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21/08/2023

De Paul Souleyre, Quelque part dans la foule il y a toi. Récit. D'une rive à l'autre, se trouver soi

Quelque_part_dans_la_foule_il_y_a_toi.jpgComme Albert Camus à travers son Premier homme, Paul Souleyre, né après l’exil de ses parents pieds-noirs, mène une recherche des origines, de l’identité, quête initiatique où quelques mentions de Camus sont des clés. Douleur du deuil, et naissance à soi-même. L’inconscient sait ce qu’on ignore, et il guide. Histoire initiatique du « retour » guérisseur vers l’Algérie de qui n’y a jamais vécu mais est habité par son algérianité. Retour vers le pays chanté par Camus, même si c’est vers la rouge terre de l’Oranie des racines. La réalité est parfois magicienne, et l’écriture force plus qu’analytique. Quand, à la différence de tous les membres de la famille […] [son] Là-bas tourne dans le vide (p. 127). Camus apparaît dans un moment triste, mais en soutien, pour avoir évoqué la mort et le deuil : À ton enterrement j’ai lu un petit texte de Camus que j’avais entendu dans une chronique. […] Camus n’était pas du genre à enfermer les gens dans des cartons […] …plus de force ; je voulais vivre le même sentiment avec toi (pp. 52-53).

Et dans son parcours de recherche sur les siens il constate des similitudes entre la vie de son grand-père à Oran et celle de Camus (p. 157). Mais l’un a eu la littérature pour transfigurer les traumatismes, l’autre pas.

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07/07/2022

Lettres d’hivernage, éd. LaKainfristanaise. Revue littéraire (poésie).

Une nouvelle revue littéraire naît,Lettres-dhivernage.jpg quand d’autres disparaissent.

Lettres d’hivernage… Le titre est emprunté à Senghor, pour dire une dette et une intention, en plus de rendre simplement hommage, comme l’indique le créateur de la revue, Stève Wilifrid Mounguengui, dans son introduction.

Ainsi, cohérente avec la force que Senghor donne à la possibilité d’aimer, la revue se définit dans l’affirmation d’une éthique, faire pont, ouvrant les pages à une pluralité de voix. Et parcourant les pages on voyage dans les continents et les pays, selon les sujets et les origines. (Afrique, Québec, Haïti, Corée du Sud, Liban, Inde, Vietnam, France, suisse, Tunisie).

Ce premier numéro a pour axe les lieux (de vie ou de naissance).

Deux phrases de l’introduction me retiennent surtout, car elles traduisent impeccablement l’essence du rapport au lieu, en relation avec l’écriture…

 

Naître ou écrire, c’est advenir et avancer dans l’intimité des lieux qui précèdent et façonnent l’expérience que nous avons de l’existence. Les lieux, antérieurs au langage, inscrivent une trace, c’est comme une empreinte sur le corps et les sens, l’esprit et la mémoire.

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29/06/2022

Poésie, deux recueils. Les jours suffisent à son émerveillement, d'Anne-Lise Blanchard. Et Seule, Biskra, d'Henri Touitou, éds. Unicité

les jours suffisent à son émerveillement,anne-lise blanchard,seule biskra,henri touitou,éditions unicité,unicité,poésie,exil,nostalgie,mémoire,humanismeDeux recueils différents mais qui ont en commun le rapport avec le temps, la recherche, dans la mémoire, de la confrontation avec des souvenirs de joies, de bonheurs passés. Parfois des instants fugitifs, parfois des moments plus intenses, ou même des périodes. Voyage dans des lieux d’autrefois, retour vers des visages, des émotions. En lisant on retrouve un même trouble, car cela invite à prolonger la page avec ses propres confrontations avec ce qui fut. On part dans un ailleurs qui a du mal à être vraiment ailleurs car l’ancrage de mémoire est une identité.

les jours suffisent à son émerveillement,anne-lise blanchard,seule biskra,henri touitou,éditions unicité,unicité,poésie,exil,nostalgie,mémoire,humanismeDifférents car le regard n’est pas le même, quand il vient d’une source féminine ou d’une nostalgie masculine. Même si ce qui concerne l’enfance rejoint encore un autre espace. Le style n’est pas le même non plus, bien sûr, mais il y a une proximité des univers par ce qui est dit de certaines expériences et par une dimension éthique (qu’on peut nommer autrement, peut-être, mais c’est l’intention qui contient cela), et c’est pourquoi j’ai eu envie de les associer. Et je crois qu’ils pourraient aimer se lire…

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17/06/2022

Leo Zelada, Transpoétique. Anthologie poétique et inédits, éds Unicité

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esprit de la nuit

conduis-moi sur le chemin du feu

qui dévore et purifie tout

Machu Picchu, Transpoétique, p.20

Maître, comment atteindre la sagesse ?

Brûle le papier, la plume et le bâton

Koan de l’illumination, Transpoétique, p.34

Le monde regorge de signes pour qui veut voir. Mais c’est un brouillard si épais ce soir…

Dark Poetry, Transpoétique, p.59

Leo Zelada, Transpoétique. Anthologie poétique et inédits, éds. Unicité, 2022. Trad. Laura Magro Peralta et Maggy de Coster

 

Transpoétique, de Leo Zelada . Intéressant, ce titre de l’anthologie (qui reprend celui d’un des recueils de l’auteur), car suggérant étymologiquement une traversée de l’œuvre au-delà du poétique, et vers le poétique authentique, il dit aussi autre chose de la démarche du poète, dont l’écriture est une incessante traversée, en aller-retour intérieur, d’un continent à l’autre. Parcours intime de l’identité ancrée dans une mémoire et nostalgique d’une langue effacée, d’une culture trahie.

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14/12/2021

"Le verger abandonné", de Michel Diaz. Ulysse errant choisissant le non-retour, ou l’ascèse d’écriture et d’être, en récit métaphysique…

VERGER M DIAZ.jpg
 
 
 
 
 
 
Car...
 
 
 
 
(En couverture, une photographie de Pierre Fuentes, une des contrées d'Ulysse... Comme une peinture du "bord du monde")
 
 
Car Pauvreté est lumière éclatante de l’âme.
(…)
Venu de la clarté, il pénétrait 
dans une clarté toujours plus grande,
et la gaieté habitait sa cellule.
 Rainer Maria Rilke, Le Livre de la pauvreté et de la mort
 (trad. de Jacques Legrand, Seuil, œuvres 2, poésie)
 
 En nous le lieu
 En nous l’instant
 Nous consentons à être
          le jour dans la nuit
François Cheng, Le livre du Vide médian (préface et poèmes)
 
Pauvreté… Comprendre dépouillement, détachement, arrachement à l'inessentiel. Même si dans le grand poème de Rilke la pauvreté des humbles est aussi présente. 
J’ai choisi ces exergues car ils me semblent être une entrée possible dans ce livre particulièrement profond, qu’on doit relire et relire pour arriver à s’en extraire assez pour en parler. Et c’est Rilke que Michel Diaz a mis en exergue, citant un autre fragment du même grand texte (pour la notion de dénuement et la mention de l’exil, dont on peut entendre plusieurs sens, jusqu’à l’éloignement de soi par soi). 
La lecture de François Cheng (je le développe dans une des dernières parties de ma recension), permet de comprendre une dimension essentielle du livre de Michel Diaz. Et notons déjà la présence du "lieu" et la notation sur "le jour dans la nuit" (thématique de la lumière et de l’obscurtité, centrale chez Michel Diaz).
L’écriture de ce "verger" est magnifique, la pensée est troublante, une méditation où nous devenons Ulysse errant, retrouvant nos propres exils et cherchant à apprendre cet itinéraire qui nous rendrait assez allégés et libres pour rejoindre la plus authentique part de notre être. 
Je note que ce livre a été récemment primé (prix du Cercle Aliénor de poésie et esthétique). Et j’ai trouvé que c’était très mérité. 
 
Publication des Éditions Musimot.
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01/04/2021

École d’Alger littéraire : initiateurs, contexte, héritage...

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De Paris ou d'Alger pour apprendre à marcher
Être né quelque part
Être né quelque part, pour celui qui est né
C'est toujours un hasard          Né quelque part, 1988, Maxime Le Forestier (né à Paris, lui)

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J’ai régulièrement besoin, comme homme et comme écrivain, de me retourner vers ce paysage. Par lui je me rapatrie.             Jean Pélégri, Ma mère l’Algérie

Elle cherche partout une partie d’elle-même, un frère, une sœur, une herbe d’Algérie, un bleu (…), une odeur d’Afrique.                 Marie Cardinal, Écoutez la mer

À se souvenir si fort d’une ville on devient ce qu’on a aimé le plus au monde, on devient une 'mémoire hantée' par l’amour.
René-Jean Clot, Une Patrie de Sel, ou Le Souvenir d’Alger   
 
Le Destin avait déjà tracé ses chemins d’exil.
Jeanine de la Hogue, Ballade triste pour une ville perdue
 
Les films sont des moments. Cela ne s’explique pas. C’était le moment pour Exils.
Tony Gatlif, entretien, Liberté-Algérie, 02-10-2004
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C’est ainsi que commence, pour ceux dont l’exil est d’enfance, la découverte d’une littérature qui leur parle d’eux, qui met des mots sur leurs malaises identitaires, leurs questions, leurs colères devant l’ostracisme. Ce n’est ni l’école ni la fac qui leur donneraient des clés. Grand vide, s’il n’y avait eu la découverte des anthologies d’Albert Memmi, des collections de l’édition Gandini/Serre, et des publications de Dominique Daguet (éditeur à Troyes, admirateur de René-Jean Clot qu’il publia : Librairie bleue, Cahiers bleus). Mais aussi les colloques et publications des Algérianistes. (Car, eux, si ce n'est pas le courant de l'École d'Alger ce fut quand même un partage de culture, pataouète compris...).
Car, s’il n’y avait eu cela, leur connaissance de leur propre culture serait restée dans un brouillard entaché de soupçons métropolitains. Les adolescents, amoureux des pages de Rimbaud et idolâtres de celles de Char (et de Lorca, par exemple, pour les hispaniques sans reniement de leur hispanité), avaient besoin d’un autre ancrage : on n’écrit pas en domaine 'étranger'. 
 
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Cependant, il y a là un paradoxe. Car si Benjamin Stora a lu tant de livres de mémoires plurielles (où forcément la guerre et l'exil sont traités, donc des drames, le terrorisme et des massacres) pourquoi a-t-il accepté de faire seul son rapport, sans rechercher d'autres connivences, d'historiens travaillant aussi sur la matière que sont les témoignages, y compris littéraires ? 
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SOMMAIRE, suite...
 
. Des morts, des signes. Comme quatre pierres noires symboliques
. Je dis École d’Alger
. Ostracisme... même en littérature
. Les Vraies Richesses, la librairie d’Edmond Charlot (à travers Jules Roy et Kaouther Adimi)
. Je dis Libéraux d’Algérie
. Algérien, dans la guerre d’Algérie (sur Emmanuel Roblès, hommage de Jean-Philippe Ould-Aoudia)
. Quand Audisio publie Feux vivants… (Algérie, proximités et fractures. École d’Alger et Algérianistes)
. Quel espoir autour de Charlot et des Vraies Richesses ?
. Communion et déchirures intimes
. Quel héritage d’écriture ?
. Lire
. En 1912 Henri Matisse... Entrer dans sa peinture
. René-Jean Clot : "Une âme commune nous rassemble comme un manteau de lumière"
. BIBLIOGRAPHIE. École d’Alger littéraire, contexte culturel (dont art et histoire), prolongements actuels.
ANTHOLOGIES, dont celles d’Albert Memmi, de Christiane Achour et Denis Martinez, de M.A.N., d’Abdelmadjid Kaouah, la somme de Guy Dugas publiée par Omnibus, le dictionnaire bibliographique d’Abderahmen Moumen. Correspondances et témoignages d’amitié. Journaux. Livres divers. ÉTUDES, dont celles de Gabriel Audisio, Jean Déjeux, Mourad Yelles, Hamid Nacer-Khodja, Alain Vircondelet, José Lenzini, Guy Dugas, Lucienne Martini, Amy Hubbell, et deux ouvrages collectifs sur Albert Camus.
. LIENS. Des FICHES wikipedia (Libéraux d’Algérie, École d’Alger/art, Peintres algériens du signe, Denis Martinez, mouvement Aouchem/Tatouage ). CHRONIQUE (École d’Alger/littérature), HOMMAGES (Edmond Charlot, Jules Roy, Emmanuel Roblès, Jean Sénac, Albert Camus), un entretien (Jean Pélégri), une émission (Mohammed Dib), textes (de et sur Albert Camus), pages - thèse et conférence (Algérianisme). ÉDITIONS et REVUES (dont RECHERCHE littéraire), papier et en ligne (France, Algérie, Allemagne) Enquête et controverses (La mort de Camus).
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01/07/2017

Derrida : "J'ai senti qu'au fond j'appartenais à cette solitude"

DERRIDA.jpgJ'ai senti qu'au fond j'appartenais à cette solitude.

Jacques Derrida et son refus du communautarisme,  dans le même esprit qu'Amin Maalouf ou Amartya Sen...

Oui. Même quand la communauté est un refuge, car subissant des attaques, même quand (natifs déplacés) on n'a de région qu'une terre mentale, trouver un équilibre entre le "dedans" de ses appartenances et de ses langages singuliers, et le "dehors" de l'identité commune. Juste humains. Même si cela fait traverser des zones obscures et solitaires. Lumineuses,  au bout du compte.

France Culture, 2O-01-2016... https://www.franceculture.fr/2016-01-20-une-enfance-doulo...

 

 

texte © MC San Juan

07/03/2016

Deux petits films créés par des Syriens en exil...

Dire en quelques images le refus de l’obscurantisme des fondamentalistes, ou les douleurs de la guerre et de l'exil... 

Court film créé par des Syriens exilés au Liban. « Fade to black »  https://www.youtube.com/watch?v=WIrSDKcO-4M 

Et celui-ci, pour dire la douleur… « Yaman »  https://www.youtube.com/watch?v=Bjuev58SGCo&ab_channe... 

Voir aussi la liste de liens "SYRIE", en marge gauche, dont NOTES (2016, 2020...).

10/01/2016

EXIL...62. Théâtre. "Dis-leur que la vérité est belle"

THEATRE.jpgRetour sur une pièce présentée en… 2010. Mais j’ai revu récemment un extrait (vidéo), et trouvé une connexion à faire, entre la violence qu’on affronte, ou qu’on n’affronte pas, et les formes de violence (terrorisme, mort et peur, et arrachement violent à son pays, exil). Aussi, la mort - encore - mais de ceux qui disparaissent… normalement, mais, par leur mort, suppriment la parole possible, qui expliquerait, pourrait expliquer peut-être enfin, ce qui a été vécu ensemble de violence affrontée (terrorisme, exil(s), ostracisme, etc.). Le silence ne peut plus se combler. Et le silence a été une réponse au traumatisme...

 

Les expériences passées différentes aident à penser le présent. (A rêver le futur?).

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26/12/2015

HOCINE AÏT AHMED est décédé. Hommage...

Hommage pour l'humanisme d'un indépendantiste qui incluait les Pieds-Noirs dans son rêve d'Algérie libre. Un être de grande fraternité. Il a écrit de belles choses dans ce sens. Un démocrate, qui a dû s'exiler. Son dernier choix est d'être enterré humblement, pas dans le carré des "héros", dont il pensait qu'il y avait là des assassins autant que des sacrifiés, des imposteurs autant que des esprits sincères. Dernier acte d'âme libre.

Lire :

Le Monde  http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/12/23/algerie-... 

Algérie-Focus : http://www.algerie-focus.com/2015/12/133041/

20/12/2013

Itinéraire d’une artiste : Nicole GUIRAUD, plasticienne

La valise à la mer. Objets de la mémoire, identité explosée, déchirée. 014.jpg

La liste complète de ses expos est sur le site de son galeriste, Peter Herrmann (fiche et expos depuis 2004) - voir ci-dessous, fin de note - mais je fais ici un choix très sélectif, pour présenter l’essentiel de sa démarche… Le travail avec cette galerie date des années 90 (alors à Stuttgart), avec le cycle des Vitrines, la série "Bouteilles à la mer", les collages transparents (plexiglas).  Dates clés suivantes, repères : 2004, 2009, 2012, 2013… Trois expositions sont présentes dans l’album EXPOS (2004, Berlin / 2012, Perpignan / 2013, Fdt Prinzhorn, Heidelberg : liens vers ces pages dans cette note, extraits). L’Allemagne est très présente, sa galerie étant à Berlin, et elle, vivant principalement à Francfort… L’exposition d’œuvres de la série « Archives » à Heidelberg me semble une reconnaissance particulièrement importante du sens de son parcours, l’occasion de revenir sur les traces posées pas à pas. Cette note est une première approche, suivant les pages des vignettes (pages des albums, déjà créées pour trois de ses expos, pour un film, un livre). Elle sera suivie par d’autres…   

(La valise à la mer… Installation de Nicole Guiraud. Photographie MC SJuan, 2004)

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Exposition à Berlin, 7 Mars - 30 Avril 2004, "Oran - Alger - Constantine", Berlin. Louzla Darabi, Nicole Guiraud, Samta Benyahia. Galerie Peter Herrmann : http://www.galerie-herrmann.de/arts/art2/oran_alger_constantine/index.htm  (J’avais fait le voyage à Berlin, pour cette exposition regroupant trois artistes nées en Algérie, et proposant à travers leurs œuvres un dialogue entre trois villes algériennes, comme lieux de mémoires individuelles, d’interrogations sur l’identité : croisement, dialogue entre des femmes du même pays, de communautés différentes, de vécus différents, mais en affinité native. J’avais ramené de cette rencontre des photographies et un entretien avec le galeriste, dont la démarche est née d’un amour pour le continent africain dans son ensemble, du Nord au Sud. (Petit à petit ces traces vont trouver leur place : « retour sur… », notes qui suivront…). Les œuvres de Nicole Guiraud présentées là appartenaient à la série « Le monde en bocal », mais on y voyait des œuvres qui préfiguraient le travail suivant en train de s’élaborer : l’archéologie de la mémoire.

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2009. « Archéologie de la mémoire » / Archäologie des Erinnerns : http://www.galerie-herrmann.com/arts/art2/2009_Guiraud/index.html

Page de Georges Festa sur l’œuvre de Nicole Guiraud. De la série « Le monde en bocal » à « Archéologie de la mémoire » : http://armeniantrends.blogspot.fr/2010/10/nicole-guiraud.html (« Comment dire le démembrement, l’arrachement, au sens le plus littéral du terme ? Victime de la violence aveugle – cette guerre d’Algérie, où sombrera le message humaniste du chantre de Tipasa et de Noces -, Nicole Guiraud choisit l’Allemagne, autre terre de convulsions et d’exils où, au fil du temps, s’élabore une œuvre visionnaire, singulière. / De la série « Die Welt im Einmachglas » [Le Monde en bocal] (1975-2005) à sa récente exposition « Archäologie des Erinnerns » [Archéologie de la mémoire], une entreprise d’épuisement des formes et des mythes nous convie à interroger l’émiettement, la nostalgie, le désir d’altérité. » SUITE SUR LE SITE…)

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Premiers mois de 2012, Perpignan. Nicole Guiraud, « Survivre » :  [Dans le catalogue, plusieurs auteurs explicitent le sens profond de cette œuvre, le courage dont elle témoigne (j’en reprendrai la lecture…). Le titre, « Survivre », correspond à l’enjeu réel de la création dans l’itinéraire de cette plasticienne, qui, depuis l’enfance, toujours, dessine, sculpte, et peint. Ce n’est pas, ce titre, « Survivre », une simple formule, pas un jeu avec les thématiques générales de la vie et de la mort. C’est la question centrale que l’artiste se pose et pose à ceux qui regardent son « monde en bocal », ses créations graphiques, les peintures et montages.

Comment, quand on a (c’est son histoire) été atteinte dans son corps, au sortir de l’enfance, quand cette atteinte est irrémédiable et que chaque jour on revit son intégrité physique violemment déchirée, comment peut-on échapper au désespoir, se délivrer de la haine et de la colère, ne pas être prise par la folie ? Comment créer quand même… Justement. Nicole Guiraud crée pour tenir debout, pour que sa vocation d’artiste n’ait pas été détruite aussi par la bombe d’une terroriste, malgré la main manquante, le bras amputé. Elle crée pour témoigner, ayant fait de la lutte contre le terrorisme un axe central de sa vie. Et elle choisit le dialogue : c’est une des signataires du texte fondateur d’Algérie-Djezaïr, texte regroupant des Algériens  et des Pieds-Noirs, pour un partage de mémoire, un lien entre les communautés natives d’Algérie. L’expo de Berlin en 2004 fut un de ces signes de partage.]

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Expo décembre 2013, Nicole Guiraud à la Fondation Prinzhorn,  

Texte de Nicole Guiraud,courriels : « Le cycle des ARCHIVES retrace, au moyen d'assemblages d'objets, de textes et de dessins, le travail de mémoire - recherche des sources - entrepris sur trois décennies autour du thème de l'Algérie, celle de la paix, de la guerre, et pour finir de l'exil.  /// Cette oeuvre est difficile, austère, mais essentielle dans mon parcours artistique, et centrale dans mon parcours personnel. /// Le cycle des ARCHIVES  documente en grande partie le travail de mémoire sur l'identité (exil) et le vécu en Algérie (aussi l'enfance dans la guerre), entrepris pendant trois décennies  entre la France et l'Allemagne. » 

Site de la Fondation Prinzhorn : http://prinzhorn.ukl-hd.de/

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Nicole Guiraud, galerie Peter Herrmann (page de présentation et rappel des dates et titres des expositions principales : en bas de page cliquer sur les titres pour voir les œuvres correspondantes) : http://www.galerie-herrmann.de/arts/guiraud/index.htm

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Pour mémoire… Film, livre, galerie Peter Herrmann :

FILM. « Der Koffer, La valise à la mer », 1991. Mise en scène des déchirements de l’exil, des traumatismes de la mémoire et du corps. Parole de Nicole Guiraud, déchiffrant objet par objet la traversée d’une mer, la traversée du temps, fracture entre l’enfance blessée et le lent travail de construction de soi et de l’œuvre 

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LIVRE. « Algérie 1962. Journal de l’Apocalypse », éd. Atlantis, 2013 (bilingue allemand-français : Nicole Guiraud vit surtout en Allemagne, où elle a sa galerie) 

Page (Algérie 1962, Journal de l’Apocalypse)

Nicole GUIRAUD, plasticienne, fut victime d’un attentat terroriste l’année de ses dix ans, juste avant la rentrée scolaire, le 30 septembre 1956, au Milk Bar, café qui, comme son  nom l’indique, avait une clientèle familiale, on y amenait ses enfants. (Le Milk Bar a encore été la cible d’un attentat pendant la « décennie noire » du terrorisme islamiste. Héritage de la violence, cibles choisies pour des raisons similaires : comment faire naître le plus de terreur si ce n’est en tuant ou mutilant des enfants.). / Boualem SANSAL, le dit bien dans sa préface (« L’histoire se vit deux fois ») : ce Journal qu’écrivait Nicole Guiraud, en 1962, pour supporter ce climat de terreur, une adolescente algérienne aurait pu en écrire un de très similaire, car l’horreur a recommencé, héritière d’une violence légitimée, normalisée

Commentaire (lecture du Journal), sur le blog armeniantrends, de Georges Festa : http://armeniantrends.blogspot.fr/2012/12/nicole-guiraud-algerie-1962-journal-de.html (« Dimanche 30 septembre 1956, 18 heures 30 : Nicole, une fillette de dix ans se trouve, comme chaque année à la fin des vacances d’été, avec son père dans le Milk Bar, au coeur d’Alger, pour y déguster une glace, lorsqu’une bombe explose, déposée par le FLN (Front de libération nationale). Quatre personnes sont tuées et cinquante-deux autres blessées. Nicole perd son bras gauche. » (…) « Dans son journal, la jeune Nicole, âgée de quinze ans, note jour après jour les violences d’une guerre civile qui prend de plus en plus les traits d’une apocalypse » SUITE sur le SITE armeniantrends…)

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Textes de Georges FESTA inspirés par des œuvres de Nicole GUIRAUD (ces liens vers le blog de cet auteur sont dans ma liste « Poèmes », ici) : NG/GF : « Le Marabout de Sidi Moussa », prose : http://armeniantrends.blogspot.fr/2013/02/nicole-guiraud-le-marabout-marabout.html  /// NG :  « Le peintre », GF : « Puisqu’ils ont voulu m’enfermer » : http://armeniantrends.blogspot.fr/2011/10/nicole-guiraud-der-maler-painter.html  ///  NG « Le Couple », GF « Sables » : http://armeniantrends.blogspot.fr/2013/12/nicole-guiraud-das-muschelpaar-couple.html  /// NG « Bouteille à la mer »,  GF « Et je m’enivrerai de mers / et de morts » : http://armeniantrends.blogspot.fr/2012/12/nicole-guiraud-flaschenpost-message-in.html

04/11/2012

« HAÏR C'EST ENCORE DEPENDRE ». Réflexion à partir d'un texte de Daniel Maximin citant Césaire (texte à méditer...)

Des récupérations idéologiques et politiques ont cours en ce moment, là ou ailleurs, à propos de la reconnaissance des crimes du 17 octobre 1961 (déguisée par certains - qui y sont hostiles - en « repentance » : ce qui attise les passions, remue les émotions, les colères, les rancoeurs - ce qui, aussi, autorise la mauvaise foi…). Dans ces heurts où les mémoires et souffrances s’opposent (et intimement dans les questionnements personnels identitaires que ces débats réactivent) parfois la haine affleure (ou déborde). Haine et haines d’autant plus dangereuses que, dans un contexte de crise, des groupes politiques (des mouvances, des partis) instrumentalisent mémoire et Histoire pour, dans l’actualité sociale, introduire des thématiques discriminatoires, des divisions entre les communautés qui composent le pays, provoquer la peur (de l’autre, forcément). Et quand, en plus, la commémoration en hommage aux victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie entraîne une lutte de dates qui recouvre un conflit mémoriel plus important... on ne sait plus qui va crier le plus fort.

Il est donc peut-être nécessaire de relire certains textes qui proposent de prendre recul, de faire un peu silence en soi avec ces remuements douloureux sur un passé individuel et collectif. Qu’est-ce qui libère et qu’est-ce qui entrave ? Penser dans la solitude permet de retrouver son autonomie de pensée, de réfléchir autrement, sans influence politicienne ou communautaire (ce qui ne veut pas dire reniement d’appartenances : mais il y a plusieurs manières d’appartenir – en se faisant piéger par un enfermement idéologique et passionnel univoque, ou en acceptant de constater la complexité des regards sur la réalité et la complexité des communautés humaines elles-mêmes).Ce qui ne veut pas dire non plus renoncement à l'expression, ni même aux revendications justes... 

Daniel Maximin, à propos de la commémoration de l’esclavage, se pose les mêmes questions. On remplace « esclavage » par guerre d’Algérie, colonisation, décolonisation, et on a de quoi méditer sur les choix possibles (quels positionnements?) à ce sujet. (« On »  renvoie à des « mondes », divers : Pieds-Noirs et Harkis, oui - personnes, communautés, et associations - mais aussi Algériens sur les deux rives, Franco-Algériens, anciens appelés, métropolitains, pouvoirs, partis, médias… Mais c’est d’abord un appel à la conscience individuelle… exigence qui interfère… (Et c'est valable pour d'autres conflits passés et actuels...).


« La commémoration a un sens si elle n'est pas déviée. Car, plus important que le devoir de mémoire, il y a le droit à l'Histoire. Il faut que toute l'Histoire soit dite: pas seulement celle des douleurs, mais surtout la plus cachée, celle des résistances. La mémoire doit autant privilégier la parole des opprimés que la condamnation du discours de l'oppresseur. Elle doit montrer que l'esclavage a perdu, qu'il n'était pas fait pour fonder des sociétés, des cultures. Donc il ne doit y avoir ni ressentiment, ni resserrement, ni posture victimaire. Césaire disait : "Attention, haïr, c'est encore dépendre." » Evidemment, d'un lecteur du texte à l'autre l'opprimé et l'oppresseur auront des visages différents. Peu importe : ce qui compte surtout c'est la mise en garde... Attention...
 

Le sens du mot  « dépendre » peut être compris diversement. Ceux qui ont dépendu de l’autorité politique des autres, subi des oppressions (colonisation, esclavage), doivent se libérer du lien qui demeurerait avec la colère et la haine, et les maintiendrait dans une sorte de paradoxale dépendance, intérieure surtout, inconsciente. Mais les situations sont parfois plus complexes, autres, l’oppression avoir des formes très diverses, camouflées, les contraintes être de l’ordre de la manipulation (manipulation d’opinion, aussi, comme le montre et le dénonce Jean Pélégri dans son livre « Ma Mère l’Algérie » : comment la métropole – avec ses pouvoirs – a construit une image collective des Pieds-Noirs, en faisant de cette communauté un bouc émissaire). Et cependant, dans tous les cas, prolonger les luttes passées, ne rien remettre en question de ses croyances antérieures, rester dans la douleur des exils, quels qu’ils soient, cela aussi crée dépendance, autrement. Collectivement il faut travailler à une résilience libératrice, en déconstruisant les manipulations passées et présentes, en refusant les injonctions qui font jouer un rôle, créent une fausse identité, piègent dans de fausses valeurs (qu’on croit siennes et qui sont étrangères profondément). Bien sûr, parler de résilience (Algériens, Pieds-Noirs, Harkis, Appelés, Métropolitains) est plus difficile quand on évoque les plus terribles traumatismes (victimes du terrorisme, enfants de disparus ou de victimes d’assassinats ciblés, survivants d’un massacre, témoins de meurtres, de tortures, nés d’un viol, victimes de viol). C’est là que les communautés peuvent avoir un rôle apaisant ou au contraire aggravant (en croyant même parfois accompagner – mais en réactivant les souffrances, les colères, en les figeant dans un éternel passé, quand le présent est déjà assez dur). Attention aux héros qu’on se crée, aux icônes qu’on fabrique : certains masques peuvent être dévastateurs… Le défi est de ne pas choisir ce qui dévaste… Quand ceux qui haïssent ne dépendent pas seulement (encore…) de ceux qui les ont opprimés ou agressés (ou, c’est pareil, rôles inversés, de ceux qu’ils ont opprimés ou méprisés), mais dépendent aussi (et c’est peut-être la pire prison) de la part la plus sombre d’eux-mêmes, de l’ombre intérieure qui les hante et qu’ils projettent sur le monde, pour une vision manichéiste… 

L'entretien complet est à lire sur le site de L’Express. « Haïr, c’est encore dépendre », Daniel Maximin, 07-05-2009 : http://www.lexpress.fr/culture/livre/daniel-maximin-hair-c-est-encore-dependre_823480.html

Autre entretien, éclairant aussi. « Il faut arrêter d’être esclave de l’esclavage », Daniel Maximin, décembre 2006, L’Internaute : http://www.linternaute.com/histoire/magazine/interview/daniel-maximin/retranscription-daniel-maximin.shtml  (CITATIONS :« La volonté d'oppression est constitutive d'une partie de chacun d'entre nous. C'est le désir de mort pour soi ou pour l'autre qui s'oppose en permanence au désir de vie ou de faire vivre. » (…) « Il reste nécessaire de pratiquer "l'auto-surveillance" dont vous parlez (il répond à une question) vis-à-vis de chacun de nous et vis-à-vis des autres. Il n'est pas utopique de penser que la mort et le mal existeront toujours mais que la Résistance à leur empire est aussi permanente dans l'histoire des hommes. »)

C’est une leçon de lucidité.  Ne risquons-nous pas, nous, tous, en effet, d’être esclaves des attachements à la condition d’exilé (par exemple), quand nous ne sommes ici que de passage? (Ce peut être aussi le contraire, avec les pièges de l'ancrage local, ou des visions ethnicistes, à la façon des Identitaires ou des Indigènes de la République...). Ne sommes-nous pas, tous, souvent, dans l’illusion de l’innocence intime, communautaire, ou nationale, quand personne n’a échappé, en réalité, aux choix les plus mortifères. Ne serait-ce que par contagion. Ne serait-ce qu’en se taisant… 

01/10/2011

Litanie pour juillet plusieurs fois… (Pages données au vent)

Texte modifié...

Voir : http://tramesnomades.hautetfort.com/archive/2015/12/18/po...

© MC San Juan

28/02/2011

ECRIVAINS libyens, de Sifaw El Mahroug à Kamal Ben Hameda. Parcours…

libye,littérature,culture,poésie,citations,dictature,exil,amazighité,livres« Ne ressent la brûlure du feu que celui qui marche dessus. » Kamal Ben Hameda, écrivain (texte, Le Monde, 25-2-11).

Connaît-on la littérature libyenne ? (Quand on ne savait rien sur la société même…).

Nous étions tellement obnubilés (à juste titre, mais pas de la même manière que certains dirigeants) par le dictateur à la tête de ce pays (les attentats, les mensonges, la haine, et les menaces), que cela a fait écran. Et notre perception de la réalité sociale de la Libye en a été déformée. On pense « terrorisme » (et c’est), et on n’a plus la place mentale pour penser que, là, des gens écrivent, malgré tout. Certains en meurent, d’autres s’exilent ou sont emprisonnés, d’autres, encore, tentent de créer des bribes de société civile, pour plus de droits (voir, ci-dessous, 2009 : des écrivains sont impliqués).

Dans un entretien du JDD, où une question est posée à Luis Martinez sur l’existence d’une opposition en Libye (pas seulement les révoltes de rue et les manifestations et combats, mais des organisations préparées à une relève) le chercheur (Sciences-Po), avant de répondre, évoque d’abord l’alphabétisation, la culture (puis les études à l’étranger) : « On a très mal pris en compte la société libyenne ces dernières années. Le taux d’alphabétisation est de 90% et celui d’urbanisation de 80%. Bien que ce soit interdit, toutes les familles ont des paraboles et savent très bien ce qui se passe à l’extérieur. » (Journal du Dimanche, 27-2-11).

Donc notre ignorance était grande.

...................................................
Traces de ces écritures, de ces résistances, des informations quilaissent leurs petits cailloux de sens, montrant la genèse des évolutions. Je les ai notées chronologiquement.
De 1994 à 2011, on meurt, on écrit, on part, on écrit… Parcours de dates, de noms, et de faits.
Sifaw El Mahroug est un poète berbère libyen, né en 1946, dissident et harcelé, mort en1994 des suites d’un accident douteux, d’après l'ancien site berberoscope :  
CITATION :
«Tant de gens
Ont oublié leurs noms
Après avoir oublié
Leur accent.»
(Ce fragment de poème, peut symboliser aussi, je trouve, des annéesaprès,
la situation des Libyens dans un pays au système dictatorial
plus qu’étouffant,
et celle des exilés. L’accent sera à
comprendre, non plus comme le seul signe
perdu
de l’ « amazighité »,
signe qu’il est mais comme la marque d’une perte
d’identité
plus générale : perte d’être dans un monde brutal qui écrase,
perte des racines pour celui qui doit s’éloigner. Formes diverses de l’exil.)
...
SurSifaw El Mahroug, et de lui, lire cette page, dans le supplément littéraire mensuel de 
L'Orient Le Jour (Liban) : http://www.lorientlitteraire.com/article_details.php?cid=... 
....

 libye,littérature,culture,poésie,citations,dictature,exil,amazighité,livresKamal Ben Hameda (cité en exergue), libyen de Tripoli, est exilé aux Pays-Bas. Et le texte de lui que je viens de lire, dans Le Monde du 24-2-11, est loin d’être juste un article, mais vraiment la page forte d’un écrivain. Ce texte peut servir d’introduction à la pensée, à l’écriture, de ce poète. Un cri, le souffle de la colère et de la douleur : celle de celui qui n’a pas revu sa mère, morte seule, elle aussi exilée, mais là où elle fut toujours («… cette jeune vieille dame que j'appelais jadis maman »), et qui sait que nombreuses sont les mères en deuil de leurs enfants, fils forcés de partir à la mort. « Elles resteront tapies dans la brûlure du manque, ces mères-là, car le grand désert a englouti les leurs dans ses replis ». Il nous parle de la marche des « folles » de Benghazi (écho aux célèbres mères de disparus), qui les premières « ont ouvert un champ à l'espoir » et de ce « Bédouin autiste aux mille visages, golem du désert » que l’Occident semble découvrir après l’avoir accueilli… En humaniste, il poursuit : « Ma parole ne saura qu'ourler nos ruptures et tisser nos distances si le sentiment de l'humain n'est pas en notre partage. » Et il conclut par une anecdote. (Un passant lui ayant demandé d’où il venait, donc qui il était, «… au regard de mon faciès basané », il répondit par un mot latin: « Mens », esprit, «un être humain ») . http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/02/24/qu-il-part...

Commencer par lire, ou relire, et faire lire, un auteur libyen, c’est commencer à entrer dans l’apprentissage de cette culture trop méconnue.

Cinq titres chez L’Harmattan : http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=auteurs&obj=artiste&no=3003 

Présentation du livre « Le Saint Je » (poème monosyllabique), 2003 : http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=15844

Et du recueil de poèmes  « La tentation de la lumière », 2002 :  http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=5047  (« Deuil du moi pour l'ouvrir à toutes les contrées des fonds de l'invisible… ")

« Plis de lumière », 2007 : http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=23992

Texte à lire sur le site africultures.com, Aube... http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&...

EXTRAITS :

« Poésie, acte de connaissance.
Connaissance dans l'acception primaire, matérielle et sensuelle de naissance à l'autre, avec l'autre, aux mondes. Une naissance comme toute autre, réelle et palpable qui élit une nudité, nomme une transparence. » 
(…) « La poésie, cet instant-là, devient le chemin qui mène de soi vers le Soi, un voyage initiatique, initiation à sa propre parole. »

Dernier livre paru : La compagnie des Tripolitaines, éd. Elyzad, 2011. http://www.babelio.com/livres/Ben-Hameda-La-compagnie-des...

30/01/2011

Un Balcon sur la mer, film de Nicole Garcia

cinéma,films,un balcon sur la mer,nicole garcia,exil,attentat,double,identité,traumatisme,pieds-noirs,algérie,oran,f.l.n.,o.a.s.,crimes,amnésie,nostalgie,mémoire,regard,fraternité,culture,artJ’ai vu récemment ce film. Merci, Nicole Garcia, merci Jacques Fieschi, son coscénariste. Les acteurs sont excellents, et on oublie qu’ils jouent : Jean Dujardin et Marie-Josée Croze, notamment, mais pas uniquement, loin de là (forte présence du père pied-noir, par exemple). Histoire de double ? Mais double double… Jeune femme qui retrouve son amour d’enfance, mais qui, confondue avec une autre, maintient la confusion, s’y perd ; homme qui vit une identité apparente, dans une vie « normale », et une autre, cachée à lui-même, refoulée, dans une amnésie de survie. C’est tellement vrai cette vision du problème identitaire des exilés, surtout quand s’ajoutent les traumatismes de l’incompréhension des autres et les silences des aînés, enfermés dans leur douleur. Ce n’est pas une quelconque nostalgie qui intéresse Nicole Garcia, mais la question du déchirement intérieur, de cette identité troublée : quelle est la part de l’authenticité, la part des mensonges qu’on se fait à soi-même ? Guérit-on de son exil ? Quand, à la fin du film le personnage de Jean Dujardin dit s’être perdu et qu’il parle de l’instant, du lieu, j’entends autre chose : perdu à moi-même dans l’oubli de mes souvenirs de cet ailleurs de l’enfance. Et cela se passe aux abords du théâtre où celle qu’il recherche va jouer : de nos identités lesquelles ne sont que des rôles auxquels on croit? Quand elle répétait son rôle et croyait ne pas trouver le ton juste, alors que justement elle l’avait trouvé, elle parlait du regard (comme en parle Nicole Garcia dans l’interview de TGV magazine, mais en tant que metteur en scène qui ne peut se regarder elle-même comme actrice, qui comme actrice a besoin du regard d’un autre). Les yeux ont beaucoup d’importance dans la reconnaissance complexe entre les deux personnages, et ils en ont beaucoup dans ce qu’on ressent de nos appartenances : les yeux de l’autre… A Oran l’homme assis, Algérien au beau visage, qui dit à Jean Dujardin qu’il peut monter sur la terrasse, a des yeux fraternels, des yeux qui reconnaissent celui qui est né là. Comme cela se passe si souvent, en réalité, dans les retours des Pieds-Noirs… Il y a trop souvent, ici, les regards qui exilent (hostiles ou indifférents, ou loin de comprendre) et il y a, à cet instant, sur cette rive, le regard qui ancre.  Les lieux sont magistralement filmés : Oran de la mémoire, en flash-back, et Oran du présent, Nice, le sud… C’est un film très méditerranéen : voilà une identité magnifiée par ce film, et celle-ci, exil ou pas, se retrouve d’une rive à l’autre, perdure.

Dans le TGV magazine de décembre-janvier 2011, j’ai lu un entretien intéressant dont je choisis deux passages, pour compléter cette note sur cet excellent film (Nicole Garcia répond à Olivier Boucreux). « Quand on retourne sur un lieu de son enfance après un exil, on retrouve un peu de cette enfance à jamais perdue. Et c’est déchirant. » (…) Et, parlant  de la tristesse de la génération de ses parents : « L’Histoire a été sévère avec cette communauté que l’on a appelé plus tard les Pieds-Noirs. » (J’ajoute la majuscule, puisque c’est une identité collective…).

 Sur le site telerama.fr  on peut lire un long et passionnant entretien (et voir des vidéos) : http://www.telerama.fr/cinema/nicole-garcia-en-compagnie-des-ombres-1-2,63544.php « J’étais déjà retournée à Oran pour des voyages officiels, et j’avais ressenti une émotion étrange, très animale. Ni romantique, ni nostalgique. Plutôt le sentiment violent d’un temps à jamais perdu. Comme une déflagration. »

Dans cet entretien Nicole Garcia évoque son rôle, comme actrice, dans le film de Laurent Heynemann, « La Question »    (à partir du livre d’Henri Alleg), participation nécessaire et difficile (du fait des confusions faites entre l’armée française et les Français d’Algérie dans divers courants de l’opinion).  Occasion pour elle d’un retour sur mémoire, déjà, d’un retour dans le pays de l’enfance. Elle précise aussi, pour son dernier film, l’importance de Jacques Fieschi, son coscénariste, lui aussi originaire d’Algérie, et attaché à cette origine de manière plus tripale, et qui, dit-elle, l’a plongée dans l’eau de ce sujet (situer cette histoire de double dans l’arrachement de l’exil) comme on jette dans une piscine. Parce que, certainement, la résistance est grande. Et d’autant plus grande que la douleur enfouie est forte ? Elle parle du silence de son père, de l’origine espagnole, de la fuite de la langue du père.

A lire, critique de Télérama, 18-12-10, par Guillemette Odicino : http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:vwrjOCgddFAJ:www.telerama.fr/cinema/films/un-balcon-sur-la-mer,418551,critique.php+un+balcon+sur+la+mer+telerama&cd=2&hl=fr&ct=clnk&gl=fr  « Un Balcon sur la mer, le sixième film de Nicole Garcia, est un retour aux sources pour cette cinéaste d'origine oranaise. Et ce qui l'intéresse, dans cette histoire de passé retrouvé, c'est le vertige. Celui que l'on ressent en se penchant d'un balcon sur lequel on aura, trop longtemps, refusé de monter. »

Voir aussi synopsis et vidéo : http://www.telerama.fr/cinema/films/un-balcon-sur-la-mer,418551.php    

Lire aussi les critiques diverses de cette revue de presse : http://www.allocine.fr/film/revuedepresse_gen_cfilm=145167.html

Je sais que certains lui ont reproché de n’avoir montré qu’un attentat de l’OAS (la petite fille qui meurt, et qu’aimait, enfant, le personnage principal, était la fille d’un communiste indépendantiste : un attentat OAS les avait tués, et cette mort avait été cachée au petit garçon amoureux, déjà traumatisé par l’arrachement à son pays de naissance). Ainsi ce film est démonté par un blogueur  (qui pourtant sur son site dénonce aussi des crimes de l’OAS, ailleurs) : voir les liens ci-dessous. Car il ne comprend pas pourquoi  le scénario retient un attentat (fictionnel, ici, mais s’inspirant de faits réels) et pas d’autres, ne faisant aucune allusion au massacre du 5 juillet 1962 à Oran, par exemple, massacre qui a traumatisé toute une ville (et que des Oranais algériens qualifient de génocide dans le documentaire de Jean-Pierre Lledo  «Algérie, histoires à ne pas dire » : voir la bande-annonce du film et des critiques dans les liens de ce blog, albums, et vidéos).  

Je ne ferai pas du tout les mêmes reproches à ce film. Le but n’était pas de réaliser un documentaire équilibré sur les torts des uns et des autres, ou de rentrer dans des débats historiques, ou de traiter du terrorisme (FLN ou OAS). Le sujet était d’abord le thème du double, soutenu par la question de l’exil (dont le traumatisme crée forcément une dualité intérieure, et nourrit donc ce déchirement identitaire de l’individu). Si le scénario avait intégré d’autres problématiques le film aurait dévié et le sujet n’aurait plus été traité : il aurait perdu sa part d’universalité. Et cela aurait été bien dommage. C’est donc, pour moi, un film qu’il faut voir et soutenir. Elle ne parle que d’un attentat OAS ? Mais d’autres n’en parlent jamais : ça équilibre…