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11/04/2024

Revue À L'Index n°48

Index.jpgDans l’éditorial, Jean-Claude Tardif aborde le problème de l’édition, dominée par des groupes de maisons puissantes qui "marchandisent", écrit-il, la production des livres. Et cela encombre la distribution de médiocrités. Il craint d’observer « la fin d’un monde, celui du livre et plus encore de la Littérature ». Se demandant si des auteurs des temps précédents pourraient être édités s’ils vivaient maintenant. Ils le pourraient difficilement, contre « ces livres de consommation rapide » qui « n’ont rien de rimbaldien ». Il conseille aux lecteurs, à la fin, d’aller « fouiller »… « la deuxième étagère ». Mais je crois que même cela ne suffit pas car là aussi il y a barrage, les petites éditions de poésie ayant des distributeurs qui placent peu ou pas les livres en librairie. Les livres sont dans certaines librairies quand il y a des lectures, et passent dans les autres le temps d’une commande. Heureusement qu’il y a des salons… Je me souviens de ce qu’a dit le poète Paul Valet sur sa fidélité à ces éditions moins en vue, son choix de ne pas s’adresser aux grandes, pour continuer à soutenir celles qui lui avaient permis de publier au début.

Dans la revue, des nouvelles, des poèmes (surtout), une recension, des traductions. Deux auteurs de Bahia, Brésil (traduits par Dominique Stoenesco)  et deux poètes catalans (traduits par Pierre Mironer).

 

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Je commence par les poètes brésiliens.

Poètes de Bahia (pp. 117-125 et pp. 133-147). Textes bilingues.

(Traduits du portugais et présentés par Dominique Stoenesco. Poèmes inédits en français, extraits de recueils publiés au Brésil)

CITATIONS

Cleberton Santos (né en 1979)

[Textes avec la « présence d’un substrat oral »]

Le caruru des sept poètes (le caruru est un plat brésilien, nous est-il dit)

Les poètes revivent la fête de la brousse africaine

De leurs lèvres résonnent les rythmes ancestraux

……
Premier paysage

Allongé sur une terre sèche et lunaire

le poète repose ses os et ses remords.

……

Scorpions nocturnes

Incendiaires de la folie et de la démence,

Cinq scorpions nocturnes guettent ma solitude.

……

Inspiration

sans la force des abîmes

ne resterait que la tragédie de la raison

un charabia de sons familiers

des cris infinis dans les rues

……

Traversée

Tout ce que j’offre 

sur cet autel de mystifications

est une abondance d’erreurs

peut-être une extravagance de mythes

…………………………

Vladimir Queiroz  (né en 1952)

[Poèmes, nous dit-on,  sous le « double signe du local et de l’universel », selon la formule du poète portugais Miguel Torga (1907-1995) qui disait que « l’universel, c’est le local moins les murs »]

Global

Il y a un monde global qui m’appelle,

mais ma peau est encore locale,

elle se niche dans un arbre que je connais

où la mousse pousse après la pluie.

……
Sable

Sable

             chargé

                   de poussière et de lumière :

 

un dialogue

                   avec les étoiles.

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Poètes catalans (traduits par Pierre Mironer). Textes bilingues (pp. 61-68 et 81-93).

Joan Vinyoli

El Vent d’Aram / Vent d’Aram

(Aram est une localité, personnage, parfois, dans l’imaginaire, rappelle le traducteur)

Temps perdus

                                     Je prends peur.

                                                              Je chemine par une forêt

qui a brûlé, il n’y a plus un arbre, et je peux en voir

ressurgir les racines.

……

Le grenier bleuté

Le vent d’Aram s’engouffre entre les montagnes.

Les forêts en terrasses se couvrent de la buée du dehors.

 

Enferme-toi dans le grenier

bleuï de la tristesse.

…………………………

Salvador Espriu  (1910-1985)

Les heures – Me souvenant toujours de ma mère

Retour au port

Comment croire dans les abysses

à une mort sans grâce ?

Dès la tombée de la nuit je me défends

contre la solitude qui gagne du terrain

sur la victoire illusoire

de l’or et des statues.

……

Chérubin

Air vaporeux, devenu cendres

en dehors du Temps, tu seras le chant de victoire

de l’orbe funéraire tant négligée

par les étoiles.

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Autres poètes, CITATIONS

Parviz KhazraÏ (né à Téhéran, 1941, mort en France, 2023)

Depuis la fenêtre des cauchemars et autres poèmes

Quand je suis enfermé,

                                    Ici,

dans cette chambre d’hôtel

(…)

où êtes-vous,

vous, les somnambules,

épanouis dans la boue de la lâcheté ;

vous,

vers quel paradisiaque oubli

êtes-vous en marche ?

……
Avec le rouge, le noir s’effondra

Résiste,

             résiste toujours !

Le monde n’est pas encore

désespérément fané

(…)

Et la couleur du deuil

n’est pas encore la couleur du monde ;

…………………………

Iren Mihaylova

Oubli

Mes mains sont pleines des mains

qui ne serrent plus les miennes

depuis l’éternité ;

 

Mes doigts remplis de ruines

que je n’habite qu’en mémoire

de mes ancêtres reniés ;

…………………………

Jacques Nuñes Teodoro

L’écorché dans la vitrine

Il y a la vie

qui a mis le pied dans la porte

afin que se faufile le temps assassin

……

Ad te clamavi

Sais-tu que mourir 

est la pire trahison

que l’Homme ait inventé ?

…………………………

Line Szöllözi

Quand tu chanteras plus fort que le vent

(proverbe gitan)

Quand tu chanteras plus fort que le vent

entre les ruines du fort et le ruisseau

sous le rempart qui domine la mer

……

L’étranger

est-il étranger ou étrange ou même familier

semblable et différent l’étranger qui ouvre la porte

…………………………

Anne Barbusse

L’incomplète

le fond de la mer est plus torturé que le jour

rochers et algues déconstruisent  les sables

(…)

tu avais demandé aux hommes de te compléter

ils ont posé leurs mains sur ton corps

et le manque a proliféré comme une ronce

…………………………

Valéry Fossard

Chut

Vous pourrez deviner mes traces dans la poudre de la rivière.

J’y suis passé ce matin.

Suis-je la fin ? Ou le passage ?

Je vous parle, à vous derrière la cascade.

Venez.

(…)

Venez,

Les barques vous attendent,

ici le feu ne sert qu’à adoucir la nuit, l’air doux amplifie la marque

du tambour sur la rive.

Juste les sourires des âmes qui nous précèdent.

Pensez à fermer les sens, éprouvez ce vertige

(…)

Vos vêtements partent aussi en lambeaux.

lls n’ont plus rien à masquer de ce côté-ci du monde.

Juste une ondée, une chute…

Venez.

…………………………

Catherine Baptiste

Silence s’entend

Celle qui veut dire sans dire

avoue l’indicible

plus qu’elle ne le formule le jette impudemment à la face de l’œil ébloui

…………………………

Jacques Boise

Impromptu au corbeau

J’aime les corbeaux, souvent ils ont bordé ma solitude de leur noir bleuté.

(…)

En Galice, on dit qu’ils sont les âmes des morts protégeant les vivants.

(…)

Je les croise depuis si longtemps, voyageurs tout comme moi.

(…)

Alors qui se souviendra de moi, de qui je fus, hormis peut-être un vieux corbeau et sa mémoire.

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Yves Noël Labbé

Une nuit à L’Écotière

Un reflet de nacre vrille ma tête

Je vois la paille, monceau de paille

(…)

Que faire de ces débris échoués sur le rivage de mes nuits ? Pour quel souvenir ces brisures de rêves, ces premières pièces d’un décourageant puzzle ?

(…)

Et la guerre, les morts, je les avais cachés derrière un éclat de nacre.

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Parcours @MC San Juan. Blog Trames nomades

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Revue À L’Index…  http://lelivreadire.blogspot.com/

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