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16/05/2025

Diérèse n°91, revue

diérèse n°91,revue,daniel martinez,poésie,écriture,livres,recensionsEn exergue de la revue (page titre intérieure), Paul Valéry :

« L’écrivain est celui qui n’a pas de mots.

    Alors il cherche. Et il trouve mieux. »

Paradoxe apparent, mais les paradoxes interrogent le réel. Écrire n’est-ce pas tenter de nommer ce qui ne l’est pas encore, et de devoir affronter l’insuffisance du langage ? Sur la même page, comme marque iconique de la revue, le dessin d’un serpent lové sur lui-même en un beau cercle sombre. Représentation à interpréter, idée de profondeur, de retrait méditatif en soi, à la recherche des mots absents. Chaque exergue (selon les numéros) donne sa couleur au dessin...

En couverture, création de Pacôme Yerma.

L’éditorial est de Jean-Louis Bernard

« La part du réel en poésie ». Il commence par évoquer la distinction entre réel et réalité, introduisant « la notion d’imaginaire dans la création poétique », « afictionnelle » et       « dans notre intime ». Pour écrire, tenter de saisir ce qui dans le réel échappe justement, en sachant « l’écart entre le langage et le réel ». Il s’appuie sur Héraclite (« harmonie des tensions »), Saint-John Perse (« grands lés tissés du songe et du réel »), Novalis (« que le chaos brille dans chaque poème », et   « force brisante du regard »). Ainsi on peut penser le jeu sérieux du désordre qui ouvre des passages dans ce que la conscience imagine du réel, en recréant des parts de vérité, sans rien trahir. 


J’ai lu d’abord les poèmes, en tête de revue, mais je laisse les citations pour la fin de la note.

Je survole les proses.... (qui ne sont pas des poèmes en prose), lit les Journaux (si l'écriture, surtout, est évoquée),  et arrive aux recensions, trop nombreuses pour tout retenir.  Pour tout, choix subjectif.

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JOURNAL, Notes de Guy Villa

Octobre 2019

« J’écris pour me trouver », écrit-il, « me connaître ». Vingt ans de pages accumulées, un processus de recherche dans la profondeur de soi, trouver des mots pour mettre du sens où il y avait « silences ». Et, ceci, paradoxalement (ou pas, si cela signifie décrypter par l’écriture un temps passé, autre, ou si c’est modalité de création) : « Là où j’écris, il n’y a que silence. Là où je vis, il n’y a que la langue. »

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RECENSIONS, FOCUS

Intéressée par ce que dit Pierre Dhainaut du livre d’Angèle Paoli (poète) et Caroline François-Rubino, dont j’aime la peinture. Mont-Ventoux, Voix d’encre, 2024. Pierre Dhainaut je l’avais découvert, grâce aux revues de Daniel Giraud, et perdu de vue, puis retrouvé grâce à Diérèse. Les livres sur les montagnes m’intriguent, car je les aime en peinture, les montagnes, pas en réel, préférant le plat des rives de mer et les étendues de désert, plates aussi. Mais quand je lis ce qu’explique Pierre Dhainaut sur les références que donne la peintre et l’importance d’Hokusai dont elle reprend l’équivalence du projet (le Fuji, lui), par le nombre de peintures en tout et le nombre pour le livre, cela devient passionnant rien que par ces chiffres. Et l’écho musical qu’il voit dans l’allitération du sous-titre, Vues et variations, est une promesse pour la structure du livre, parcouru par la marche et le regard de celle qui écrit. Montagne, sens de l’entreprise : « L’ascension n’est pas une conquête matérielle, mais une aventure mystique ou, pour mieux dire, initiatique, sans fin. » Il cite un poème qui exprime cela.

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Bruno Sourdin s’intéresse à la « poésie verticale » de Zéno Bianu, que j’ai beaucoup lu. Rappel est fait de la musique, toujours présente, jazz, et des connaissances des grandes références de l’Orient, celles de la haute poésie, quand elle est expérience spirituelle, comme pour les haïkus d’Issa, auteur de nouveau évoqué, est-il dit, par Zéno Bianu dans Les Anges récidivistes, Gallimard, 2023.

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Michel Diaz a parcouru L’invention des couleurs, d’Isabelle Lévesque et Pierre Dhainaut, ouvrage que j’ai, mais pas lu encore hélas, Ail des Ours, 2024. Livre du regard que les mots traduisent, ou peut-être plutôt effleurent. Mystère, pour l’une, chemin vers une sagesse de disparition de tout ce qui encombre l’être, pour l’autre, déchiffre-t-il. Particulière entreprise que celle de ces deux auteurs créant à deux des ouvrages.

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Recensions, Bonnes feuilles

L’herbe entre les pierres, de Jacques Robinet, Unicité, février 2024, est lu par Gérard Bocholier. L’auteur, décédé en Juin 2024, a eu la satisfaction de publier les recueils qui attendaient. Écriture d’être spirituel. Quatrains qui saisissent l’instant, « une rencontre avec la beauté », dit Gérard Bocholier. Poèmes qui aident celui qui sait approcher de la mort, à retenir encore la présence, et à permettre l’abandon au centre essentiel de soi.

C’est Bernard Pignero qui recense un autre recueil de Jacques Robinet, Le vent souffle où il veut, Unicité, mars 2024. Textes accompagnés des encres de Renaud Allirand. Textes épars regroupés, dit Bernard Pignero, mais ensemble montrant une unité, qu’il explique par la profession de psychanalyste de l’auteur, son regard créant les liens. Ample étude tenant compte de la part presque mystique autant que de l’inquiétude métaphysique. Et c’est la « quête d’absolu » qui relie l’écriture et ce qui relève des interrogations de la foi.

D’autres pages, d’autres livres, je ne peux tout mentionner. Mais encore un arrêt. Pour la recension, par Sabine Dewulf, du livre de Pierre Dhainaut, Éveil, trois fois, avec les peintures de Caroline François-Rubino, Douayeul, 2024. Trois fois, car trois parties, où l’anaphore, trois fois différente, signe le sens de chaque séquence, explique Sabine Dewulf. Éveil, pour un auteur qui a connu le grand traducteur du Tao que fut Daniel Giraud, et écrit dans sa revue vouée au questionnement de l’éveil, au sens de la bascule radicale de conscience, selon les sages d’Orient, on comprend que ce terme soit ici à sens superposés, et que nous devions lire en allant vers la signification cachée proposée sous l’apparence d’approches simples, ce qui nous est suggéré, en mettant l’accent dans cette lecture, sur le « sens profond » du livre.

Et, aussi, L’Or-la-Nuit, de Béatrice Pailler, Encres vives, 2024, recueil lu par Éric Barbier.

Un titre étonnant, comme un bijou d’oxymore. Éric Barbier cite des vers qui donnent envie d’aller tout lire. Or, lumière, or, le poème créé comme révélation à soi, par un processus volontaire de mise à jour du sens dévoilé.

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TRADUCTIONS, poètes à découvrir, citations.

Teresa Soto, traduction de l’espagnol par Max Alhau :

Grandir, se développer

« Nous étions comme était le monde avant d’être. / Juste avec majesté / et grâce. /

   Nous étions / sans le savoir /divins. »

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Peter Härtling, traduction de l’allemand par Joël Vincent :

Une pluie d’oiseaux

« Ils tombent / pétrifiés / dans des rivières et des lacs. »

[...]

« quelle époque s’annonce, / pour qu’il pleuve ainsi / des oiseaux en pierre. »

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Nino Júdice, traduction du portugais par Jean-Paul Bota :

Bucolisme tardif

« J’ai appris cette langue dans les longs champs d’autrefois, / dessinant les abécédaires dans les sillons tracés par une charrue / de consonnes. / J’ai vu les hommes répandre les graines / d’où ont germé les vers du crépuscule, chacun absorbé / dans les morceaux de terre qui leur échouait. » [...] « Phrase après phrase, je condamne / ces paysans de fortune à une éternité/ renouvelée de prières sans destin [...]. »

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Stamatis Polenakis, traduction du grec par Raymond Farina

(poète traducteur de plusieurs langues, c’est impressionnant...) :

Je ne sais pas ce que demain m’apportera

« Je ne sais pas ce que demain m’apportera. / Moi, le poète Fernando Pessoa / j’ai rêvé

que je suis tous les hommes / qui ont existé, je suis les yeux de ma mère / couverts de

larmes, je suis les milliers de gens / morts dans le séisme de Lisbonne / et un chien

malade errant parmi les décombres. » [...] « Quelqu’un d’autre, pas moi, est seul dans son

angoisse / sur un lit d’hôpital. [...] Aujourd’hui je suis / simplement un homme sur le point

de mourir. »

(Extrait de Les escaliers d’Odessa, 2012)

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Un départ

(sur Kafka et sa sœur Ottla, morte à Auschwitz)

« Kafka est mort en écoutant des bêtes terrifiantes / creuser de profonds terriers au cœur de

la nuit. / Ottla a gardé toutes ses lettres / dispersées à tous vents / et vécu jusqu’au bout en portant tendrement / le poids insupportable de mots agonisants. / C’est une très vieille histoire d’amour / qui finit à Auschwitz. »

(Extrait de Pierre glorieuse, 2014)

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POÈMES, suite. Citations :

Jacques Ancet

(Textes extraits de D’après nature, inédit. Longs vers espacés, interlignes qui donnent une respiration, coupant même des phrases.)

« Et qu’entendez-vous que vous ne voulez pas entendre ? Quels cris qui ne sont pas d’oiseaux // Quels hurlements en pleine lumière dans le fracas et la poussière ? //

[...] 

« Vos pas ne seront plus vos pas. Vous sortirez dans des matins qui n’en seront pas. »

[...]

« Vous êtes là sans y être ou est-ce vous que vous voyez revenir dans la lumière [...] ? »

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Christian Viguié

« Pourquoi la beauté / ne serait pas toute cette poussière / que nous avons soulevée /

et qui fut pour nous / à la fois chemin / solitude et étoiles ? »

[...]

« Je suis là et je ne sais ce que j’attends / des rires des sanglots / peut-être une manière plus précise d’être au monde / [...] mais le plus important est que j’attends / entre une mort ancienne où je ne fus pas / et une prochaine mort où je ne serai plus. »

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Pierre Dhainaut

Pierre et pierre et poème

« Autant de cris, de flammes pétrifiées dans les rafales » / [...] « le feu en la profondeur du poème : / écrire, tout l’art consiste à l’en extraire, / à ne pas tomber dans la chute, / qu’elle dure un instant, l’éternité. »

[...]

« Distance, opacité, tout le visible, / la route qui sinue de pierre en pierre / choisira pour nous le parcours [...]. »

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Marc Alyn

Le piéton invisible

« Mes pas me devançaient / Je m’attendais au tournant de moi-même / à tous les carrefours de l’errance [...]. »

[...]

« D’un pas transfiguré / j’allais à ma rencontre / à travers les strates d’un passé écorché [...]. »

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Isabelle Lévesque

La promesse

« J’étends la couleur de septembre, mes doigts tachés / se détachent de ta main fantôme et du rêve. »

[...]

« Je voudrais que les fils devenus cordes chantent. »

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Gérard Bocholier

Jours

« Un carnet se termine / Un jour viendra l’ultime / Mais le dernier poème / Résumera-t-il tout ? »

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Daniel Martinez

« À bas rayons d’un monde / hors du commun / cela qui fut sera / la surface et le volume /

en nous réalisés / hors la plainte des vents / et les caprices de la poussière »

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Jean-Yves Cadoret

Hommage à Roger Caillois, 2 (Sur un tableau d’Henri Girard)

« Les seuls mots décryptés nous disent que peindre est la somme des jeux mais ne livrent aps les clés de la langue sacrée. »

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Sophie van der Pas

Quelque chose s’en va

« Quelque chose s’en va / Que je savais. / Mourir n’est qu’un souffle lâché au-delà des oiseaux. »

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Recension, par Marie-Claude San Juan

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Diérèse (éditeur Diérèse et Les Deux-Siciles : Daniel Martinez) :

http://revuepoesie.hautetfort.com/

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