés
de nous-mêmes
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NOTES de lecture, plusieurs (sélection)
L’Écorce du silence, d’Isabelle Poncet-Rimaud (Unicité). Lecture de Jean Bellardy :
« chaque poème est un pur diamant » [...] « à la lisière du mystère » [...] « douce puissance dans les images » .
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Traverser l’obscur (Musimot), de Michel Diaz, lu par Marie-Christine Guidon : « ce dire si particulier dont il a le secret, les mots fécondés par un souffle ». [...] « Traverser l’obscur, n’est-ce pas, malgré tout, s’exposer à l’éblouissement ? »
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Et pourtant (Arfuyen), de Pierre Dhainaut, lu par Jean-Louis Bernard : « Pierre Dhainaut réconcilie en son ouvrage l’éclat et l’obscur [...], le seuil et le passage [...], le visible et l’invisible, abolissant ainsi le soupçon qui plane sur les limites de la langue. »
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Recension, Marie-Claude San Juan
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LIENS :
Sommaire du numéro 18, 2025 :
https://www.coletteklein.fr/concerto-pour-marees-et-silen...
Concerto pour marées et silence, revue annuelle, présentation :
https://www.coletteklein.fr/concerto-pour-marees-et-silen...
Notes antérieures, 2024 etc. Tag Concerto pour marées et silence, ou simplement « Concerto »
02:26 Publié dans Recensions.REVUES.poésie.citations.©MC San Juan | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : concerto pour marées et silence, revue, colette klein, poésie, pensée, citations, concerto, valeurs
02/12/2025
Diérèse n°94

Parcours non exhaustif...
L’éditorial de Daniel Martinez, « Vies de la poésie » (pp. 7-8), s’inscrit entre affirmation et interrogation, comme posé dans les interstices d’une pensée qui (comme il l’apprécie dans une citation de Bernard Noël à la fin de son texte) s’écrirait au conditionnel. Opposant la poésie, dans son rapport avec la langue, à ce qui, dans la culture acculturée du social, se situe « dans un siècle où la communication forcenée a dévalué la parole ». La poésie, elle, « renoue avec l’irremplaçable d’une langue qui vise à se défaire des faux-semblants ». Pour lui, aborder « la genèse du poème » est penser « perspective », considérant autant l’espace du geste externe d’écrire que le geste intérieur de déchiffrement des géométries intimes, des superpositions mentales à décrypter en soi (« le proche, le lointain »). J’aime la métaphore qu’il utilise pour traduire l’opération créative en poésie : frotter « les cailloux d’un réel polymorphe » [...] « afin que le feu prenne ».
Un autre questionnement intervient, qui n’est pas sans importance : la question de l’ego, dans une « tension » où se joue « la crainte d’être à un moment ou à un autre dépossédé du fruit de son labeur », mais aussi le processus d’une démarche intérieure vers un détachement permettant d’accéder à plus de « transparence ». Métamorphose de conscience qu’Henri Bergson, qu’il cite, formule en parlant du regard des poètes posé sur « une chose », vue « pour elle, et non plus pour eux ».
La poésie ? Elle « échappe à toute tentative de subordination » et « déborde le langage conçu comme simple outil de communication ». Le poète se faisant transfuge de soi-même, accédant à l’autre en lui dont Bernard Noël « suggère, lui, que cet autre pourrait ‘être une figure que nous ne touchons qu’en nous’ ». La poésie, libre « parole déplacée », dévoile, écrit Daniel Martinez, « la singularité de chacun », rendant possible un autre rapport au monde réel, pour une « respiration », « côté lumière ».
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00:10 Publié dans Recensions.REVUES.poésie.citations.©MC San Juan | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : diérèse 94, daniel martinez, poésie, citations, livres
30/11/2025
Diérèse n°93
Parcours non exhaustif et un peu en désordre... jusqu’aux notes de lecture.
En exergue, page titre, une citation de Claude Michel Cluny :
« Tout est rencontre ». Pensée que le texte qui suit ne fait que soutenir...
L’éditorial, titré « L’adresse du poème » (pp.7-8), est d’Alain Fabre-Catalan. Lisant le titre une question s’est imposée : adresse, quel sens ? L’adresse du lieu du poème (et lieu à mille significations), destination à définir... ? Où est-il, dans quel lieu du langage et de la pensée ? de quel lieu vient-il : territoire, langue, corps, temps, inconscient ? Où va-t-il ? Mais adresse ce pourrait être aussi l’habileté, la maîtrise du langage, un pouvoir du savoir (et non-savoir). Ce que peut le poème (prose ou vers) que nulle autre écriture ne saurait signifier ? Justement le premier paragraphe évoque la polyphonie des mots, et j’y trouve la question du lieu : le poème « dans son hésitation entre une langue et une autre, animé du désir de rejoindre d’autres rives ». Parce que, est-il écrit, le poème ausculte « ignorance » et « silence » ; il ne se crée, peut-on comprendre, que dans un dépassement vers « l’inconnu » d’au-delà de tout territoire intérieur. Errance entre les moments et entre différents espaces du réel, le visible de nos vies, le caché que peut révéler le poème. L’expérience que dévoile ce texte, cernant des contours, est une tentative de « saisir le temps », et en même temps le choix d’écarter cette « illusion » pour mener une autre entreprise de pensée et d’écriture : « traduire ce qu’on ne sait pas encore ». L’écriture est « transgression », doublement, car elle doit franchir des frontières, celles du langage et de sa traversée, celle de la conscience de qui écrit, « mémoire et oubli ». Car l’écriture « donne à penser l’autre versant de la parole, à savoir ce qu’un corps est à même de faire au langage [...] ». Le poète est un passeur « de passage ».
Et... une fois le poème écrit reste le hasard de la rencontre qui fera d’un lecteur celui qui saura « déchiffrer » et reconnaître le sens, ce co-créateur, « tel l’interlocuteur inconnu si cher à Mandelstam ».
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02:22 Publié dans Recensions.REVUES.poésie.citations.©MC San Juan | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : diérèse 93, daniel martinez, poésie, citations, recensions, livres
26/11/2025
L'Intranquille n°29

https://atelierdelagneau.com/de/accueil/305-l-intranquill...
Entretien... pp. 5-10. L’écrivain Jean Daive répond aux questions de Françoise Favretto, qui dit être « impressionnée » par son « érudition ».
Première question, comment « articuler » les « cordes » de son « arc », radio et poésie ? Plutôt qu’articuler il note laisser en quelque sorte s’établir le rapport entre la pensée et la parole, à partir de la « faculté naturelle de [se] questionner devant l’inconnu ». Il parle des lettres, le rond des a, c, d... et des sons écoutés enfant, la genèse d’une attention aux « empreintes sonores ». Et il mentionne sa faim, à 17 ans, d’une culture encyclopédique : tout lire, tout voir.
Comme Françoise Favretto s’intéresse aux pratiques plurielles d’auteurs-artistes, elle lui demande ce qu’il fait de ses « passages » entre écriture et art. Écrivain, non, il ne reprend pas ce terme pour identité, préfère interroger sa mémoire de « l’équivoque » de la vie perçue très jeune et se souvenir des difficultés de l’enfant qu’il fut, de « l’intolérable » à les vivre, du choix de résister, en étant « être imperceptible ». Il mentionne rencontres, découvertes, et passion pour Kafka, s’étant identifié à l’Arpenteur, celui qui, donc, arpente et enquête (Auschwitz, Assise, Cnossos, Birkenau...). Mais, ajoute-t-il, « C’est aussi ma propre vie que j’arpente, car le corps des autres c’est aussi le mien ».
Est-il critique d’art ? Il répond en évoquant les mots, une « immersion » dans l’étymologie, et la « contemplation des étoiles ». L’essentiel est ce pouvoir, contemplation et « distanciation ». Il se souvient, œuvres nombreuses...
Question 4, la parole... Dans sa manière de faire de la radio il pose ceci : « une équation simple : micro + oreille = sens ». Mais, poursuit-il, « quel sens à donner au sens ? ». Revenant sur un sujet traité en émission, l’égarement, il donne alors peut-être une clé, s’égarer, lâcher, libère une autre attention, un espace de sens dans une autre écoute.
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19/11/2025
À L'Index, revue, n°52

L’éditorial de Jean-Claude Tardif (pp. 5-8) alerte, questionnant le délitement de l’humanité piégée par l’univers des algorithmes, des QR codes et de l’IA, dans la mesure où le risque est une perte de langage, vers une uniformisation appauvrissante. Que devient « l’intelligence collective » ? Constats inquiétants, comme l’emprisonnement d’écrivains dans de nombreux pays, atteintes graves à la liberté, évolutions nationalistes et illibérales... Donc « parler d’autres choses », non, il ne peut pas. Plutôt choisir la vigilance, celle que doivent avoir les poètes. Il appuie sa réflexion sur plusieurs citations de Guillaume Apollinaire, extraites de son « Introduction à l’Œuvre poétique de Charles Baudelaire ». J’associe certaines de ses interrogations à celles d’Éric Sadin, qui dans ses livres s’inquiète d’un effet IA (quels que soient ses intérêts techniques et scientifiques), d’une perte de contact avec le réel, et interroge la « rupture anthropologique à l’œuvre ». (Parmi ses titres : Le Désert de nous-mêmes, et L’Intelligence artificielle ou l’enjeu du siècle. Anatomie d’un antihumanisme radical). Inquiétudes qui rejoignent celles de Jean-Claude Guillebaud (prix Albert Londres, décédé début novembre) exposées dans ses écrits, particulièrement dans Le principe d’humanité. Lui craignait l’obscurcissement de la conception de ce qu’est l’humain.
Citation
Sommes-nous à ce point mentalement « castrés » que notre avenir se circonscrive à quatre initiales et quelques algorithmes qu’agitent une poignée de ploutocrates aux ego tridimensionnels ?
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01:30 Publié dans Recensions.REVUES.poésie.citations.©MC San Juan | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : à l’index, jean-claude tardif, écriture, pensée, citations, poésie, poésie ukrainienne
18/11/2025
Possibles n°37, Les Carnets III

De nouveau des notes, journaux, carnets.
Pour rendre compte de l’ensemble je sélectionne la lecture de quelques textes, privilégiant surtout le fragmentaire (mais pas toujours).
http://possibles3.free.fr/num37.php
Les pages de Roger Judrin (1909-2000),
titrées « Ricochets », sont des extraits d’un ouvrage publié en 2023, Cercles d’onde. La note explicative cite Jacques Message, qui, dans sa postface, écrit ceci : « Les pensées détachées sont le contraire de pensées dispersées ». Voilà qui peut caractériser aussi une intention commune à d’autres auteurs de fragments. Et, autre mention, celle de la présentation de ce livre posthume évoquant l’image d’un caillou jeté dans l’eau et créant autour de lui ce phénomène d’onde, comme, est-il noté, fait « la densité d’une pensée ramassée » dans l’esprit du lecteur. Roger Judrin oppose l’écriture fragmentaire à « l’autorité absolue de la rhétorique », qui méprise « les pensées détachées ». Mais il rappelle le nom d’Héraclite qui surnage, puis de Pascal et Joubert, reconnus dans la forme revendiquée de leurs textes fragmentaires. Il mentionne ensuite Valéry, qui invite ses lecteurs à « perdre le fil » et ne bouche pas « les trous de la trame ». Héraclite, Pascal, Joubert, Valéry, hautes références et sens de la démarche, une conception de l’écriture, un mouvement intérieur de pensée, centre dense et onde. Dans ces pages quelques paragraphes de plusieurs lignes, mais souvent une ligne seule, parfois deux. Alternent des réflexions sur l’écriture, la manière de penser, de vivre...
00:27 Publié dans Recensions.REVUES.poésie.citations.©MC San Juan | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : possibles n°37, carnets, écriture, citations, pierre perrin
13/08/2025
Lecture de La maison loin de la mer, de France Burghelle Rey
France Burghelle Rey a publié des recueils de poésie, surtout, et a notamment mené des recherches sur Cocteau, la théorie de la création, et Huysmans. Ce livre appartient (selon l’esprit de la collection La diagonale de l’écrivain des éditions Douro) à sa pratique périphérique (donc en marge des autres publications, mais parfois ce qui est périphérique devient une marque importante de l’univers d’un auteur). Ouvrage qui interroge, fait penser, force aussi à entamer une réflexion sur le genre où le classer, et partant d’une approche (en suivant le sous-titre) découvrir autre chose de très intéressant.
La Maison loin de la mer, Fragments I, Éditions Douro (coll. La diagonale de l’écrivain), 2021.
Ce qui m’a attirée vers cet ouvrage, est son sous-titre, Fragments... Mais j’ai ensuite remarqué autre chose, concernant aussi le titre : en référence des hauts de pages « loin » devient « près ». On doit donc supposer que la question du lieu est posée avec le signe de l’incertitude et que la mer devient un élément, réel et symbolique, central. Feuilletant, en commençant par la fin j’ai vu qu’un Index des noms d’auteurs mentionnés dans le livre prenait deux pages pour une longue colonne. Cela renvoie à de nombreuses citations, définissant sa pratique comme du glanage, se référant à Varda...
20/06/2025
Hommage au poète Jean-Claude Xuereb (1930-2025)
Le poète Jean-Claude Xuereb est décédé début avril 2025 à 94 ans. Son dernier texte en revue aura été publié par À L’Index (numéro 49). Il y évoquait des jardins de Malte, pays des ancêtres paternels qu’il avait visité mais dont il ne parlait pas la langue. Deux autres contributions sont à paraître : une préface, rédigée pour la réédition du livre d’un historien qui avait été publié en 1946 à Alger par Edmond Charlot, et une étude sur l’intertextualité dans l’œuvre de Camus (dont il fut un éminent spécialiste), sa participation à un livre collectif écrit par des auteurs majoritairement natifs d’Algérie (et vivant sur les deux rives). Mais de son recueil paru en 2021 aux éditions Rougerie il savait qu’il serait le dernier.
01:26 Publié dans POÉSIE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean-claude xuereb, poésie, algérie, jean-louis vidal, gérard crespo, denis salas, livres, citations, valeurs, fraternité, partage
19/06/2025
Deux livres de Pierre Perrin
Deux livres de Pierre Perrin. Finis litteræ et Des jours de pleine terre.
Prolongeant ma lecture du dossier de la revue Traversées n°108, le parcours de certains des ouvrages mentionnés s’imposait...
Finis litteræ, hors-série Possibles, 2024
J’ai aimé ce titre avant même de lire les textes et d’y voir le sens complet, qui se comprend en découvrant la forme des poèmes, si la fin de la lettre est surtout sa pointe, voulue par l’auteur sonnet. Pointe pourquoi ? (Car on peut définir pointe de la lettre plusieurs formules qui correspondent à des écritures fort différentes, à des pensées de la poésie d’un tout autre ordre, par exemple le fragment, bref et dense). Pour Pierre Perrin c’est le sonnet, et on peut l’interpréter comme choix de la contrainte, exigence de classicisme qu’il associe à la concision. Sonnet, dont il garde exactement la structure. Pour le vers c’est l’alexandrin, mais sans rimes. Une pointe, aussi, l’alexandrin. Il en joue, variant les rythmes. Dans l’entretien avec Étienne Ruhaud (Traversées n°108), il précise les combinaisons utilisées, notant les 3/3/3/3, 4/4/4, 2/4/4/2, et même, dit-il, deux fois le 5/2/5 (oui, j’ai repéré un vers, dans « L’Arbre », que je cite dans l’anthologie, où le poème est un peu différent. La césure n’est donc pas toujours après la 6ème syllabe. Et on peut lire d’autres découpages, comme 6/6, 6/2/4, ou même 3/9. Ce n’est pas un jeu formel car cela permet de mettre en relief certains mots, d’accentuer la force d’une image ou idée (comme, aussi, les enjambements, rejets, contre-rejets, anacoluthes). Pointe, les encres de Christine Lorent, dont celle de la couverture, jouent sur le double sens lettre-terre, et ajoutent (je le vois ainsi) les pointes verticales d’une architecture, comme une cathédrale. Ce qui convient à la dernière partie du livre, « Approche de l’âme », qui fait intervenir la spiritualité, la transcendance. Une encre circulaire figure une planète (on peut y voir cela en pensant aux questionnements de Pierre Perrin portant sur notre réalité commune).
22:23 Publié dans Recensions.LIVRES.poésie.citations©MC.San Juan | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : finis litteræ, des jours de pleine terre, pierre perrin, étienne ruhaud, livres, citations, poésie, valeurs, spiritualité
18/06/2025
Traversées n°109, revue
Parcours de la revue Traversées, n°109 (éditeur Patrice Breno). Page 30 je lis un poème de François Teyssandier qui évoque naissance et mort, puisque la renaissance évoquée, imaginaire d’autre identité, rejoint peut-être l’idée orientale du retour, même si ce n’est que métaphore pour traduire un désir d’accord avec le monde de la nature, des réalités sans mental.
« Tu espères renaître un jour feuille
Ou fruit mûr dans ce jardin abandonné »
[...]
« Naître est un cri rêvé »
23:54 Publié dans Recensions.REVUES.poésie.citations.©MC San Juan | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : traversées, patrice breno, poésie, écriture, citations
Traversées n°108, revue, dossier Pierre Perrin

Lecture du dossier Pierre Perrin, revue Traversées (Patrice Breno éditeur).
Je connais plusieurs des textes de lui qui sont repris là. Mais ils demeurent forts, qui évoquent des souffrances d’enfance, surtout une, imposée par la mère (et le privant de son animal très aimé, jeune chien), fait dont il dit l’avoir tu trente ans, le refoulant. L’écriture dévoile. Et ainsi s’élabore une conception de l’écriture, sur cette exigence de vérité, de dévoilement. Plusieurs auteurs interviennent, pour des études, des chroniques, un entretien.
23:53 Publié dans Recensions.REVUES.poésie.citations.©MC San Juan | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : traversées, patrice breno, pierre perrin, étienne ruhaud, poésie, citations, livres, valeurs, spiritualité
03/12/2024
RELIRE CAMUS... pour soi, pour autrui
Le combat contre l’injustice, l’oppression et l’obscurantisme est une entreprise « sisyphienne ». Camus y a pris sa part. Son parler vrai, juste et clair, son sens du dialogue et son souci de l’autre manqueront encore longtemps. Il reste à découvrir ou à relire ses livres.
Jeanyves Guérin, « Introduction » (en titre une longue citation de Camus, l'excipit de L'Homme révolté), Dictionnaire Albert Camus, Robert Laffont, 2009.
Camus est immense, Sartre et ses amis se sont trompés, par méchanceté, par jalousie et, aussi, par dogmatisme ou idéologie. Camus est immense parce que le message qu’il nous délivre est à hauteur d’homme.
Thierry Renard et Michel Kneubühler, « Un vif besoin de Camus », in Pour saluer Albert Camus, La passe du vent, 2013.

C'est en cela que je me sens proche de l’homme. Dans les rapports qu’il entretient non pas avec les autres mais avec lui-même. Des rapports complexes, liés à une quête inlassable, non pas de la vérité que l’on sait multiforme, mais d’une authenticité, de la vérité de son être, qu’on est le seul à pouvoir définir.
Maïssa Bey, L’ombre d’un homme qui marche au soleil. Réflexions sur Albert Camus, Chèvre-feuille étoilée, 2004, rééd. 2006
Comment être inféodé à une philosophie de l'histoire et épouser ta conception de la liberté ? Comment en somme concilier ton refus de la servitude avec l'allégeance tacite à un antitotalitarisme contre un autre moins fréquentable ? / Tu as été l'animateur intransigeant de la gauche anti totalitaire. Tu as refusé tous les totalitarismes qu'ils soient communistes ou fascistes.
Daniel Leconte, réalisateur, Camus forever, Huffingtonpost, 07-11-2013. https://www.huffingtonpost.fr/actualites/article/camus-fo...
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23:05 Publié dans Albert CAMUS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : camus, valeurs, pensée, humanité, solidarité, liberté, livres, citations, boualem sansal, sansal, livres camus, éthique
13/08/2024
Magie renversée, recueil d’Isabelle Lévesque et Sabine Dewulf
Magie renversée, poèmes d’Isabelle Lévesque et Sabine Dewulf, peintures de Caroline François-Rubino (préface de Florence Saint-Roch), Les Lieux-Dits, coll. Duo, 2024
Il y a sans doute plusieurs manières d’aborder ce livre. Celle que j’ai envie de choisir serait en marge des approches littéraires destinées à penser un événement-livre. Mais justement celui-ci s’inscrit dans des marges qui autorisent des lectures décalées. Un premier constat concerne Sabine Dewulf. Car quand on lit ce qui s’exprime de son univers on ne peut que remarquer que sa créativité emprunte une voie qui n’est pas que poésie. En créatrice de jeux qui sont des propositions invitant à traverser la frontière des apparences, à accepter de lâcher une rationalité plus conforme pour laisser advenir une attention à des parts cachées du réel et de soi. Elle s’intéresse aux oracles, aux clés qu’ils délivrent afin de voyager dans un autre espace du temps. Et si ce livre est un dialogue poétique cela permet de supposer que cet aspect de son univers est reconnu par Isabelle Lévesque, et qu’elle-même a ses propres entrées dans ce lieu d’une pensée ouverte à d’autres trajectoires de la conscience, ce que l’ouvrage confirme. Elles entrent donc à deux dans l’aire du regard autre. À trois, car les peintures de Caroline François-Rubino soutiennent ce déplacement du visible à ce qui lui est sous-jacent.
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11/08/2024
Sous l’étoile du jour, recueil de Michel Diaz
Sous l’étoile du jour, Rosa canina éditions, 2023.
Le préfacier, Alain Freixe, choisit de ne pas faire réellement une préface, si c’est orienter la lecture des textes de Michel Diaz. Il propose « quelques notes prises sur cette partition qu’élabore sa pratique poétique. ». Ces textes, comme en marge, ont, comme exergue, une citation de Jean-Marie Barnaud : « Tu marches cependant / tu ne sais où tu vas / dis-tu / tu vas vers ton secret / telle est l’audace / cela suffit pour une joie. » Choix très judicieux, ces vers, car Michel Diaz aurait pu l’écrire pour lui-même, lui pour qui la marche nourrit la pensée et le geste d’écrire. Et la marche est aussi la représentation d’un processus créatif.
De ces notes je relève un fragment : « C’est toujours la marche en avant. Vers l’impossible salut. À cause de cet appel insensé qui, du fond de notre finitude, nous a fait roi mage de notre vie en quête du vrai lieu. Telle est l’aventure de l’homme cet être des lointains. L’homme dans la poésie de Michel Diaz remonte ses épaules, relève la tête et poursuit. »
Michel Diaz a structuré son recueil en deux parties. Pierre du vent et Sous l’étoile du jour, qui donne donc son titre au livre.
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