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06/08/2024

Concerto pour marées et silence n° 17, 2024, revue de poésie

COUVERTURE-format-revue-424x600.jpgPour le monde je suis né dans ma date de naissance //

Mais je suis né dans l’infini des êtres

Pierre Esperbé, Concerto pour marées et silence 

Le titre magnifique de la revue est celui d’un recueil de Pierre Esperbé (Guy Chambelland, 1974), qu’il accepta d’offrir. Ses textes structurent chaque numéro de la revue, lui donnant une composition musicale, en trois parties (Moderato, Adagio, Allegro), chacune introduite par un poème de Pierre Esperbé, de Concerto...

Musique, aussi, l’exergue permanent, appuyant le choix, une citation de Romain Rolland :

« Si la musique nous est si chère, c’est qu’elle est la parole la plus profonde de l’âme, le cri harmonieux de sa joie et de sa douleur. »

Ce numéro publie des citations plus amples de Pierre Esperbé, pour marquer le centenaire de sa naissance. Et cette fois des QR codes permettent d’entendre sa voix.

Avant même le premier texte, et après le dernier poème publié, il y a, comme toujours, une citation qui ouvre l’ensemble et une qui le ferme, parfois deux. Cette fois c’est Cathy Jurado, un extrait d’Intérieur nuit, puis Georges Cathalo quatre vers d’Ils ont peur, et enfin Marie-Ange Sebasti, avec un fragment d’Empoigner la lumière.

Le texte introductif de l’éditrice, Colette Klein (poète et peintre) parle du défi de l’écriture et de l’édition : « Je passe ma vie à lutter contre l’idée qu’en écrivant on jette des pierres dans des puits sans fond. Et, pourtant, il m’est impensable de ne pas relever le défi de chercher à remonter au jour ces pierres qui risqueraient de rester hors de portée. » Dans le numéro précédent elle parlait de son « monde utopique », celui « où les mots des poèmes ont plus de sens que ceux que l’on peut lire dans les journaux qui mettent à la une les crimes de l’humanité. »


Je tourne les pages. Le premier texte est de Léon Bralda, il y fait alterner paragraphes en prose et strophes en vers : « Instants inconciliables du miroir et du songe ». Peut-être est-ce cela qui fonde ce choix formel, pensées du miroir et traces du songe...

Suit l’hommage double rendu à Frédéric Tison, décédé en 2023. Univers du poète, par Jean-Louis Bernard, qui écrit notamment ceci : « Poète des marches et des marges, il écrit sur les frontières, les siennes et les nôtres, les siennes dans les nôtres. ». Et Colette Klein dit sa tristesse et complète le portrait : « Nous reste l’image d’un Prince égaré dans un monde en déroute, perpétuellement en quête d’amour et pour cela condamné à la solitude. ». Plus loin je lis, émue, l’hommage consacré à Katty Verny-Dugelay (1930-2024), par Colette Klein, qui rappelle la présence de textes de son dernier ouvrage, Le Chant de l’être, dans le numéro précédent, Le 16, 2023. Retour à ce volume. Isabelle Poncet-Rimaud y avait fait une note de lecture où elle citait un vers du recueil, qui pour elle contenait le sens de la recherche pour l’œuvre entière : « Par l’infime aborder le monde » en en déchiffrant les messages. Des extraits suivaient cette lecture.

Je copie un fragment :

« À tout moment préoccupé de durer dans le multiple ou l’étrange, / Tu feras moisson de signes. » 

Mais je reviens au numéro 17, et retiens aussi une phrase de la 4ème de couverture du recueil, citée intégralement par Colette Klein dans son hommage : « Les voyages de Katty Verny-Dugelay nous conduisent tout autant vers des pays lointains que vers les confins de l’âme. »

Les poèmes, nombreux, alternent avec des recensions, celles de Michel Diaz, notamment, et de Jean-Louis Bernard, pour le même livre, La troisième voix, d’Isabelle Lévesque et Pierre Dhainaut. Ou celle de Jean-Louis Bernard, lisant Au risque de la lumière de Michel Diaz et Léon Bralda. Il interprète le sens de la recherche du voyageur à deux voix, et note : « Peut-être tenter, sinon d’abolir, du moins de réduire la distance entre l’exil et la présence ». Autre parcours de lecture que je veux mentionner, celui de Jean-Claude Albert Coiffard, pour deux recueils. Celui de Jean-Pierre Boulic, Enraciné, parcours qu’il sous-titre Le regard d’une âme. Et celui de Jean Lavoué, Écrits de l’arbre dans le soleil, sous-titré par lui L’écho du silence.

Mais aussi, Nicole Hardouin lisant deux recueils de Jean-Louis Bernard, Héritage du souffle, et Au précaire du seuil. Elle voit en lui « un moderne alchimiste », cheminant « inlassablement en bordure de l’abîme » pour aller vers, et inscrire, ce qui est au-delà du visible.

Poèmes. Sélection... et citations :

Oradour, d’Hervé Martin :

« Cette ville brûlée // Quelles ombres aux fenêtres / ouvertes à tous vents / interpellent quand je passe // Semblant toujours hurler / les noms des leurs / tombés    sous les fusils / les balles assassines »

(...)

« Mots absents n’ayant pas d’équivalence / avec la plaie ouverte de vos destinées  / aux avenirs rompus »

 ...

L’Espace d’un matin, de Michel Lamart :

« Fixer dans le poème / Ce qui échappe au poème »

 ...

J’ai un paysage au fond du ventre, d’Anne Barbusse :

« au bout des heures il y a la mort splendide / et l’incompréhension significative »

 ...

Comptines, de Béatrice Pailler :

« Là où l’enfance s’accomplit / Est une alliance de terre d’eau »

(...)

« Voix bruissantes / Humaines clameurs / Voici la vie errante / La terre pour demeure »

 ...

Mon poème, Tous nés d’ailleurs, précède celui de Teo Libardo, voisinage qui me plaît.

J’avais mis en exergue une citation de Stephen Jourdain : « Voir Je, et peut-être ne pas mourir. »

Je note une strophe :

« Pour être plus que feu / qui parle de chance ? / D’où l’indivisible lieu ? / Point / et rien / ou / tout. »

Et deux vers :

« Le même traverse les frontières / et reste la nudité de l’eau. »

 ...

Je m’apprivoise, de Teo Libardo :

« je bénéficie / de la présomption d’insolence / comme celle d’incandescence »

(...)

«  en moi la conscience que jamais / je n’apprivoiserai la totalité / de la complexité qui me fonde »

(...)

« l’inconditionné silence ignoré / tréfonds inexploré de l’intime / racine noyau créateur »

(...)

« j’invite ce qui résiste / à l’émerveillement du voyage / de l’ardent de l’éveillé »

...

Et enfin, Dernier mot, de Laurent Faugeras :

« le rebelle trouve dans l’infini / un infini à sa mesure // où perdre des heures pour apprendre / ce qu’est le ciel juste le ciel »

(...)

« Oui que deviendra la mer / privée de sa pierre à eau / quand ce sera mon tour / d’être océan... »

.........................

Retour en arrière, numéro 16...

Envie de citer La fibre optique, de Maya Bejerano (trad. de l’hébreu Marlena Braester) :

« À mi-chemin à mi-chemin / Vers l’étoile de mon âme, chevauchant / Sur une fibre optique transparente, / J’étais un rayon léger, la fréquence d’un son / Un nombre binaire ; et dans mon sein un mot / Et encore un mot et encore un mot / Comme les battements de la lumière obscurité d’un cœur électrique / Transmettant des signaux vibrants, vagues vagues comme une tempête / D’un bout de la terre jusqu’à sa fin »

...

Et À la poursuite des ombres, d’Éric Desordre :

« Et derrière les paupières / Les yeux voyaient des fantômes / L’homme espérait en rester digne »

………………...

Recension © Marie-Claude San Juan

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Liens...

Pages sur le site de Colette Klein (voir aussi le sommaire, autres rubriques) :

La revue, son titre… https://www.coletteklein.fr/concerto-pour-marees-et-silence-revue/

Le catalogue… https://www.coletteklein.fr/concerto-pour-marees-et-silence-revue/catalogue/

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