Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

07/07/2022

Lettres d’hivernage, éd. LaKainfristanaise. Revue littéraire (poésie).

Une nouvelle revue littéraire naît,Lettres-dhivernage.jpg quand d’autres disparaissent.

Lettres d’hivernage… Le titre est emprunté à Senghor, pour dire une dette et une intention, en plus de rendre simplement hommage, comme l’indique le créateur de la revue, Stève Wilifrid Mounguengui, dans son introduction.

Ainsi, cohérente avec la force que Senghor donne à la possibilité d’aimer, la revue se définit dans l’affirmation d’une éthique, faire pont, ouvrant les pages à une pluralité de voix. Et parcourant les pages on voyage dans les continents et les pays, selon les sujets et les origines. (Afrique, Québec, Haïti, Corée du Sud, Liban, Inde, Vietnam, France, suisse, Tunisie).

Ce premier numéro a pour axe les lieux (de vie ou de naissance).

Deux phrases de l’introduction me retiennent surtout, car elles traduisent impeccablement l’essence du rapport au lieu, en relation avec l’écriture…

 

Naître ou écrire, c’est advenir et avancer dans l’intimité des lieux qui précèdent et façonnent l’expérience que nous avons de l’existence. Les lieux, antérieurs au langage, inscrivent une trace, c’est comme une empreinte sur le corps et les sens, l’esprit et la mémoire.


J’adhère tellement à cette vision que je note ces phrases, en plus, ce pourrait être un exergue introduisant un de mes écrits en chantier. Car l’identité des êtres est marquée par les paysages, la végétation, les parfums, qui ont façonné le regard et tous les sens, donc les émotions originelles et l’intelligence telle qu’elle s’élabore dans un processus où le corps a son rôle. Même l’exil ne peut effacer cela, et c’est pourquoi il est aussi un traumatisme (même si, paradoxalement, il peut parfois être l’occasion d’une autre naissance à soi-même, aussi).  Demeure cette empreinte qui fait notre marque, la couleur de notre écriture.

Je vais faire un parcours de citations (selon mes préférences, choix subjectif), en suivant l’ordre des pages…

Mais avant je tiens à signaler deux choses.

En couverture et en pages intérieures, des créations graphiques, encres, d’une artiste qui vit et enseigne en Corée du Sud, Prajna Yun. Œuvres qui font partie d’un ensemble, titré Being. Dans les quelques lignes de sa bio, il est dit qu’elle aime la nature et a une démarche spirituelle, cherchant à transmettre l’élévation de l’âme, à atteindre la conscience pure. Ses créations sont très belles, épurées. Sur certaines on voit une silhouette, qui pourrait être un moine (et deux sur une des encres), et je crois voir des montagnes. Elle écrit aussi (deux poèmes d’elle sont publiés, en anglais).

Autres images, quelques photographies de Stève Wilifrid Mounguengui, des paysages de régions de France, en noir et blanc. Grands espaces, ciels nuageux, terre, arbres, un moulin, une maison, une croix. C’est donc lui qui a créé l’édition La Kainfristanaise et la revue. Il est aussi auteur (dont dernier livre publié chez Unicité, L’autre rivage de la nuit, juin 2022).

CITATIONS…  Lieux de mémoire, lieux sacrés, lieux du mystère ou de la langue d’enfance, lieux perdus, lieux inscrits en soi…

Qu’est-ce qu’un lieu    que sont les lieux

sans relâche     ils naviguent notre corps

(…)

l’image enfermée dans le présent

s’acharne aux parois de la mémoire

Cécile Oumhani

.

Comme j’ai besoin du calme des eaux

et de la paix des sous-bois

devant la peine des hommes

et la souffrance de ceux qu’on aime,

devant les éclats et les rumeurs du monde

et toutes ses guerres,

à commencer par celle qui se joue

dans l’état d’urgence permanent de mon cœur

Bernard Perroy

.

Retrouver son espace minéral

Marcher et ouvrir une à une

Les portes à nos yeux invisibles

Faire le tour du site sacré

(…)

Mes doigts réagissent à l’approche du menhir

Kristian Le Thuaut

.

J’ai retrouvé un parfum d’enfance

Au hasard d’une étale

J’ai acheté des souvenirs enfouis

Que je croyais oubliés

Sur une petite table de marché

Nanda Naelle Sandra

.

Je viens des pays du soleil de feu noircissant l’homme. Les pays des statues au nez coupé qui larmoient sous la pluie ensoleillée. Je viens de ces pays où les pierres ont du cœur et abritent les esprits des ancêtres souriant sous la terre et dans les mers : cercueils sacrés des secrets qui attristent et assagissent l’âme.

Mondes de souffles et d’âmes éternelles

Mondes de mystères et d’enfants djinns

(…)

Enfants peaux-charbon et yeux-nuit

Enfants des forêts aux arbres qui saignent

Enfants des bois sacrés qui parlent à l’âme

Zacharia Sall

.

J’introduis ma plume

Dans l’encrier de la nature

Et je peins sur la page blanche

Les images de mon âme

Patrick Charles

.

Je viens de mes blessures, de mes pluies déracinées. Je viens de là où l’air est saturé de mythes, de là où les rites se taisent devant les années emmurées.

(…)

Nous venons du même fleuve. Nous nous sommes construits à la même heure.

                                                                                                                        La dernière.

Celle qui enfante les autres.

Olivier Gbezera

.

Le mot falmarès

Je veux que ce mot soit

Pour l’enfant nègre-rêveur

Un réverbère dans les rues nocturnes

(…)

Le monde est mon pays

La terre est ma demeure.

Falmarès (c’est le nom d’écriture d’un très jeune poète originaire de Guinée)

.

Quelque part au bout de tout, à l’orée de tous nos exils, sous le préau du passage du temps, un éclair de passion illumine notre monde, le tonnerre des conflits menace la jeunesse de notre humanité, un nuage toussote et suffoque des fers de lance. Le temps rentre dans sa transhumance. Et avec lui, les saisons. L’âge jadis ardent du jeune homme, à présent une flamme achevant sa vie dans la sagesse future d’un vieillard.

Cheryl Itanda

.

Sources. Mystérieuses. À chaque expiration. Ces replis de la nuit. Qui. Parfois. Se perdent de mots. Et jaillissent. Suspendus. Aux lisières. D’une fébrile seconde. D’éternité. Ils s’écoulent. Gorgés de la sérénade. De leurs chairs. Ils semblent provenir. D’un au-delà du dedans.

(…)

C’est alors. Que l’on se ressent passeur. Passeur plus vaste que soi. Éclaboosté de leur influx mystérieux. Vasque. Du chant des hommes et des lieux. Mémoire des bois et des gouffres. Rivages de joies. Sédimentés de larmes. Parfois.

Géry Lamarre

.

quelle nuit me déplie encore

rythmes voyelles

roches consonnes

comme la peau est même

langue originelle frappe

précipite l’invisible, terre d’avant

(…)

écrire la beauté de la langue, c’est renoncer à la parler 

on la regarde, étrangère langue maternelle

arabesques oculaires à écouter la nuit

Gracia Bejjani

.

Sors de ces pierres et illumine l’horizon,

Toi, capitale de cultures et de loisirs,

Toi, Haïti de plaisirs et de désirs.

(…)

Ton amour brûle le fond des Caraïbes

Il fend les roches

Et dégage une nuée…

Houssam Hassani

.

La montagne de tes poèmes, elle est bien la même que la mienne, elle est parfois comme le voile d’un rêve. (…) Mais cela est une autre question et la réponse appartient alors à un autre moment, à un moment où la conscience des mondes se ‘dévoilera’.

Patrice Maisonnier

.

Je viens de si loin

que mon âge est chargé

de cendres

(…)

Je suis la somme des nuits chavirées

voilà pourquoi je marche

sur la pointe des mots

Benoit D’Afrique

.

le Je est une Odyssée

(…)

chaque quartier de ma peau est un deuil

(…)

mes pieds abécédaire

dans la valse des territoires

j’éclate des océans

pour tracer mes bornes

à la limite de l’infini

(…)

je suis une mémoire d’ancres

Frantz Kerby Mathieu

.

La terre natale ne cesse de m’enfanter

(…)

Ma tête a enfin touché ses racines. Et a été touchée. Ce sont des racines de terre noire et d’eau vivante.

(…)

Je suis des terres où la mer est de lave

Anne Vassivière

.

Il y a des terres qu’on ne quitte jamais

Celles-là que l’on porte en soi

(…)

Hommes aux mains ridées En quête de mémoires brûlées par l’exil d’une terre natale enviée de regards ailleurs Hommes aux bonheurs de fissures Je vous dis que ce soleil glauque que vous tenez tant à faire pousser n’habite plus ce temps

Cherlie Rivage

.

J’aime les espaces parcellaires. Ces lieux intermédiaires où se rencontrent des bruits de types différents.

(…)

Chaque jour je fais trois fois ces cinq cent mètres avec le seul objectif de laisser la rue imprimer sa vie dans mes pas de voyageur en retour vers les siens.

(…)

2017, Rue Dissi. Je suis moi en plein temps. Guetteur de sens et de poèmes. Dans le vivant et le tendre.

Anas Atakora

.

Toujours dans ton placenta

(…)

Je reviendrai c’est sûr,

Un jour au pays promis

Vers toi qui m’as vu naître.

(…)

Ô Mouila, ville maternelle,

Jamais je n’ai quitté ton placenta !

Eudes Bouassa

.

Contrairement aux récits de notre enfance, les lieux dans lesquels nous évoluons ne sont pas figés. Comme un livre que l’on retrouve change son empreinte, l’histoire se réinventera si nous revenons.

(…)

Ma peau se souvient de tout et je marche légère sur les toits déjà vacillants de Cihangir.

Gaëlle Aubin

.

Détour…

Une journée de détours vers le connu.

(…)

Qui d’autre

Guidera la quête de mes pieds

Jusqu’à la cécité

Du temps perdu

Dans ta ruelle ?

Debasish Lahiri

.

Je vous écris de très loin, d’un endroit merveilleux où la nature vous murmure des choses lorsque l’on ferme les yeux.

(…)

Je suis poussé par l’innocence à rechercher une île aux trésors, je tremble et me souviens, mais il faut changer ses habitudes, car, sans changements les papillons n’existeraient pas !

(…)

C’est toute une partie de ma vie, ma terre et notre mère nature à tous.

Jean-Claude Dufossey

.

Le temps n’a pas de prise ici on dirait.

(…)

Ne jamais oublier que l’odeur très particulière des forêts d’ici est due au pin. Partout à terre des aiguilles tapissent le sol. La forêt est sèche mais il donne à l’endroit sa particularité de résine.

Sarah Combelles

.

When I look at the shape of a flower,

I touch the mystery inside of me.

(…)

There is a flower in me

that spewed a mysterious fragrance into space.

(…)

Look into me as deeply as possible.

Feel me as deep as possible.

Prajna Yun

.

En montant lentement sur le chemin de la corniche, je songe à Soren Kierkegaard, le philosophe de la mort ou plutôt de l’angoisse. Je songe à cette idée du saut, à cet acte de foi, cet abandon de soi à l’impalpable, au vide, donc à l’espérance.

Extrait de Rhapsodies du chemin de Saint-Guilhem

.

La vie est une traversée ininterrompue. J’en reviens souvent au même point avec cet éclat dans la voix.

(…)

Rien ou presque n’aura été vain. Tout, même l’insignifiant, s’éclaire d’une lueur neuve à présent. C’est à moi qu’il revient de légender cette vie. Écrire la mémoire du songe.

Stève Wilifrid Mounguengui

......................................................

LIENS…

Le site de l’édition La Kainfristanaise… https://lakainfristanaise.fr

La revue Lettres d’hivernage… https://lakainfristanaise.fr/la-revue-lettres-dhivernage-...

Les commentaires sont fermés.