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Entretien. Parole de poète, Éric Dubois

éric dubois,poésie,poètes,écriture,implication,témoignage,éditions,unicité,françois mocaër,entretienL’écriture de poésie est ce qui émerge de l’itinéraire d’un auteur et devient trace de son cheminement intérieur, le produit d’une maturation. Ce qu’il fait de ses épreuves et de ses joies, dans un travail sur le langage. Bien sûr cela commence par des lectures, des affinités et des admirations.  Mais cela peut se prolonger aussi en partage de plus que sa propre écriture, quand celui qui écrit est aussi attentif aux autres et au monde.

éric dubois,poésie,poètes,écriture,implication,témoignage,éditions,unicité,françois mocaër,entretienQuestions-réponses…

.1. Quand as-tu commencé à écrire de la poésie ? Et quand as-tu pris conscience que tu voudrais être réellement écrivain ?      J’ai commencé à écrire au collège vers 14/15 ans. De la poésie mais aussi des récits et des tentatives de romans. Je pense que c’est il y a une vingtaine d’années, après mon internement en HP, que j’ai pris conscience de ma vocation d’écrivain, ayant la certitude que je n’arriverais jamais à imposer une quelconque ambition dans le monde de l’entreprise, n’ayant pour bagage qu’une première partie de bac validée (et ayant raté à l’oral la seconde, deux fois ).

.2. Quels sont les auteurs qui sont tes références majeures ?  En quoi t’ont-ils nourri et peut-être changé, ou au contraire confirmé dans tes options ?                                                      Ce sont les Surréalistes qui m’ont poussé à écrire, à éprouver la liberté d’écrire. Breton, Artaud, Aragon, Éluard, pour ces deux derniers avant qu’ils n’écrivent une poésie engagée, mais aussi Char et Bonnefoy, qui ne sont pas surréalistes mais qui les ont fréquentés. Il y a aussi Guillevic et du Bouchet, comme aussi Emaz et Bernard Noël. Sans compter les écrivains de la Beat Generation et les écrivains américains comme Henry Miller, John Fante ou Charles Bukowski. J’aime aussi, pour les femmes, Duras, Sagan et Despentes.

.3. Comment s’est faite la rencontre avec ton premier éditeur ? Hasard ? Contact provoqué par quelqu’un ? Envoi d’un manuscrit comme on lance une bouteille à la mer ? Qu’as-tu à dire de ton expérience avec l’édition, pour tes livres ?                J’ai commencé par l’édition en ligne avec les éditions Le Manuscrit/ Manuscrit.com, mais ce fut un échec critique et commercial. Ce fut avec la revue Encres Vives, dirigée par Michel Cosem, qui publie des plaquettes format A4, et l’association Hélices, créée et dirigée par Emmanuel Berland, que j’ai vraiment eu la sensation de publier quelque chose de sérieux, avec des auteurs/éditeurs qui savent sélectionner les textes en fonction de la qualité de la forme et du fond. Cela a été pareil avec publie.net, créé par l’écrivain François Bon, et avec les éditions Unicité de François Mocaër, lui-même aussi auteur. Je crois à la vertu des auteurs/éditeurs.

.4. Tu as créé une revue en ligne, Le Capital des mots (arrêté maintenant, plus d’ajouts, mais toujours en ligne) et tu continues depuis avec Poésie-Mag, blog qui ouvre ses pages à celles d’auteurs divers. Qu’est-ce qui t’a donné le désir de publier les autres de cette manière ? Quel est ton objectif dans les deux cas ?                                                                        Je pense qu’en étant auteur, il faut aussi être « passeur », comme l’a été mon ami feu  Charles Dobzynski , poète et critique,  directeur de la revue Europe et du prix Apollinaire, et Christophe Marchand-Kiss lui-aussi disparu, poète et directeur de collection «  L’œil du poète »  chez Textuel. Comme aussi maintenant Pierre Kobel, poète et blogueur, «  La pierre et le sel »,  et concepteur d’anthologies chez Bruno Doucey. Mais aussi François Bon, écrivain et donc passeur par son site tierslivre.net et sa chaîne Youtube. Tous ont voulu et veulent promouvoir l’écriture contemporaine, exigeante et en dehors des canons commerciaux. C’est ce que j’essaie de faire avec mes blogs et mes revues.

.5. Peux-tu présenter l’association que tu as créée, pour promouvoir la poésie, provoquer rencontres et événements divers ?                                                                                  L’association Le Capital des Mots prolonge en quelque sorte ma revue/blog éponyme, qui n’est plus active depuis septembre 2020. Elle organise des lectures publiques avec des intermèdes musicaux et des chansons, avec ses cotisants et des invités surprise et elle publie aussi des recueils de poèmes de ses membres.

.6. Développant encore ta démarche, pour être partie prenante dans la vie éditoriale, tu as créé récemment une édition. Quel est son axe ? Les critères de choix des auteurs ? Et comment réussir à faire vivre un tel projet, matériellement, financièrement, quand la situation des éditions est si difficile souvent ?                                                                                L’association Le Capital des Mots touche depuis 2017 des subventions locales, et peut donc publier des livres qui sont auto-distribués par le site lecapitaldesmots.fr et les récitals de poésie qu’elle organise. Nous faisons faire des tirages de 200 exemplaires pour chaque livre, par un imprimeur du sud-ouest, nous faisons les choses correctement, nous avons acheté des ISBN et nous faisons le dépôt légal à la BNF ainsi qu’un contrat à compte d’éditeur, avec, pour l’auteur, la possibilité d’avoir 30 exemplaires gratuits qu’il peut revendre pour avoir ses droits. Mais c’est difficile actuellement de bien vendre des livres de poésie, surtout depuis ces dernières années avec la crise du Covid et le prix du papier qui augmente.

.7. Revenons à ton œuvre personnelle. Tu as beaucoup publié. Quels sont, parmi tes livres, ceux qui ont pour toi le plus d’importance ? As-tu l’impression d’avoir trouvé tes lecteurs, et d’être compris vraiment ?                                                        Je dirais « Mais qui lira le dernier poème ? », publié autrefois chez publie.net, et mes ouvrages  de poésie chez Unicité. Je dirais que comptent pour moi mes derniers livres de la décennie 2010 et début 2020. J’ai des lecteurs, d’abord ceux de mes livres et des revues où je suis publié, mais aussi ceux qui me suivent sur les réseaux sociaux et les blogs. Suis-je compris ? Je ne sais pas. Je sais que je ne suscite pas l’indifférence, j’ai des fans et des détracteurs.

éric dubois,poésie,poètes,écriture,implication,témoignage,éditions,unicité,françois mocaër,entretien.8. En dehors de la poésie, tu as abordé le récit (L’homme qui entendait des voix), témoignage important qui correspond à une nécessité intérieure – dire et se dire, casser des tabous – mais livre qui est certainement précieux pour beaucoup d’autres. Qu’est-ce que cette publication a changé dans ta vie ?                                               « L’homme qui entendait des voix » (éditions Unicité, 2019) est un témoignage et peut-être faut-il commencer par ce livre pour aborder mon « œuvre ». C’est le livre que je vends le plus, sujet oblige, la schizophrénie. Je pense que c’est grâce à lui que mon public m’a vraiment découvert.

.9. Mais, sortant du témoignage tu t’es mis à écrire des romans. Peux-tu rappeler lesquels, leur thématique, ce qui pouvait passer par eux et pas par les poèmes ? Que signifie-pour toi ce passage de la poésie au roman ? Et en quoi cela peut-il gêner ou enrichir ta pratique de poète ?                                          Mon premier roman « Lunatic «  (éditions Le Lys Bleu, 2021 ) a été écrit quand j’avais 27/28 ans , c’est donc un roman de jeunesse, mais il a été remanié en 2012. C’est un livre d’amour, une romance trash, sur ma génération, celle née dans les années 60/70, la génération X, post-soixante-huitarde, avec ses addictions alcool et drogues. Mes nouvelles, « Paris est une histoire d’amour » et « Le complexe de l’écrivain », qui ont été publiées dans un seul volume aux éditions Unicité à la fin de l’année 2022, sont des textes sur la maladie mentale mais aussi sur Paris et la vocation d’écrivain à travers des histoires d’amour atypiques.

.10. Que penses-tu de la presse littéraire (suppléments des quotidiens, revues de poésie, magazines) ? C'est important, pour toi, de publier dans des revues ? Y a-t-il des émissions (radio ou télévision) que tu voudrais signaler ? Toi-même, es-tu intervenu dans l’une ou l’autre ? De quelle manière ?                  Les revues papier et internet m’ont fait indéniablement connaître, comme des émissions de télévision. Ainsi, sur France 2 , le reportage de Télématin, «  Vivre avec la schizophrénie »  en mars 2021, mais aussi l’interview que j’ai accordée,  «  1 jour avec 1 schizo », à la journaliste  Marie-Léty Burny de BDMT.TV, une chaîne télé web en ligne sur la santé mentale en mars 2022, ou bien plus avant, à la radio, l’interview accordée à Carole Clémence sur Vivre.fm en  avril 2019 pour l’émission «  Bien dans sa tête » . N’oublions pas qu’entre 2010 et 2018 j’ai interviewé des auteurs avec Jean-Claude Caillette dans l’émission « Le lire et le dire » sur Fréquence Paris Plurielle. Cela fait plus de vingt ans que j’interviens dans des radios libres. Enfin n’oublions pas mon interview avec Carole Carcillo Mesrobian dans le premier volet de son émission « L’ire du dire », « Entre les mots, les murs, écrire avec la schizophrénie » en septembre 2021, sur Fréquence Paris Plurielle, et celle avec Christian Saint Paul de Radio Occitanie dans son émission «  Les poètes » au printemps 2022.

.11. Qu’aurais-tu à dire au sujet des événements littéraires qui rythment l’année (Marché de la Poésie, Salons divers – comme celui de L’Autre livre ou celui de la revue, rencontre de Sète, etc.) ?                                                                                  Je trouve cela bien. Et ces événements m’ont fait connaître et continuent à le faire. Je trouve cela excellent pour la poésie.

.12. Enfin comment verrais-tu une évolution culturelle et sociale qui aide la diffusion de la poésie, mais développe aussi l’exigence, contre la médiocrité ?                                              Je pense que le Net et les récitals de poésie sont les meilleurs moyens de faire connaître le genre.

.13. Poètes et implications diverses. On voit des poètes réagir à des tragédies, comme la guerre en Ukraine ou le soutien porté aux poètes subissant la répression dans des pays totalitaires, en publiant des poèmes pour marquer leur solidarité (Ukraine), en signant des appels, en écrivant des lettres (comme pour Ahsraf Fayad, quand il était prisonnier en Arabie saoudite), et certains autres être indifférents à tout ce qui n’est pas leur autopromotion infiniment répétée… Que penses-tu de cela ?      J’ai participé à de nombreuses anthologies thématiques engagées, comme par exemple « Passagers d’exil » aux éditions Bruno Doucey, sur les migrants. Je pense que le poète doit coller à son époque et fuir toute tour d’ivoire. L’histoire de la poésie mondiale le montre depuis Homère.

LIENS

Note Trames nomades sur deux de ses recueils, 28-05-2019http://tramesnomades.hautetfort.com/archive/2019/05/28/ch...

Note Trames sur son livre témoignage, 17-07-2019http://tramesnomades.hautetfort.com/archive/2019/07/17/l-...

Le livre Langage(s), page de l’édition Unicité (avec présentation de l’auteur)https://www.editions-unicite.fr/auteurs/DUBOIS-Eric/langa...

É. Dubois, Maison des Écrivainshttp://www.m-e-l.fr/eric-dubois,ec,1140

Page sur Printemps des Poèteshttps://www.printempsdespoetes.com/Eric-Dubois

Le Capital des motshttp://lecapitaldesmots.fr

PoésieMaghttp://poesiemag.fr

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À L'Index n° 46 (2). Poésie et prose...

20230606_180949.jpgDans l’introduction de Jean-Claude Tardif, deux sujets. La conception de la poésie, d’abord, définie comme acte collectif, création qui se construit, se travaille, dans le temps long. Et, littérature de passage, de transmission […] d’abord enracinée dans les revues. Mais ensuite c’est une parole douloureuse, de deuil, car des êtres qui comptaient sont devenus des absents, que la mort a emportés (âge ou maladie). Expression de désespoir et de doute sur ce qui peut se faire alors, sans les Pirotte, Emaz, Noël et quelques autres, dont, notamment, l’ami cher, Werner Lambersy. Suivent, dispersés dans les pages, sept poèmes dits halieutiques, comme une litanie de signes, univers de pêche, pas métaphorique (ou peu) mais réel : l’eau et des animaux dans leur monde, avec des notes d’humour.

Alors, justement, l’eau. Même si la nouvelle de Jean-Claude Tardif ne suit pas (Le Bruit de l’eau, pp.34-37), je choisis de la mentionner là. Car c’est troublant ce lien. Univers d’eau encore. Une très belle réussite ce récit, car indépendamment de l’histoire c’est une évocation puissante d’un moment de pluie. Le réel et la force métaphorique, cette fois, sont tissés ensemble. Le personnage regarde les passants et se demande (on retrouve la tristesse des deuils mentionnés dans le texte liminaire) lesquels sont dans la mémoire d’un deuil, lesquels dans un an seront disparus aussi. Il pense la vie comme l’écoulement d’une rivière (un mouvement qui a sa propre loi, emportant le présent, effaçant). Lui-même se voit comme un poisson derrière le verre de son bocal (symbole d’impuissance) et de solitude, car il regrette de ne pas exister pour ces passants indifférents à sa présence. Il perçoit le dehors à travers une vitre (Il regardait les gouttes d’eau glisser lentement sur le verre froid). C’est comme un écran qui trouble sa recherche. Car il dit chercher quelque chose qu’il pense être le seul à pouvoir saisir (Il se devait de guetter le signe, l’infime). Là j’ai l’impression qu’on retrouve l’interrogation sur la poésie. Le poète n’est-il pas un de ceux qui doivent se rendre capables de capturer et d’offrir des signes et du sens ? (Voyant, a dit Rimbaud). Cependant l’eau n’est pas que pluie et rivière dans ce récit. Il y a l’eau souillée d’un voisin qui descend bruyamment la canalisation. Le réel trivial revient. Cependant il imagine la couleur des yeux d’une jeune femme sous la pluie, bleus ou vert, en harmonie avec l’hiver et le silence. (Ou avec l’eau…). Peut-être se tourne-t-elle vers lui, ou pas. Mais cet homme, Emmanuel, est malade. Il semble qu’il perde la mémoire et qu’il soit conscient de l’atteinte, douloureusement. Alors il décide de clore sa contemplation et sa vie par un geste final, bruit d’une arme contre bruit de l’eau. C'est la détonation sèche de son 7,65. Triste clôture.

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Les pages qui suivent le texte introductif (pp. 8-19) sont bilingues. Poèmes titrés Journal de la peur. Dominique Stoendesco, qui a traduit les poèmes de Joao Melo du portugais (Angola) nous explique le contexte, employant l’expression stratégie de survie. Textes écrits pendant le confinement dû à la pandémie (2020), et avec l’attention, aussi, portée à des révoltes et violences un peu partout dans le monde. Publication en portugais en 2021. Le premier poème (De la nécessité de la poésie) ne dit ni Je ni IL mais Elle. Dédié à la poète Hissa Hilal, il fait l’éloge d’une poésie radicale et nécessaire. Le deuxième poème (Épitaphe) est un cri. Pour...

les condamnés de la Terre,

ceux qui ne sont jamais allés au-delà des frontières

des quartiers sombres et pauvres

Ensuite (Chronique de la peur), c’est le doute sur la lucidité de l’humanité.

Puis poèmes sur naître et mourir, mort (aussi) par assassinat. Et de nouveau, interrogation sur ce qu’est la poésie.

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Emmanuel Golfin, Poèmes en attente (pp. 28-33) regarde et dit la lumière.

Pas la solaire et vive, la douce : la lueur ténue des lampes dans la nuit.

Et celle des visages : Obliques lueurs des patiences inavouées

Ou les

Brèves trouées luisantes dans la nuit

(celles des trains).

Méditation, esquisse de grandes questions : la vie, la mort, le mystère même de la création :

Parfois une incompréhensible force dicte

Des phrases venues des gouffres sac et ressac

Pour miracle de la venue dans la lumière 

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Traduction, de nouveau (pp. 38-40. De l’hébreu. Quatre poèmes de Noam Weissman, traduits par Fabienne Bergmann.

Évocations un peu désabusées des humains dans leurs illusions, les apparences, et coupés du monde, piégés dans le virtuel des écrans. Mais une note d’espoir (qui n’en est pas une car projetée loin dans le temps.…) pour un futur où quelqu’un sortirait de cet état d’absence et regarderait de nouveau le monde réel, où un musicien créerait ce qu’il a entendu en rêve.

Une nuit

Tu te réveilleras.

Vision désabusée, oui.

Mais le questionnement peut s’entendre.

...

Mes textes (poème et méditation en prose) suivent (mais c'est en recension précédente, comprenant aussi ma note de lecture d’un recueil de Michel Diaz).

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Plusieurs poèmes de Mehdi Prévot (pp. 45-49).

Mémoire, silences, non-dits, émotions, et peut-être colères. Et, écho de proximité, Nerval.

Quand l’inattendu de la parole vient troubler la prière improvisée

du silence

Ce qu’on ne dit pas se fraye un chemin sous la table

Pourtant bien dressée (p. 45)

[…]

Et j’ai passé la nuit à me voir dans la coupole du monde

À scruter la venue des anges

Mais pour compagne j’ai la nuit intruse au-dedans (p. 49)

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Aggiornamento, poème de Jacques Nuñez Teodoro (p. 50)

On ne voyage pas

On bouge des restes de rêves

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Claire Légat, Promenoir des Déracinés, poèmes (pp. 62-63)

Toujours le choix de la mise en page centrée, vers brefs le plus souvent. Des touches délicates, comme des fragments sculptés.

transe

  du

corail

[…]

                                                en

                                               nids

                                           mes mains

                   pour consigner l’inquiétude et l’insomnie

                                         de la matière

                            pour intimer par sa musique

                               la naissance d’une étoile 

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Poèmes des Indiens des Etats-Unis (pp. 82-86). Traduction (de l’anglais américain) et présentation par Vladimir Claude Fisera.

Jim Northrup, À faire le psy (p. 82-83)

J’ai survécu à la guerre

J’avais des ennuis à survivre à la paix

[…]

je me suis rendu compte

que c’était à moi de survivre à la paix

.

Kimberley M. Blaeser, Apprendre à réclamer justice (pp. 83-84)

Et aucun vent du désert

ne saurait relever

cette histoire de perte et de manque

.

Al Hunter, La coupe à prière (p. 85)

Quand la lune est tournée vers le haut comme une coupe à remplir

On doit la remplir. On doit la remplir en honorant les esprits de la création

[…]

Des prières pour le Créateur, des prières pour nous-mêmes, avec les instruments sacrés

Qui nous relient à la gloire de ce monde, qui nous relient à la gloire de ce monde

Et au monde au-delà de notre sommeil.

.

Ofelia Zepeda, Enterre-moi avec un orchestre (p. 86)

Ma mère disait : « Enterre-moi avec un orchestre »

[…]

Le créosote [...]

C’est pour qu’elle garde sur elle l’odeur du désert,

Pour lui rappeler son foyer une dernière fois.

(Le créosote est une plante du désert)

.......................

Poèmes de Vera Duarte, Mots tissés et métissés (pp. 87-99)

Traduction du portugais (Cap-Vert) par Dominique Stoenesco

Enfant de la rue (p. 89)

Sur la plage à la merci des goélands

Des enfants dorment à la belle étoile

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02/08/2023 | Lien permanent

À L’Index, revue, N°43. Poésie...

1182750108.jpgD’abord, j’ai lu l’introduction de Jean-Claude Tardif , Au doigt et à l’œil, humeur de saison sur les failles et pièges de la communication, les brutalités, même. Regard attristé. Métaphores… Les « sabliers engorgés », et, comme « verset » d’espoir, celui des oiseaux, « mélopée libre ». Mais espoir amer, car « les oiseaux disparaissent ». Conception d’une poésie de la « légèreté » (oiseaux aériens...), contre la lourdeur pesante du réel. Pour conclure sur le « besoin » de poésie… « pour renouer avec l’un des plus beaux rêves de l’homme, la Liberté dans un monde partagé. ». Et, en face de ce texte, une illustration de Léo Verle, Bouteille à ma mer. Une feuille glissée, balançant entre sable et eau. Finalement, la poésie envoie bien des bouteilles à la mer (et chacun la sienne, peut-être, car suivant les messages et les réseaux le voyage ne sera pas le même, ni les destinataires.) De Jean-Claude Tardif, un autre texte est un hommage rendu à Michel Héroult, poète et revuiste, avec lequel il partagea beaucoup d’engagements pour la poésie, pas toujours faciles ou heureux. In memoriam.

 

Je ne suis pas très lectrice de nouvelles, je vais plus vite vers les poèmes. 

MAIS certaines parfois peuvent retenir mon attention, surtout si elles échappent au genre, et j’aime la prose, qui a un souffle différent du poème en vers. (Nouvelles, si c’est pour dire bien plus que du fictionnel, ou pour contenir des fragments de poèmes, d'aphorismes, ou pour rejoindre une pensée philosophique ou métaphysique…).
J’ai donc beaucoup aimé le texte de Christian Jordy, De l’autre côté de la mer. Car le couple dont il raconte un itinéraire d’amour, exil, et mort, existe assez pour représenter bien des couples réels de cette histoire tragique. Rencontre et espoir de fraternité, guerre et exil, solitude à deux dans un univers étranger, maladie qu’on peut interpréter comme le symptôme d’une souffrance non libérée (on peut mourir d’exil). L’auteur fait revivre des bribes de la vie oranaise espagnole - dont les douceurs sucrées, mouna et mantecaos (même s’il a un nom d’une autre rive méditerranéenne), et l’Histoire, depuis la peste du milieu du XIXème siècle, jusqu’à la guerre qui déchira les communautés, sans oublier les attentats et le massacre du 5 juillet 1962 qui fit des centaines de morts et de disparus (et reste très occulté). Journée que j’ai évoquée dans un poème publié dans À L’Index N° 37, Litanie pour juillet plusieurs fois, plusieurs fois tous les temps, même si ma dédicace élargit à des drames similaires dans le monde contemporain et ses violences (sans oublier la décennie noire qui fit 200 000 morts en Algérie, les intégristes islamistes recommençant les assassinats ciblés et les massacres, légitimant encore le terrorisme contre les civils). 

L’histoire de son couple, Pierre et Maria, commence dans la mer, rive algérienne, se brise par la mer (départ en prenant le paquebot Ville d’Oran), continue devant la mer, regardée dans l’exil en cherchant mémoire de l’autre rive, et finit dans la mer, cette Méditerranée devenue patrie d’exilés (et cimetière de beaucoup…). Leur leucémie, qu’ils ne soignent pas, maladie du sang, peut être interprétée comme une mémoire traumatique du sang versé, et leur suicide une façon de rejoindre leur pays, se mêlant au sang salé de la mer. 

Puisque je parle des nouvelles je vais sauter des pages et continuer ma sélection très subjective parmi les pages en prose… 

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TEXTES en prose, donc, plus loin. J’ai trouvé passionnant celui de Joël Vincent, essai érudit, Profondeurs et chaos intérieurs. Très riche réflexion, avec beaucoup de références et citations. J’ai d’abord remarqué les exergues (Nelly Sachs, Büchner, et Cioran). Ce qu’est l’écriture, la poésie. Il part d’une lecture d’Elias Canetti, La conscience des mots, traitant, dit-il, du chaos intérieur, et qualifiant les poètes de « gardiens des métamorphoses ». Le chaos n’est pas à comprendre comme un négatif désordre, au contraire. Et Joël Vincent cite Elias Canetti, pour bien introduire le sens de cet état qui ouvre la création... Car « C’est si le poète porte un CHAOS EN LUI qu’il est le plus proche du monde. Il est responsable de ce chaos et il a en lui de la place pour tant de choses contraires et disparates… ». Écho qui confirme ce qu’est ce processus créateur, ce que dit Novalis. « Il faut que le chaos brille dans chaque poème. » Joël Vincent parle d’une genèse dynamique, un mouvement en soi qui s’inscrit dans un triangle « le monde, le sujet et la langue ». Plusieurs noms viennent appuyer l’analyse et préciser le rapport au langage dans la création littéraire (dont Maulpoix, Emaz, Verlaine, Merleau-Ponty, Char, Beckett, Nietzsche, Celan, Rimbaud, Pichette, Noël…). Le poète ne l’est vraiment que s’il refuse de refouler le « chaos intérieur », et au contraire en fait une force de « résistance » pour ne pas rester « à la surface des choses ».    

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Prose, aussi, le long texte de Timotéo Sergoï, L’interminable Java très triste du train qui traversa toutes les Russies. Six jours de voyage, dit l’auteur, de Vladivostok à Moscou, en quelques pages d’une très longue phrase. Mystère du transsibérien « qui relie les sans monde, qui renoue les cent mondes ». (Mais lesquels ? de quel temps ?).  Évocations diverses, Chagall ou « les sorciers chamanes ». Voyage dans la mémoire, aussi, des jeux d’enfance. Le train emporte des univers de vent et d’êtres que Moscou dévore à l’arrivée. « … la capitale moscovienne qui dévorera leur passé, ne fera d’eux qu’une bouchée, ni temps ni espace n’existent, ni ce que l’on prenait pour Amour, ce n’est que neige, ce n’est que peur (…) ».

Train qui « n’est qu’un imaginaire », « amour impossible ». Et où « penser est impensable, penser est impossible, penser est interdit ». Malgré le rêve, ou le rêve malgré cela… « aimer vivre une liberté loin des hommes assis, la liberté debout dont rêvent nos amis ». Mais « (nous ne vivons que de nos rêves/que de nos rêves/nous ne vivons que de nos rêves) alors peut-on rester assis ? ». Et voilà que le train rêvé dépasse Moscou et rejoint le monde. En laissant « Crânes, corps et cœurs » qui « pleurent un hasard qui les a menés là » et qui… « n’existe plus ». Le réel ce sont des « monuments aux soldats fous, aux socialistes en caoutchouc ». MOSCOU.  

Ce texte, écrit en 2012, pour un voyage fait apparemment cette même année, et publié en octobre 2021, là, paraît visionnaire. À la fois poétique, parcours réel et parcours intérieur, et politique, amer, lucide. Ode d’amour à une terre et ses paysages, ses glaces aussi (présence métaphorique) et ses êtres. Et sorte de film triste, sur les impossibilités et fractures d’un monde.

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POÈMES. Cela s’ouvre (premières pages suivant le texte de Christian Jordy) par les textes de deux poètes afro-américains, traduits par Vladimir Claude Fisera, qui les présente. Ishmael Scott Reed (né en 1938 dans le Tennessee, reconnu important comme poète beat, il est aussi musicien) et Reginald Wayne Betts (né en 1980, il a connu la prison et de dures années, pendant lesquelles il poursuit ses études qu’il mènera jusqu’au doctorat ensuite –  il enseigne la littérature à l’université et intervient sur la question de la délinquance des jeunes).

CITATIONS… 

O, it’s hard to come home, baby

To a house that’s still and stark

All I hear is myself

thinking

and footsteps in the dark  

Oh, c’est dur de rentrer à la maison, vieux

dans une maison muette et froide

Tout ce que j’entends c’est moi

Ishmael Scott Reed

 (…) Believe me 

when I tell you I fell in love. Not with her, but

with her tears.

Crois-moi quand je te dis que je suis tombé amoureux.

Pas d’elle mais de ses larmes.

Et… (…) night //

longer than a sinner’s

prayer in Red Onion’s small 

ruined cells where ten thousand //

years of sentences

beckon over heads & hearts,

silent (…)

(…) cette nuit //

plus longue qu’une prière de pécheur

dans ces petites cellules décrépites de Red Onion

où dix mille ans de condamnations font signe au-dessus //

des têtes et des cœurs silencieux

Reginald Wayne Betts (Je note les lignes sautées par deux traits, //)

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Le poème de Charles Bukowski, qui justement suit le texte de Joël Vincent, parle aussi de ce « chaos intérieur » créateur car assumé. C’est dit avec un certain humour, ou comment n’obéir qu’à l’authenticité d’une nécessité plus forte qu’aucun vain effort, écrire d’évidence. 

Comme ça, tu veux devenir écrivain ? 

(So you want to be a writer ? ), trad. J-M Couvé

CITATIONS

si ça ne sort pas de toi dans un jaillissement 

de tous les diables

laisse tomber.

(…)

à moins que ça ne jaillisse

comme un missile de ton âme

(…)

à moins que ton soleil intérieur

te brûle les tripes, 

laisse tomber.

……………………………………………..

Et quelques pages plus loin je retrouve encore ce qui m’intéresse le plus dans un poème, cette force de profondeur unique qui donne accès à un sens déchiffré, qui autrement aurait échappé à tout autre. Long poème de Werner Lambersy, qui n’est hélas plus là pour qu’on lui dise ce qu’on aime de son écriture… 

La Charge de la Brigade Légère

     Ou De Re Poetica

Parmi les exergues, une citation d’Erri De Luca. « Après la première mort, a écrit Dylan Thomas, il n’y en a pas d’autre. »

CITATIONS

À quoi sert de tant

Lire //

Écrire ce qui n’est 

Pas encore   voilà

La véritable tâche

(…)

Quelque chose se prépare dont

On ignore tout //

C’est de l’ordre des levures dans 

La pâte

(…)

…. // je suis

Dans ce malaise //

De savoir que la beauté existe

Sans que je sache

 //

 Ce que je puis espérer encore

D’elle et du monde 

Dans l’horreur de son retrait

(…)

A danser dans 

L’absence de signes //

Il reste cependant 

L’antique angoisse

La peur millénaire //

D’être envahi

Par tant de mystères

(…)

Ça pénètre par la peau et la 

Mémoire //

Un parfum inoubliable vous

Entoure du dedans //

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12/05/2022 | Lien permanent

Poésie, deux recueils. Les jours suffisent à son émerveillement, d'Anne-Lise Blanchard. Et Seule, Biskra, d'Henri Touito

les jours suffisent à son émerveillement,anne-lise blanchard,seule biskra,henri touitou,éditions unicité,unicité,poésie,exil,nostalgie,mémoire,humanismeDeux recueils différents mais qui ont en commun le rapport avec le temps, la recherche, dans la mémoire, de la confrontation avec des souvenirs de joies, de bonheurs passés. Parfois des instants fugitifs, parfois des moments plus intenses, ou même des périodes. Voyage dans des lieux d’autrefois, retour vers des visages, des émotions. En lisant on retrouve un même trouble, car cela invite à prolonger la page avec ses propres confrontations avec ce qui fut. On part dans un ailleurs qui a du mal à être vraiment ailleurs car l’ancrage de mémoire est une identité.

les jours suffisent à son émerveillement,anne-lise blanchard,seule biskra,henri touitou,éditions unicité,unicité,poésie,exil,nostalgie,mémoire,humanismeDifférents car le regard n’est pas le même, quand il vient d’une source féminine ou d’une nostalgie masculine. Même si ce qui concerne l’enfance rejoint encore un autre espace. Le style n’est pas le même non plus, bien sûr, mais il y a une proximité des univers par ce qui est dit de certaines expériences et par une dimension éthique (qu’on peut nommer autrement, peut-être, mais c’est l’intention qui contient cela), et c’est pourquoi j’ai eu envie de les associer. Et je crois qu’ils pourraient aimer se lire…

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les jours suffisent à son émerveillement,anne-lise blanchard,seule biskra,henri touitou,éditions unicité,unicité,poésie,exil,nostalgie,mémoire,humanismeLes jours suffisent à son émerveillement. J’avais raté le livre d’Anne-Lise Blanchard, en 2018, à sa parution. Et j’ai donc pris du retard sur d’autres parus depuis (chez Ad Solem notamment). J’ai lu d’elle certains ouvrages, mes préférés étant Apatride vérité, La Courbe douce de la grenade, Le Bleu violent de la vie. (Apatride vérité, j’en rends compte dans la note sur les publications de Vincent Rougier, mais sans reproduction de la couverture, indisponible). Je ferai plus tard une note de parcours…

Donc voici celui-ci, Les jours suffisent à son émerveillement (éditions Unicité). Le lisant j’ai été surprise, je ne m’attendais pas à ce livre, peut-être confondu avec un autre, annoncé. Prose poétique, une écriture qui lui va bien.

Émerveillement et parcours de joies, c’est une réponse à la vie qui sépare de moments vécus, un regard qui donne sens à ce qui pourrait être effacé par l’oubli.

Espaces du dedans dans ce parcours qui saisit des bribes d’instants, des lieux et des présences, des objets, des couleurs, des fleurs et même des insectes, des parfums. Mais il y a les pertes et le présent qui se heurte aux souvenirs. Car les vies sont aussi des deuils que les joies passées rendent amers. Espaces du dehors, le réel fait des rencontres de vécus qui se mêlent aux siens, le monde des autres, dont leurs douleurs.

Les joies ont la douceur de l’huile d’olive du goûter d’enfance, les tristesses des parfums qui font ressurgir des images

Générations, lieux, espaces perdus, espaces créés, c’est le mystère du rapport au réel, multiple et contradictoire. Se recueillir sur des tombes change la mort en présence paradoxale, un effacement de l’absence par les gestes de l’acceptation de ce qui est. Et nourrir un chaton est l’affirmation des promesses faites par la vie à la vie. Promesses, ce livre en tisse plusieurs, pour en énoncer une, surtout, celle de la présence à soi et au monde, dans les mots et hors des mots.

Elle ne dit pas Je mais Elle. La répétition de ce pronom, anaphore parfois, crée une distance. Ainsi les émotions ne sont plus seulement les siennes mais deviennent celles de toute femme qui ferait retour sur des vécus devenus universels. Autre répétition, première page, bref paragraphe de touches légères pour des souvenirs fugaces, trois fois la phrase qui évoque se termine par le groupe elle sourit.

Parfois un visage ou un paysage la traversent, elle sourit.

Manière d’indiquer l’intention. Pas la tristesse mais un plaisir de remémoration, non recherchée, mais saisie telle qu’elle apparaît. Beaucoup de verbes, car la mémoire est celle d’actions, de sensations, de gestes. Cela crée une dynamique souterraine. La ponctuation forte marque des phrases courtes, comme si le point était un espace de silence, pour retrouver l’image qui revient. Mais aussi une reprise de souffle, quand le souvenir fait rester en apnée un instant.

Comme dans un voyage raconté. Saint-Guilhem-le-désert (…).

C’est un flux sans aucun sens. Il n’y a rien à voir. Il n’y a pas à respirer. La foule est serrée. On ne voit pas les coins de rue.

Elle l’écrit à propos d’une visite dans un cimetière. Mais la phrase prend un sens qui éclaire tout le livre. On n’a pas le droit d’oublier.

Mais se souvenir est aussi une douleur. La tristesse est surtout présente dans le dernier texte, comme un adieu à ce qui a été évoqué, et aux saisons.

L’hiver puis le printemps sont passés. (…) Aujourd’hui la maison reste dans le silence. (…) Elle dépose les bouquets sur la table, en face des trois couverts. Elle accomplit ces gestes à côté d’elle-même. Elle pleure. Elle pleure tout ce qui s’est défait.

Cependant ne pas oublier le titre, car il inscrit la démarche dans l’inverse de la tristesse, le parcours proposé montrant la force des moments vécus, de l’attention au concret, d’une présence corps et âme à la beauté des choses, à une lumière dans tout.

LIENS...

Les jours suffisent à son émerveillement, la page des éditions Unicité... http://www.editions-unicite.fr/auteurs/BLANCHARD-Anne-Lis...

Maison des écrivains et de la littérature, sa pagehttp://www.m-e-l.fr/anne-lise-blanchard,ec,831

Bibliographie et citations sur Babeliohttps://www.babelio.com/auteur/Anne-Lise-Blanchard/247826

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les jours suffisent à son émerveillement,anne-lise blanchard,seule biskra,henri touitou,éditions unicité,unicité,poésie,exil,nostalgie,mémoire,humanismeSeule, Biskra. Le personnage principal du livre d’Henri Touitou est une ville, celle de l’enfance, d’un exil, ville regrettée passionnément. C’est l’histoire d’un retour pour tenter de mettre du présent dans une réalité qui échappait. Il faut dire que sa ville a tout pour fasciner, entre montagne et désert, ce désert qui fascine même ceux qui sont nés loin de lui. La ville d’enfance a été rêvée constamment, mais l’exil l’a éloignée, et on peut craindre de l’avoir en partie inventée. Elle est particulière, car au sud-est de l’Algérie c’est une ville à la frontière du désert envoûtant. Retourner c’est accepter de reconnaître sa nostalgie et décider de l’affronter.

Ce ne peut être qu’un voyage vers soi-même car avec la nostalgie il y a plusieurs rapports possibles.

S’y enfermer en ressassant des regrets inutiles et risquer de changer la vérité du passé et des lieux.

Revenir et comparer le réel et le rêve (ou fantasme).

Revenir, ou pas, mais penser autrement son identité, en se sachant aussi de tout lieu autant que d’un seul. Né là ou là, par hasard. Enfant là ou là, par hasard. Se savoir multiple c’est faire un grand écart intérieur, exilé sans l’être car le lieu perdure, en soi et loin de soi, mais réel.

Henri Touitou décide un accomplissement singulier, en se référant à William Wordsworth refusant l’affliction, bien que rien ne puisse ramener l’heure de cette splendeur dans l’herbe. Et reprenant son expression (point d’affliction) il affirme…

Non, point d’affliction et loin, je l’espère, de la tyrannie diffuse des regrets. Et il choisit d’entamer une sorte de reconstruction de conscience en se lançant dans le récit de ce lieu, de cette ville, enracinée en moi.

Sa ville c’est la lumière. Mais aussi, il le sait, le lieu qui figure une nostalgie des origines (il évoque Mircea Eliade), qui dépasse la simple histoire du lieu, du rapport avec ce lieu, pour signifier aussi un questionnement plus métaphysique, dont l’autre recherche serait à la fois une vérité et un masque.

Et donc il revient (très longtemps après), le vivant comme l’aboutissement d’une exigence vitale, la réponse à une urgence extrême. Il vit son retour accompagné des mots d’écrivains, ceux des Nourritures terrestres de Gide, ceux de l’écrivain algérien Hamid Grine, natif de Biskra, ou ceux du poète libanais Shafik Maalouf, un exilé qui écrivant sur le paradis de l’enfance le nomme là-bas, comme le font tous ceux qui traversent des frontières d’exil, et comme le fait aussi Henri Touitou… pour qui là-bas est aussi une blesssure.

Il marque une rupture dans le récit avec un poème. Poème de peintre, qu’il est. Anaphore, aussi (figure qui doit avoir un lien avec le travail sur la mémoire…), reprise du groupe Retourner là-bas. Comme si le désir avait besoin de s’écrire d’abord pour s’accomplir. Le poème ne dit que le lieu, sa beauté, comme un écrin. Suivent des exergues intérieurs, pour introduire une étape du livre. Lawrence Durrell sur le lien avec le paysage originel, et Herman Melville, pour l’importance de la mémoire.

Dire le sens de l’écriture sur cette perte et ce retour.

J’écris pour faire lien avec une perte, une absence. (…)

J’écris pour ne plus être dans les creux et les secrets.

Pour faire trace, pour se sentir vouloir exister (il cite Cioran). Au-delà même des mémoires de guerre (Algérie), guerre, affrontée comme une énigme, comme la noire béance ouverte en lui par la perte.

Évidemment Ulysse est là. Le méditerranéen mythique. Ulysse de Gabriel Audisio et de Michel Diaz (voir mes recensions sur leurs livres), mais pas le même, chacun en a une vision. Ulysse de la mer, qui est une sorte de patrie transférentielle. 

Conscient d’un effet de sidération, résultat d’un ensemble (guerre, exil) il fait appel à la hache de Kafka, qui fend la mer gelée en nous. Comme si cette fois la hache du livre était de celui qu’il écrit, lui, même si des auteurs le peuplent.

Il est donc là, revenu à Biskra. Or la terre ce sont aussi des êtres. Et voici une silhouette connue, une femme, Arafa, élégante, là par hasard car vivant maintenant à Alger. Un beau portrait de femme à la conscience libre. Et au café ce sont des échanges avec des collégiens d’autrefois, vieillis bien sûr, des visages reconnus (Moustafa, Selim, Abdelhamid)…  Et puis la rue, sa rue, sa maison. Mais le temps efface les marques…  Rencontre, aussi, d’architectes, avec qui il sort de la ville.

Autre visage, littéraire (et mystique), Isabelle Eberhardt, qui séjourna à Biskra…

Retour et regard. Rappel du rôle de la peinture dans sa vie, le visible recréé pour retrouver un ancrage autrement. Et, signe troublant, un livre dans la bibliothèque du collège, lu autrefois, et toujours là, au titre conforme à ce retour, Un homme se penche sur son passé. Passé, le nouveau nom d’une place est aussi celui, il s’en souvient, d’un massacre (El Halia, 20 août 55). J’ai lu le livre de Louis Arti, poète-chanteur, sur cela, El Halia, Le sable d’El Halia (il est un des rares survivants, enfant, de ce village de mineurs). L’ombre d’une tuerie su la beauté de la ville retrouvée.  Cela prend sens des pages plus loin, quand Henri Touitou parle du rituel mystique, imaginaire, que serait tracer un fil symbolique, pour s’arracher au néant obscur de la haine, mais aussi au silence et aux larmes. Pour rejoindre quelque chose de sacré, là où tout redevient signifiant. Retour guérisseur, au sens que lui donne Jankélévitch qu’il cite (par le biais du retour, par l’aller et retour).

LIENS…

Seule, Biskra, la page des éditions Unicitéhttp://editions-unicite.fr/auteurs/TOUITOU-Henri/seule-bi...

Henri Touitou peintre, page Singularthttps://www.singulart.com/fr/artiste/touitou-henri-14429

Page sur le site de Véronique Chemla, présentation complète, et explications très intéressantes qu’il donne de sa démarche (peinture et écriture)... http://www.veroniquechemla.info/2010/10/le-peintre-henri-...

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29/06/2022 | Lien permanent

À L’Index n°45. Une revue de littérature, poésie et prose

à l’index,le livre à dire,poésie,récits,jean-claude tardif,revues,citations,recensionsVoilà une lecture faite dans un contexte problématique, de faits qui pourraient détourner du temps des poèmes, cette actualité désespérante et les souffrances de tant de gens… Je lis et j’écris, avec en moi l’image des villes détruites d’Ukraine, et dans l’oreille le cri d’atroce douleur de la mère dont le fils vient d’être pendu par volonté du pouvoir dictatorial, Iran. En surimpression, des visages de femmes rejetant leurs voiles et dansant au péril de leur vie, et d’autres, ailleurs, Afghanistan notamment, ne pouvant même plus marcher dans les jardins (même enfermées sous leurs voiles cela leur a été interdit) et enseigner à leurs filles les met en situation de subversion méritant prison ou mort.

On critique souvent Facebook… Et pourtant, alors que nous nous sentons tellement impuissants (à part le geste virtuel de signer des pétitions, ou le choix de marcher dans les rues en soutien) cet outil nous permet d’être en contact avec des êtres qui sont, certains et certaines, dans ces lieux de désespérance, et ont besoin de trouver des interlocuteurs pour… dire. Pour eux ce réseau est une porte (pratiquée avec prudence). De même ceux qui, réfugiés à peu près en sécurité, veulent informer. Et la traduction automatique (même quand elle n’est pas très bonne) permet de dialoguer avec des locuteurs de langues dont on ignore tout… 

Quel rapport avec la lecture de la revue ? Tout. Car dans ces échanges la poésie est présente. Dans le pire du dénuement (au sens de la privation de liberté ou de sécurité) des poèmes sont écrits. Et, quand une politique génocidaire veut détruire la culture autant que les vies, soutenir la culture et offrir le miroir de l’espoir en continuant, ici, de croire en la force du poème, de l’écrit, c’est une réponse. Or lisant les autres on renforce cette force et cet espoir.

Et d’ailleurs, dans ce numéro d’À L’Index, un poète ukrainien est présenté et donné à lire.

Donc je lis. En commençant par les quatre pages de l’éditorial de Jean-Claude Tardif, son introduction, Au doigt & à l’œil… Je retrouve son agacement devant des demandes ou exigences de certains qui ne tiennent pas compte des réalités de la vie et survie des revues. Lassitude, car rien n’est simple et les coûts sont lourds. Autre agacement, causé par l’ego surdéveloppé de certains auteurs qui n’occuperont donc pas de pages, ou plus. Car il préfère ceux qui sont curieux des autres. Oui, j’adhère à cela. Et au choix de l’indépendance d’une revue qui vit sans demander de subvention pour ne pas avoir à supporter des conditions… Plus loin, dans la deuxième partie de ma recension, je rends compte de sa nouvelle.

Je fais un premier parcours. Les poèmes. Puis je reviens ensuite en arrière pour des nouvelles (en général j’en suis moins lectrice mais si quelque chose m’accroche alors je lis…) et récits (qui m’intéressent surtout quand ils rejoignent une parole presque autobiographique - ou plus). Mais juste après les poèmes, je commente le texte de Fabien Sanchez, car à part, inclassable, et chargé de poésie diversement… Et, pour finir, suit la recension, pas oubliée.

Parcours sélectif et subjectif. Rien d’exhaustif. Mais d’autres pourront avoir des préférences contraires et en parler. Car même s’ils n’ont pas de blogs ou de sites, les auteurs publiés là peuvent publier des recensions (ou simples notes de lecture, des brèves) pour citer et nommer, sur leurs pages Facebook et peut-être partager dans des groupes… Certains le font.

POÉSIE.

De Patricia Castex Menier, Poème inédit, p. 9-10

Un texte très émouvant, qui évoque un deuil, et la non-espérance d’éternité, avec cependant une paradoxale attente de ce qui pourrait contredire le néant et l’absence.

Citation (les derniers vers)…

 

J’ai

renoncé depuis longtemps

 

à

l’idée merveilleuse de l’âme

 

mais

je me demande

 

s’il

n’existe pas

un dernier état de la matière

 

qui

pourrait tout de même

me donner de tes nouvelles

……

Cinq poèmes inédits, de Gérard Berreby (textes sans titres), p.17-21

On déchiffre l’aveu d’inquiétudes existentielles, des questionnements et des fragilités simplement authentiquement humaines, créatrices d’espoir et… force.

Citation (p.20)…

avec les mots de tous et de chacun

tu t’inventes

tu sais la force inébranlable

venue de loin

des astres divins

l’éclair de ta parole

se fend contre le vent

féroce

……

L’Office des Laudes, de Michel Baglin (1950-2019), p. 22

Avant de mentionner le texte, un rappel. Lui, curieux des autres il l’était. Tenant des rubriques poésie, publiant des recensions (que ce soit à La Dépêche du Midi ou dans des revues de poésie). Et ayant créé un blog, Texture, que j’ai beaucoup fréquenté. Hélas il n’est pas maintenu (sauf des bribes, le début des notes, pas la suite…). Tristesse de voir de tels travaux disparaître. Mais je note le lien, pour mémoire. En regardant à gauche vous verrez la longue liste des auteurs ayant fait l’objet d’une mention.... http://baglinmichel.over-blog.com/

Le texte. Un poème en prose qu’il faut déguster ligne à ligne, car il offre le partage d’une contemplation, regard sur la beauté de la nature et de la vie. Et cette ombre, qui se glisse en écran entre l’émerveillement de l’éblouissement et celui qui regarde, n’est que la conscience de l’éphémère, la perspective de la mort.

Citations, deux extraits…

    On en oublierait presque le qui-vive pour ne plus qu’écouter l’office des laudes, les louanges venant aux yeux avec les larmes de qui s’évade au petit matin par la fenêtre, quand la beauté s’impose et plane avec le milan noir au-dessus des berges, des champs, des chênes, de l’or éteint des feuilles du dernier automne.

(…)

    C’est à peine que déjà on se demande combien on en verra naître encore de ces printemps sauveurs qui donnent à la vie sa mesure pleine

    Celle d’un bourgeon défroissé, d’un instant d’éternité, d’une parenthèse dans le néant.

……

Les mères sont très faciles à tuer (extraits), d’Anne Barbusse, p. 44-48

Texte bouleversant car il vient profondément du corps autant que de la dimension des émotions, des douleurs. Ode souffrante de mère et aux mères, la complexité des vécus d’enfantement et la difficulté des liens et des déchirements.

Citations

je trace le trait qui fend le temps

et je ne parle qu’aux amants floués et doubles

je ne vois pas venir le fils, l’enfant ennemi,

dans mon jardin grandissent l’herbe le désarroi et le lierre

fille éblouie de toute désolation mûre

si tu savais vivre légère entre les mensonges des maisons

(…)

sur le bitume et sur la ville je tâche de marcher ma solitude

la terre brune ne me parle plus la langue du monde

j’ai la parole fauchée par les désastres

je vomis du silence

(…)

quand les enfants deviennent des hommes une grâce tombe des branches des arbres

l’univers se durcit

(…)

(…) j’ai fait un bouquet de lavande pour respirer encore – je survis, déplacée, pleine d’exil, striée de colère mi-animal mi-femme, déracinée de l’enfant, très coupable de rêves

……

Tournant les pages je remarque d’abord le nom du traducteur (et poète), Roberto San Geroteo. Donc je lis attentivement…

Cahier de Berlin, de Jorge Riechmann, traduit du castillan, p. 49-55

Onze poèmes extraits d’un recueil (Cuaderno de Berlin, publié à Madrid, dont l’auteur est natif, et un douzième, pris dans un autre ensemble, Cantico de la Erosion. Les deux ouvrages édités par poesia Hiperion).

Dès le premier poème c’est une parole d’exilé. Je le note en entier (citations, ensuite)…

Conseils pour étrangers

   Dans la ville où tu ne pourras

   dire la vérité,

   la dire.

   Dans la ville où tu pourras

   dire la vérité, travailler

   à ce qu’elle se convertisse en mensonge.

Janvier c’est de l’eau dans le canal de Landwehr

   Berlin, 1919. Janvier c’est de l’eau dans le canal de Landwehr

   où peu à peu s’effacent les mains

   de Rosa Luxembourg.

Évocation de Rosa Luxembourg, à qui le douzième poème, celui de l’autre recueil, est consacré. Donc référence très signifiante.

Suit un poème, Scène d’enfance, sur la cruauté inconsciente de l’enfance (la souffrance animale…). Acuité des perceptions et des ressentis. Je comprends l’intérêt de Roberto San Geroteo pour ce poète. Je trouve la même exigence, la même conscience des réalités sociales et historiques, les mêmes refus, la capacité du refus…

Ainsi, dans un autre poème…

Ville sous la neige

   Parmi tant de paix feinte on dirait qu’il est possible

   de se désintéresser du monde en tant que chose finie

   et d’abandonner mes jours d’un doux coup d’épaule.

Mais aussi la pensée de la mort, des morts, avec des images de cauchemar, dans un fragment en prose, Souvent le ressuscité réveille la mort. Et on peut comprendre que ce n’est que la réelle mort symbolisée par une rêverie volontairement noire, ou que cela parle aussi de la mort dans la vie, rejoignant les mains effacées de Rosa Luxembourg, celles d’une parole non entendue. Et que serait vomir l’agonie ? La mort des corps souffrants ou la mort dans la réalité des vivants, révélatrice de mensonges (ce qui rappelle le poème sur l’exil… Échos d’un texte à l’autre, et sens multiplié…

Citation (les deux dernières phrases, brèves)…

Et en cela consisterait la mort de chacun. Parfois j’ouvre les yeux en ce monde-là.

Mémoire, Berlin, toujours. Un poème,

Chaque nuit

   Se sont tues derrière

   un rideau de sang

   des régions chaque fois plus vastes du passé.

Et cependant, notation d’un espoir intime, Poème de la rencontre. En exergue, Pedro Salinas, sur le clair et sûr hasard.

Et enfin,

Brouillon d’une lettre à Rosa Luxembourg, p. 55

   Mais toi aussi tu parles depuis la trame du sang.

……

Autre traduction, un inédit, Robert Nash traduit de l’anglais américain par Françoise Besnard Canter.

Auteur publié par À L’Index, livres (voir 1984, édition bilingue, coll. Le Tire-Langue)…

Un poème, Old Jack. Le vieux Jack, publication bilingue, p. 56-57.

Évocation d’un métis amérindien, au nom caché, et porteur de la conscience gardée de son animal totem. Mémoire des vols de culture, de la violence de la domination. Et parole venant d’un autre savoir du monde, du rapport à la nature.

Citation… (le poète fait parler le vieux Jack.

Mon peuple, lui, est resté

et continue à prier cette terre, sa rivière

la baie où elle rejoint le ciel et s’endort

……

Traduction, encore. Un petit dossier sur la poésie afro-américaine d’aujourd’hui.

Trois poètes, traduits et présentés par Vladimir Claude Fisera. Poèmes en version bilingue.

La réalité des discriminations et des violences…

Billy Collins

Sur la mor

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12/12/2022 | Lien permanent

Présidentielle, 2ème tour...

présidentielle,démocratie,valeurs,humanisme,droits humains,propagande,extrême droiteJ'ai lu, sur un post Facebook,  une histoire signifiante. 

Une fourmi qui déteste un autre insecte vote pour l'insecticide. Résultat tous périssent, même le grillon abstentionniste. Et j'ajoute... Périssent aussi les pucerons électeurs d'un ambitieux éliminé au 1er tour, et leur tiers finissant chez l'insecticide. 

....  Mais lire ceci, un article de PhiloMag, plus sérieux mais rejoignant le sens de la petite histoire, un autre biais cognitif... Le paradoxe du poulet de Russell...  "Marine Le Pen n'a jamais été aussi proche du pouvoir... et pourtant, c'est comme si son élection paraissait moins dangereuse aux yeux de nombreux électeurs. Un paradoxe ? Plutôt un biais cognitif, dont Russell expliquait la nature de manière limpide."...  https://www.philomag.com/articles/marine-le-pen-aux-porte...

Autre analyse (lecture intégrale en ligne, aussi), PhiloMag. Candidats... et "vision, incarnation, narration"... Ce qu'ils en ont fait... https://www.philomag.com/articles/le-pen-contre-macron-un...

présidentielle,démocratie,valeurs,humanisme,droits humains,propagande,extrême droiteDonc, élections, 2ème tour. Les candidats éliminés s'expriment...

Fabien Roussel, Anne Hidalgo, Valérie Pécresse et Yannick Jadot appellent à voter Emmanuel Macron pour faire barrage à l'extrême droite. (Les divergences avec le président candidat s'exprimeront ensuite. Législatives... Et société civile.) Jean-Luc Mélenchon présente le choix autrement, disant de ne pas donner de voix à l'extrême droite (mais sans dire de voter Macron, et les sondages voient un tiers de ses électeurs pouvant se tourner vers Le Pen...). Il est évident que, logiquement, un électeur de gauche ne peut mettre un bulletin pour l'extrême droite, contraire à toutes les valeurs qui devraient être de gauche, car ainsi il prendra le risque de porter au pouvoir une dictature inscrite dans le programme, et masquée dans les discours... Et c'est, normalement, impossible aussi pour un électeur de droite républicaine, ou centre droit. Ceux qui feraient ce choix révéleraient leur réel positionnement antidémocratique.

S'informer, informer, suite...

Lecture du UN, hebdo. Deux dossiers importants, très riches.  Le poison de l'extrême droite. Et Peut-il perdre ? . Une chronique (Décrypter pour mieux résister) est particulièrement intéressante dans le premier dossier. Celle de Raphaël Llorca, qui explique ce que signifie la fenêtre de Joseph P. Overton,  lobbyiste qui avait trouvé des techniques de manipulation de l'opinion. Comment petit à petit modifier les limites de l'acceptabilité. Non de manière brutale, donc, mais par paliers. Les courants d'extrême droite utilisent ce mode de manipulation. D'abord donner de la visibilité aux idées qu'ils veulent faire passer (d'où l'importance des réseaux sociaux où les militants sont très actifs). Ensuite passer un palier pour que ce qui était juste au-dessous finisse par paraître plus acceptable, et continuer à en franchir d'autres, un par un. Puis provoquer aux limites de l'inacceptable, user la résistance. (L'exemple est donné de l'émission de Cyril Hanouna et des clashs qu'il organise, tout en ne se disant pas d'extrême droite : émission qui joue ce rôle, car ce qui choque fort adoucit ce qui choquait moins et ne choquera plus. L'animateur sert l'idéologie de celui qui le paye, son patron de chaîne, le propriétaire)...  https://le1hebdo.fr/journal

Comparaison des deux programmes... (on peut les consulter ailleurs aussi). Où on voit que l'image lissée de Le Pen cache un durcissement de son programme. C'est toujours clairement un programme d'extrême droite, antidémocratique. Et ce qu'on lit, autour (et ce qu'on sait) des liens avec Poutine...  a de quoi inquiéter. Le Monde... https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/04/11/e...

présidentielle,démocratie,valeurs,humanisme,droits humains,propagande,extrême droiteLe Pen ment. D'un côté les sourires, de l'autre les projets. Ainsi son programme veut remplacer "égalité" par "préférence nationale". Projet inconstitutionnel qui mettrait la France hors des droits humains, hors de la Déclaration des droits humains. Elle dit vouloir supprimer la redevance audiovisuelle pour aider le budget des citoyens. Mensonge. Le but est la privatisation pour le contrôle (voir article ci-dessous). Elle se dit plus européenne, mais elle veut transformer l'Europe en Europe des nations, donc supprimer l'appartenance à l'Europe. Elle dit ne plus vouloir sortir de l'euro. Mensonge, en sortir serait la conséquence des autres décisions. Elle fait semblant de compatir aux souffrances des Ukrainiens. Mensonge. Dans des entretiens (télé) elle explique déjà comment resserrer les liens avec la Russie (telle que, celle de Poutine), quand ce qu'elle désigne comme "guerre russo-ukrainienne" serait fini. Non, ce n'est pas une guerre en réciprocité, c'est une agression, une invasion. Elle annonce déjà la soumission à Poutine, au moment même où les crimes de guerre s'amplifient, et comme si cette invasion et ces bombardements n'existaient pas vraiment (attente hypocrite d'un "traité de paix", dont on sait qu'il ne pourrait être, dans l'esprit de Poutine, qu'un point final mis à un anéantissement). Et elle ose parler d'un rapprochement entre l'Otan et la Russie. Elle pense le futur avec une Russie où Poutine serait toujours paisiblement au pouvoir, non contesté, non jugé, et soutenu par la présidente qu'elle rêve d'être. Elle est inaudible, et incompétente en politique internationale, elle qui, en plus, est capable d'attribuer à l'Algérie la présidence du tunisien ... Bourguiba. Une pareille ignorance atterre. Et enfin, quand elle dit vouloir améliorer la situation des plus pauvres et régler le chômage (contre lequel le président actuel a agi, commencé, dans le contexte de la crise causée par la pandémie), on sait que ce qu'elle veut organiser serait une ruine de l'économie. Elle cherche à séduire un électorat originaire du Maghreb, en parlant de "rapprochement" avec ces pays. Des pays dont elle ignore tout et dont son histoire montre le mépris qu'elle ressent plutôt. Quant à la laïcité, mensonge encore. Confusions... International, encore. Assad, le dictateur criminel, soutenu par Poutine : donc elle rétablirait des relations diplomatiques. Ami d'ami...

Le Pen, image lissée donc mensongère. Et programme FN/RN durci, toujours nettement extrême droite. Une autre analyse le démontre, Times of Israël... https://fr.timesofisrael.com/france-marine-le-pen-visage-...

Le dangereux projet de Le Pen pour l'audiovisuel public. Privatiser, pour tout contrôler...  https://www.liberation.fr/politique/elections/en-voulant-privatiser-laudiovisuel-public-marine-le-pen-montre-son-vrai-visage-20220412_O5GR3Q7YONEU3PEBU7GPXZT2NI/

Un oligarque proche des Le Pen... Soutien russe du RN en 2014 et 2017. (Et évidemment encore, trolls au travail). RTBF.be... https://www.rtbf.be/article/qui-est-loligarque-de-dieu-pr...

Oligarque russe et extrême droite, France24... https://www.france24.com/fr/europe/20220409-puy-du-fou-di...

À savoir, des sites russes officiels ont donné de faux résultats du 1er tour de la présidentielle. Attribuant le 1er rang, avec 28%, à M Le Pen. Et à savoir, aussi... Le RN a détruit des milliers de tracts destinés à la campagne présidentielle. M. Le Pen y était photographiée, souriante, serrant la main de Poutine. Mais les Français ayant montré leur hostilité, et leur solidarité avec les Ukrainiens, camouflage vite décidé. 

Film sur M. Le Pen, démontant la dédiabolisation mensongère. Par Caroline Fourest et Fiammetta Venner (il y a quelques années, toujours valable)...  https://vimeo.com/389716020

Puanteurs de la campagne et précampagne du RN. Des proches de M.Le Pen, la "Gud connection" (camouflée mais toujours bien présente autour d'elle) à l'origine des rumeurs nauséabondes sur Brigitte Macron, lui attribuant le nom de son frère pour faire croire qu'elle serait cet homme transformé. Immonde... https://www.streetpress.com/sujet/1649080404-derriere-fak...

Résultats du 1er tour Revue de la presse étrangère. Courrier international... https://www.courrierinternational.com/article/en-direct-p...

Bilan critique, entre les deux tours. Opinion Internationale, 01-04-22... https://www.opinion-internationale.com/2022/04/11/a-la-fi...

//// MISE à JOUR, 17-04-22 ////

Responsabilité historique... ce moment grave d'élection. Éditorial, Le Monde...
https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/04/11/president...

POPULISME de Le Pen, et détournement des institutions de la démocratie. Le Monde... https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/artic...

PROGRAMME Le Pen "résolument d'extrême droite". Par Raphaël Llorca, Marianne... https://www.marianne.net/agora/entretiens-et-debats/rapha...

Programme RN nettement d'extrême droite...Le Monde...  https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/artic...

Extrême droite et livres. Ce qu’elle fait quand elle a un pouvoir. Villes en France, pays ailleurs. ActuaLitté...  https://actualitte.com/article/105604/politique-publique/...

Vidéo. Raphaël Glucksman, sur les poutiniens, dont la principale, Le Pen... 
https://fb.watch/con7G9Hmzh/

Financement russe du RN, suite. Marianne...  https://www.marianne.net/monde/proche-du-kremlin-et-des-s...

Regard belge. Amélie Nothomb inquiète. Opinion internationale... https://www.opinion-internationale.com/2022/04/13/amelie-...

Vu du Royaume uni. Macron force motrice de l'Europe. Courrier international.. https://www.courrierinternational.com/article/vu-du-royau...

Le calcul de Mélenchon. Opinion internationale...  https://www.opinion-internationale.com/2022/04/13/ne-pas-donner-une-seule-voix-a-marine-le-pen-ou-la-rus

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12/04/2022 | Lien permanent

Revue DIÉRÈSE 88. Suite du parcours...

diérèse,les deux-siciles,daniel martinez,poésie,livres,citations,lecture d’imagesDans la note précédente, j’avais fait un parcours rapide de la revue, accompagnant la lecture de la recension de Michel Diaz et de son récit. Je mentionnais déjà l’intérêt de l’éditorial d’Alain Fabre-Catalan, que j’ai encore relu. Il écrit que la poésie s’inscrit « dans cette extrême tension entre le mutisme de l’existence immédiate et l’invention du langage face au foisonnement du réel ». C’est pourquoi, le poème qui est lu « ne se donne jamais d’emblée ». Je trouve que ce qu’il dit de la lecture pourrait s’appliquer aussi à l’écriture : « Rencontrer une parole autre qui retentit à l’intérieur de soi », permettre « un dialogue avec l’inconnu d’une voix qui soudain vous révèle à vous-même ». Car le processus est proche, écoute de sa propre voix, qui contient aussi une part d’inconnu et provoque une révélation à soi-même de ce qu’on ne savait pas avant que les mots du poème le tracent. Et d’une certaine manière la lecture est une écriture qui participe de la création du poème. Comme l’écriture est une lecture des signes qui deviennent langage en laissant émerger les mots de la langue qui travaillaient souterrainement en soi.  C’est d’ailleurs ce qu’il propose aussi pour penser le poème comme « expérience de soi à travers l’écriture ». Je retiens les mots « énigme », concernant poète et lecteur, et « déchiffrement » comme opération de lecture (mais elle succède au déchiffrement premier de notre part d’inconnu que le langage va traduire). Dans les deux moments, écriture et lecture, c’est la possibilité d’un accès à cette « énigme » qui fait qu’écrire ou lire un poème est vivre un triple « franchissement vers un au-delà de soi-même » (poème, poète, lecteur). Et encore plus quand le lecteur est aussi poète qui déchiffre « un au-delà de soi-même » en écrivant ses textes. Sachant que le poète authentique ne naît que par ses lectures de ceux qui l’ont précédé et de ceux qui vivent dans son temps.

Alain Fabre-Catalan appuie son texte sur deux citations de Claude Esteban, hommage à un auteur qui savait « épouser mieux l’obscur / pour avancer ».

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Ouverture… Citation en page-titre intérieure :

Chaque poème est un monde neuf qui nous reçoit

Comme si nous l’avions toujours connu. 

Claude Albarède

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[SOMMAIRE de la note : Illustrations / Poésie du monde / Études / Citations (poèmes) / Quelques recensions]

Regard sur quelques illustrations

Les deux pages de couverture de Pacôme Yerma sont très différentes. D’abord un pont de bois, tonalités douces et structures verticales de soutien prenant plus d’espace que le pont lui-même. Et géométries colorées en 4ème de couverture.

De Daniel Abel, page 103, on croit voir une sculpture en dentelle. Comme si c’était suspendu dans l’air, avec des fleurs colorées qui flotteraient derrière, vues à travers une fenêtre imaginaire, bordée de feuillages tracés par des fils.

De Daniel Martinez,deux créations très différentes. Page 20 une sorte de géométrie végétale, très colorée. Alors que page 173 c’est une trace calligraphique très épaisse, noire sur un fond textile de gris et blanc. L’écriture, dans sa densité.

C’est émouvant de retrouver un graphisme de Jean-Claude Pirotte, page 251. Traits qui figurent un paysage, où on peut deviner deux arbres, et penser à des mains, celles du poète qui dessina et écrivit (et publia aussi tant de chroniques sur les recueils des autres, de semaine en semaine). Les quatre traits qui se rejoignent pour dessiner un ciel imaginaire tracent une expansion vers un possible cosmos deviné.

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Poésies du monde, trois domaines : portugais, anglais, chinois. Trois ouvertures à des univers.

Je relève, des textes de Nuno Júdice traduits par Jean-Paul Bota, un fragment du poème Cours d’architecture :

Il y a des mots qui ont le poids des pierres, et lorsqu’ils

tombent sur le sol de la strophe brisent les vers, laissant

un sillage de césures et d’ellipses sur leur passage. Je mets

de côté ces mots, et ils s’accumulent

comme les restes d’une construction dont personne

ne connaît l’architecture.

Du poète David Gascoyne, traduit par Jean-Yves Cadoret, il est dit qu’il était « persuadé que la réalité serait intolérable lorsque l’on en exclue une dimension métaphysique, dimension qu’il s’attache alors à explorer ». Il y a des périodes dures dans sa vie, comme celle d’un internement en hôpital psychiatrique, mais qui s’achève par la rencontre de celle qui devint sa femme, psychiatre qui connaissait ses poèmes.

De lui je note d’abord une strophe du poème Apologie (en exergue, Pascal). Ce fragment semble exprimer ce qu’est la poésie pour lui : « désir absurde », écrit-il, à comprendre comme l’expression d’un paradoxe qui correspond à l’authenticité d’une démarche (cette tension qui est mentionnée dans l’éditorial d’Alain Fabre-Catalan).

Avant de retourner

Enfin au silence, je veux tenter

Une dernière fois de prendre langue pour dire

Que mon désir absurde était de composer

Un poème définitif à la seule lumière de l’œil

Intérieur, dans la droite ligne

De cette Vérité scrupuleuse que je traque

Avec la Poésie. Mais peut-être

Seul le poème que je n’écrirai jamais est-il vrai.

Et, autre poème, où la consumation serait rivage de réussite (ou d’échec si elle n’a lieu) pour l’humaine création) : « soleil », « lumière », « feu »…

Soleil de septembre : 1947

Que nous consume un feu sans aliment pareil au tien

Et qu’en moi son or vif soit frappé

À la juste saison, sans être

Transmué aux fins médiocres de la muette

Et vaine usure.

Bien sûr je m’intéresse au domaine chinois, pour lire beaucoup les grands textes fondateurs. Mais là c’est un poète moderniste que je découvre, Mu Dan (1918-1977), traduit par Guomei Chen. Il faisait partie de l’École des neuf feuilles, et fut interdit d’écriture pendant vingt ans par le parti communiste chinois… Il compensa en traduisant…  Les deux poèmes publiés là datent de 1938. Il est présent dans Anthologie de la poésie chinoise (1912-1949), éditions Les Deux-Siciles, 2023.

Les deux extraits que je choisis sont proches des poèmes de la contemplation de la nature qu’on connaît par la poésie des Tang, ces écrits qui sont des méditations par le regard. Mais l’écriture est différente, et le point de vue.

Je suis des yeux

Je suis des yeux les nuages errants peu à peu empourprés

Lesquels, sans le vouloir, émerveillent la terre qui les contemple.

...

Le jardin

Quand par un sentier en friche, je franchis cette porte,

Derrière elle les jours passés restent enfouis,

La mélancolie telle une herbe verte, et la jeunesse, telle une fleur rouge.

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Après les études et essais, CITATIONS (poèmes), puis quelques RECENSIONS...

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Les ÉTUDES, ESSAIS, offrent des ouvertures assez passionnantes. 

Chant du monde, monde du chant

L’hommage que Jean-Louis Bernard rend au poète et éditeur Henri Heurtebise (1936-2023) me touche particulièrement. J’ai certaines de ses publications et je me souviens de dialogues avec lui au Marché de la Poésie. Il m’avait invitée à lui adresser des poèmes pour Multiples (sans doute ayant lu quelque part quelque chose) et je n’avais rien envoyé, étant dans une démarche de longue maturation et de retrait dans un silence dont je faisais une démarche d’exigence, pensant que publier devait correspondre à la  certitude d’avoir rejoint un sens du Tout qui pouvait alors oser se transmettre (j’attendais alors de moi ce que j’attends des autres).  Par Multiples j’avais découvert Monique Rosenberg

Jean-Louis Bernard rappelle qu’Henri Heurtebise « aura sacrifié une bonne partie de ses propres respirations poétiques à la musique des autres ». Et il note « l’image » comme « un des ‘essentiels’ » de son écriture. Il voit en sa poésie « irruption du sacré (pas forcément religieux mais si proche du secret) »

Par le « silence », et « la lenteur de l’écriture »… « débroussaillant ainsi la route de l’indicible ».

Que ce texte nous fasse le relire…

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Tentative d’épuisement d’une case de bande dessinée

Plusieurs pages de Vincent Courtois (pp. 221-228) sont consacrées à l’analyse d’une case du Lotus bleu, où on voit Tintin devant une tasse de thé, et la tête d’un espion derrière la vitre, plus Milou regardant Tintin (ou le thé fumant). Dans ce texte se rejoignent deux de mes passions, le déchiffrement de l’image et la culture chinoise. Car Vincent Courtois va utiliser (en expert…) « la méthode opératoire du Yi king », Le Livre des transformations, parce que dans la case étudiée il y a un retournement en gestation. Un hexagramme peut être associé à l’image, et un suivant à la mutation annoncée. C’est inconsciemment qu’Hergé a inscrit la portée de ces hexagrammes, mais pas sans lien avec sa connaissance des significations culturelles de la pensée chinoise. Le texte développe la méthode de l’élaboration de la réponse du Livre du Yi king par le tir des baguettes renvoyant à un hexagramme. C’est complexe, le sens est une philosophie de la conscience de l’éphémère, une sagesse qui sait que tout est mutation. La démonstration est savante, mais expliquée précisément. La case prend sens, et la bande dessinée entière devra être relue autrement.

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Mathias Lair, dans Le trou noir de la poésie, dit ce qu’il a retenu du livre de Martine Broda sur le lyrisme, « porté par le désir, lequel creuse un manque à être chez le sujet ». Objet du désir « sublimé », donc en quelque sorte anéanti, le désir est alors écrit comme une abstraction « sans objet ».

Mais le sujet est la poésie… « Les plus heureux parmi les poètes parviennent à ce que Rilke appela ‘l’ouvert’, ce que Bonnefoy appelle ‘l’arrière-pays’ que je comparerai à un trou noir où le sujet disparaît en se multipliant, c’est-à-dire se confond avec l’univers entier, dans une extase matérielle. »

Très intéressant ce concept de trou noir emprunté à la cosmologie.

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Solitude et communion de Gustave Roud

Gérard Bocholier propose un parcours de l’itinéraire d’écriture et de vie de Gustave Roud, dont il loue la « prose incandescente ». Poète solitaire, en retrait, conscient de son « effacement », comme il l’écrivit à Philippe Jaccottet qui avait rédigé une étude sur lui. La « communion » mentionnée est d’incarnation, dans une présence au monde, par la contemplation des paysages.

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CITATIONS (poèmes)

(Elles précèdent le parcours de quelques recensions).

Éric Barbier

Rester infidèle au regard

voir

reste une question

devant rester sans réponse

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Raymond Farina, Ettore Majorana ou la passion de s’effacer

Une lucidité stellaire

grâce à laquelle il traduisait

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20/03/2024 | Lien permanent

Lire ERRI DE LUCA. ”Europe mes mises à feu”, ”Le samedi de la terre”, et les poèmes...

1. EUROPE De Luca.jpgLes cendres du froid sont dans le feu qui chante le refus.
René Char
Feuillets d’Hypnos (recueil dédicacé à Albert Camus)
 
Voici notre vie pétrie sans levain,
du pain envoyé sur les visages des eaux.
Erri De Luca
Aller simple, 2002, Seghers, bilingue (trad. Danièle Valin, parution du recueil en même temps en Italie)
 
L’univers était liquide, il fut divisé en deux,
un dessus et un dessous d’eaux,
avec le firmament au milieu.
Erri De Luca
Œuvre sur l’eau, 2012, Gallimard, bilingue (trad. Danièle Valin, recueil paru en 2005 en Italie)
Cet essai, Europe, mes mises à feu, tient en quelques pages, mais il est très riche, et entraîne, à la lecture, vers des horizons qui vont au-delà des frontières de l’Europe, vers des thèmes qui transcendent nos ancrages, sans les nier. L’auteur parle de lecture et de poésie, c’est son entrée dans sa perception de l’Europe. Mais dépassant aussi ce qu’il peut dire, j’aborde, moi, indirectement, sa poésie, que je situe très haut. Je l'aborde en traitant de ce qu'il dit des poètes admirés, et du choc des lectures, avec cette révélation qu'il eut de ce que la poésie peut (et que seule elle peut).
J’avais découvert en librairie, par hasard, ce volume miniature d'Erri De Luca, écrivain italien que j'aime particulièrement. Trente pages de la collection Tracts de Gallimard (3,90 € !). Son propos est la défense d'une idée de l'Europe, contre les tentations du racisme et des nationalismes qui enferment, et il développe cela de manière efficace. 
Mais il traite le sujet en écrivain surtout, écrivain lecteur, et poète. Avec le regard de l’auteur du magnifique poème "Valeur": "J’attache de la valeur à toutes les blessures"...
Parlant de poètes, se référant notamment à Anna Akhmatova, à une réponse célèbre d'elle sur le pouvoir de la poésie. Citant des auteurs. Évoquant longuement Borges, dont il dit qu'il l'admire "plus qu'aucun autre écrivain du XXème siècle".
...
Sur la LECTURE je retiens notamment ces  passages : 
"J'ai lu dans le plus grand désordre, seul ordre adapté à un lecteur. Les systématiques ne veulent pas lire, ils veulent avoir déjà lu." (...) "Je suis un lecteur, même si dans ces pages je suis du côté de l'écrivain. Parce que je voulais lire, j'ai étudié des langues européennes...(...)... pour essayer de comprendre...(...)... sans l'intervention des traductions, qui sont une forme légère de frontière."
Oui, le désordre sert le hasard et les croisements de sens. Traductions, frontière sans doute... Mais je lis Erri de Luca en traduction, regardant pourtant la page originelle quand l'édition est bilingue. Merci, traducteurs, créateurs. Langues... Erri de Luca a même appris l'hébreu pour entrer dans la pensée philosophique et métaphysique que cette langue porte. Son entreprise de lecteur est un engagement radical, demandant un travail considérable que tous ne veulent pas faire. 
...
POÉSIE, avec un tel titre pour ce bref essai ? Oui, dès la première ligne. Erri De Luca en fait la source de son écriture. Il est écrivain pour avoir lu la poésie, et précisément celle du XXè siècle, car à la violence de ce siècle ne pouvait répondre qu’une écriture forte, de radicale exigence, et c’est dans la poésie qu’il a trouvé cela : 
"J’ai été incité à la littérature par la poésie du XXè siècle. C’était la seule forme à la hauteur du siècle le plus meurtrier, carcéral et migratoire de l’histoire humaine.
 La poésie a pu répondre à la question : ‘Est-ce que vous pouvez décrire ça ?"
 
Erri De Luca consacre deux pages à la réponse que fit Anna Akhmatova, interrogée par une femme qui attendait avec elle la possibilité, incertaine, de visiter un proche emprisonné à Léningrad (pour Akhmatova, son fils). Cette femme était-elle lectrice de poésie? Peut-être pas. Mais elle voulait savoir si son art rendrait la poète capable de dire l’horreur de ce temps :
 "Est-ce que vous pouvez décrire ça ?"
  Et Anna Akhmatova répondit : "Je peux". (Erri De Luca écrit aussi "Anna", juste "Anna", en intimité intérieure assumée : proche, car lue beaucoup…).
Pour la question et la réponse, je n’ai pas le même texte. J’ai la traduction du poète Paul Valet (directement du russe), quand, dans les pages de cet essai, les mots sont passés par le filtre de la traduction du russe en italien, puis de l’italien au français, par Danièle Valin. Paul Valet transcrit ainsi le récit  que fait Anna Akhmatova de ce moment (à lire dans Requiem, Minuit) : 
  "— Et cela pourriez-vous le décrire ?
    Et je répondis :
    — Oui, je le peux."
Erri De Luca, pensant à la femme qui questionna la poète, dit d’elle, que, même ignorante de son oeuvre, elle savait, du poète, qu’il est  "celui qui sait extraire les mots de la glace". En écho, on pourrait entendre que le poète est celui qui sait forger la hache dont parle Kafka, disant d’un livre qu’il "doit être la hache qui brise la mer gelée en nous". Ce n’est pas tout à fait pareil, mais cela se rejoint (et c’est bien plus que par intertextualité). Pour Kafka le seul livre digne de l’être doit nous heurter, nous secouer, nous sortir de l’inertie intérieure, d’un néant d’être, ou fatigue d’être. Pour Erri De Luca c’est aussi celui qui inscrira les mots que nul autre ne sait sortir du silence glacé des systèmes meurtriers, du totalitarisme, des exils forcés. Le poète doit pouvoir écrire en annulant les mutismes nés de la sidération devant la terreur, quelle qu’elle soit. Les annuler en lui, et en l’autre. Je comprends de cette manière l’expression "mes mises à feu" dans le titre. Et c’est pourquoi j’ai écrit "forger" la hache. Car c’est un feu en lui que cherche le poète pour écrire. (Et je ne suis pas étonnée de retrouver Lorca ensuite dans les références de De Luca : on est, sans qu’il le formule, dans l’univers du duende, cette tension qui fait œuvre.) La poésie qu’aime Erri De Luca sait être une alchimie. Pour cette transmutation d’un élément à un autre, pour la mise à l’air de ce qui est caché et froid.
 
1 PAROLE.jpgErri De Luca sait de quoi il parle. Son livre-tribune, La parole contraire, affirmait ce pouvoir : prendre la parole pour ceux qui ne sauraient dire, et refuser qu’on "entrave" sa parole. (Lors de son soutien du mouvement No Tav, contre la ligne à grande vitesse du val de Suse, qui lui valut un procès). Force qui part, pour lui, d’une sorte d’ascèse, par un parcours érudit d’un lecteur en langues, et un processus de mystique sans dieu ni dieux. Force qui naît aussi de son vécu, matriciel, d’ouvrier.
 
1 Poésie 1  LUCA.jpgIl sait de quoi il parle, aussi, pour être poète lui-même. Pas seulement dans ses magnifiques méditations en prose que sont tous ses livres, mais dans ce qui est recueil assumé de poèmes, voulus poèmes.
Car, a-t-il dit ailleurs, dans une note en tête du recueil Œuvre sur l’eau : "À cinquante ans un homme se sent obligé de se détacher de la terre ferme pour s’en aller à la rue. Pour celui qui écrit des histoires au sec de la prose, l’aventure des vers est une pleine mer." (D’où le titre du recueil…).
 
Ainsi, dans les premières pages de cet essai se rencontrent deux êtres qui me passionnent autant l’un que l’autre, l’un très vivant, De Luca, l’autre morte, Akhmatova. Mais semblables par leur même attente de la poésie, le même savoir sur ce qu’elle est, la conviction d’être eux-mêmes capables de répondre à cet appel à traduire soi et le monde, en créant de la beauté.
Pour Erri De Luca la poésie est ce qu’il y a de plus haut ("la seule forme à la hauteur…"). Et, ajoute-t-il, parlant de la réponse d’Anna Akhmatova, "Je peux", que cette réponse  marque une frontière de sens  : "À partir de ce moment-là, chaque lecteur est en mesure de savoir qu’au sommet des littératures se trouve le point culminant, les vers."
2 POESIE LUCA.jpgHauteur, avec ce mot, un autre écho, encore (car ceux qui exigent le plus se rencontrent à ce niveau). Après Kafka c’est Jean Cohen, avec Le haut langage, théorie de la poéticité (je ne sais pas si Erri De Luca l’a lu), dont Michel Houellebecq avait fait une recension magnifique dans La Quinzaine littéraire de Nadeau, en adhésion totale, et une chronique ailleurs, dans Les Inrockuptibles (sur l'altérité radicale de la poésie, théorisée par Jean Cohen). Mais Cohen lu ou pas, De Luca se situe exactement au même niveau (alpiniste de vraies montagnes, il l’est d’évidence en poésie). 
Preuve en est son choix de la rareté. Un premier recueil en 2002 (avec un prologue très humble, comme étonné d’être là), Œuvre sur l’eau (Seghers), un deuxième… en 2005 en Italie, puis 2012 chez Gallimard : Aller simple. Des années, pour ne laisser s’écrire que les poèmes indispensables. Il pourrait dire, comme René Char, "Mon métier est un métier de pointe" (La Bibliothèque est en feu). Il est à la jonction de l’absolu mallarméen ("rien n’a lieu que le lieu") et de l’implication de Char (dont l'exigence se traduit aussi par le choix de l’ériture fragmentaire), mais qui écrit ceci, dans Sur la poésie : "Le poète se remarque à la quantité de pages insignifiantes qu’il n’écrit pas."
 
Dans les pages qui suivent celles sur Akhmatova, les textes qui représentent, pour De Luca, la "haute altitude", "l’allure de montée" des syllabes "scandées", ce sont les psaumes dits "Maalot" (Nous étions tels des rêveurs).  Ce sont les poèmes de  Federico Garcia Lorca, Giuseppe Ungaretti, Yitzhak Katzenelson (pour lequel De Luca a "voulu fouiller dans la cendre d’une langue européenne brûlée", le yiddish). Car dans ces œuvres on retrouve la capacité évoquée au début : répondre à l’horreur des faits. Car "Tel a été le poète, quelqu’un qui a transformé aussi le massacre en chant.". Formule sublime de force et vérité.
 
Ainsi la poésie, ce sommet littéraire, est aussi la parole qui va permettre de continuer à penser l’Europe plus directement. 
C’est Borges qui fait traverser la frontière entre l’univers du poème et celui de l’histoire en mouvement, pour ce continent qui nous est commun. Après quelques noms d’auteurs européens, il mentionne donc Borges, qu’il admire "plus qu’aucun autre écrivain du XXè siècle et je me l’explique par sa volonté de se planter dans la culture d’Europe, comme un pied de vigne américain.". Puis il dit sa dette envers Camus, et particulièrement pour la lecture de L’Étranger… 
...
C’est la transition, à développer, vers le 3ème sujet, celui qu’annonce le titre : l’EUROPE. Sur cela Erri De Luca a des choses fort intéressantes à dire - en écrivain, en érudit citoyen. Ce qu’il aime, et ce qu’il déplore. Et de nouveau la pratique de la lecture donne des réponses. 
 
L’Europe littéraire et sociale, donc, ses "mises à feu", ou les questions qui brûlent... J’ai lu ces pages d’il y a un an, au moment où on commençait à vivre tous une crise sanitaire - et économique - très grave. Les épidémies, l’auteur les mentionne : "Les épidémies aussi ont déterminé le sang commun européen". Mais c’était avant cette pandémie… 
 
Déjà, quand Erri De Luca parlait de lecture et de poésie c’était avec un intérêt passionné pour les langues et les cultures européennes (surtout quand elles étaient une réponse aux pires questions posées par la terreur). Jusqu’à s'immerger dans les traces brûlantes du yiddish. Parce que son "chant" prouvait que rien n’était indicible, et que c’était le signe que l’origine de l’Europe actuelle était dans ces mots-là.
L’Europe se donnait au lecteur à travers les œuvres de ses écrivains, la littérature traversant les frontières, les textes devenant des passeports.
 
Mais ces réalités positives ont leur face sombre, pour l’auteur. Car si l’Europe a une dette de langage "due à la Grèce", elle l’a trahie quand la Grèce a dû subir des contraintes monétaires, comme si ce qui venait de ce pays était oublié, nié. Première déception, cette injustice, après l’espoir d’un recommencement, suivant le saccage absolu porté au continent par le désastre infini du nazisme et de la guerre : "J’ai déploré la dette monétaire imposée au peuple grec et j’en accuse la Communauté européenne, coupable de disproportion ingrate".
Enfin l’Europe a oublié sa part méditerranéenne, et ce qu’était la Méditerranée. Et l’a tant niée qu’elle a nié, pour lui, l’étymologie de son nom, Europe (où Erri De Luca déchiffre en grec le symbole du passage, non le barrage). Il reproche à l’Europe d’avoir fait de la Méditerranée, qui fut l’espace des traversées culturelles, un lieu des "naufrages par mer calme". (On peut cependant objecter que l’Europe n’est pas la seule coupable, même si...). 
En tant que lecteur il avait dit qu’il "visitait déjà le continent depuis une chambre dans les ruelles de Naples". Voyage par les livres, puis voyage concret pour retrouver les lieux des auteurs, maisons ou cimetières.
Citant les auteurs européens qui ont compté dans cette perception du continent des peuples, il en nomme plusieurs, comme Heine, Celan, Strindberg, avant de parler surtout de Borges. Qui, pour ses récits  a puisé dans l’imaginaire européen : "Miroirs, labyrinthes, théologies, sont des outils européens". De Borges, dans La parole contraire, il avait noté que "ses labyrinthes érudits ont ouvert mon troisième oeil en me faisant découvrir la profondeur des sagas et des mythologies". Créant ses mondes, Borges rendait au lecteur européen des clés pour être européen. Distance et proximité, par une lecture de soi venue d’ailleurs. Et autant que de Borges il parle, là, de Camus, de L’Étranger, pour le "sentiment opposé, être un apatride intérieur", pour l’écriture de "cet exil intime", la rencontre de son "angoisse écrite dans un personnage".
 
L’Europe que souhaite voir advenir Erri De Luca est celle de la fraternité, des valeurs, et celle qui s’affirme comme "zone franche de la liberté d’expression". Celle qu’il refuse est celle des illusions nationalistes : "Racisme et nationalisme sont des pathologies avant d’être porteurs de paradoxes politiques".
 
L’essai est complété par des articles précédemment parus en 2015, et un en 2003.
Insistance sur l’importance de la Méditerranée. Économiquement "La seule réponse est une grande zone méditerranéenne. Cette mer est l’origine de la civilisation du continent et son futur aussi".
Insistance sur le drame des migrants (article Ceux qui les noient, 2015). Même mots, à distance, que Raphaël Pitti, méditerranéen lui aussi, natif d’Algérie. Tous deux disent : "ils ne sont pas des mendiants".
De l’ article Une forêt de gens, 2015, je retiens la métaphore qu’il emprunte à un évangile, celle des hommes que voit l’aveugle comme "des arbres qui marchent". Vision pour "une visée hors de portée, mais vers laquelle tendre en cherchant à s’en rapprocher". "Largeur" des "cercles" d’appartenance, largeur des pages de l’écrivain, "foisonnement de feuilles", faisant comme les arbres, ceux-ci "étalant en largeur leur ombre".
Et, pour clore, je note la dernière phrase de cet article, qui pourrait conclure aussi bien son essai. (Qui, lui, se termine par l’affirmation, essentielle pour Erri De Luca, de "la liberté d’usage des mots") : "Je m’arrête là avec l’espoir d’une pluie de roses sauvages".
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1 TERRE LUCA .jpgLe samedi de la terre, mars 2020… Voilà une invitation à poursuivre avec lui notre réflexion. En temps de crise, de confinement et de déconfinement relatif…  
Dans ce "tract de crise" Gallimard Erri De Luca réagit à la cessation forcée d’activité qui plonge les êtres humains dans une interruption obligée, pour combattre le virus de la pandémie. Il insiste sur l’inversion des valeurs qui a mis l’économie en retrait, soumise aux nécessités sanitaires. Et au-delà de ses analyses antérieures sur l’Europe c’est sur le rapport à la nature qu’il porte le regard, sur la planète. Il voit dans

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13/05/2020 | Lien permanent

Hommage populaire... Johnny.

johnny hallyday,jean-philippe smet,chanteur,chansons,artiste,populaire,voix,émotion,hommage,philippe labro,michel fize,nietzsche,en nous quelque chose de,rester vivant,rock star,paroles,visage,albert camus,frédéric vézard,hervé gattegno,kacem madani,magyd cherfi" En nous quelque chose de...". Quand un artiste populaire touche des millions de gens pendant des décennies...Un être qui a ému, même par ses propres fêlures, où d'autres se reconnaissent aussi... Une voix (et la voix c’est de l’ordre de l'âme). Très aimé. Il est allé au bout de ses rêves avec son chant. Un visage. Une vie dense et du don.

Ceci, qui précède, c’est ma première réaction, posée en post sur Facebook. Parce que cette mort m’a émue un peu comme ces foules. D’abord j’entendais le « ding ding dong… salut les copains ! » rappelé par les radios, symbole d’un commencement, d’espoirs et révoltes mêlés. Et je sentais que des choses disparaissaient avec lui, Johnny, de chacun de nous et de l’histoire de ce pays. Car ce n’est pas rien qu’un élan qui part de la musique et de la danse pour faire émerger plus tard une révolution de moeurs. Le rock lancé par un jeune qui bouge autrement et qui énerve la génération précédente, peut-être inquiète d’un mouvement dont on ne sait pas ce qu’il fera de la société et des destins. Rien de politique, en apparence, dans ces chansons de « l’idole des jeunes », dans les mélodies berçant des slows avec des mots. 

 

RESTER.jpgÉmouvant itinéraire qui suit les vies des uns et des autres, quand il se marie, et d’autres de même, divorce, et d’autres aussi. Miroir de nos fêlures, questions. Et énergie qui transcende. Donc il y a du sens. Et justement, lui, transforme sa vie en destin, qui parfois rejoint la tragédie, parfois se perd apparemment dans des galeries de glaces, mirages des grands, des fuites, d’autre chose, des souffrances et peurs qui remontent. 

Sauf qu’il rebondit. Et ceux qui l’écoutent avec lui (beaucoup de ses « fans » témoignent de passages de leurs vies où ses chansons, sa voix, les ont aidés, contre le désespoir ou même l’envie de mourir, ou simplement pour supporter un quotidien lassant ou trop solitaire, avant de retrouver un équilibre et de changer). 

Énergie. On aime cela, l’énergie de chanteurs ou acteurs (de ces artistes les plus populaires) qui font capter quelque chose de cette énergie corps-conscience qu’on sait tous avoir en soi : la voir ainsi transfigurée renvoie un écho. C’est peut-être cela, un mystère capté, qui fascine et fait aimer. Et des connexions d'inconscient à inconscient (individuel et collectif).

Lui en a plus que bien d’autres, de l’énergie. Et cela passe par un corps sensuel (donc une beauté de cet ordre), par des yeux au regard intense, un visage qui vieillit avec le temps (comme tous) mais qui, marqué, intensifie son expression. Ses visages successifs se superposent, puisque tous sont connus, et il est l’enfant blessé et l’ami contemporain ou même le père, tout cela.

Donc j’étais émue et j’écoutais plutôt avec plaisir les chansons passées et repassées (radio, télé). « Retiens la nuit », « Marie », etc. Diverses car paroliers divers suivant les époques, et de très bons. Des paroliers qui savent tous saisir (avec lui, donc par lui) ce que sa voix portera le mieux de lui, de son histoire même. Dont le rôle de ses femmes (les trois plus importantes). 

Émue, et énervée par des réactions stupides de certains snobs (comment dire autrement?), qui, réseaux sociaux, voulant montrer à quel point ils ne sont pas de la même engeance que cette populace, protestent contre les chansons qu’ils entendent de force (pourquoi ne pas fermer radio et télé dans ce cas?), contre l’hommage, indû (n’est-ce pas?), ces foules émotives et, même, les personnalités qui disent leur peine. Commentaires agacés sous les articles ou posts contraires à leur malaise. Mais ceux qui assument d'apprécier ce chanteur "populaire" assument d'abord leur appartenance à autre chose qu'à des élites sociales se reconnaissant entre elles et balisant des frontières. Même s'ils sont très diplômés, et créateurs autrement. Sans doute conscients de racines sociales humbles, et d'une proximité avec leurs "pareils", dans le fond... 

Mais, quand j’ai vu les images du défilé menant le convoi funéraire à la Madeleine (ou de groupes, ailleurs, rendant hommage en chantant dans d’autres villes), j’ai aimé cette foule capable de tant d’amour, pour avoir reçu, longtemps, des chansons. Je regardais les visages, écoutais. En me disant que ce pays était spécial, d’être capable d’un tel ensemble dans le chant ou le grand silence, élan de foule sans le désordre passionnel des foules (comme pour la marche silencieuse après les attentats : ou pour écouter Johnny Hallyday chanter ensuite ce dimanche de marche, à République). Et que ces gens me plaisaient, somme d’individualités sympathiques, soudées par le partage. Je me demandais quelle impression cela pouvait faire de l’étranger (nous trouvera-t-on ridicules ou touchants ? étranges ? remarquables à notre façon ?). Peu importe. Symbole fort que la place du chant, de la musique, des foules sans peur, dans le contexte actuel des haines intégristes de la musique et des menaces terroristes. 

Un enfant, dix ans peut-être, interrogé par un journaliste (étonné de le voir, ému, chanter avec les autres, connaître les paroles comme les adultes) répond : « Bien sûr qu’on peut aimer Johnny quand on est un enfant. Il n’y a pas d’âge pour aimer Johnny ! ».

Un jeune homme dit être venu de Hong Kong et repartir le lendemain. Trop important pour lui. 

D’autres, la génération du chanteur, ont l’émotion de la mémoire d’adolescence, lointaine… La peine de la mort de ses jumeaux d’âge… prescience de la sienne. Et l'empathie pour ses intimes (quatre enfants, femme, ex-épouses,amis), tout le monde sachant les deuils. 

Philippe Labro, parmi ceux qui ont parlé devant les proches et les moins proches, a évoqué (enregistrement, télé, émission spéciale) Nietzsche, le citant, pour rappeler que l’homme (l’humain…) est « une corde tendue au-dessus de l’abîme »). Oui, je le pense, Johnny Hallyday en était une figure, tendue au point de craquer parfois, s’étant brûlé aussi. Et finalement, emporté par la maladie , comme bien d’autres. Mais artiste jusqu’au bout, pour affronter l’abîme, ou lui présenter un visage sans renoncement.

J’ai écouté (émission spéciale, télé, encore) le sociologue Michel Fize, qui, reprenant la formule d’Emmanuel Macron (qui a réussi son hommage) dit préférer le terme « héraut » à « héros » pour Johnny. Car, expliqua-t-il, porteur d’une parole de liberté, la chanson devenant une thérapie qui guérit (preuve : des témoignages). La variété, a-t-il ajouté, est un genre noble. D’où le « merci » exprimé par beaucoup (et inscrit sur la tour Eiffel…). 

C’est donc un jour particulier, un événement riche de sens, même si nous sommes, pour la plupart, plus observateurs qu’acteurs présents dans la foule. Par l’émotion à la nouvelle de la mort du chanteur. Et par la manière dont cela a été exprimé et porté de la foule anonyme aux personnalités connues (politiques aussi, sauf M. Le Pen, refusée par la famille), jusqu’au pouvoir, président actuel et présidents récents… Tous touchés vraiment. Effet d’onde.

Populaire, marque d’une certaine vérité, pour l’art. Les gens ne viennent pas aux concerts par hasard, pas parce que la pub est bonne (cela ne dure pas), et ils n’achètent de disques que pour les écouter… Tous avec … « Quelque chose de Tennessee », dans l’oreille et symboliquement.

Et ce malgré la distance qui fait qu’on apprécie de loin, sans connaître plus que son art, un grand chanteur, d’une génération mais pour plusieurs… Distance mais perception de pans de vie, autre connaissance malgré tout. Et un visage peut suffire à capter beaucoup.

VOIX… Une voix, et c’est beaucoup. On sent inconsciemment que c’est plus que ce qu’on croit, une voix. Cela vient d’un corps et de beaucoup plus qu’un corps. Cette voix traduisait une énergie d’amour, c’est cela que les gens sentaient, et ils savaient que l’énergie circulait, trouvait en eux le point dense qui répondait. Le peuple (simple et divers, peu lettré ou très cultivé, mais dans tous les cas instinctif) a des intuitions pour reconnaître un mystère qui lui parle de chacun. Un peuple, cela peut devenir une foule haineuse, si des meneurs la manipulent, des autocrates avec du charisme. Si le peuple n’est que foule il peut être très bête. Mais là, justement, les foules aimant Johnny Hallyday, et lui rendant hommage, n’avaient de collectif que le partage, et restaient une somme d’individualités. Visages devant un visage. 

MUSIQUE… Une cérémonie de deuil qui laisse la joie d’être passer. Et la joie de la musique. Rock, bien sûr, chansons, et le rappel (par La Quête, pour clore la cérémonie) de ce que Jacques Brel représentait pour Johnny Hallyday.

LIENS… 

SITE officielhttp://johnnyhallyday.com 

Fiche wikipediahttps://fr.wikipedia.org/wiki/Johnny_Hallyday  

Paroles des chansonshttps://www.paroles.net/johnny-hallyday 

Écoute, sur Deezerhttp://www.deezer.com/fr/artist/1060  

Articles… Le Monde, 06-12-17, « Notre seule rock star »…http://lemde.fr/2AGM1Ht   

Parcours de vie, Le Monde, 06-12-17…http://lemde.fr/2BDm36W 

Revue de presse interne, Libérationhttp://bit.ly/2nM4OON 

Évocation d’un attrait pour des questions métaphysiques, Le Figaro, « Un désir d’au-delà », 08-12-17… http://bit.ly/2jleIp8  

L’hommage populaire, Le Monde, 09-12-17… http://lemde.fr/2B6SCxt

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MISE à JOUR, 11-12-17, et autres liens...

Déjà, je recopie ce message trouvé sur la page Facebook dédiée à Camus… (car... Johnny, Jean-Philippe Smet enfant, chez Camus… !)... https://www.facebook.com/AlbertCamusAuthor/ ...  "Alors que nous apprenons la triste nouvelle de la mort de Johnny Halliday, nous nous souvenons avec émotion que le petit Jean-Philippe Smet fit ses tout premiers pas sur scène en 1949, à l'âge de 5 ans, non pas en tant que chanteur mais comme figurant dans une mise en scène de "Caligula" d'Albert Camus à Londres. Or, il est avéré que Camus assista à la première de la pièce le 8 mars 1949. L'histoire ne dit pas si c'était le petit Jean-Philippe qui était sur scène ce soir là. En ce jour particulier, nous nous plairons à le croire. »

L’éditorial du Parisien, le 10-12-17, par Frédéric Vézard, titré « Un ange est passé » caractérise ce que Johnny Hollyday produit chez les gens, une force pour aimer. Et insiste sur la « bouleversante communion en musique ».

Hervé Gattegno (« Une idole et son peuple », JDD, 10-12-17) dit la même chose de cette ferveur (« La foule vibrait, chantait ») et de la musique.(« On attendait l’hommage, ce fut un concert »). Il justifie la grandeur de l’hommage que les Français ont voulu, eux, car, dit-il, le rebelle de la jeunesse a touché toutes les générations, en étant capable de se renouveler. Et aimé tel qu’il fut, imparfait donc humain, « fort et fragile comme un homme, simple et grand comme la France ». Il évoque Jean d’Ormesson, uni à lui par la date de leur mort (« l’aristocrate devenu populaire et le fils du peuple devenu un seigneur »). Texte fort, dommage qu’il ne puisse être lu en ligne… 

Johnny, vu d’Algérie. Un très bel hommage, ample, vibrant. Texte de Kacem Madani, Le Matin, 09-12-17, « Nos années d’or à Alger : Oh Johnny si tu savais ! ». Comment l’art d’un chanteur aide à vivre, donne l’élan pour se trouver. Texte nostalgique, car l’élan a été étouffé ensuite par un contexte dur. Mais en soi, ce qui vibre est toujours là…  http://www.lematindalgerie.com/nos-annees-dor-alger-oh-jo...

Autre hommage, venu du sud, lui, même sincérité. Traduction d’un itinéraire… Et comment ce qu’on aime ne se dit pas toujours, car les codes et les normes nous imposent de jouer des rôles, de rester dans les cadres qui s’imposent à nous… Dans Libératon, 06-12-17, Magyd Cherfi raconte son rapport avec les chansons de Johnny, d’abord aimé en cachette, en conflit de soi à soi. Et maintenant assumé totalement, intensément. « Johnny, plus qu’une voix »… http://www.liberation.fr/debats/2017/12/06/johnny-plus-qu...

... Mise à jour, 16-12-17… (Courrier international)

L’hommage vu de l’étrangerhttps://www.courrierinternational.com/article/vu-de-letra...   

Et particulièrement, côté anglais… https://www.courrierinternational.com/article/hommage-qua...

Johnny Hallyday symbole de « la résistance culturelle française » (il chantait en français, notamment). Point de vue d’un chroniqueur : « Johnny Hallyday était pourtant bien plus qu’une rock star, affirme ce chroniqueur britannique. Il était un trésor national. Et un sacré bon chanteur. »… https://www.courrierinternational.com/article/johnny-symb...

... Mise à jour 18-12-17... Le Point. Dossier…  http://www.lepoint.fr/dossiers/culture/johnny-hallyday-un...

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09/12/2017 | Lien permanent

ECRITURES interférentes, qui respirent le monde, font rhizome, et disent l’oeil. PAGES TISSÉES…

Pour l’abandon

ne fais confiance à personne

il te faut te déserter toi-même. 

Francis Coffinet 

Ni le moi, ni le mot, mais le monde.

Kenneth White 

Les sites et blogs "tissés" par moi (dont je viens de vérifier la liste, « Pages tissées », et dont je pose des liens vers des pages précises, notes) sont eux-mêmes (pour la majorité) des tissages complexes qui mêlent dans leurs pages des poèmes, commentaires, regards, et… analyses. Blogs, sites, revues (suivant les cas). L’écriture (poésie, principalement) est le plus souvent l’axe (avec la lecture qui s’y greffe : car celui qui écrit lit - si vraiment il écrit). Mais le poème (ou le fragment) peut être suivi par une note-chronique, quand l’actualité impose une réflexion, quand l’urgence du réel demande une autre parole, dans l’instant. La création littéraire, étant, elle, dans le temps d’une lenteur qui nécessite une mise à distance. Donc tous sont dans un écart de tension intérieure qui obéit à une exigence éthique. Du poème à l’article ou à la note de blog, rupture de modalité. Mais l’un nourrit l’autre, et réciproquement, par cette tension de présence maintenue, en même temps, à son intériorité, et, au-dehors, à l’espace autour de soi, concret et social : d’où la conscience du lointain devenu prochain. 

Pages tissées... Comme les îles du monde de Christian Tortel, sur son blog Papalagi. Éveilleur de proximité, il nous fait traverser les mers pour lire Haïti, par exemple, ou, en éveilleur de mémoire du Tout-Monde, déchiffrer nos pluralités. Son blog est une oeuvre, un livre-somme. On feuillette (c’est une image, mais pas si fausse…) et on passe d’une réflexion à une lecture, d’un haïku à un poème plus ample. Et c’est bien que son écriture s’inscrive ainsi entre les pages qu’il consacre à tant d’autres. On y voit un écrivain.

Ce sont des pages glanées sur les sites et blogs de cette liste « Pages tissées ». Pour cette troisième note, des auteurs soucieux d’inscrire la trace de leur démarche à la fois dans l’espace réel du monde (sa matérialité vivante, ancrage et questionnements) et dans l’espace virtuel de la parole à autrui, textes offerts à l’inconnu, en plus des éventuelles publications, éphémères ou pérennes. Mais, aussi, poètes blogueurs désireux de faire rhizome : notes pour des recensions, exergues et citations, démarche de réseau, liens posés, abondants. Enfin, écrivains qui dialoguent avec l’image, le regard étant central, non pour chercher des « illustrations » complices, mais pour créer avec l’oeil, soit seul soit en partage (livres d’artistes). Poètes qui sont en même temps photographes ou peintres, comme prolongement de l’acte d’écrire. La trace est toujours la trace, mais plurielle.

J'intègre à cette note des liens vers des revues où la réflexion théorique donne une place essentielle à la création, et où la pensée "par" le poème n'est pas sacrifiée à la pensée "du" poème objet d'étude. Où l'intelligence du monde passe par sa perception poétique, même dans une rubrique hors poésie. Mais les revues de poésie sont, elles, à découvrir dans la liste adéquate... en marge.

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Donc... PAPALAGI. BLOG Le Monde, de Christian Tortel ("littératures éparses et ultrapériphériques"). Poème : « Des papillons, les ailes du désir » : http://papalagi.blog.lemonde.fr/2015/01/01/des-papillons-... 

...Note, même blog, sur la discussion de mauvaise foi autour de l’enseignement de l’arabe, « Enseigner l’arabe, ou pas?… » : http://papalagi.blog.lemonde.fr/2016/06/05/enseigner-lara... 

... Discrète, une catégorie « Haïku »… pour des perles posées, regards, notes du réel lu poétiquement (ce qui peut être cependant douloureusement). Ainsi, la rue : http://papalagi.blog.lemonde.fr/2016/06/17/haiku-169/ 

... Ailleurs, un blog cité par lui, « J’apprends l’arabe », et cette note choisie : « Il faut savoir payer l’impôt de son savoir » http://djehaarabe.blogspot.fr/2011/08/il-faut-savoir-paye... 

... Sur ce blog, djehaarabe, je relève la citation (trilingue) de Pablo Neruda (espagnol, arabe, français), « Ils pourront couper toutes les fleurs, ils n’empêcheront pas le printemps de revenir… »  http://djehaarabe.blogspot.fr/2015/09/ils-pourront-couper... 

...Comme j’ai découvert ce blog de citations en langues, dans ses liens (et dans un renvoi de note), on peut découvrir pas mal de pages, les listes de liens étant amples, sur Papalagi…  

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BLOG de Jalel El Gharbi, POÉSIE. Lire, ainsi, un article sur l’écriture de Toussaint Médine Shangô (posé là par l’auteur blogueur après avoir appris le décès de l’écrivain) : http://jalelelgharbipoesie.blogspot.fr/2016/06/toussaint-... 

... Ou « En relisant Primo Levi » http://jalelelgharbipoesie.blogspot.fr/2014/10/en-relisan... 

... Sur Jehat.com  « Littératures inouïes »  http://www.jehat.com/Jehaat/Fr/Poets/JalelEl-Gharbi.htm 

... Traducteur et critique Jalel El Gharbi est aussi poète. LIVRE : « Prière du vieux maître soufi au lendemain de la fête »  http://www.editionsducygne.com/editions-du-cygne-priere-v... 

... Voir aussi un poème de Jalel El Gharbi sur le blog d’ Emmila Gitana (« Poème de l’exil, du monde qui rétrécit et des égorgeurs ») : http://emmila.canalblog.com/archives/2013/08/30/27924668.... 

... Et je retiens cette page évoquant Paul Badin...  http://jalelelgharbipoesie.blogspot.fr/2016/03/paul-badin...

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Florence Trocmé, créatrice inspirée du site de poésie Poezibao (ressources, recensions, anthologie…), et du précieux site de Veille « Qui si je criais? », tient un blog attaché à Poezibao, Le « Flotoir ». Nom qui évoque l’impermanence, les notations respectant le flou de la pensée des instants, le flux de notations guidées par le hasard des lectures et des informations. Captation des moments, c’est le blog d’une lectrice attentive, non conforme. Bribes de flotoir, où un passage (fragments du 26 juin) insiste sur l’intérêt qu’il peut y avoir à ne pas comprendre un passage qu’on lit, car alors on devra affronter réellement le sens à saisir. Moment d’arrêt où une autre intelligence peut advenir. Ce qui est dit là pourrait être le manifeste d’une humilité patiente proposée comme méthode de lecture et de vie. Fragments de prose qui coulent : une pensée. Réflexion sur la contemplation du réel et la photographie. A lire, là, ces « bribes » du 26 juin, en deux notes distinctes, sous le même titre, « J’ai un jour tendu l’oreille »... http://poezibao.typepad.com/flotoir/2016/06/jai-un-jour-t... et « J’ai un jour tendu l’oreille (2) »... http://poezibao.typepad.com/flotoir/2016/06/jai-un-jour-t...  

… Voir, note du 19 juin, « Écrire de la main gauche », les fragments sur le visage, la lecture, la poésie, etc. les fragments à l’intérieur des notes ont des titres clairs qui permettent de sélectionner ses lectures, si on ne peut tout lire.

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Le SITE de Jean-Michel Maulpoix présente des notes de lecture, des articles publiés d’abord en revues, des pages bibliographiques pour des présentations rapides de ses livres, avec des liens vers des recensions. Des textes récents, au 27 juin, je choisis les notes sur « La poésie a mauvais genre » (José Corti) et « Le voyageur à son retour » (Le Passeur), et les études amples sur Paul Valéry, « le contemporain capital » (conférence) et Yves Bonnefoy (sur la difficulté de lecture « Du mouvement et de l’immobilité de Douve », méditation sur ce que Bonnefoy appelle « la cérémonie de l’obscurité », et dévoilement  de renversements opérés dans et par l’écriture, image annulée ou gardée mais dépouillée de ses attributs « d’image ». Et je garde aussi, là, le passage sur le carnet de voyage, manuscrit pour rêver. Liens : Le carnet de voyage : http://www.maulpoix.net/poetiquecarnet.html  / Sur Valéry : http://www.maulpoix.net/contemporaincapital.html  / Sur Bonnefoy : http://www.maulpoix.net/Theatrebonnefoy.html   

… Il faut chercher des pages diverses en utilisant le sommaire, comme le renvoi, avec « Manuscrits « , vers des carnets de voyage, des notes entre départ et retour… A « Pages critiques sur la poésie » on trouvera un sommaire (réflexions et entretiens sur la poésie).  Lien (accueil) : http://www.maulpoix.net 

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Lire Francis Coffinet, guidé par son SITE et des pages dispersées (il faut fouiner sur la Toile). Je le lis depuis des années (même si je suis très loin de tout connaître). La meilleure présentation de ce qui peut se lire en ligne serait peut-être ces fragments, poème(s), que je trouve (je cherche les mots, très beaux, oui, superbes, mais ce n’est pas suffisant pour traduire). Intenses, c’est déjà mieux. Il est de ces textes qui sont captés immédiatement, et demandent cependant à être relus. On les saisira sans doute plus profondément ainsi, mais ce n’est pas la raison principale de la relecture. C’est pour retrouver la musique qui continue en soi après avoir lâché la page… Ou pour respirer l’essence de ce qui parle là de l’être (au double sens du terme, parfum et centre axial). Magnifique titre de la page (qui reprend un fragment de vers : « Je t’ai construit dans la promesse / toi / qui porte ta couronne au centre de ton oeil. ». « La Revue des Ressources », 2008 : http://www.larevuedesressources.org/je-t-ai-construit-dan... 

… « Les Ambassades du vide », éds L’Oreille du loup (voir à Catalogue) : http://loreilleduloup.blogspot.fr 

… « Je suis allé au soufre natif », Les Cahiers bleus : http://www.les-cahiers-bleus.com/shop/Je-suis-alle-au-sou... 

… Le site officiel présente le prisme de ses expressions créatrices (triple art, au moins). J’aime particulièrement le dialogue entre poésie et regard, car il est plasticien, et cela est perceptible dans ce qu’il écrit. Ce qui explique aussi le goût qu’il a pour les livres d’artistes où il associe ses poèmes aux créations graphiques, aux peintures ou gravures d’autres plasticiens, en affinité d’évidence. Par exemple ce qui a été créé pour l’édition Transignum (Wanda Mihuelac), comme « Un requiem pour le viseur » : http://www.transignum.com . Ou les livres-oeuvres pensés avec la plasticienne Thérèse Boucraut…  Mais voir aussi la page sur le Trio Sinistra (théâtre/musique/performance) : http://francis.coffinet.free.fr 

... Livres chez divers éditeurs (dont Dumerchez). Plusieurs ouvrages publiés par Alidades... http://alidades.librairie.pagespro-orange.fr/coffinet.html 

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Thierry Guinhut, sur son BLOG, Littératures, fait alterner notes sur la littérature, textes traitant de  photographie, et fragments de travaux en chantier… Ainsi, la page sur Anna Akhmatova, entre recension et réflexion sur la traduction : http://www.thierry-guinhut-litteratures.com/2015/03/requi... 

... Et, autre sujet, on parcourt un itinéraire photographique, pratique et théorique, à travers lequel l’auteur interroge directement le sien. La question du « beau » en photographie (du beau, et donc du laid) : http://www.thierry-guinhut-litteratures.com/article-rober...

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Photographie aussi, Cartier-Bresson, expo de 2014, sur le blog Un café littéraire :   https://uncafelitteraire.wordpress.com/2014/02/18/henri-c...    (Et des fragments autobiographiques, des notations diverses)

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BLOG que je découvre, poésie, en découvrant l’auteur : Les tribulations d’Éric Dubois. On y trouve des poèmes, des fragments, des notes de lecture (voir les catégories), et son « work in progress » (quand les blogs sont nos ateliers d’écriture…). A lire aussi, des notes très très brèves (Journal de l’esprit). Ce peut être une phrase courte, quelques mots, pas une ligne entière… Un début de poème possible, ou un aphorisme. Et, même, un seul mot (qui peut être une question).

Les tribulations d'Éric Dubois, journal littéraire...

… J’ai remarqué un lien vers un blog qui est aussi présent dans ma liste de… pages tissées (Pierre-Louis Reynaldo). Volonté de faire connaître. Le poète blogueur indique d’ailleurs cet objectif de promotion de la poésie (concrétisé par l’association et le site « Le Capital des Mots », revue en ligne). Lire : http://www.le-capital-des-mots.fr

… Parmi ses poèmes en ligne (de ce « work in progress »), voici celui-ci, du 11 juin : http://www.ericdubois.net/2016/06/poeme.html 

… Ailleurs, il signale, sur une page, la recension de son livre (« Chaque pas est une séquence », éd. Unicité) dans la revue « Décharge » http://www.ericdubois.net/2016/05/dans-la-revue-decharge.... 

…Ou, autre page, la lecture faite d’un autre ouvrage de lui, un ensemble (la réédition de textes parus ailleurs), chronique sur Terre à ciel : http://www.ericdubois.net/2016/04/dans-terre-a-ciel.html

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J’apprécie l’alternance, entre poèmes et réflexions denses, actuelles, sur le SITE de René Barbier, Le Journal des chercheurs. Poème (Le mitraillage), rêve, liens : http://www.barbier-rd.nom.fr/journal/spip.php?article1966 

Et, poème (Détachement)   http://www.barbier-rd.nom.fr/journal/spip.php?article2184

Analyse (essentielle) sur Daech, la pulsion de mort, le pétrole, la peur, l’imaginaire social. En exergue, René Char, et, pour référence, la pensée d’Hannah Arendt sur le totalitarisme. Citation : « Daech n’a que faire de l’écologie démocratique. C’est un totalitarisme comme en parle Hannah Arendt. Il veut enfermer l’ensemble du monde dans son univers lié à la pulsion de mort. / Les acteurs des multinationales agro-alimentaires et pétrolières fonctionnent également à la pulsion de mort. Sur ce point ils se rejoignent. / Avoir la lucidité de comprendre l’imaginaire social qui se joue à travers leurs jeux destructeurs est une nécessité à l’époque actuelle pour tous les citoyens libres du monde. » A lire : http://www.barbier-rd.nom.fr/journal/spip.php?article2092

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Sur le site de La Revue des Ressources, recension d’un ouvrage publié par leurs éditions (ERR), collection Carnets de la grande ERRance. Livre d’entretiens de Kenneth White avec Régis Poulet, « 

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28/06/2016 | Lien permanent

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