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Lire ERRI DE LUCA. ”Europe mes mises à feu”, ”Le samedi de la terre”, et les poèmes...
Sur la LECTURE je retiens notamment ces passages :
"J'ai lu dans le plus grand désordre, seul ordre adapté à un lecteur. Les systématiques ne veulent pas lire, ils veulent avoir déjà lu." (...) "Je suis un lecteur, même si dans ces pages je suis du côté de l'écrivain. Parce que je voulais lire, j'ai étudié des langues européennes...(...)... pour essayer de comprendre...(...)... sans l'intervention des traductions, qui sont une forme légère de frontière."
Oui, le désordre sert le hasard et les croisements de sens. Traductions, frontière sans doute... Mais je lis Erri de Luca en traduction, regardant pourtant la page originelle quand l'édition est bilingue. Merci, traducteurs, créateurs. Langues... Erri de Luca a même appris l'hébreu pour entrer dans la pensée philosophique et métaphysique que cette langue porte. Son entreprise de lecteur est un engagement radical, demandant un travail considérable que tous ne veulent pas faire.
13/05/2020 | Lien permanent
ALGÉRIE, suite... Une démission, des questions, des espoirs. Symbolique matin d'Algérie...
Je ne mets ici que quatre LIENS : un ample article, des pages sur les deux livres mentionnés dans l’article, et ma note précédente (Algérie).
06/04/2019 | Lien permanent
Deux livres de Silvaine Arabo. Automne et Saintonge (photographies), et Au large du temps (poèmes, avec des peintures d’
Dans une note sur la revue L’Intranquille, au sujet d’un entretien de l’éditrice avec un artiste triple (photo, écriture, son), j’abordais récemment cette question des interférences entre les pratiques plurielles. Certains créateurs ne le sont que d’un art, soit pour n’en maîtriser aucun autre, soit pour craindre la concurrence intérieure qu’ils vivraient à se partager entre deux ou trois pratiques. Certains pensent qu’on ne peut intégrer la connaissance et les techniques que d’une voie. Mais la création plurielle existe et on en voit des réussites. Je crois, pour ma part, qu’un art vécu avec intensité peut amplifier la conscience qu’on a d’un autre. Mais là, pour introduire cette œuvre, j’irai même plus loin. Le mot important c’est justement la conscience. Les poètes chinois taoïstes, comme les auteurs du zen japonais, ou certains mystiques soufis, font naître leurs fulgurances (poésie, calligraphie) de leur capacité à maîtriser d’abord l’accès au silence intérieur par la méditation. Et la connexion consciente au Tout de la réalité, si elle est profonde, peut développer la capacité d’en rendre compte de plusieurs manières. Ce n’est pas infini, car le temps est une limite, comme le goût qu’on a pour tel ou tel art et pas pour tel autre. Mais ce peut être pluriel s’il y a un centre commun d’où émerge la création, sous une forme ou une autre. Comme le regard qui capte la lumière, que ce soit par l’écriture, la photographie, ou la peinture. Pour Silvaine Arabo, ce sont ces trois chemins de l’être essentiel qui l’animent de la même façon. Trois voix, trois voies, et une.
L’ouvrage sur l’automne complète le portrait de l’artiste, en ajoutant à l’écriture poétique l’art de la plasticienne utilisant la photographie en peintre, qu’elle est aussi. (Artiste reconnue elle a exposé en France et à l’étranger.). Mais dans le deuxième ouvrage c’est avec la peinture d’une autre plasticienne qu’elle associe ses poèmes, Arève Akopian-Nercessian. Dans une proximité née d’une affinité artistique.
Automne et Saintonge (sous-titré Voyage au fil de l’eau et de la lumière), Alcyone, 2021, est un livre sans mots, ou presque. Toute la place est pour le regard. Cet ouvrage fait partie d’un cycle sur les saisons.
Pas de titres ou de légendes pour les photographies. Mots... ? Le titre, un avant-propos de moins de deux pages, deux exergues (Camus et Sand) et un poème d’elle, reprenant le premier texte du recueil Capter l’indicible. Seul poème mais qui a la force d’une initiation, ouvrant la thématique de la lumière. Albert Camus et Georges Sand sont cités, l’un pour qui, en automne, chaque feuille est une fleur, l’autre pour sa métaphore musicale, cette saison en andante mélancolique.
Dans son avant-propos la poète-photographe dit avoir voulu rendre ces paysages à une présence, à une essentialité, que notre regard quotidien (avec les soucis qui vont avec) nous occulte de façon quasi permanente. Et elle ajoute… Et pourtant là est la Vie. L’enjeu n’est pas qu’artistique. Il est vital, pour nous éviter d’être morts à nous-mêmes en ayant oublié ou perdu un lien fondamental, car la nature et nous ne sommes qu’un. Et elle précise sa conception de l’art photographique. La photo est méditation, contemplation… Du regard de celui qui reçoit les images, elle dit qu’il doit s’exercer avec lenteur. Ainsi on peut aller vers notre intériorité, c’est-à-dire vers notre miroir de « l’étant ».
Ouvrant les pages, il semble que l’automne se déploie pour révéler la splendeur de ses couleurs, et d’une photographie à une autre sont saisis des instants, des tableaux. Regard de peintre.
Voyage, est-il dit. Mais immobile et dans le temps puisque c’est le même paysage qui est contemplé. Infiniment regardé, et infiniment multiple. Arbres et arbres, eau et reflets. Variations des couleurs dont la lumière se vêt, habitant diversement le paysage suivant les heures du jour, de l’aube au crépuscule et à la nuit. Celle qui photographie est Trésorière de la lumière, qui fait se rejoindre les espaces lumineux dehors et dedans, et savoir l’unité de tout.
Les arbres et l’eau se répondent, reflets et couleurs en harmonie, ombres paisibles et striures laissant deviner un mouvement, un flux, le signe de l’air.
Le cadrage nous fait regarder au plus près, comme entrer dans le paysage, en percevoir l’odeur de terre et d’eau. La brume légère de l’aube on croit la sentir effleurer les visages, et on pourrait croire toucher les feuilles de nos doigts, en pensée.
Il y a un pont, plusieurs fois visible, et son horizontalité grise se multiplie dans l’eau. Pont bien réel, mais vecteur de symboles, représentation du passage entre les deux rives de cette âme du monde qu’elle évoquait dans l’avant-propos. La nature et nous : un lien essentiel, et une traversée de nous à nous, vers cette intériorité possible.
Douceur des jaunes, qui ne heurtent ni l’harmonie des gris et gris bleus de l’eau, ni celle des feuillages encore verts. Jaunes vifs, ou pâles, ou presque marrons, masses d’ombres qui dessinent un tableau impressionniste par lequel on peut se sentir entrer dans le rêve de la nature se rêvant elle-même. Brume, encore, qui cette fois semble transformer l’eau en miroir d’un horizon de nuages, mais ce n’est vraiment que brume. Ou couleurs si douces, dans une photo où le gris semble effacer l’excès des verts, qu’on pourrait croire regarder un paysage de neige. Mais il n’y a pas de neige, ce n’est que la palette du réel qui offre une autre dimension. Pages qui suivent, tout est sombre, douce noirceur du crépuscule, et illusion de vagues dans un ciel maritime. Pourtant c’est la terre, les arbres, la brume, dans le soir et la nuit. De nouveau la splendeur de couleurs éclatantes. La floraison de feuilles donne raison à Albert Camus, et à Georges Sand la majestueuse lenteur de ces instants qui se déroulent. La brume, encore, qui voile et fait deviner le mystère d’une profondeur dans la verticalité d’un espace faussement nuageux semblant continuer vers l’infini. Ailleurs une sorte de brouillard léger donne l’impression de traverser un écran et de pénétrer dans l’espace caché du paysage, un arrière-plan secret où la nature se révèle à qui sait contempler. Et le pont revenu, rappelle son symbolisme.
Certaines photos ont une matière qui semble tracée avec le couteau d’un peintre, écrasant une épaisseur de traits de gris, de vert, de noir. Ode au regard, à l’automne, à une région.
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Au large du temps, poèmes brefs de Silvaine Arabo, avec cinq reproductions de peintures d’Arève Akopian-Nercessian, Alcyone, 2020.
J’ai commencé par regarder les reproductions de peintures, me demandant, avant d’avoir lu la quatrième de couverture, s’il y en avait aussi de Silvaine Arabo. Les cinq sont d’Arève Akopian-Nercessian, dont celle qui est reprise en couverture. Découvrant cette artiste j’ai regardé aussi son site et son blog (liens ci-dessous). J’ai vu, ainsi, diverses créations, retrouvé les couleurs jaillissantes posées dans le livre. J’ai lu sa présentation, qui définit peindre comme un état d’être, et la citation d’un article de Rachid Boukheir rendant compte d’une exposition au Maroc, et définissant ce qui lui paraît la caractériser. Lui aussi a été touché par son bleu, et ce qu’il dit de cet art rend évidente l’affinité de démarche entre les deux plasticiennes, celle qui ici écrit, et celle qui rythme le livre avec ses bleus et ses rouges, la puissance de ses couleurs.
Importance des titres qui légendent ses toiles. Car si la peinture est abstraite ils suggèrent une représentation non figurative de paysages, le ressenti chromatique d’un univers intérieur qui se mêle à la vision. Traduction, par les pigments utilisés, d’une jonction entre réel vu, contemplé, mémorisé, et monde intérieur qui correspond. Et c’est peut-être parfois l’inverse, projection sur la toile d’une intériorité métamorphosée en archiviste de visions colorées, en rythme de traces presque scripturales. Intériorité, son dernier titre le dit (Bleu des mers intérieures).
Ce qui est très intéressant dans la structure du livre construit par Silvaine Arabo c’est la place des peintures. Elles interviennent entre les titres des différentes parties et l’exergue qui précède les poèmes. Ce qui fait d’elles (et de leurs titres) comme une autre séquence introductive …
En exergue, un seul auteur cité, François Cheng (extraits de l’ouvrage Enfin le royaume). Ainsi le recueil est un hommage rendu à l’immense poète.
Les peintures d’Arève Akopian-Nercessian et les fragments de poèmes de François Cheng sont des portes guidant dans le mystère des pages qui suivent, la profondeur du regard sur des instants de contemplation, de méditation, de mémorisation. Oscillation du cœur entre joies de la perception, regard fasciné par la beauté de la nature et chagrins pour tout ce qui fait deuil.
Pour ce livre, Silvaine Arabo a choisi d'écrire des formes brèves. Le haïku pour la première partie, Palimpsestes, et poèmes brefs pour la seconde grande partie, celle qui donne son titre au recueil. Poèmes très courts, de deux à cinq vers, rarement six, exceptionnellement sept, dans les quatre séquences d’Au large du temps.
Palimpsestes, j’aime ce mot, et la réalité de ce qu’il désigne. J’aime aussi sa signification symbolique, qui figure très justement, je trouve, notre déroulement de vie. Déjà, la vie de nos cellules que le temps efface, et ce corps qui enregistre de nouveau l’épaisseur de notre identité, comme on écrit sur une page vierge gardant des traces souterraines, mémoires… Et nous, consciemment on efface, et on recommence à tracer des gestes, des affects, des pensées. Corps palimpseste, cœur palimpseste. Et justement, Étincelles, la peinture signée Arève, semble un parchemin, ou un fond de ciel sur lequel la lumière écrirait. Des traits, des taches, une calligraphie mentale, des comètes striant l’espace, ou des spermatozoïdes cherchant un ovule cosmique, des bleus intenses, des bleus clairs. Ce qui est suggéré on le retrouve dans les poèmes.
Et que dit François Cheng, quelle porte ouvre-t-il ? En quelques mots, exactement tout cela. La force de ce qui est. Peu suffit, dans la masse de ce que le réel offre. Un iris. Tout l’être est dans une fleur. Un regard. Ces bribes du réel que le regard rencontre, dans l’instantanéité de voir, c’est ce que la poésie de Silvaine Arabo présente ici, en tableaux minimalistes, mais assez denses pour dire beaucoup, et affirmer le sens, la vérité, du créé justifié du poème de François Cheng.
Une trentaine de pages, trois poèmes par page, trois vers dans l’esprit du haïku, cette forme venue du Japon. Photographies de moments, saisie de réalités captées soudainement. Car l’instant d’après ce sera autre, la nature et la vie effaçant l’image du moment, et redessinant d’autres lieux sur un lieu, un autre réel sur le réel. Palimpsestes… (Comme dans le livre de photographies Automne et Saintonge).
Couleurs. Le blanc de l’eau moirée, ou du géranium (mais d’autres, plus loin, seront rouges), ou des oiseaux, le bleu du ciel, la chanson du vert. Et Nuages gris ou fleurs roses, ou Étranges séquences bleues… L’ombre aussi, cette non-couleur… La lumière…
Nature. La rivière, l’aube, le ciel, le crépuscule, le lac, l’eau des étangs, le vent, la mer. Et quand même, un instant, la ville, une rue…
Le vivant, animal. Des oies sauvages, Envol des oiseaux, un papillon, un corbeau…
Le végétal. Les cerisiers clairs, un géranium blanc, de Longues allées d’arbres, les fleurs roses des pommiers, le pin bleu, des Sapins dans le soir…
Les saisons. Au cœur de l’été… Mémoires d’automne, Printemps enneigé, l’hiver suspendu…
Mais la contemplation n’évite pas le regard sur des réalités plus tristes, des instants qui symbolisent ce qui dérange dans le rapport de l’homme à la nature, quand on inflige des douleurs aux animaux.
On plume les oies :
descente vertigineuse
dans les lois d’ici.
Et, mortelle nature ou nature saccagée, une orchidée (...) fracassée représente la destruction de la beauté, l’injure faite à la vie (pourtant justifiée par le regard, disait François Cheng en exergue, le regard conscient de la beauté).
Des êtres. Un enfant, pour des Larmes sur la page, chagrin d’instant, ou la jeune fille si belle…
Pays, cultures, le lointain. Asie de légendes, Lointaine Arabie, Maison japonaise… Comme du rêve sur le palimpseste du réel.
Des objets. Et les souvenirs qu’ils recèlent…
Un oiseau d’argile
posé sur la cheminée :
fragments de mémoire.
Palimpseste, le temps. Moments de vie sur moments passés.
Échos d’autrefois
parmi le silence blanc
et l’aube endormie.
Mais aussi des émotions, dans le rapport au temps (angoisse du temps qui passe).
Silvaine Arabo est fidèle à l’esprit du haïku, tel que magnifiquement défendu par Franck Médioni introduisant son anthologie, Le goût des haïku (pas de s…). Il soutient une conception exigeante, où cette écriture est une Voie, où les mots doivent surgir de la contemplation-méditation. Et il cite Issa, qui se réfère à la voie de Bouddha (celle du haïku étant, pour lui, la même), et qui refuse qu’on en fasse un jeu littéraire, ne retenant que la forme. Ceux qui font cela sont, dit Issa, des profanateurs. Et Issa, cité par Franck Médioni, ajoute que les thèmes classiques du haïku restent bien sûr des thèmes, mais, dit-il, tout ce qui se passe devant nos yeux ou est ressenti dans notre cœur est aussi matière à haïku.
Et donc elle donne à cette écriture la possibilité de devenir philosophie aphoristique, en plus de donner à voir une réalité contemplée, et pensée comme palimpsestes à déchiffrer.
Être le passage
L’être humain traversé par la nature, devenant lui-même océan, et passeur du sens. L’être humain, et l’artiste, la poète, celle qui écrit. Le passage pour dire le créé justifié (annoncé en exergue par François Cheng…). Et peut-être aider à ce que soit justifiée la vie, ce qui dépend aussi de nous, en offrant un regard… En sachant convoquer l’infime, comme elle l'écrit.
La musique semble être part de ce qui fait déchiffrer et suivre l’exigence du grand Issa. Portée musicale… arpèges… chant.
Et… Des accords dans l’air nu
une portée musicale.
On cherche la Voie.
Au large du temps… seconde partie,
sous-titrée ainsi : (Instantanés)
Instantanés, car sans être un haïku le poème bref sert aussi le regard brut, une vision fugitive, un ressenti éphémère, la perception d’une parcelle de réel. Photographies mentales prises dans l’instant et restituées comme si c’était dans le moment du regard, même si c’est l’effet de la mémoire.
23/07/2022 | Lien permanent | Commentaires (1)
”Comme des marbres issus d'une carrière”... ”La Porte”, recueil de Pierre Perrin-Chassagne
02/07/2019 | Lien permanent
Gilets jaunes... Des ANALYSES, des points de vue, des questions.
« La révolte n’est pas le ressentiment ». ANALYSE de Brigitte Stora, auteur, pour le CCLJ belge (Juifs laïques). Elle décrypte les émotions en jeu, les concepts utilisés (qui traduisent quelle orientation ?), les revendications exprimées (qui signent quelle appartenance idéologique, quelle identité politique ?). Et elle prend en compte les « marges » qui, si on les néglige, empêchent de penser idéologiquement et politiquement ce qui se produit. Comment ne pas voir les dérapages antisémites, racistes, homophobes (tags, slogans, banderoles, violences et mises en question, rejets). Ceci sans jugement globalisant. Mais un courant collectif entraîne des individus qui sont pris dans la force dominante et suivent des « leaders » dont ils ne repèrent pas les composantes réelles, les itinéraires passés et les liens, les influences, les réseaux...
Dans ce texte elle affirme d’abord une volonté de reconnaître les légitimités et le refus de réduire un mouvement à ses marges : « On ne pourra jamais réduire la colère de milliers de personnes à un mouvement ou à un mot. La complexité, les contradictions, la richesse des êtres humains est toujours plus grande qu’une définition politique. La plupart des revendications des Gilets Jaunes sont légitimes et on ne peut se détourner d’une cause en raison de ses écarts. » Mais elle refuse aussi de croire que le début avait une « pureté » idéale : les dérives étaient là tout au début. Présents, la haine, le populisme, le complotisme. A l’injustice de la violence sociale la réaction n’est pas une critique des excès du capitalisme mais, dit-elle, une « réplique » utilisant la violence en miroir sans perspectives sociales, économiques, politiques. Rejet des institutions et des partis, rejet des élites (pas celles des grands profits, pas un capitalisme cynique, non, mais les intellectuels et les politiques élus).
Les « valeurs d’émancipation » ont été moquées (« Droits de l’hommisme », « bons sentiments » et « bien-pensance ». « Pourtant la colère populaire sans les valeurs d’émancipation, sans les organisations qui les ont portées, n’est hélas le plus souvent que la possibilité du fascisme. »
Elle cite Albert Camus, « L’homme révolté », avec une phrase essentielle (alors qu’elle a été citée ailleurs à contretemps, confondant Histoire et actualité). Cette phrase, au contraire, parle de processus généraux, répétitifs, réalités valables à toutes les périodes de l’Histoire : « Quand le ressentiment supplante la révolte », écrivait Albert Camus dans L'Homme révolté, « alors l’on voit se lever partout la cohorte ricanante de ces petits rebelles, graines d'esclaves, qui finissent par s'offrir, aujourd'hui, sur tous les marchés d'Europe, à n'importe quelle servitude ».’
En conclusion elle note que « La haine ne signe aucune authenticité autre que celle du fascisme. » Après avoir insisté sur le fait que le plus grand mépris des manifestants Gilets jaunes est celui qui ne dénonce pas les dérives (comme si cela était part d’eux, de cette partie du peuple qui se veut (à tort) tout le peuple. Or dénoncer ce qui devait l’être (dont le cadre de l’ensemble, la dominante complotiste qui va avec les restes des failles), cela a toujours été, depuis des semaines, pris comme mépris... http://www.cclj.be/node/12270
Un questionnement, venu de Belgique; Le Soir… https://plus.lesoir.be/199128/article/2019-01-07/gilets-j...
« L’urgence démocratique commence par le bas… »,
The conversation… https://theconversation.com/gilets-jaunes-lurgence-democr...
« L’antifascisme n’est pas une option »,
Le Monde… https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/15/sarah-kil...
DÉNONCER CE QUI DOIT L’ÊTRE… Cela s’est fait à partir d’enquêtes, investigations, observations, analyses. Et la simple attention à ce qu’on pouvait lire sur des pages ou entendre lors d’entretiens, de prises de parole (y compris à la télévision), cela suffisait pour faire des constats inquiétants.
Parcourir cette page pour prendre la mesure de l’influence des thèses complotistes chez les Gilets jaunes, Conspiracy Watch… https://www.conspiracywatch.info/etienne-chouard-gilets-j...
L’univers idéologique des Gilets jaunes…
Plongée au cœur des PAGES Facebook des GJ, Le Monde… Une France qui se sent humiliée, pas vraiment antisémite, raciste ou homophobe, mais dans la défiance des élites : « sentiment de persécution » et tendance au complotisme… https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/01/30/p...
Autre plongée dans l’univers des COMPTES Facebook des Gilets jaunes, Le Nouvel Observateur (une enquête faite par un journaliste pour la Fondation Jean Jaurès… Le constat est : « édifiant »... https://www.nouvelobs.com/politique/20190111.OBS8351/plon...
La démarche de ce décryptage, sur le site de la Fondation Jean Jaurès… https://jean-jaures.org/nos-productions/en-immersion-nume...
De nombreuses questions se posent. Dont celle des ingérences étrangères supposées (sans que la genèse du mouvement soit attribuée à des influences externes : il a sa logique et sa dynamique, avec ses causes et revendications). Mais des faits interrogent. Dont le constat sur l'activité intense de trolls russes et l'influence de sites comme Russia Today, RT, ou Sputnik. Lire l'investigation d'une journaliste finlandaise sur l'usine à trolls de Moscou... https://m.usbeketrica.com/article/les-ambitions-des-troll...
D'autre part Bannon s'installe à Bruxelles où il a un bureau et se déplace beaucoup en Europe pour soutenir les extrêmes droites. Avec M. Le Pen dans son sillage. Autre direction, même extrémisme... (Et les divers nationalistes européens soutiennent les GJ, s'affirmant en phase avec ce mouvement)... https://www.huffingtonpost.fr/2018/12/08/paris-brule-se-r...
Qu'y a -t-til derrière le RIC ? Des revendications de partis extrémistes et le militantisme ancien d'Étienne Chouard, apprécié par de nombreux Gilets jaunes. Or penser un référendum cadré pour respecter les institutions, ou rêver d'un outil pour destituer le gouvernement élu ce n'est pas la même chose. Et c'est là qu'il y a fracture entre des GJ démocrates - qui veulent améliorer la participation et rendre cette démocratie plus juste, notamment fiscalement - et des factieux (car comment le dire autrement ?) qui ne veulent pas de réformes, pas de débat, pas de démocratie représentative. Pour situer ces fractures, voir qui est ce personnage adulé par les plus réfractaires à tout dialogue, Chouard. Lire ceci... Conspiracy watch... https://www.conspiracywatch.info/pour-francois-ruffin-eti... Et lire cela, Huffingtonpost... https://www.huffingtonpost.fr/2018/12/19/etienne-chouard-...
Autre question, la violence. Celle des casseurs (venus pour cela, ultras), mais aussi celle de certains Gilets jaunes qui légitiment le fait d'incendier, détruire, agresser, bloquer. Et la violence verbale. Mots de haine (racisme, antisémitisme, homophobie, haine des élites, menaces). Pas une majorité, mais suffisamment pour faire nombre et inquiéter. Autre forme de violence, la durée qui coûte cher à tous, économiquement. Et la violence des armes utilisées pour maintenir l'ordre, non létales mais dangereuses (A Bauer lui-même a exprimé un désaccord). Dans un contexte où la police est exténuée par des semaines très dures et face à des gens qui viennent affronter (pas tous, non, mais trop). Un médecin a lancé une demande de moratoire. C'est à discuter... Il faut des solutions de remplacement.
Enfin, reste la réflexion que chacun doit avoir sur les perspectives. Un débat est proposé,et commencé . Peut-être même une consultation (...?). Si la société civile se saisit des outils qu'elle a, et des outils qui sont proposés là pour participer, beaucoup de pistes peuvent être ouvertes... (Pour plus de justice sociale - même si la France distribue plus que d'autres, des inégalités évidentes demeurent, précarité et travail insuffisamment reconnu, alors que des PDG ont des traitements indécents bien au-delà de ce qu'il faut pour vivre dans un luxe acceptable. Pour une fiscalité revue. Pour la laïcité respectée et les fondamentalismes combattus. Sans oublier les problèmes du logement, et le sujet de l'écologie...) MAIS en espérant que ce soit autrement que dans la posture de la revendication sans implication, dans l'attente passive de solutions venues "d'en haut". On peut inventer le "possible"... Cela passe par soi-même, pour chacun.
03/02/2019 | Lien permanent
1962-2012. GUERRE D’ALGERIE, Histoire, mémoires, présent, et futur à construire. DOSSIER... et LIENS
La presse a marqué l’anniversaire de mars (fin officielle de la guerre d’Algérie, mais pas des drames et des morts). L’indépendance, c’est après, et l’exode, c’est plus tard, l’été. J’ai lu, bien sûr, parfois avec une impression d’overdose (apprendre encore, apprendre, comprendre ? Ou réactiver des émotions ?). Parfois avec le sentiment, au contraire, d’un manque (tant de choses non dites, mal expliquées, refoulées, occultées).
J’ai mis du temps avant d’acheter le hors série du Monde, « Guerre d’Algérie, Mémoires parallèles ». D’abord à cause du titre. Parallèles, ces mémoires, vraiment ? Parallèles seulement ? Parallèles, lesquelles ? Algérie et France ? Mais quelle Algérie et quelle France ? L’Algérie du peuple ou l’Algérie du pouvoir ? La France métropolitaine ou celle des mémoires des natifs d’Algérie exilés ? Mémoires des historiens, des acteurs, ou des témoins ? Pays de 1962, ou pays actuels, en 2012 ? Oui, le numéro présente des mémoires parallèles, globalement. Mais les mémoires croisées de ceux qui veulent entrer dans la mémoire de l’autre, tout en assumant la leur, où sont-elles ? Je n’ai pas retrouvé tout à fait dans ce sommaire la force des problématiques posées avec tant d’humanisme lors de la conférence sur mémoire et histoire au Forum des images (voir ci-dessous, programme et bilan, deux notes). Mohammed Harbi, cependant, évoque la possibilité de mémoires partagées (pas encore communes, mais partagées).
Autre chose m’avait gênée, quand j’avais entrouvert le journal pour regarder rapidement l’avant-propos. Dès le début, une citation de Sartre, lui qui appelait au meurtre terroriste dans sa préface au livre de Frantz Fanon (ce qui avait scandalisé Jean Daniel). Sartre parlant de névrose au sujet de la France… on a les références qu’on peut… Mais le reste du texte de Michel Lefebvre pose d’une manière correcte la question des mémoires qui ne se rencontrent pas, dans cet avant-propos qui tient lieu d’éditorial…
J’ai donc lu. En commençant par la fin : la bibliographie. Je la trouve très insuffisante, il aurait fallu deux pages. Ce qui manque semble correspondre à des choix, une vision partielle ou partiale : d’autres titres auraient pu rendre compte d’une réalité plus complexe. Benjamin Stora est omniprésent, et d’autres à peine évoqués, ou pas du tout (Cf. letexte de Roger Vétillard, mentionné plus bas, à propos de La Déchirure : même questionnement). Peu d’Algériens, peu de Pieds-Noirs. Pas de sites, la Toile est négligée : pourtant bien des adresses auraient pu être données, bien des pages indiquées (ne serait-ce que l’INA, mais pas seulement…). Absence de l’apport de la littérature (une bibliographie sans Mouloud Feraoun, Kateb Yacine, Albert Camus, Jean Pélégri, René-Jean Clot, et tant d’autres). Pas de filmographie…
J’ai apprécié la publication du texte d’Albert Camus, sa « Trêve pour les civils », appel de 1956. J’ai lu les articles sur la torture, les viols (et la page, sur le poignard de Le Pen : http://www.lemonde.fr/afrique/article/2012/03/16/le-grand-blond-au-poignard_1669337_3212.html ), les pages sur Jacques Chevallier, éclairantes aussi sur l’OAS (et je note qu’un livre sur lui va paraître en mai, «J. Chevallier, l’homme qui voulait empêcher la guerre d’Algérie », de José-Alain Fralon). L’entretien avec Mohammed Harbi est riche d’informations, et il y montre un esprit qui rejette le sectarisme, les visions figées : « La colonisation est un fait historique et social. Elle est ambivalente dans ses manifestations et c’est une erreur de dire qu’elle a été globalement positive ou globalement négative. » (Là il renvoie dos à dos les ultras de tous bords, extrémistes de droite ou de gauche). J’ai été intéressée par les témoignages, et notamment l’article sur Ali Aissaoui, fils d'ancien harki. Et j’ai aimé retrouver Jacques Ferrandez et ses BD. Mais je trouve qu’il manque des éclairages importants. Peu ou pas d’antériorité historique (un peu comme El Watan le reproche à La Déchirure : voir ci-dessous). Pas de présence collective des populations qui vivaient en Algérie, la complexité du sentiment d’appartenance à cette terre, la complexité des liens. Absence des « petits », des humbles et des pauvres. Rien ou presque sur la réalité coloniale, avec ses aspects divers – faits sociaux et culturels, injustices et apports. Et pas de questionnement au sujet du terrorisme (comme c’est fait à juste titre pour la torture). Les attentats contre les civils ont juste une place dans la chronologie…
Dans son texte sur les mémoires sous tension, B. Stora évacue d’une phrase la question du mur des victimes du FLN (Disparus), comme si c’était un facteur aggravant des tensions actuelles, comme si ces victimes n’avaient pas droit au respect, et leurs familles à un lieu de recueillement… (Des controverses les avaient d’ailleurs assimilés à des activistes, ce qui est faux. Laissons les activistes avec les activistes et ne mélangeons pas tout…).
Un passage d'un texte (historienne, Sylvie Thénault) m'a interpellée. Idées reçues sur la guerre. Notamment une. Le fait qu'on ait confondu le rejet du FLN (pour ses méthodes, la terreur) et le rejet de l'indépendance. C'est une idée fausse qui perdure, oui. Mais de la même manière on confond l’anticolonialisme avec des pensées qu’on lui associe et qui n’ont pas à l’être. L'Histoire ne pouvait amener qu'à la fin de toutes les colonisations, quelle que soit leur forme (mais des colonisations continuent à être justifiées, cf. Tibet/Chine, pour ne donner qu’un exemple). Cependant refuser par principe le fait de coloniser ne force pas à penser le passé comme s’il se déroulait en 2012 : la conscience a changé dans les démocraties. Ces prises de conscience doivent être assumées par les pays, donc la France métropolitaine, dont les pouvoirs ont décidé de coloniser. Dénoncer le fait colonial ne doit pas devenir une condamnation des populations immigrées venues vivre et naître dans telle ou telle colonie. C’est pourtant ce qui se fait en France : les Pieds-Noirs sont utilisés comme alibi pour un déni historique (qui donc a colonisé si ce n’est la métropole des Français ? sûrement pas les immigrés espagnols ou les communards expulsés de force, ni les Alsaciens réfugiés, ni les Juifs berbères là depuis toujours… !). Jean Pélégri le disait bien dans son livre « Ma mère l’Algérie », on jettera l’opprobre sur les Pieds-Noirs qu’on accusera de tous les maux : habitude des métropoles, notait-il… Et penser la colonisation ne doit pas devenir (comme c’est souvent le cas) une sorte de catéchisme rigide posant des cadres où toute complexité des faits ne peut qu’échapper…
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INFORMATIONS :
1830-1940 : "Un siècle de passions algériennes, Une histoire de l'Algérie coloniale", somme de Pierre Darmon : http://www.lepoint.fr/culture/2009-11-29/l-algerie-des-pa...
Guerre d’Algérie, fiche wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_d'Alg%C3%A9rie
Chronologie, sur linternaute.com (quelques repères) : http://www.linternaute.com/histoire/categorie/49/a/1/1/histoire_de_la_guerre_d_algerie.shtml
Livre. « Que sais-je ?». La guerre d’Algérie, par Guy Pervillé : http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3?id_article=107
Le camp de LODI. « Le camp des oubliés », Nouvel Observateur, 2010 (Centaines de Pieds-Noirs indépendantistes arrêtés) : http://tempsreel.nouvelobs.com/culture/20100318.OBS0307/lodi-le-camp-des-oublies.html
La Déchirure, documentaire France 2, de Benjamin Stora et Gabriel Le Bomin, avec la voix de Kad Merad. Lire l’article du Parisien (Kad Merad raconte la guerre d’Algérie) : http://www.leparisien.fr/tv/kad-merad-raconte-la-guerre-d-algerie-11-03-2012-1899832.php La qualité de ce documentaire n’est en général pas mise en doute, le sérieux de l’entreprise, mais il y a des controverses entre historiens français autour de ce documentaire. Cf. Benjamin Stora et Daniel Lefeuvre : http://etudescoloniales.canalblog.com/archives/2012/04/10/23971171.html Ou Roger Vétillard, qui met en question l’omniprésence de Benjamin Stora, et exprime quelques réserves concernant le film... La réception en Algérie est assez critique (El Watan pointe la limitation du film à un axe qui occulte l’antériorité historique).
Dossier "Guerre d'Algérie'", sur Herodote https://www.herodote.net/Guerre_d_Algerie-synthese-319.php
« Fin de la guerre d’Algérie : le massacre d’Oran reste dans les mémoires » https://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_du_5_juillet_1962
Enlèvements, Disparus. "Les Pieds-Noirs ont-ils été abandonnés par la France?", Le Point, 25-01-12 : http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/francois-guil...
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La tragédie des HARKIS...
Documents sur le site de l'association AJIR pour les harkis : http://www.harkis.com et sur le blog d'Harkis et droits de l’homme : http://ahdh.blog.lemonde.fr
Harkis. VIdéo INA : http://www.ina.fr/video/CAA8200509301/les-harkis.fr.html
L'EXIL. Texte de Serge Molines, sur Algérie-Pyrénées : http://www.algeriepyrenees.com/article-algerie-mon-amour-...
Comment l'idéologie (des uns et des autres) déforme la réalité historique, jusqu'à nier des faits (massacres) ou à changer la réalité des causes (cf. Pierre Daum et son analyse idéologique haineuse de l'exode des Pieds-Noirs). Lire cette note au sujet des massacres de Harkis : Apprentis historiens (et manipulateurs), un article intéressant sur Harkis et Droits de l’homme : http://ahdh.blog.lemonde.fr/2016/04/02/les-harkis-la-2-cv...
Sur les PIEDS-NOIRS...
Les Pieds-Noirs, 50 ans après, Le Figaro : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2012/01/27/01016-...
Pied-Noir (wiktionary) : https://fr.wiktionary.org/wiki/pied-noir
Note historique, dossier Migrations, Pieds-Noirs (7 pages) : http://migrations.besancon.fr/quitter-son-pays/rapatries/...
Fiche wikipedia, Pieds-Noirs : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pieds-noirs
<12/04/2012 | Lien permanent
Leo Zelada, Transpoétique. Anthologie poétique et inédits, éds Unicité
esprit de la nuit
esprit de la nuit
conduis-moi sur le chemin du feu
qui dévore et purifie tout
Machu Picchu, Transpoétique, p.20
Maître, comment atteindre la sagesse ?
Brûle le papier, la plume et le bâton
Koan de l’illumination, Transpoétique, p.34
Le monde regorge de signes pour qui veut voir. Mais c’est un brouillard si épais ce soir…
Dark Poetry, Transpoétique, p.59
Leo Zelada, Transpoétique. Anthologie poétique et inédits, éds. Unicité, 2022. Trad. Laura Magro Peralta et Maggy de Coster
Transpoétique, de Leo Zelada . Intéressant, ce titre de l’anthologie (qui reprend celui d’un des recueils de l’auteur), car suggérant étymologiquement une traversée de l’œuvre au-delà du poétique, et vers le poétique authentique, il dit aussi autre chose de la démarche du poète, dont l’écriture est une incessante traversée, en aller-retour intérieur, d’un continent à l’autre. Parcours intime de l’identité ancrée dans une mémoire et nostalgique d’une langue effacée, d’une culture trahie.
Car Péruvien aux ancêtres amérindiens (dynastie Inca) il est un poète du double exil. Au Pérou la colonisation espagnole a fait perdre bien des traces et voué les descendants des premiers habitants de ces terres à un douloureux renoncement. Et c’est pour lui une blessure que savoir écrire dans la langue du colonisateur. Même s’il la fait sienne et peut-être la travaille pour y faire entrer une autre structure et la mémoire d’autres mots. Le lisant je pense à ce que disait Kateb Yacine du français, butin de guerre. Même sans victoire la langue peut être un butin. Le deuxième exil est l’éloignement de la terre native vers l’Espagne. Le titre est à comprendre aussi en tenant compte du poème titré Bref Énoncé pour une Théorie Unifiée du Poème. La traversée est ici intérieure à l’écriture du poème, où il est lui et un autre (contraire), en des univers parallèles, dans la tension entre univers de mots et absence de mots. Transpoétique, synonyme d’exigence, car écrit-il dans le poème Dark Poetry, Je n’aime pas la plupart de la poésie actuelle. Tant de poètes sur internet (…) et si peu d’authenticité dans leurs poèmes. Je partage cet avis, l’ayant déjà exprimé ici au moins deux ou trois fois. Le facile partage du clavier n’encourage pas la limitation, le silence et le retrait. C’est aussi vrai pour des publications papier (et l’auto-édition aggrave cela).
La blessure linguistique et l’errance voulue dans la mémoire correspondent à ce qu’un autre livre a traduit magnifiquement, et qui pourrait intéresser Leo Zelada. Nezahualcoyotl, livre de Claude Beausoleil (voir ma note sur les publications de l’atelier Vincent Rougier, coll. Ficelle). L’auteur, Canadien du Québec, passionné par la poésie mexicaine, a rendu hommage, en poèmes, à ce prince et poète du XVème siècle. Nezahualcoyotl est un personnage réel, encore révéré au Mexique. Je l’associe à Pachacamac auquel se réfère Leo Zelada, même si c’est un dieu fondateur, fils non d’humains mais de la lune et du soleil (ce qui explique leur présence presque sacrée dans plusieurs poèmes de cette anthologie). Autre dieu créateur, Wiracocha (dieu de la foudre et des tempêtes), que l’auteur fait se promener symboliquement dans Madrid, compagnie d’exil pour interroger l’Inca Garcilaso (cet écrivain péruvien, de mère inca, écrivit l’histoire des Incas, et mourut en exil en Espagne, Cordoue, en 1616). Qu’a fait l’Inca Garcilaso pour guérir de l’agonie de son exil ?. Je note un autre sens, particulier. Wiracocha (ou Viracocha) est aussi le nom d’une divinité indienne (Inde) et d’un chakra (un centre énergétique dit source du sacré), étonnant hasard (ou lointain voyage de mots venant du sanscrit)...
Ce n’est pas étonnant que Leo Zelada trouve en Paris un lieu transférentiel, et y vive de plus en plus. Une autre langue, un autre espace, une affinité avec cette singulière lumière parisienne (ceux qui aiment cette ville y reconnaîtront leur ressenti). Ainsi il peut faire encore une autre traversée, opérer un détachement, et découvrir en lui un écho, un processus libérateur.
Avant de lire ce livre, lire la biographie (p.77). On voit déjà que l’écrivain qu’il est ne pourra être classé dans une catégorie d’auteurs (c’est d’ailleurs ce qu’il fait comprendre dans Dark Poetry). Mais, emprunt au titre d’un de ses livres, il serait un dernier nomade, libre de ses voyages, de ses transgressions littéraires, de ses contradictions, refusant les chemins balisés. C’est un libertaire écorché vif, tendu entre ombre et lumière, comme Jim Morrison auquel il consacre un poème (lui dont je sais que, depuis un événement d’enfance, il était très attiré par la culture amérindienne et le chamanisme - mais il n’a pas trouvé les repères lumineux qu’on déchiffre dans les textes de l’auteur de Transpoétique).
Il y a aussi en Leo Zelada de l’Asie. Le nom de son blog, Journal du Dragon, évoque autant le mythique dragon porteur de feu, qui peut figurer le feu du soleil inca, que le dragon chinois, représentation de la puissance. (Et justement ma recension précédente, ici, le met en bon voisinage – le hasard sait faire signe). L’Asie… Référence présente depuis longtemps, comme le montrent les cinq titres extraits du recueil Le chemin du dragon (La Senda del Dragón, Madrid 2008). Chine et Japon, Tao et Zen. Du poème d’hommage à l’immortel exilé Li Po (Li-Tai-Po), au superbe Koan de l’illumination.
Son écriture crée une tension entre la poésie de sombres bardes nocturnes, qui exprimeraient leur révolte et leurs contradictions, et la lumineuse et nue expression des poètes grands sages à la mesure d’un Li Po. Il y rencontre sa part mystique (même si le terme n’est peut-être pas tout à fait approprié, ou mériterait d’autres développements). Et le poème du Koan de l’illumination contient cinq questions que les maîtres zen ne renieraient pas et qui révèlent une profondeur de conscience qui éclaire toutes les autres pages…
Itinéraire… je hais la nuit écrivait-il dans Dark Poetry (poème d'un recueil de 2016).
Et, plus loin, dans un poème inédit (un texte 'parisien'…)
J’avais peur de la nuit
et maintenant moi je suis le bohème,
moi je suis la nuit.
Mais là, le nocturne n’est pas le sombre.
L a solitude est très fréquemment mentionnée. Est-ce l’exil ou une réalité intérieure dépassant les circonstances ?
derrière l’océan
un homme seul attend
L’espace de l’océan est ce qui déchire le reste des racines déjà arrachées.
Qu’est cette solitude indéfectible évoquée avec le souvenir désert de Sechura et les sables de Topaze ? S’impose-t-elle douloureusement ou n’est-elle que le résultat d’une irréductible volonté intime d’échapper aux masques de la communication artificielle, une nécessité éthique inséparable de la démarche du poète ?
Car… ne pas se fier aux apparences.
Enfin, un homme
Faisant du vélo dans un paysage désolé n’est pas seulement l’Image
d’un homme marchant dans un paysage désolé.
Mais si La solitude n’est pas notre destin, elle est froide comme l’hiver de l’Europe, ses silences, ses métaphores brisées. Et elle rend nostalgique de douceurs d’enfance.
Exercice de lucidité, questionnement existentiel, l’auteur interroge. Même s’il relie la solitude à l’exil et à la nostalgie, il déplace le questionnement.
La solitude est une plage déserte que l’on fabule pour ne pas accepter notre vide.
Certes l’exilé vit la séparation par la cassure identitaire. Mais il échappe à cela quand il cherche ailleurs des références et une pensée qui écartent ces amertumes, et c’est sa part d’Asie. Évoquant Pachacamac il posait une question philosophique et spirituelle à la fois.
où est l’abîme sacré
de l’éternel et du perdu ?
Cependant l’exil revenait encore, sujet de tout un poème,
Wiracocha se promène au pays des dieux blancs
Conscience d’une lignée presque éteinte, d’être l’un des derniers vestiges d’une grande splendeur, d’un complexe rapport à la langue, pour faire entrer dans les poèmes la langue de mon sang, et d’être un étranger sur les terres de Castille.
Ce travail sur la langue, venu des profondeurs, c’est Sisyphe roulant infiniment sa pierre. (Mais, dit Albert Camus, il faut imaginer Sisyphe heureux). Heureux, de vaincre l’angoisse, et parce qu’il y a une réponse à la question Que faire quand l’abîme vous attend lorsque vous fermez les yeux (…) ?Même si on se demande si on est
Le héros absurde qui refuse inutilement d’abolir la mémoire.
La réponse c’est Écrire de la poésie. Écrire de la poésie. Même si les mots sont vides de sens.
Oui, Jean-Pierre Siméon l’affirme, La poésie sauvera le monde… Et sauve celui qui écrit, Leo Zelada en est conscient pour lui, car elle a pouvoir de rendre du sens aux mots.
Relisant encore j’ai noté la répétition du mot suicide. Celui du dieu-père ancestral Pachacamac, jeté à la frontière intolérable du suicide. Celui de Jim Morrison, annoncé (même si dans les faits on pourrait plutôt parler de conduite suicidaire, une destruction de soi). Celui, proche, Suicide éternel d’une vie perçue comme mourante.
Crépuscule désespéré sur le point de s’éteindre.
Mais aussi cette frontière reconnue par le regard de junkies dans le poème L’Étreinte de la Nuit, comme une fuite métaphorique hors de soi.
Et simplement conscience du chemin inéluctable qui mène, lui et tous,
à l’abolition totale de mon corps
à la fin de mes morts
ou / ma libération définitive.
Il y a ce jeu avec la mort d’une course ivre sur l’autoroute, cherchant désespérément la nuit (Dark Poetry). Mais dans le même poème s’exprime l’idée que la fin de l’attente rend la chance possible. Dans Le mythe de Sisyphe c’est aussi l’aboutissement de la réflexion proposée par Camus contre la tentation du suicide. Ne pas espérer annule le désespoir.
Il y a donc de la tristesse dans bien des pages. Mais pas d’apitoiement su soi. Cela, il y voit un piège. Et la tristesse est aussi celle des autres (un groupe vu dans un bar, dont l’agitation est un masque) et celle pour les autres, qui rejoint la révolte sociale.
Rôde aussi l’ombre de la folie et le voisinage de la souffrance d’Artaud, la peur que le délire anéantisse. C’est un risque, une menace tentatrice, une crainte, une proximité propre à qui frôle des espaces nocturnes. Mais il sait écarter ces ombres. Seulement la poésie me sauvera du délire. Et, même poème, se référant à Bashô il s’imprègne de l’harmonie que le silence permet de percevoir.
Dans ces pages il peut évoquer l’esprit de la nuit, le prier, comme il peut chanter un Hymne au soleil qui dit la conscience de l’appartenance à la terre et au cosmos. Fidèle à sa culture originelle il sait retrouver le lien avec le vivant, et les animaux, se penser homme loup solitaire ou oiseau nocturne ou faucon brun, être accompagné par un corbeau, ou regarder une fourmi sur son livre de Pessoa…
Dans le balancement entre obscurité et lumière la réponse est dans le rapport à l’immense. Et dans la force de la poésie.
En cet instant comme de l’eau,
toutes les constellations de l’univers tiennent dans ma main.
Et ceci…
Jusqu’à ce que nous devenions la poésie même, la poussière interstellaire.
Car la poésie a un pouvoir...
17/06/2022 | Lien permanent
Lionel d'Arabie, de Daniel Saint-Hamont. Livre de mémoire, hommage rendu au père. Orients-éditions
Le livre, Lionel d’Arabie (Orients-éditions, 2020), hommage rendu au père, est offert par l’auteur en dédicace à sa cousine, Zineb Hadj Hamou Ferroukhi, avec la mention « Algérienne invaincue ». Elle est évoquée aussi dans ces pages, et semble être un pilier familial, comme le fut, diversement, la grand-mère Aïcha (accueillant sa belle-fille chrétienne).
Daniel Saint-Hamont, est fils d’un ciel camusien, dit le préfacier, Jean-Paul Enthoven, né dans la même ville que lui (Mascara, donc). Peut-être que la lecture de cet ouvrage a été pour le préfacier, co-auteur d’un Dictionnaire amoureux de Marcel Proust, une madeleine de mémoire, alors qu’il se dit fils indigne du même sol. Fils indigne, peut-être pas, fils douloureux au moins, si on comprend, à ce qu’il écrit, ce besoin de congédier ces souvenirs, ceux des rues chaudes de leur ville commune. Il n’est pas seul à faire cela. On peut nommer : effet d’exil. Sa lecture de l’ouvrage est en totale empathie. J’ai aimé sa perception du père et de l’oncle de Daniel Saint-Hamont, son idée d’uchronie pour caractériser leur rapport avec un passé pour lequel ils rêvent d’une sorte de possible non advenu, n’ayant au cœur, l’un et l’autre, que l’amour du pays et le désir de paix. Uchronie, donc, et cela provoque le titre de la préface : La Guerre d’Algérie n’aura pas lieu ! Oui, une autre Histoire aurait été possible, une indépendance autrement, si tous les natifs d’Algérie avaient eu ce goût de la fraternité, et su faire le choix du métissage, comme dans la famille de Daniel Saint-Hamont. Alors aurait été possible ce que disait Mouloud Feraoun à Albert Camus, sur l’évolution des natifs d’origine européenne, devenant petit à petit des indigènes s’assimilant aux autochtones et leur ressemblant de plus en plus (mais n’en ayant pas suffisamment conscience, ajoutait-il, le regrettant).
Le préfacier, se référant à William James, distingue les auteurs Once Born et les Many Times Born. Donc ceux nés une seule fois, attachés au pays originel, à une lignée et une culture. Et ceux nés à plusieurs reprises, liés à plusieurs mondes. Pour lui, d’évidence, l’auteur est un Once Born, par son lien viscéral au pays de naissance. Cette fois je n’adhère pas à la distinction de James (adoptée par beaucoup), penseur qui pourtant m’intéresse. Je trouve que cela efface la complexité du vécu, des ressentis, et des choix. La naissance en Algérie, déjà, est en soi plurielle dès le départ. Encore plus quand on est issu d’un couple appartenant à deux origines différentes dans le même pays. Et l’exil ajoute à cette complexité. Enfin la vie de Daniel Saint-Hamont lui fait traverser des bascules identitaires (comme le choix du père changeant le nom familial), et recréer autrement sa fidélité à ce qu’il est. Mais chaque lecteur aura sa perception…
Oui, c’est un livre de transmission, où le double lignage est totalement assumé, sa richesse sue et dite : mère pieds-noirs, père natif algérien, vrai autochtone (comme l’oncle juif d’ailleurs), et devenu officier français. Ce père va vivre, surtout à la fin de sa vie, son exil comme un arrachement douloureux.
Transmission et hymne à la fraternité, dont la force vient de ce métissage parental réussi, et d’une compréhension, d’instinct, de la complexité de l’Histoire passée (ses diverses dimensions et, aussi, beautés souterraines).
L’hommage passe par le portrait de ce père si émouvant (et complexe, lui aussi). Hamyd, devenu tardivement Lionel, dans le sillage du changement de nom. Ce choix, provoqué par un décret qui offrait cette possibilité (comme cela a existé dans l’Histoire, pour d’autres) reste habité par le doute, on sent cela chez le père. Mais c’est une réponse, un message qu’il envoie, légitimant sa carrière, sa nationalité, et renvoyant les racistes à leurs contradictions. Car du racisme il a souffert : les petits signes, les humiliations, les distances. Lisant ce qui est rappelé de ces faits on ressent de la colère devant ces relents de xénophobie, mêlés à l’ostracisme infligé aux exilés venant d’Algérie (et concernant cet homme, sentiment d’injustice, particulièrement).
Daniel Saint-Hamont a raison, au début de son livre, d’engager le lecteur à mesurer la distance historique, pour comprendre cette vie si singulière qui est celle de son père : garder toujours à l’esprit que l’on ne saurait appliquer à des événements survenus il y a des dizaines d’années la même grille de réflexion et les mêmes réactions qu’aux évènements qui adviennent aujourd’hui.
L’auteur mentionne la complexe réalité identitaire de l’Algérie au moment où son père naît. Les populations qui cohabitent, et les origines lointaines des autochtones, qu’il nomme Arabes par commodité, rappelant qu’ils sont en réalité un mélange ancestral de Berbères islamisés ou judaïsés, d’occupants turcs, d’éléments venus du Sahel, etc. Né en 1908 son père vient de là : et né musulman il a gardé une foi sans religiosité (il refusera la présence d’un imam à la fin). Mais, précise l’auteur, son père avait deux Corans qu’il conserva toujours (que son fils a gardés) : et de temps en temps il citait de mémoire des phrases du Livre sacré. (Tout en étant d’accord avec son ami et beau-frère juif, Albert, pour écarter les religions).
La famille paternelle de Daniel Saint-Hamont appartient à ce qui est l’équivalent algérien d’une sorte d’aristocratie. Son père se disait Arabe - façon, pour lui, de se dire Algérien : Mais, en fait, pour mon père l’appellation d’Arabe se confondait finalement avec celle d’Algérien. Et Algérien, ça il l’était jusqu’au bout des ongles, « avec honneur et gloire », comme il disait souvent. Il était amoureux fou de sa terre natale. En mémoire d’une Algérie de fraternité entre les communautés algériennes autochtones. Lien qui demeura pour son père dans l’exil, lui qui, en Algérie, avait, comme ses amis juifs, franchi les frontières qui séparaient les communautés : Français, et Arabes (toujours ce terme par commodité) ou Juifs.
Le père et l’oncle rejetaient donc les religions mais pas la croyance en un dieu universel. Et les cultures liées aux trois religions du Livre étaient donc présentes dans la famille élargie. Toutes les trois me constituent d’une manière ou d’une autre, dit Daniel Saint-Hamont. Une familiarité inter-religieuse qui, ajoute-t-il, a joué un rôle dans ses choix artistiques de scénariste et les explique en grande partie.
Oui, on lui doit notamment, avec Alexandre Arcady, Le coup de Sirocco (tiré de son livre) et Ce que le jour doit à la nuit, à partir du récit de Yasmina Khadra. Et bien d’autres. Des repères d’émotion, ces films.
Pendant la guerre d’Algérie, l’officier qu’était son père a été retenu loin de l’Algérie. Et, conscient de ce qui se passait, il en était troublé, meurtri, déchiré. Quand je lis la page 94, sur les réactions de cet homme, aimant pourtant profondément son Algérie natale, mais ne comprenant pas la séparation radicale entre la France et l’Algérie (Il ne s’en remettra jamais) je pense aux déchirements d’Albert Camus, incompris et méconnu souvent. Ce n’est pas l’indépendance que conteste le père officier, mais les formes de sa mise en place et les Accords d’Évian non respectés.
Le changement de nom, pour la famille, c’est un énorme bouleversement. Sa femme l’a accepté sans enthousiasme, comprenant certainement les motivations complexes de son mari, la détresse que cela révèle et que perçoit bien l’oncle. Tous ont été secoués. L’auteur, d’abord attristé, a fini par s’y habituer, gardant en lui la trace des identités successives. Mais il qualifie ainsi le choix de son père : comme une sorte de suicide blanc. Tout effacer de soi passé.
Même en relisant il y a des pages qui mettent les larmes aux yeux. Comme cette discussion, à Toulouse, du père avec des amis juifs algériens et pieds-noirs. Évocation d’un voyage en Algérie de l’un d’eux. Émotion de tous, bouleversement du père, qui soupire un Ya hassra pour dire le regret. Au point que ses amis se cotisent pour lui offrir le voyage, en cachette de sa femme. Fugue de quelques jours et silence au retour. Ce qu’un des amis traduit intelligemment ainsi : C’est un choc d’aller là-bas. Parce que celui qui t’attend en bas de la passerelle, c’est toi.
Mais effet du choc ou de la vieillesse c’est alors qu’il commence à changer de comportement, à perdre la mémoire, et à en être conscient par instants.
La dernière page sur lui et l’oncle Albert évoque leurs cendres dispersées.
Cependant Daniel Saint-Hamont écrit : Mais tout est-il fini pour autant ?
Je vois dans cette question celle de la mémoire à transmettre, des traces de tous ces êtres sur les deux rives. Et l’espoir de ce que d’autres, qui suivent, pourraient inventer, grâce à ces traces.
Un signe, peut-être, dans ce sens. Le chapitre ajouté, annexe ou ouverture, sur le retour de Roger Hanin en Algérie (Roger rentre chez lui...), inhumé en 2015. Évocation, en de belles pages, de l’Algérie qui ne fut pas toujours une terre de haine et de sang versé, et Algérie qui subsiste. Celle dont la mission est mystérieuse. Et il ajoute : Ce n’est pas une terre comme les autres. Choisissant des expressions comme cette Algérie immatérielle, il offre un portrait d’espoir, foi dans le retour de l’universalité que tentent d’inscrire de jeunes écrivains. Et s’il caractérise l’Algérie comme cette île du Maghreb où passent les dieux (écho camusien, pour moi : Tipasa…) c’est grâce à ce qu’il a reçu de l’ami Roger Hanin, et, beaucoup, de son père et de son oncle.
Si naïveté il y a dans cet espoir (qu’il revendique, car c’est une fidélité) je veux bien la partager. Le possible des temps dépasse la mesure de nos vies et sa gestation est lente.
Recension © MC San Juan
LIENS :
Lionel d’Arabie, de Daniel Saint-Hamont, Orients-éditions, 2020. Présentation : https://www.orientseditions.fr/products/lionel-darabie
Entretien, RFI, par Yasmine Chouaki, document audio (à propos de ce livre) : https://www.rfi.fr/fr/podcasts/en-sol-majeur/20210123-dan...
Daniel Saint-Hamont, fiche Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Daniel_Saint-Hamont
Et le sirocco emportera nos larmes, Grasset, 2012 : https://www.grasset.fr/auteur/daniel-saint-hamont/
Filmographie, AlloCiné : https://www.allocine.fr/personne/fichepersonne-41666/film...
Akadem, document audio. Conférence (Daniel Saint-Hamont intervient). Algérie, terre de mes ancêtres : https://akadem.org/sommaire/themes/histoire/diasporas/les...
19/08/2023 | Lien permanent
PAGES TISSEES, des blogs. Sites, et lecture infinie. Autour de mémoires recherchées, exils...
...On gagne en liberté avec les années. Je suis maintenant dans une urgence et une impatience adolescentes. Il faut que les choses aient lieu. (...) ... Affronter les gens ou ne pas les affronter. On peut mettre, ou non, la négation.
Maïtena Biraben , citée par Marie-Laure Delorme, JDD, Regards/Portraits, 05-04-15
Hasard des lectures du jour, exergue trouvé sans le chercher, dans la presse. Citation qui dit exactement certaines choses essentielles. Que ce qui doit être pour donner sens complètement à notre vie ait lieu. Qu’on pose le non qu’il faut poser, comme le font les auteurs de pages qui suivent... Et que des mots cassent les murs intérieurs.
Pages tissées... Des blogs, des sites. Pages personnelles ou simples lectures, colères, engagements, humanisme, poésie, revues et éditions, parfois.
L'image est empruntée au site Vive à Belcourt. La maison représente bien le lieu personnel qu'est aussi un site ou blog...
Murmures et cris. Plus on lit de pages sur papier et plus on lit de pages sur la Toile, et inversement.
J’aime les blogs de netwriters, de gens qui écrivent vraiment, pas ceux où l’on se contente de faire copie de textes lus... Sauf quand, c’est rare, le montage des choix est une création, un collage qui fait sens. Ici, j’ai choisi des blogueurs que je connais, au moins un peu. Je ne mets pas toujours le lien vers l’accueil des sites, mais je choisis souvent une page particulière, que je voudrais faire découvrir. On peut ensuite voyager dans les pages ouvertes... Tisser ainsi des fils entre les pages des uns et des autres, connus et inconnus, c’est, presque, aussi, tracer un autoportrait, ou portrait en projet, en advenir.
Pour commencer.... Je pose donc des pages précises. Mais ensuite on peut aller découvrir tout ce qui peut être lu d'autre en allant voir l'accueil, les sommaires... Lecture infinie, donc...
Je regroupe là des blogs qui ont tous en commun de poser une mémoire d'exil, la nostalgie d'une enfance ailleurs, un "Là-bas"...
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Vivre à BELCOURT, site de Luc Demarchi. Petit à petit le site accumule des pages autobiographiques, classées dans les portfolios, et on voit une écriture se définir, s’affirmer. Certains textes offrent des fulgurances. Deux autres pages à lire dans la liste en marge, deux pages que j’aime particulièrement. Parole d’exil, de tendresse, réflexion sur la mémoire, sur le lieu d’ancrage, l’enfance, autrui. Le retour sur soi rejoint l’universalité des émotions. Le lisant on se demande quelle est l’influence des paysages (nature et ville) sur notre formation, quels sont les liens entre les gens d’un même quartier, la fraternité des appartenances, non communautaires, mais d’ancrage dans un espace voisin. Et le passage dans l’imaginaire de l’autre rive (imaginaire car le réel se recrée, et la vision traverse le temps) offre une méditation sur le regard, les perceptions. Je rêve d’un recueil qui regrouperait ces pages en ouvrage à feuilleter. En voilà une, Le rendez-vous manqué (Camus !)... http://belcourtois.com/index.php/projet/le-rendez-vous-ma...
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ARMENIANtrends/Mes Arménies. Voilà ce qu’il donne en accueil comme autoportrait et programmation : « Arménies - traversées de soi, de l'autre - flux et reflux informulés - quête d'Eden - les saisons d'ordalie - accéder aux métamorphoses - scander les gouffres et les cimes - multiple, errant, total ». Oui, traversées de soi, de l'autre : Arménie en thème majeur, mais aussi des poèmes personnels, dispersés ça et là, des pages (et poèmes, aussi), sur les créations d’une plasticienne qui vit entre Allemagne et France, Nicole Guiraud (présente aussi sur mon blog, note et album, listes, etc.), des réflexions que l’histoire ou l’actualité impose, des traductions. Humanisme engagé, fraternité. Là j’ai choisi un poème, L’œil : http://armeniantrends.blogspot.fr/2013/10/loeil.html
MEMOIRE de Là-bas. Blog d'Hubert Ripoll. LIVRE, liens, commentaires, contributions. Une très belle écriture tente une cartographie identitaire loin de tout enfermement : http://memoiredelabas.blogspot.fr/2009/08/alimentez-vous-meme-memoire-de-la-bas.html
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MEMOBLOG, de Paul Souleyre. Mémoire, encore, mais la recherche de fils et filles de Pieds-Noirs. Questions sur la transmission, l’identité, le rapport avec l’autre rive. Avec la perception d’une deuxième génération d’exil et mémoire (ou oubli : l’amnésie doit parfois être interrogée quand on fait ce chemin vers une vérité de la transmission). Désir de lucidité, même si cela peut déranger des regards venant d’une autre génération, d’une autre approche idéologique (là l’idéologie est évacuée, volonté d’une démarche rigoureuse, plongée en soi, archéologie des passages de témoins des anciens aux plus jeunes, par les mots et par les silences). Un peu d'ordre dans Mémoblog, en accueil : http://www.memoblog.fr/
Mais...
Transmission Pieds-Noirs (de Paul Souleyre) succède à Mémoblog, le complète… http://www.transmission-pieds-noirs.fr/ Dès l'accueil, des visages dans des cercles, visages de ceux qui ont "reçu" ce qui... n'a pas été transmis, ou difficilement, ou raté (comme le dit un père pied-noir, cité dans la page de présentation). Mais la génération des enfants, des jeunes ados, a tout intégré de l'exil et des souffrances. C'est l'inconscient qui trahit, les hasards, les ratages aussi (comme l'explique une des jeunes femmes). Paul Souleyre explore de manière passionnante les signes étranges que tissent le hasard et l'inconscient. Et il sait dire comment on peut flotter dans un vide identitaire (est-ce "identitaire"? je mets ce mot pour traduire) quand l'espace n'a pas accueilli. A travers sa recherche d'Oran (Oran, pas la mémoire de la guerre, pas les histoires de famille : le lieu) il retrouve sa part d'algérianité et aide aussi ceux de sa génération à la retrouver (pour choisir de la savoir, de l'assumer ou de s'en éloigner : l'essentiel étant la prise de conscience de ces dimensions...). La transmission, si elle a sauté une génération, peut se rétablir ensuite. Car le temps est long...
Donc, déjà, lire la page de présentation de sa démarche http://www.transmission-pieds-noirs.fr/about/
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et...
05/04/2015 | Lien permanent | Commentaires (1)
ILAN HALIMI, mémoire et hommage...
Dix ans. Et, depuis, d‘autres agressions antisémites (doublées en un an d’après les dernières statistiques), et d’autres assassinats, des attentats, plus des constats inquiétants sur le maintien des clichés, la circulation de désinformations issues des théories du complot. La mémoire de ce drame atroce rend palpable la nécessité de lutter contre les idéologies de haine. Ci-dessous des articles pour vérifier nos informations, et d’autres pour y réfléchir…
Ilan Halimi, dix ans après, Le Monde, 13-02-16 : http://bit.ly/1ozvrBM
Le calvaire d’Ilan Halimi, L’Obs, 21-01-16 : http://bit.ly/1OIA0A6
Paris XIIème, Le Parisien, Vibrant hommage, 11-02-16 : http://bit.ly/1Tg7FWT
Hommage, à Bagneux, le 13, ville où Ilan Halimi fut séquestré et torturé, victime de l’antisémitisme abject, des clichés sur les Juifs que le racisme diffuse, HuffingtonPost, 13-02-16 : http://huff.to/1TZXs1m
LIENS, fiches et articles...
DOSSIER sur wikipedia. L’affaire du gang des barbares : https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_du_gang_des_barbares
Et en anglais une note titrée Ilan Halimi : https://en.wikipedia.org/wiki/Ilan_Halimi
Entretien avec Emilie Frèche, (co-auteur du livre sur le calvaire d'Ilam Halimi et co-scénariste du film sur ce drame), CCLJ. "L'antisémitisme, notre problème à tous"... http://bit.ly/1XqRAxZ
Un texte de Jean-Yves Camus, en 2006, CCLJ, "Un antisémitisme sans idéologie ou la banalité absolue du mal"... http://bit.ly/1R27CMr
Article, Le Figaro, 02-04-2009, sur le livre "24 jours", par Ruth Halimi et Émilie Frèche... http://bit.ly/1i3wnZm
14/02/2016 | Lien permanent