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14/12/2021

"Le verger abandonné", de Michel Diaz. Ulysse errant choisissant le non-retour, ou l’ascèse d’écriture et d’être, en récit métaphysique…

VERGER M DIAZ.jpg
 
 
 
 
 
 
Car...
 
 
 
 
(En couverture, une photographie de Pierre Fuentes, une des contrées d'Ulysse... Comme une peinture du "bord du monde")
 
 
Car Pauvreté est lumière éclatante de l’âme.
(…)
Venu de la clarté, il pénétrait 
dans une clarté toujours plus grande,
et la gaieté habitait sa cellule.
 Rainer Maria Rilke, Le Livre de la pauvreté et de la mort
 (trad. de Jacques Legrand, Seuil, œuvres 2, poésie)
 
 En nous le lieu
 En nous l’instant
 Nous consentons à être
          le jour dans la nuit
François Cheng, Le livre du Vide médian (préface et poèmes)
 
Pauvreté… Comprendre dépouillement, détachement, arrachement à l'inessentiel. Même si dans le grand poème de Rilke la pauvreté des humbles est aussi présente. 
J’ai choisi ces exergues car ils me semblent être une entrée possible dans ce livre particulièrement profond, qu’on doit relire et relire pour arriver à s’en extraire assez pour en parler. Et c’est Rilke que Michel Diaz a mis en exergue, citant un autre fragment du même grand texte (pour la notion de dénuement et la mention de l’exil, dont on peut entendre plusieurs sens, jusqu’à l’éloignement de soi par soi). 
La lecture de François Cheng (je le développe dans une des dernières parties de ma recension), permet de comprendre une dimension essentielle du livre de Michel Diaz. Et notons déjà la présence du "lieu" et la notation sur "le jour dans la nuit" (thématique de la lumière et de l’obscurtité, centrale chez Michel Diaz).
L’écriture de ce "verger" est magnifique, la pensée est troublante, une méditation où nous devenons Ulysse errant, retrouvant nos propres exils et cherchant à apprendre cet itinéraire qui nous rendrait assez allégés et libres pour rejoindre la plus authentique part de notre être. 
Je note que ce livre a été récemment primé (prix du Cercle Aliénor de poésie et esthétique). Et j’ai trouvé que c’était très mérité. 
 
Publication des Éditions Musimot.
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20/04/2021

Gabriel Audisio. Ulysse ou l’intelligence...

Ulysse   Audisio.jpgDans l’avertissement ouvrant Ulysse ou l'intelligence, Gabriel Audisio prévient. "Ce livre est composé à sa manière, qu’on trouvera peut-être bizarre. Le lyrisme et érudition l’animent tour à tour. C’est qu’il part d’une expérience personnelle pour aboutir à des généralisations abstraites. Le moi est ici la condition du nous." Il annonce aussi qu’il y aura des reprises, qu’il reviendra sur des sujets pour y porter un autre regard, une autre "dialectique". Et il qualifie déjà les thèmes attachés à Ulysse. D’une part la notion de "génie méditerranéen", d’autre part "l’homme universel". L’aboutissement de l’essai est donné aussi, où Ulysse sera le "héros de l’intelligence" dont la Méditerranée est l’espace nécessaire, et, même, "la condition".
Cette façon d’écrire que présente Audisio, il aurait pu la définir de la même façon en avertissement introductif de L’opéra fabuleux. Car dans ce livre aussi alternent les pages personnelles, lyriques, et les analyses plus abstraites. C’est la méthode d’Audisio, qui casse les normes de l’essai, du récit-essai, c’est son art spécifique - dont on pourrait dire qu’il est justement ce qu’il définit du génie méditerranéen et de l’intelligence d’Ulysse. Une autre forme de dualité. Essai, mais pas seulement. Récit personnel, mais développements de l’intellect. Et ce "système de charnières ou de paliers", choix volontaire, méthode pour faire advenir la complexité d’une pensée qui a besoin de partir dans des sens différents en même temps, de relier, de faire interférer. Si les thèmes "s’entrelacent" c’est "un effet de mes propres nécessités". Il obéit à sa logique intérieure, l’assume. 

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17/04/2021

Recension. Lignes de crête, de Michel Diaz

Diaz, Alcyone.jpgCette recension était prévue, j’apprécie de la relier à mon parcours de la revue Saraswati, où Michel Diaz est présent (note précédente).
 
En exergue au préambule, l'auteur a choisi de citer Thérèse d’Avila et Kant, pensées qui traduisent notre faim intérieure, et dans le corps du texte des lignes d’Alain Freixe (extraites de Comme des pas qui s’éloignent). 
Que dit ce préambule, qu’annonce-t-il ? Un questionnement, une recherche comme en apnée, où l’attention à "la solitude saturée de présence", que révèle la marche, est celle de "l’écoute du monde invisible où s’enracinent nos pensées les plus archaïques et dont nous recherchons toujours la clé". 
On retrouve, relisant ces pages, ce même désir de déchiffrement de l’entre-deux que révèlent les poèmes en prose des saisons : "ce cheminement sur la ligne de partage des eaux" (…) "vers des pierriers d’incertitude au pied desquels peuvent s’ouvrir des trouées de clarté comme des chaos de ténèbres". La démarche est éclairée aussi par la brève postface où l’auteur dit le rôle de la marche dans l’émergence des textes, et celui des "alchimies imprévisibles de la songerie".
Le livre est divisé en quatre méditations, offertes à Walter Benjamin, Friedrich Hölderlin, Claude Cahun,  et Alejandra Pizarnik. On comprend pourquoi le préambule parle du risque de bascule dans "des chaos de ténèbres", et pourquoi la postface mentionne la "douleur inexprimée".

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22/03/2021

Gabriel Audisio, ou Ulysse poète...

gabriel audisio,audisio,poésie,misères de notre poésie,racine de tout,livres,citations,louis branquier,henri bosco,jules roy,francis ponge,jean pélégri,edmond charlot,aux vraies richesses        Mon pays,
C’est toutes parts où des hommes.
        Mon pays ?
Toutes parts où des soleils
Gabriel Audisio, Hommes au Soleil, 1923
.
La figure, l’être, le mythe d’Ulysse n’ont jamais cessé de me hanter, m’habitent de plus en plus.                                                         Gabriel Audisio, Ulysse ou l’intelligence, 1946
.
Donnez-moi, dieux des mains qui écrivent, donnez-moi les mains de ceux qui animent des statues !
Gabriel Audisio, Ulysse ou l’intelligence, 1946
.        
D’Hommes au soleil, 1923, à De ma nature, 1977, plus de cinquante années de poésie publiée. Hommes au soleil est dédié à Jules Romains, dont l'unanimisme, cette conscience d'une matrice commune des Méditerranéens, l'a influencé (il fut son professeur de philosophie à Marseille). Cela se retrouve ensuite, mais transformé, magnifié par la connaissance qu'Audisio aura des cultures méditerranéennes diverses - grecques comme islamiques - et par l'intense imprégnation du mythe d'Ulysse. Audisio est poète dans tous ses écrits, dans ses romans comme dans ses essais. Partout, ce même souffle, cet élan singulier. Mais c’est dans les recueils qu’il met en œuvre des refus et des exigences spécifiques, et crée le poème, tel qu’il le conçoit. Pour comprendre ce qui constitue sa poétique il nous faut considérer les éléments qu’il donne dans des essais, et lire, comme en surimpression, les pages des recueils. Des associations apparaissent. Thématiques et formelles. L’idéal d’un humanisme méditerranéen traverse l’écriture d’Audisio, celui de l’être méditerranéen pluriel, porteur d’une capacité de joie vitale, solaire, habité par l’esthétique de la mer, ce "continent" commun, et par la beauté de ses rives. Sagesse méditerranéenne de l’adhésion à la vie.
Ainsi, dans Jeunesse de la Méditerranée, il définit ce qu’il appelle le "mystérieux" de la Méditerranée, "alliance du fantastique et du merveilleux". Ceci est une clé pour lui-même, un des visages de son Ulysse intérieur.
Misères de notre poésie, cet essai en fragments de 1943, expose une éthique de l’écriture poétique, esquissée par ses ombres et le refus des impostures. 
Et dans Racine de tout, l’avant-dernier recueil, 1975, on retrouve des mots de l’essai de 1943, comme cette injonction à soi-même, "rayer". Et la partie titrée Allégories du poème nous fait recroiser l’abeille de l’essai, celle dont le miel dépend du "butin". Dans le poème le pollen est la glèbe aboutie, "le suc / aspiré". Le butin du poète c'est ce dont il se nourrit : expériences, contemplation des paysages, culture, êtres rencontrés.
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SOMMMAIRE, suite  :
 
. Recension, Misères de notre poésie, essai, 1943
 
. Recension, Racine de tout, recueil, 1975
 
. Citations (essai et recueils)
 
. Bibliographie sélective
 
. Lien (thèse au Canada)

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