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La moindre mesure du monde... Livre de Jean-Pierre Otte, L'Étoile des limites
La moindre mesure du monde, L’Étoile des limites, coll. Le lieu et la formule, 2023.
Le titre de cet ouvrage d’une quarantaine de pages correspond bien à l’intitulé de la collection, qui pose en exergue une citation de Rimbaud, « …pressé de trouver le lieu et la formule ». Ainsi « Le lieu et la formule » inviterait des auteurs cherchant à se penser eux-mêmes à travers un espace, et tentant de définir une sorte de géométrie intérieure en questionnant une géographie extérieure. Le mot le plus important serait la « formule », car arpenter un lieu pour le décrire seulement, cela ne présente qu’un intérêt très relatif, s’il n’y a pas une démarche interrogeant le JE dans sa profondeur inconsciente, d’une part, et sa place dans une démarche de conscience d’être, la dimension ontologique, d’autre part. C’est en tout cas ma conception de l’écriture, et comme le poète Daniel Giraud le disait pour lui-même, je ne sépare pas la poésie (vers ou prose fragmentaire) de la philosophie. C'est la seule poésie qui m’intéresse vraiment (à lire ou à écrire), celle qui rejoint le domaine métaphysique, et plus, selon la conception de Jean Rouaud, « l’ambition mystique de la poésie » (je le citais dans ma première note sur la triste polémique autour du Printemps des Poètes).
Il me semblait, avant de lire son texte, que le titre de Jean-Pierre Otte indiquait qu’il allait au-delà de tout parcours de sentier ou de marche dans du « local ». Même s’il parle bien d’un lieu il le dilue dans une sorte d’anonymat qui crée une abstraction propre à faire penser. Il va vers la mer, dont les rives sont une frontière d’univers, finalement, où qu’elle soit, et les oiseaux qu’il mentionne relient terre et ciel (sable et cosmos) comme le feraient les traits d’une gravure.
Je me demandais si je trouverais un lien, dans ces pages, avec ses vers, ceux que j’ai cités dans ma recension de Diérèse (n° 88) : « ...se fabriquer / une âme pour échapper au piège du néant. ». Ou si ce que dit à son sujet le poète Michel Diaz, en recensant un livre de Teo Libardo, me fournirait une clé. J’avais relevé cela, dans ma lecture de Diérèse aussi (mais le n°89). Il notait que Teo Libardo (comme Thoreau et Giono, mais aussi, donc, Jean-Pierre Otte) traçait une voie de conscience pour l’horizon de notre rapport à la nature. Il écrivait ceci : « Nous sommes ici dans les parages de Thoreau, de Giono, de quelques autres aussi conscients de ce qu’il nous aurait fallu préserver, et tout à fait dans l’esprit de ce que le poète-peintre Jean-Pierre Otte ne cesse de nous dire de livre en livre », le citant ensuite, pour un fragment d’un ouvrage parlant d’enracinement et de détachement, de présence dans une sorte de solitude choisie. Peut-être que ce que je retiendrai surtout, de cette mention, en dehors de la question d’une éthique à la manière de Thoreau, ce sera le paradoxe apparent qui fait s’enraciner et se détacher à la fois. Car cela rejoint ce que j’ai vu dans les pages de La moindre mesure du monde, en accord avec ma citation ci-dessus. L’âme contre le néant. Âme à « se fabriquer ». Albert Camus a dit cela aussi, que l’âme se crée petit à petit, dans un devenir construit consciemment. Il l’a écrit en agnostique éclairé.
J’avais une crainte, cependant, ayant remarqué, en consultant les titres de la collection, la rareté des prénoms féminins. Même si, dans mes lectures et affinités (moi qui préfère écrire auteur, pour le neutre de la fonction…) ce n’est pas du tout un critère. Tsvetaïeva, Dickinson, Yourcenar, Pedaya, oui, mais Blake, Rilke, Celan, Lorca, Jabès, Amichaï, Cheng… Quelle était donc ma crainte (teintée d’agacement) ? C’est difficile à définir. Peut-être que le lieu s’ancre trop différemment. Ou qu’il y ait trop d’ego. Peut-être. Mais je n’ai pas ressenti de gêne de cet ordre en lisant.
Dès la première page l’auteur indique avoir besoin de s’éloigner de sa table de travail, pour aller « marcher sans pensées le long d’un rivage » et vivre « la présence au réel du monde ».
Il va donc « vers la mer ».
Avant, dans le train, il n’a pas cru nécessaire de « vérifier » sa « présence » en contemplant son « reflet sur la vitre », rejetant cette « complaisance romantique». Mais, arrivé sur la rive, ce qu’il écrit accentue la portée de cette notation. De son visage il dit que « sous le vent mouillé » il « n’était plus qu’une parenthèse transparente ». Cela m’a fait penser à la « vision sans tête » de Douglas Harding (ou « voie sans tête »), à la démarche d’éveil de ce penseur mystique, qui voulait aider à prendre conscience de la vacuité intérieure, notre essence véritable. (J’ai lu quelques pages de lui et sur lui…).
Je ne sais pas si Jean-Pierre Otte connaît cette pensée. Peu importe, car elle s’inspire des philosophies (ou sagesses) de la non-dualité, pensées communes au bouddhisme, au soufisme, et à d’autres traditions. Et l’expérience qu’il relate ensuite prolonge cette perception, quand il évoque son ombre et le sentiment de sa propre présence à travers cette ombre, vécue comme possible « prolongement qui échappe au piège du dedans pour se manifester dans le champ extérieur ». C’est une présence-absence, que deux pages interrogent, ou « l’aimantation d’un mystère » qui s’inscrit.
Le lieu servirait donc ici à fuir ce qui serait limite d’une conscience enfermée dans l’intériorité.
Dans le même sens, quand il s’attable à une terrasse et note la présence d’une femme, il utilise le mot « vacuité » pour qualifier l’espace commun et son propre effacement, par un geste mental volontaire.
Et, marchant au bord de la mer, ce qu’il remarque c’est la trace des « pas mouillés que l’eau noyait ». Encore l’effacement…
Il y a constat et volonté mêlés. C’est un choix, celui de percevoir « un réel qui ne soit pas englué en nous-mêmes ».
L’aboutissement logique de ces effacements voulus et perçus c’est la perte « d’identité », mais pas comme appauvrissement et fermeture. Il ose même parler d’une « sorte de déité » ressentie en lui, « décalquée de la nuit intérieure », avec de nouveau la notion de transparence. D’autres diraient capter leur Soi (le tenter...), ce centre présent en tous, qui dépasse et annule le petit moi. Cela le relie « aux milliards d’êtres orientés en des espaces et des temps différents », conscience d’être lié au Tout de ces multiples vies. Mais pourtant refus de se laisser imprégner par ce qui fait la vie mentale d’autrui, dans un « concert mimétique ». Ce sont deux niveaux de pensée différents. Je reviens au premier en notant ce qu’il écrit, plus loin, du désir de « rêver un mot » pour signifier trois réalités, « l’ombre, l’âme, l’image », dans le but de rédiger un « traité », une « étude » qui « s’efforcerait à la perte de toute dualité ».
Il rêve ce mot qui peut-être n’existe pas. Ou qui existe. Je pense au texte du poète Éric Desordre, Métagraphies (lien en marge gauche, liste Rebelles), qui reprend ce concept d’Isidore Isou pour parler de photographie et de métaphysique. Démarche proche de celle de Jean-Pierre Otte, quand Éric Desordre se demande s’il faut « faire disparaître la dimension initiale des choses et en révéler l’appartenance à un autre univers, infime ou cosmique ».
Le traité rêvé (avec le mot) par Jean-Pierre Otte, en fait il l’a déjà écrit, c’est cet ouvrage en ses quarante pages. Quand il repart c’est en se « délestant de tout au fur et à mesure ». Effacement, le dernier paragraphe confirme ma lecture. Il est repris en quatrième de couverture, ce qui n’est pas par hasard. J’en copie le début : « Ce n’est que dans l’effacement de soi que la réalité de l’Ailleurs ou de l’Autre nous devient sensible ».
Livre bref, donc. Et cela est une qualité supplémentaire. Car avec trop de livres, trop de pages, on est noyé dans un brouillard quantitatif inutile. Quand tout Rilke entre dans deux volumes du Seuil, et que de grands noms se résument finalement à deux ou trois titres (Baudelaire, Rimbaud…).
Mais pourquoi la « moindre mesure » du monde ? Ce n’est pas réduire le réel à un espace minimal, mais, respectant le vaste, dans l’intention du regard, refuser de le charger de projections mentales, de lourdeurs de contenus. Donc trouver ainsi la « formule », en étant « sans aucune idée préconçue et sans intrications inutiles ».
Ce livre est le récit d’une entreprise. Comment, dans un cheminement solitaire, chercher à rejoindre le bord d’une certaine frontière mentale, dont on sait qu’elle pourrait être franchie, et se donner pour mission, personnelle, de traduire cela avec des mots. L’enjeu de l’écriture dépasse le désir de produire un texte. C’est existentiel.
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Recension © Marie-Claude San Juan
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LIENS :
La page du livre sur le site de L’Étoile des limites… http://www.letoiledeslimites.com/la-moindre-mesure-du-mon...
L’explication du nom de l’édition. Lieu imaginaire figurant « la croisée des hauts sentiers de l’écriture », emprunt du symbole au premier ouvrage publié... http://www.letoiledeslimites.com/qui-sommes-nous/
07/04/2024 | Lien permanent
Poésie. Richard Brautigan, Journal japonais. Ou un voyage initiatique...
05/07/2020 | Lien permanent
”Énigmes du seuil”. Ou ”prendre place dans une part d'infini”...
recension © MC San Juan
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LIENS...
18/07/2019 | Lien permanent
Des faits... Céline ou l’abjection.
23/07/2019 | Lien permanent
Andalousie… Rêve, mémoire… Illusion ? Utopie ?
Je viens de lire une réflexion de Jean Daniel, titrée « L'illusion andalouse », et publiée le 09-10-2013 dans le Nouvel Obs… Questionnement percutant. Andalousie, plurielle… réelle, ou fantasmée. Oui, l’ombre est présente autant que la lumière. Mais beauté du rêve, quand même, d’une sagesse possible, d’une fraternité cependant tissée, et de proximités reconstruites…
Beau texte, à lire lentement et relire. Exercice de lucidité, non pour nier la possibilité de la fraternité, mais pour insister sur les pièges de ce qui l’entrave, sur ce qui fait de la haine entre les communautés une fatalité transmise par enfermement identitaire sur soi. Ignorance et mépris de l’autre, fiction de sa supériorité comme individu d’appartenance… La rencontre, souvent, se ferait par l’art, les créations croisées… et la possibilité offerte de rejoindre l’universel.
La chronique est à lire là : http://tempsreel.nouvelobs.com/jean-daniel/20131009.OBS0285/l-illusion-andalouse.html
De ce lieu, de son histoire complexe, on peut garder, je pense, ce qui effectivement demeure en héritage, si souvent, dans la culture de ceux qui ont une ascendance issue de ce rivage (ou de ceux qui, pour une raison ou une autre, sont attirés par ce qui n’est pas qu’un mirage). Le goût du partage en création (musique andalouse qui, de l’Espagne au Maghreb, et, en écho de présences, en France - Marseille, Paris - marque des identités croisées, des consciences traversées par des appartenances frontières où l’autre est aussi l’étranger que l’on porte en soi). Goût du son des langues… Parentés philosophiques : sagesses. Mystiques en miroir.
………….
Dans le prolongement de cette lecture on pourra aborder (ou retrouver) deux ouvrages essentiels.
De Jean Daniel, « La prison juive. Humeurs et méditations d’un témoin », poches, Odile Jacob (Autre regard sur le rapport à l’identité, une ouverture, le témoignage d’une sagesse vécue…). Christian Makarian écrit ceci sur ce livre, dans L’Express du 27-11-2003 : « Fort d'une puissante culture juive, en admiration devant l'édifice du christianisme, empathique envers l'islam, le directeur-fondateur du Nouvel Observateur propose sa propre clef, son passe personnel: pour échapper à la prison qu'il décrit, il n'y a que l'universalisme. ». La prison juive, humeurs et méditations d’un témoin,sur Decitre : http://www.decitre.fr/livres/la-prison-juive-978273811564...
D’Amin Maalouf, « Les identités meurtrières », Livre de poche. « Ce qui fait que je suis moi-même et pas un autre, c'est que je suis ainsi à la lisière de deux pays de deux ou trois langues, de plusieurs traditions culturelles. C'est cela mon identité... ». Page éditeur, Grasset : http://www.grasset.fr/les-identites-meurtrieres-978224654... ... Decitre : http://www.decitre.fr/livres/les-identites-meurtrieres-97... .....Citations du livre sur evene.fr : http://www.evene.fr/livres/livre/amin-maalouf-les-identit...
Pour changer de regard il faut donc développer une éthique personnelle, faite de liberté intérieure, de refus des cadres formels rigides, de recherche de la sagesse. Cela passe par la traversée des frontières mentales et des réelles frontières culturelles. Nécessité du voyage, sous une forme ou une autre, ne serait-ce que par les livres…
Clin d’œil musical à l'éthique méditerranéenne questionnant l'identité singulière pour l'ouvrir à la pluralité, cet orchestre regroupant seize pays du pourtour méditerranéen, Mediterranean Charlie Orchestra. Laurent Dussutour, JournalVentilo, résume ainsi l’orientation méditerranéenne de l’orchestre, inspiré aussi par Conrad : « Le véritable sens musical proposé par le MCO est loin du sens commun, proposant un objet jazzistique non identifié, ce qui est le propre de l’esprit du genre ! Au-delà d’un « troisième courant » du jazz qui consisterait à rapprocher classique et notes bleues, c’est plus à une odyssée méditerranéenne rompant avec le tropisme transatlantique du genre que convie ce projet. » : http://www.journalventilo.fr/mediterranean-charlie-orches...
L’orchestre a une page Facebook : https://www.facebook.com/179835852047859/videos/596901680...
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...Jean Daniel... Fiche wikipedia https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Daniel
Jean Daniel, observateur du XXème siècle, sur culture-libre http://www.culture-libre.org/wiki/Jean_Daniel_:_Observate...
Chroniques, Jean Daniel, Obs : http://tempsreel.nouvelobs.com/journaliste/16443/jean-dan...
...Amin Maalouf... Fiche wikipedia https://fr.wikipedia.org/wiki/Amin_Maalouf
................... MISE à JOUR... LIVRE... Identité et violence, d’Amartya Sen, éd. Odile Jacob : http://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/reli...
.................. Voir aussi, Méditerranées, film d'Olivier PY, commentaires croisés (identité, Méditerranée...)... http://tramesnomades.hautetfort.com/archive/2013/07/24/me...
18/10/2013 | Lien permanent
ECRIVAINS libyens, de Sifaw El Mahroug à Kamal Ben Hameda. Parcours…
« Ne ressent la brûlure du feu que celui qui marche dessus. » Kamal Ben Hameda, écrivain (texte, Le Monde, 25-2-11).
Connaît-on la littérature libyenne ? (Quand on ne savait rien sur la société même…).
Nous étions tellement obnubilés (à juste titre, mais pas de la même manière que certains dirigeants) par le dictateur à la tête de ce pays (les attentats, les mensonges, la haine, et les menaces), que cela a fait écran. Et notre perception de la réalité sociale de la Libye en a été déformée. On pense « terrorisme » (et c’est), et on n’a plus la place mentale pour penser que, là, des gens écrivent, malgré tout. Certains en meurent, d’autres s’exilent ou sont emprisonnés, d’autres, encore, tentent de créer des bribes de société civile, pour plus de droits (voir, ci-dessous, 2009 : des écrivains sont impliqués).
Dans un entretien du JDD, où une question est posée à Luis Martinez sur l’existence d’une opposition en Libye (pas seulement les révoltes de rue et les manifestations et combats, mais des organisations préparées à une relève) le chercheur (Sciences-Po), avant de répondre, évoque d’abord l’alphabétisation, la culture (puis les études à l’étranger) : « On a très mal pris en compte la société libyenne ces dernières années. Le taux d’alphabétisation est de 90% et celui d’urbanisation de 80%. Bien que ce soit interdit, toutes les familles ont des paraboles et savent très bien ce qui se passe à l’extérieur. » (Journal du Dimanche, 27-2-11).
Donc notre ignorance était grande.
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Traces de ces écritures, de ces résistances, des informations quilaissent leurs petits cailloux de sens, montrant la genèse des évolutions. Je les ai notées chronologiquement.
De 1994 à 2011, on meurt, on écrit, on part, on écrit… Parcours de dates, de noms, et de faits.
Sifaw El Mahroug est un poète berbère libyen, né en 1946, dissident et harcelé, mort en1994 des suites d’un accident douteux, d’après l'ancien site berberoscope :
CITATION :
«Tant de gens
Ont oublié leurs noms
Après avoir oublié
Leur accent.»
(Ce fragment de poème, peut symboliser aussi, je trouve, des annéesaprès,
la situation des Libyens dans un pays au système dictatorial plus qu’étouffant,
et celle des exilés. L’accent sera à comprendre, non plus comme le seul signe
perdu de l’ « amazighité », signe qu’il est mais comme la marque d’une perte
d’identité plus générale : perte d’être dans un monde brutal qui écrase,
perte des racines pour celui qui doit s’éloigner. Formes diverses de l’exil.)
...
SurSifaw El Mahroug, et de lui, lire cette page, dans le supplément littéraire mensuel de
L'Orient Le Jour (Liban) : http://www.lorientlitteraire.com/article_details.php?cid=...
....
Kamal Ben Hameda (cité en exergue), libyen de Tripoli, est exilé aux Pays-Bas. Et le texte de lui que je viens de lire, dans Le Monde du 24-2-11, est loin d’être juste un article, mais vraiment la page forte d’un écrivain. Ce texte peut servir d’introduction à la pensée, à l’écriture, de ce poète. Un cri, le souffle de la colère et de la douleur : celle de celui qui n’a pas revu sa mère, morte seule, elle aussi exilée, mais là où elle fut toujours («… cette jeune vieille dame que j'appelais jadis maman »), et qui sait que nombreuses sont les mères en deuil de leurs enfants, fils forcés de partir à la mort. « Elles resteront tapies dans la brûlure du manque, ces mères-là, car le grand désert a englouti les leurs dans ses replis ». Il nous parle de la marche des « folles » de Benghazi (écho aux célèbres mères de disparus), qui les premières « ont ouvert un champ à l'espoir » et de ce « Bédouin autiste aux mille visages, golem du désert » que l’Occident semble découvrir après l’avoir accueilli… En humaniste, il poursuit : « Ma parole ne saura qu'ourler nos ruptures et tisser nos distances si le sentiment de l'humain n'est pas en notre partage. » Et il conclut par une anecdote. (Un passant lui ayant demandé d’où il venait, donc qui il était, «… au regard de mon faciès basané », il répondit par un mot latin: « Mens », esprit, «un être humain ») . http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/02/24/qu-il-part...
Commencer par lire, ou relire, et faire lire, un auteur libyen, c’est commencer à entrer dans l’apprentissage de cette culture trop méconnue.
Cinq titres chez L’Harmattan : http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=auteurs&obj=artiste&no=3003
Présentation du livre « Le Saint Je » (poème monosyllabique), 2003 : http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=15844
Et du recueil de poèmes « La tentation de la lumière », 2002 : http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=5047 (« Deuil du moi pour l'ouvrir à toutes les contrées des fonds de l'invisible… ")
« Plis de lumière », 2007 : http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=23992
Texte à lire sur le site africultures.com, Aube... http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&...
EXTRAITS :
« Poésie, acte de connaissance.
Connaissance dans l'acception primaire, matérielle et sensuelle de naissance à l'autre, avec l'autre, aux mondes. Une naissance comme toute autre, réelle et palpable qui élit une nudité, nomme une transparence. » (…) « La poésie, cet instant-là, devient le chemin qui mène de soi vers le Soi, un voyage initiatique, initiation à sa propre parole. »
Dernier livre paru : La compagnie des Tripolitaines, éd. Elyzad, 2011. http://www.babelio.com/livres/Ben-Hameda-La-compagnie-des...
28/02/2011 | Lien permanent
Revue À L'Index n°48
Dans l’éditorial, Jean-Claude Tardif aborde le problème de l’édition, dominée par des groupes de maisons puissantes qui "marchandisent", écrit-il, la production des livres. Et cela encombre la distribution de médiocrités. Il craint d’observer « la fin d’un monde, celui du livre et plus encore de la Littérature ». Se demandant si des auteurs des temps précédents pourraient être édités s’ils vivaient maintenant. Ils le pourraient difficilement, contre « ces livres de consommation rapide » qui « n’ont rien de rimbaldien ». Il conseille aux lecteurs, à la fin, d’aller « fouiller »… « la deuxième étagère ». Mais je crois que même cela ne suffit pas car là aussi il y a barrage, les petites éditions de poésie ayant des distributeurs qui placent peu ou pas les livres en librairie. Les livres sont dans certaines librairies quand il y a des lectures, et passent dans les autres le temps d’une commande. Heureusement qu’il y a des salons… Je me souviens de ce qu’a dit le poète Paul Valet sur sa fidélité à ces éditions moins en vue, son choix de ne pas s’adresser aux grandes, pour continuer à soutenir celles qui lui avaient permis de publier au début.
Dans la revue, des nouvelles, des poèmes (surtout), une recension, des traductions. Deux auteurs de Bahia, Brésil (traduits par Dominique Stoenesco) et deux poètes catalans (traduits par Pierre Mironer).
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Je commence par les poètes brésiliens.
Poètes de Bahia (pp. 117-125 et pp. 133-147). Textes bilingues.
(Traduits du portugais et présentés par Dominique Stoenesco. Poèmes inédits en français, extraits de recueils publiés au Brésil)
CITATIONS
Cleberton Santos (né en 1979)
[Textes avec la « présence d’un substrat oral »]
Le caruru des sept poètes (le caruru est un plat brésilien, nous est-il dit)
Les poètes revivent la fête de la brousse africaine
De leurs lèvres résonnent les rythmes ancestraux
……
Premier paysage
Allongé sur une terre sèche et lunaire
le poète repose ses os et ses remords.
……
Scorpions nocturnes
Incendiaires de la folie et de la démence,
Cinq scorpions nocturnes guettent ma solitude.
……
Inspiration
sans la force des abîmes
ne resterait que la tragédie de la raison
un charabia de sons familiers
des cris infinis dans les rues
……
Traversée
Tout ce que j’offre
sur cet autel de mystifications
est une abondance d’erreurs
peut-être une extravagance de mythes
…………………………
Vladimir Queiroz (né en 1952)
[Poèmes, nous dit-on, sous le « double signe du local et de l’universel », selon la formule du poète portugais Miguel Torga (1907-1995) qui disait que « l’universel, c’est le local moins les murs »]
Global
Il y a un monde global qui m’appelle,
mais ma peau est encore locale,
elle se niche dans un arbre que je connais
où la mousse pousse après la pluie.
……
Sable
Sable
chargé
de poussière et de lumière :
un dialogue
avec les étoiles.
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Poètes catalans (traduits par Pierre Mironer). Textes bilingues (pp. 61-68 et 81-93).
Joan Vinyoli
El Vent d’Aram / Vent d’Aram
(Aram est une localité, personnage, parfois, dans l’imaginaire, rappelle le traducteur)
Temps perdus
Je prends peur.
Je chemine par une forêt
qui a brûlé, il n’y a plus un arbre, et je peux en voir
ressurgir les racines.
……
Le grenier bleuté
Le vent d’Aram s’engouffre entre les montagnes.
Les forêts en terrasses se couvrent de la buée du dehors.
Enferme-toi dans le grenier
bleuï de la tristesse.
…………………………
Salvador Espriu (1910-1985)
Les heures – Me souvenant toujours de ma mère
Retour au port
Comment croire dans les abysses
à une mort sans grâce ?
Dès la tombée de la nuit je me défends
contre la solitude qui gagne du terrain
sur la victoire illusoire
de l’or et des statues.
……
Chérubin
Air vaporeux, devenu cendres
en dehors du Temps, tu seras le chant de victoire
de l’orbe funéraire tant négligée
par les étoiles.
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Autres poètes, CITATIONS
Parviz KhazraÏ (né à Téhéran, 1941, mort en France, 2023)
Depuis la fenêtre des cauchemars et autres poèmes
Quand je suis enfermé,
Ici,
dans cette chambre d’hôtel
(…)
où êtes-vous,
vous, les somnambules,
épanouis dans la boue de la lâcheté ;
vous,
vers quel paradisiaque oubli
êtes-vous en marche ?
……
Avec le rouge, le noir s’effondra
Résiste,
résiste toujours !
Le monde n’est pas encore
désespérément fané
(…)
Et la couleur du deuil
n’est pas encore la couleur du monde ;
…………………………
Iren Mihaylova
Oubli
Mes mains sont pleines des mains
qui ne serrent plus les miennes
depuis l’éternité ;
Mes doigts remplis de ruines
que je n’habite qu’en mémoire
de mes ancêtres reniés ;
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Jacques Nuñes Teodoro
L’écorché dans la vitrine
Il y a la vie
qui a mis le pied dans la porte
afin que se faufile le temps assassin
……
Ad te clamavi
Sais-tu que mourir
est la pire trahison
que l’Homme ait inventé ?
…………………………
Line Szöllözi
Quand tu chanteras plus fort que le vent
(proverbe gitan)
Quand tu chanteras plus fort que le vent
entre les ruines du fort et le ruisseau
sous le rempart qui domine la mer
……
L’étranger
est-il étranger ou étrange ou même familier
semblable et différent l’étranger qui ouvre la porte
…………………………
Anne Barbusse