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CAMUS, Cahier de l’Herne

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Cahier dirigé par Raymond Gay-Crosier et Agnès Spiquel-Courtille, septembre 2013. 

Éds de L’Herne. (Contributions, textes, iconographie…  Un outil pour entrer dans la complexité et la richesse de l’œuvre de Camus.)Présentation et revue de presse (quotidiens et magazines) : http://bit.ly/1N1eJGP

Citation : « Aucune recherche d’exhaustivité dans notre démarche : d’amples synthèses voisinent avec des « petits faits » ; des témoignages directs avec des études très « pointues » ; des textes de Camus avec des textes sur Camus. Nous avons voulu varier le plus possible les points de vue, pour que chaque lecteur circule dans le Cahier en gardant sa liberté d’interprétation. Nous voulons le rendre proche, frayer des voies vers l’homme, vers l’artiste, vers le penseur engagé, vers le journaliste – de manière que le lecteur du Cahier ait envie de lire ou relire telle ou telle des oeuvres de Camus. Nous avons pensé notre tâche comme celle de passeurs. »

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Emmanuel Gehrig, est l'auteur d'un article dans Le Temps (Suisse), septembre 2013. Synthèse d’une entretien avec Raymond Gay-Crosier  dont le chroniqueur rappelle, à l’occasion de la sortie du Cahier Camus, la place qu’il tient dans l’univers des camusiens :  « Aujourd’hui, il est l’un des plus grands spécialistes vivants de l’œuvre de Camus: cofondateur de la Société des études camusiennes avec feu Jacqueline Lévi-Valensi, coéditeur des tomes I et II, et directeur des tomes III et IV des Œuvres complètes de Camus en Pléiade, Raymond Gay-Crosier a l’originalité d’être Suisse de naissance et d’avoir mené toute sa carrière académique à l’université de Floride à Gainsville. ». L’article sert aussi d’entrée dans ce volume consacré à Camus : http://www.letemps.ch/Page/Uuid/564703d4-2783-11e3-a6e6-c...

Raymond Gay-Crosier, publications, librairie Dialogues.  Raymond Gay-Crosier : http://www.librairiedialogues.fr/personne/raymond-gay-crosier/65770/

Bibliographie. Œuvres de Camus et livres sur Camus, boisestate.edu :  http://camusbibliography.boisestate.edu/liste-de-categories/

Agnès Spiquel-Courtille, contributions, page Gallimard ("Camus, citoyen du monde") http://www.gallimard.fr/Contributeurs/Agnes-Spiquel-Courdille

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21/11/2013 | Lien permanent

Le temps du sable...

sable,char,rimbaud,camus,unamuno,photographie,temps,trace,marie-claude san juanC'est de ressemblance que vit le sable ; c'est de son vide diapré qu'il meurt.

Edmond Jabès, Le petit livre de la subversion hors de soupçon

 

Sable, sables… Je rêve de sable. Marcher pieds nus sur la plage, marcher longtemps, jusqu’à atteindre un autre lieu, s’arrêter et méditer devant la mer, Méditerranée évidemment. J’ai des tas de souvenirs de sable, celui des plages, celui du désert, celui d’un vent de sable, enfance, celui d’un livre magnifique ("La femme des sables", d’Abe Kôbô), celui (ceux) de René Char préfaçant Rimbaud, pour dire le parti du poète qui "empêche les sables mortels de s’épandre sur l’aire de notre coeur". (Et c’est d’actualité, à condition que le poète de 2020, en temps d’épidémie, ne soit pas enfermé dans une contemplation fascinée, regard porté sur ses propres textes et son auto-promotion lassante, avec le poème du jour, qui n'a pas subi l'épreuve du tiroir - mais, c'est autre chose, j'apprécie d'avoir des informations sur les publications abouties). 

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Et je me souviens du sable métaphorique de la philosophie espagnole, capable de penser la mort et la peur de la mort, "El sentimiento tragico de la vida" (Miguel de Unamuno). Ce qui est présent aussi dans le génie du flamenco andalou. Car regarder lucidement les réalités n’est pas tomber dans le piège des anxiétés toxiques, au contraire. On regarde, et on lâche, pour agir. Ensuite il reste toute l’énergie pour danser, et pour "recoudre ce qui est déchiré" dans notre société (Camus, à l’âme espagnole, maître en solidarités).
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Sable, le temps du sable, c'est une série de photographies, pour le goût de la trace, et le goût du sable, matière et symbole, rêve du sablier. J'en pose sept.
 
sable,char,rimbaud,camus,unamuno,photographie,temps,trace,marie-claude san juanLe sable ? C’est aussi image de l’éternel et de l’éphémère. Traces qui s’effacent, poussière qui glisse entre nos doigts, nous précède et demeure au-delà de nous, réalité toujours présente quand nous ne serons même plus poussière.
 
 
 
 
sable,char,rimbaud,camus,unamuno,photographie,temps,trace,marie-claude san juanTant que la planète
 
 
 
 
sable,char,rimbaud,camus,unamuno,photographie,temps,trace,marie-claude san juan
 
 
 
sera
 
 
 
 
 
 
    sable,char,rimbaud,camus,unamuno,photographie,temps,trace,marie-claude san juanplanète… 
 
 
 
 
 
 
 
 
Photographies et texte © MC San Juan

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06/05/2020 | Lien permanent

Théâtre. Le Mythe de Sisyphe d'Albert Camus adapté par Pierre Martot, au Lavoir Moderne Parisien...

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Il existe un moyen de peupler la solitude, et c'est le théâtre, sa mise en scène, son interprétation, son décor. Pour Albert Camus, c'était une vie multipliée à l'infini ; et l'amour de la vie trouvait à se satisfaire dans cette innombrable diversité de miroirs que présentait le théâtre.                                                                              Jean Grenier, Albert Camus. Souvenirs

J’ai vu, début février, l’adaptation du Mythe de Sisyphe par Pierre Martot, au Lavoir Moderne Parisien. Lieu que je connais (cf. note précédente). Particulier, très dépouillé, dans un quartier très populaire du 18ème, Barbès-Château rouge.

Comme décor, là, seuls les murs, qui pourraient être des parois d’entrepôts vus du dehors, murs que la pluie aurait marqués. Le sol, les murs, lumière et ombre. Et l’acteur, seul en scène, avec le texte d'Albert Camus. Un texte qui n’est pas, on le sait, une pièce de théâtre. Mais méditation sur la condition humaine, ce qu’elle porte d’absurde, de désespoir, mais que l’écrivain de la lumière, de la beauté solaire, affronte pour l’inverser, puisque c’est, dans son œuvre, un point de départ, le support d’interrogations métaphysiques et de ce questionnement sur le choix qui est celui de tout être incarné : vivre, ou mourir. (La mort, finitude obligatoire et destin, étant paradoxalement ce qui peut faire choisir, par refus, le renoncement qu’est le suicide : et justement Camus affirme le contraire, le choix étant d’inscrire la vie, plus de vie, comme réponse à l’absurde). Cependant le questionnement, le doute, les hésitations, les craintes, tout cela est dit.

Lavoir moderne parisien… c’était début février. Reprise en préparation, autre théâtre… (Autres liens, fin de note)… https://lavoirmoderneparisien.com/

Sisyphe. Livre.jpgJ’ai lu, sur La terrasse, un article qui dit que l’acteur incarne trois figures : l’acteur, « l’homme révolté », et l’écrivain. Dans la structure de l’œuvre de Camus, l’homme révolté (qui donne son titre à un autre essai, cycle suivant) est une réponse à l’absurde. Mais, évidemment les thèmes interfèrent (et les périodes d’écriture) et il y a, avec Sisyphe, une sorte de révolte contre le destin, au sens ontologique introuvable. D’abord question. Ensuite réponse. Derrière les mots de Camus et les questions de l’être humain en général, dont l’auteur porte la parole, on perçoit l’évidente implication de l’acteur partageant les interrogations, et pourtant il élabore aussi une distance : quelqu’un joue le texte de Camus, et « joue » avec le texte pour en faire sortir ce que lui en saisit. Mais l’acteur dérobe le Je de celui qui dit, corps présent. Pas de lecture (cela aurait pu être un autre choix et c’est presque figuré au début, avec la table) mais le texte est dit, mis en scène par la marche et les gestes dans l’espace nu. Parfois c’est illustrer une phrase en montrant ce que les mots suggèrent. On peut imaginer une autre traduction possible, aussi. Qui ne montrerait rien, et parfois c’est le cas : mots et silence. Le corps en scène a cependant besoin de faire image. Et que résonnent des instants gestuels. Parfois la voix enfle et devient cri. Moi-même j’ai trouvé le murmure aussi fort, préféré même cette force-là (c’est subjectif). Telle que, la voix fait sens.

J’aurais aimé qu’au début l’exergue de Camus soit dit, comme un sous-titre, car il résume tout ce Sisyphe camusien :

Ô mon âme, n’aspire pas à la vie immortelle, mais épuise le champ du possible.

(Pindare, 3ème Pythique).

C’est Pindare. Et c’est Camus se parlant à lui-même, dans l'envers et l'endroit des questionnements métaphysiques, les contradictions assumées.

Peu importe. Le texte est dit, lecture sonore (ou relecture et promesses de lectures à reprendre de ce texte et d’autres de Camus). Bien sûr, les passages du livre de Camus qui portent sur le comédien ont retenu aussi celui dont c’est le métier. Car le lecteur qu’a choisi d’être le comédien, premier temps (et on sent que ce fut l’opération centrale, cette lecture, d’abord) a mis en scène (avec la collaboration de Jean-Claude Fall) un texte dont il a tiré le livre qui lui importe, les questions et les pensées qu’il pouvait faire siennes comme acteur disant (et comme être humain avec ses questions sur la vie et la mort), mais aussi celles qu’il pouvait proposer aux spectateurs, leur suggérant indirectement d’aller voir si ce livre est aussi leur Sisyphe camusien. Salutaire message que le théâtre peut faire passer. Lire Camus… le relire.

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Le Mythe de Sisyphe, le livre d’Albert Camus

À lire et relire dans Œuvres, Quarto, Gallimard.

Ou poche, Folio, Gallimard.

LIENS

Le Mythe de Sisyphe au théâtre

Note du journal La terrasse, par Anaïs Heluin… https://www.journal-laterrasse.fr/pierre-martot-met-en-scene-pour-premiere-fois-au-theatre-le-mythe-de-sisyphe/

Sur le site Arts Mouvants, Sophie Trommelin, qui a apprécié le travail du comédien, accorde aussi de l’importance au rôle de la lumière, à juste titre (opérateur lumière : Quentin Tartaroli)… http://www.artsmouvants.com/2023/02/le-mythe-de-sisyphe-dalbert-camus.html

Infos théâtre, texte de présentationhttps://www.billetreduc.com/308468/evt.htm                                      

...

Pierre Martot, carrière (quelques éléments de bio sur deux sites)

Lectoure https://lectoure-voixhaute.fr/pierre-martot/

et

La Tempête, théâtrehttps://www.la-tempete.fr/biographies/pierre-martot-1277

...

Le LIVRE, survols en ligne

France culture… https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-malheur-des-uns/sisyphe-ou-le-sens-de-l-absurde-1567151

Fiche Wikipédia. Le livre… https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Mythe_de_Sisyphe

Site, doc. philo. Commentaire et citations Extrait : « Pour Camus, Sisyphe est le héros ultime de l'absurde. Il a été condamné pour avoir défié les dieux et combattu la mort. Les dieux ont pensé qu'ils avaient trouvé une forme parfaite de torture pour Sisyphe, qui attendrait l'impossible, que la pierre reste au sommet de la montagne. Les dieux pensaient générer une frustration permanente, fondé sur l'espoir sans cesse renouvelé de Sisyphe. »   https://la-philosophie.com/camus-mythe-sisyphe

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14/02/2023 | Lien permanent

Camus et le FLN, essai de Tarik Djerroud. Publication en France et en Algérie

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Pour commencer, l'incipit (qui me servira d'exergue). La première phrase de l'introduction (quatre pages, qui mériteraient un tiré à part ) : Sous la voûte céleste, sur la terre des hommes et des femmes, chaque siècle déverse son lot de frayeurs, rendant la condition humaine souvent tragique.

Sujet brûlant, s’il en est… Et traité avec la justesse de ton qu’il fallait. Livre important, la position d’Albert Camus étant souvent mal comprise car mal connue. Or l’essai se base sur des documents et informe.

Déjà, les trois exergues sont un programme : choix de lucidité, refus des pièges idéologiques, goût du débat. (Georges Clémenceau, sur le mensonge. Malek Haddad, pour la difficulté de vivre l’Histoire et de l’étudier en même temps. Dudley Field Malone, et l’utilité du débat contradictoire…)

Puis l’introduction. Quatre pages (pp. 9-12) qui définissent l’intention de déconstruire les manipulations de ceux qui utilisent l’Histoire pour leurs stratégies et non pour rechercher la vérité des faits.  Donc expurger la démesure, cette fille de la peur, de l’ignorance et de la haine ou du calcul intéressé ! Et commencer par des questions : Mais de prime abord, qui était vraiment Camus, enfant de la terre algérienne ? Qui était vraiment le FLN ? La méthode est exposée, en quatre points : approche mémorielle, puis choix d’un angle analytique contradictoire et rejet des lectures dogmatiques, et enfin volonté d’évacuer tout tribunal sacralisant ou manichéisme infantilisant. Pour saisir les vérités des uns et des autres.

Démarche qui suivra la chronologie de l’Histoire. Du Centenaire de 1930 (avec ses paradoxes), vécu si différemment par les uns ou les autres, jusqu’à la mort de Camus en janvier 1960, puis l’indépendance de 1962 et les suites (autre pouvoir, autres tensions).

Constat : l’eau tiède de l’histoire laissait flotter à sa surface un Camus pluriel et un FLN multiple.

 

Et en conclusion de ces quatre pages : En fait, la recherche d’une sagesse, par temps de paix comme par temps de guerre, est la plus belle ambition de cet ouvrage.

 

En fin de note, lien vers la page des Éditions Erick Bonnier. Et trois notes de lecture de cet essai (citations et liens) : page du site Mare Nostrum (par Robert Mazziotta), chronique du journal Le Matin d'Algérie (par Kamal Guerroua), note de blog de Jean-Pierre Ryf (le créateur et administrateur principal du groupe Facebook Les Amis d'Albert Camus - fréquenté sur les deux rives).

Lisant, on voit que l’auteur allie littérature et Histoire, sans sacrifier l’une ou l’autre, sans que la seconde trahisse la première. Les citations d’Albert Camus sont très nombreuses. C’est un authentique lecteur de Camus qui écrit.

Son parcours de la biographie de Camus est un fil qui guide la compréhension : les origines, la misère, les épreuves (dont la tuberculose) ou obstacles, les bonheurs aussi. La rencontre d’Edmond Charlot est mentionnée, l’importance de cet éditeur dans le parcours d‘Albert Camus. Mais aussi les voyages, et l’Italie.

On constate, à relire bien des textes de Camus journaliste (et beaucoup cités dans cet ouvrage), à quel point il fut proche de la pensée de certains courants nationalistes, ces militants du début, qui espéraient une République algérienne libérée du statut colonial mais pouvant s’allier avec une France qui saurait la respecter en tant que telle. On lit aussi que certains auraient cherché (comme Camus) à inventer des formules permettant de définir une algérianité n’excluant personne, dans une société qu’ils désiraient démocratique. Idéal pluriel et fraternel que d’autres combattraient en définissant la nationalité à venir à partir de visions ethniques et en faisant de l’appartenance religieuse un critère d’identité nationale. Deux options adverses. On sait que Camus ne pouvait adhérer à cette seconde option, et que, de plus en plus, il eut la prescience de ce que serait le courant dominant (qui élimina effectivement ses adversaires, par l’assassinat ou l’exil). Et il ne le pouvait, alors qu’il dénonçait fortement les injustices d’un système bloqué dans son aveuglement. (Il le faisait plus qu’on ne l’a dit souvent, ne connaissant pas tous ses textes). Camus n’écrivit pas seulement dans Alger républicain, en Algérie, mais aussi dans des journaux de militants créés par ceux dont les positions seraient de plus en plus indépendantistes : il écrivit notamment dans L’Entente de Ferhat Abbas). Tant que l’indépendance était un rêve qui pouvait être pluriel Camus pouvait suivre. Si elle devenait ce qui faisait de lui et de sa communauté des étrangers, il ne le pouvait plus. Et la situation évoluant vers la guerre (avec toutes ses violences réciproques, dont celles de l’armée française), l’utilisation du terrorisme contre les civils fut le mur infranchissable.

Beaucoup de noms sont mentionnés, dans tout ce parcours, comme ceux de Messali Hadj ou Aziz Kessous.

Les rapports de Camus avec le PCA (sous l’influence du PCF) sont étudiés de près. Car si Camus y adhéra par souci de justice sociale il finit par en être exclu, pour avoir souhaité que le PC prenne la défense des militants anticolonialistes qui avaient des ennuis avec l’administration française ou étaient emprisonnés. Camus défendit cette position, ne put convaincre, et dut partir. (Cependant il commençait déjà à mesurer les divergences idéologiques et aurait sans doute fini par rompre). Lire les pages 72-74 qui exposent cela, et les pages 75-78 qui prolongent cette thématique en étudiant la question des rapports de Camus avec le nationalisme algérien, car c’est lié. Il est rappelé son article d’Alger républicain titré Il faut libérer les détenus politiques indigènes (mention page 74). Et de nouveau, même sujet dans la revue Méditerranée-Afrique du Nord (voir page 75). Plus loin, évocation, pages 113-114, du dossier Crise en Algérie, qui prolonge les constats de Misère de la Kabylie en les actualisant. 

Autre sujet, le reportage fait en Kabylie, alors que Camus est un très jeune journaliste, et qui, publié dans Alger républicain donnera la série Misère de la Kabylie. C’est traité dans un chapitre qui commence page 79, mais qui a un titre contestable (L’inquiétude du conquérant). J’y vois (et dans la suite conforme au titre) une interprétation discutable. Car si les pages qui suivent disent bien à quel point Camus est scandalisé par les constats qu’il fait, et comme il voudrait faire changer la situation, il y a cette idée que Camus veut ainsi préserver la présence française. C’est en contradiction avec d’autres passages du livre qui montrent, eux, sa dénonciation du système. Camus, né par hasard en Algérie, déjà colonisée, n’est en rien un conquérant, pas plus que sa mère espagnole miséreuse. Et cela ne correspond en rien à son éthique.  Le chapitre veut signifier aussi que le message de Camus se heurte à des limites dans sa prise de conscience : Camus ne faisait guère allusion au lien entre colonialisme et misère sociale (p. 84). Car ce n’était pas l’objet de son reportage, qui était de révéler une situation concrète. Les critiques il les faisait et les fera dans d’autres textes.

Les attentats du FLN ne sont pas oubliés (pas tous, le massacre d’El Halia est rappelé, mais certains le sont, comme, il me semble, le massacre du 5 juillet 1962 à Oran : de ceux qui, justement, pensaient plutôt rester). Et certains assassinats, comme celui de Cheikh Raymond (dont le meurtre fut justifié par des rumeurs diffamantes) : assassinat qui est comme le triste miroir (en infamie) de l’assassinat de Mouloud Feraoun par l’OAS. Faits (cet assassinat de Raymond et le 5 juillet 62) qui firent partir beaucoup de gens. Les crimes des ultras aussi sont mentionnés. Et de l’OAS (apparu tardivement, influence métropolitaine, car création métropolitaine - violence criminelle… extrême droite et haine, mais aussi réaction à la peur). La bombe du Milk bar, en septembre 1956, qui fit des morts et des blessés (dont des enfants amputés) est évoquée, comme attentat FLN. Et en note l’auteur mentionne le livre de Danielle Michel-Chich, victime à cinq ans, Lettre à Zohra D.

J’ajoute qu’elle avait  interpellé la poseuse de bombe (présente alors à Marseille, conférence, et que celle-ci n’avait pas daigné répondre : violence supplémentaire). Danielle Michel-Chich a refusé la haine, et c’est ce qu’elle a rappelé dans une lettre aux victimes de l’attentat du Bataclan, leur disant de ne surtout pas être dans la haine, que cela les détruirait. Une autre victime de ce même attentat enfant, Nicole Guiraud, artiste plasticienne, a fait le même parcours de refus de la haine. Engagée à la fois contre le terrorisme et pour le dialogue fraternel elle fit réaliser par son galeriste, Peter Herrmann, en Allemagne où elle vivait, une exposition titrée Alger, Oran, Constantine, avec deux artistes algériennes, chacune représentant sa ville natale, Alger pour Nicole Guiraud. Et elle aussi a témoigné.

Comme ces enfants pieds-noirs, des enfants dits alors indigènes, en distinction d’origine, furent victimes.  Comme ce fut le cas (rappel fait dans le livre) en août 1956, bombe à la Casbah, rue de Thèbes. (L’attentat de la rue de Thèbes est un des exemples du terrorisme des ultras dans l’ouvrage). Là ce sont les ultras de l’ORAF qui sont les poseurs de bombes : mort de dizaines de civils dont des enfants comme  Yacef Omar, 13 ans (mentionné page 231)... Et en quelque sorte co-responsables de l’attentat du Milk Bar, la terreur engendrant la terreur. Alger dans les deux cas. Chaîne de violence, les groupes de l’ORAF étaient censés réagir aux massacres de 1955 dans la région de Constantine (avec des motivations politiques et des alliances de cet ordre : gaullistes et armée française).

Des deux côtés il y a des héritages pervers (Algérie, et France). Algérie, ce questionnement sous-tend le livre, pour ce qui concerne les choix politiques et les questions idéologiques.

Héritages… Je fais un double constat pour ma part.

Le terrorisme du FLN combattant pour l’indépendance (et le courant dominant pour le pouvoir…) a produit des « héros » qui ont peut-être légitimé par avance la masse des crimes atroces de la décennie noire (d’autant plus que la religion avait été associée par le FLN, et déjà l’option politique radicale - ce qui a été encore accentué par les islamistes des années 90).

En France les nostalgiques de l’OAS et du statut antérieur de l’Algérie nourrissent une idéologie extrémiste qui peut rejoindre des options fascisantes. Et ils renforcent des opinions partisanes extrêmes. Mais dans la population des Pieds-Noirs exilés ils sont plutôt minoritaires (plus bruyants cependants).

Cependant un chapitre est particulièrement important, concernant les rapports de Camus avec le FLN (contre le FLN pour certains aspects, avec s’il s’agit de dialogue pour arrêter la violence des uns et des autres). C’est celui qui est titré Le rêve d’une trêve (pages 165-189), qui expose les tentatives de Camus pour rendre possible une trêve. Rencontres, écrits, conférence. ET réactions (Camus menacé de mort par l’extrême droite).

Les autres engagements de Camus sont mentionnés. Camus contre l’utilisation de la bombe atomique, sa réaction au sujet des bombardements sur des villes japonaises, Hiroshima et Nagasaki (voir pages 207-208). Contre la torture (page 213). Contre la peine de mort (pages 219-221). Et, évidemment, contre le terrorisme visant des civils, ce qui fut un des désaccords majeurs avec les méthodes du FLN. Cela est évoqué à plusieurs reprises. (À ce propos il est important de se souvenir que son aversion pour le terrorisme n’a pas empêché Camus, cohérent avec lui-même, d’intervenir pour éviter l’exécution de militants du FLN – puisque la peine de mort n’était pas encore abolie en France : il le faisait discrètement, mais le révéla lors de l’altercation avec un étudiant à Stockholm, pour montrer à quel point les attaques étaient injustes).

Les engagements de Camus pour des causes judiciaires sont rappelés.

Je vois page 284 la mention de l’angoisse de Camus au sujet de l’indépendance. Ce n’est pas tant l’indépendance qui causait son inquiétude, c’est ce qu’il pressentait qu’elle serait, sachant quel courant du FLN dominerait, annonçant dogmatisme ethnique et vision totalitaire. Quant à ce qui est perçu comme une impossibilité de savoir comment faire cesser la colonisation, je ne trouve pas cela très juste, Camus ayant tenté de faire comprendre en quoi il dénonçait le système : il espérait dans la raison, et ce n’est pas sa faute s’il ne fut pas entendu, et si le pouvoir français fut aveugle, lui (pas Camus).  Et ce n’est pas non plus sa faute si le courant du FLN qui dominerait (comme il le pressentait) était ce qu’il était.

L’auteur ne sépare pas Camus journaliste du Camus écrivain. Ainsi sont cités des passages de Noces, des Carnets, du Premier homme, des divers essais, de pièces de théâtre, etc.

L’attention au choix des mots par Camus journaliste est décryptée. Comme l’utilisation, deux fois, du « si » dans un article d’Alger républicain, et du conditionnel. Cela, explique l’auteur, ne peut être interprété que comme distance prise, dénonciation de la colonisation en tant que telle. (Lire cette analyse fouillée pages 92-94, prolongée page 95.).   

La phrase de Camus sur le terrorisme (prononcée lors d’une conférence à Stockholm) est notée exactement page 237. Ce qui répond aux reprises erronées servant des procès répétés et infondés de détracteurs qui rejettent Camus, ses positions, ses écrits. Mais, page 241, après avoir mentionné une lettre de Camus qui ne contredit pas la pensée de la phrase en question mais affirme toujours le refus du terrorisme, l’auteur met en italique la pensée résumée (donc tronquée) en la trouvant provocante. Ce n’est pas écrit par Camus, donc l’italique est inadéquat, là, et qualifier cette phrase (ce résumé) de pour le moins provocatrice sinon maladroite… n’a pas de sens : ce n’est pas ce qu’a écrit Camus. Ni dit ni écrit. On ne peut attribuer de maladresse ou provocation à un auteur pour une phrase qui n’est pas de lui.

Ceci annule la mention correcte de la page 237. Un lecteur qui connaît peu Camus pourra reprendre les stéréotypes et les lectures dogmatiques suspicieuses que l’introduction promettait de dynamiter (p. 11). Ce qui a pourtant été fait dans pas mal de pages, dans ce livre. Mais pas là.

Enfin, une phrase m’a choquée, page 280, à propos d’une anecdote troublante, la prédiction que fit en 1942 Max Jacob à Camus d’une mort tragique. Il est noté ceci : un astrologue, Max Jacob, poète à ses heures. Quelle idée !!! C’est justement le contraire. Poète s’intéressant aussi à l’astrologie. Et pas n’importe quel poète. Un grand, celui que l’immense auteur Edmond Jabès admire (Max Jacob correspondit avec Jabès, qui, jeune alors, attendait de lui des conseils, qu’il reçut).

Ceci dit, les quelques désaccords sur des points particuliers ne changent rien au bilan de lecture. Livre important, nécessaire. À lire et faire rire.

À la fin du livre il y a une riche bibliographie, dont on retrouve des titres dans les notes de bas de pages. (On est gêné cependant par l’ordre alphabétique qui se fait par les prénoms (pas par les noms), ce qui rend la recherche des références plus difficile. Mais j’ai apprécié que les références ne se limitent pas aux textes et livres sur Camus (abondantes bien sûr) mais que soient indiqués aussi des ouvrages qui concernent l’Histoire de l’Algérie, la guerre, les tragédies des terrorismes, les conflits entre courants idéologiques et politiques, des témoignages. 

Pourtant je formule deux regrets.

Les livres d’Albert Camus mentionnent les éditions auxquelles l’auteur se réfère pour ses citations, ce qui est effectivement nécessaire. Mais les dates des publications originelles ne sont pas indiquées, sauf certaines. Or, même si dans l’essai la chronologie des écrits se replace dans la biographie de Camus, il est important de la rendre visible sur cette page qui est une photographie de l’œuvre, en quelque sorte. (Pour les lecteurs qui connaissent moins Camus, et les lycéens ou étudiants). Les Carnets, par exemple, mentionnent dans le titre complet, les dates des fragments pour chaque tome, ce n’est pas repris. Et si on peut lire Le Mythe de Sisyphe dans une édition de 2013, ce n’est pas la date de la publication pendant la vie de Camus.

L’autre regret est l’absence de certains livres qui apporteraient des informations complétant ou contredisant celles de certains titres qui ont servi de référence pour des sujets où d’autres regards auraient été plus que nécessaires.

Ainsi, au sujet des Pieds-Noirs restés en Algérie, la référence Pierre Daum n’est pas la plus adéquate (et de loin). Car son livre est purement idéologique, occultant ce qui dérange son point de vue. Il n’a pas rencontré ceux qui, vivant en Algérie, avaient à dire ce qui ne correspondait pas à sa vision dogmatique (volonté de démonstration et de culpabilisation des Pieds-Noirs partis, dans le refus de reconnaître les raisons légitimes).

Bien plus juste, le témoignage de Dominique Cabrera, elle qui est retournée en Algérie pour rencontrer les Pieds-Noirs qui y vivaient encore et qui a élaboré son documentaire sans présupposés, dans l'écoute des paroles. Sa perception n’est pas celle de Daum. (Daum dont j’ai pu constater - lors d’une conférence, qu’il refusait même de l’entendre. Conférence où j’avais été très choquée par le rôle d’un dessinateur, ami de Daum, qui, pendant que celui-ci parlait, projetait des dessins qui se voulaient humoristiques, dignes des caricatures des nazis : j’avais envoyé alors à Daum une lettre ouverte, sans réponse évidemment).

Dominique Cabrera a publié Rester là-bas (éds du Félin, 1992) et a réalisé le film éponyme : https://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/38...

Sur ce même sujet, Jean Pélégri, l’auteur des Oliviers de la Justice (livre, 1959, et film, réalisé avec James Blue en 1962), a témoigné, dans un très beau livre, de ce qui le faisait souffrir, dans les suites de 1962, où il avait pu constater qu’il n’avait pas réellement sa place en Algérie (Ma mère l’Algérie, Laphomic, Algérie, 1989, puis Actes Sud 1990, rééd. 2003). Lire les pages 76 à 83 (sur les promesses trahies), pages qui suivent un autre constat, celui de l’ostracisme métropolitain.

Et puisque Jean Sénac est donné comme e

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19/02/2023 | Lien permanent

8 mai. Mémoire. Donc relire Albert Camus...

lettres.jpgEn ce 8 mai, relire Lettres à un ami allemand d'Albert Camus...

Le 8 mai marque la mémoire de la victoire contre le nazisme et la fin de la 2de guerre mondiale. C'est aussi un jour d'hommage à Jean Moulin, résistant, qui mourut le 8 juillet 1943 des tortures de l'Occupant. 

Camus, résistant (Combat clandestin), écrivit ses Lettres à un ami allemand, dont seules les deux premières furent publiées pendant la guerre, les deux autres à la Libération. 

Regroupées par Gallimard en 1948, elles sont disponibles en collection de poche, Folio,1991.

Ce sont des textes qui donnent la mesure du refus de tout totalitarisme meurtrier. Échos pour l'actualité mondiale... 

EXTRAITS :

Qu'est-ce que l'esprit ? Nous connaissons son contraire qui est le meurtre. Qu'est-ce que l'homme ? Mais là, je vous arrête,  car nous le savons. Il est cette force qui finit toujours par balancer les tyrans et les dieux. Il est la force de l’évidence.      Deuxième lettre, publiée début 1944 dans les Cahiers de Libération, Folio, pp. 35-49 (page 39 pour cette citation).

Vous n'avez jamais cru au sens de ce monde et vous en avez tiré l'idée que tout était équivalent et que le bien et le mal se définissaient selon qu'on le voulait. [...] Vous en avez conclu que l'homme n'était rien et qu'on pouvait tuer son âme, que dans la plus insensée des histoires la tâche d'un individu ne pouvait être que l'aventure de la puissance, et sa morale, le réalisme des conquêtes.                                                           Quatrième lettre, Folio pp.67-78 (page 69 pour cette citation).

Le livre, coll. Foliohttps://www.librairie-gallimard.com/livre/9782070383269-lettres-a-un-ami-allemand-albert-camus/

Jean Moulin… https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Moulin

Un « Jean Moulin » inconnu, oublié. Lucien Sportisse, né à Constantine, résistant, assassiné par la Gestapo… https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Lucien_Sportisse

En Algérie c’est le 8 mais 45 qui est commémoré, massacre (d’environ huit cent personnes) en réaction à un massacre (moins en nombre, une centaine quand même… dont le maire socialiste, exemple de fraternité, mais…), aussi, lui-même déclenché par la mort d’un manifestant. Terreur contre terreur, la suite est tracée… Camus, justement, fidèle à ses valeurs, est le seul intellectuel d'envergure à dénoncer immédiatement la criminelle réaction disproportionnée des officiels du pouvoir français.

C’est commémoré en Algérie (ce qui est normal) mais très instrumentalisé par le pouvoir, comme tout ce qui peut attiser la haine et faire oublier l’état actuel du pays, le régime particulièrement répressif (emprisonnement de journalistes et blogueurs, développement des conceptions rigides de la religion - d’État, refus de revoir le droit pour rétablir une égalité juridique entre femmes et hommes, refus de reconnaître le caractère pluriel du pays, notamment culturel et linguistique, etc.). Il n’y aura pas de commémoration pour le massacre de Melouza, le 29 mai 1957, assassinat massif (374 morts) de la population musulmane du village par le FLN, le courant totalitaire (celui qui a éliminé les indépendantistes ayant d'autres visions : exil ou assassinat), courant qui n’admettait pas que des Algériens refusent ses ordres ou préfèrent le MNA. Et bien sûr il n’y aura pas de mots pour regretter le massacre de centaines de Français d’Algérie (chrétiens ou juifs de culture) à Oran, le 5 juillet 1962 (après le « cessez-le-feu » du 19 mars précédent, raison pour laquelle les Pieds-Noirs et Harkis ne reconnaissent pas la date du 19 mars comme jour à fêter. Harkis massacrés les mois qui suivirent ce « cessez-le-feu », et si maltraités aussi par la France).

Ce qu'il faut retenir c'est que la Terreur est toujours possible. Que le colonialisme a produit des totalitarismes, et que, si l'Indépendance a été "confisquée" par un parti, la cause n'est pas qu'algérienne, les intellectuels français (Métropole, Sartre et adeptes de visions totalitaires, justement) y sont pour beaucoup : ils ont créé une sorte de néo-colonialisme avec la bonne conscience de ceux qui croient avoir compris.

Anthol.jpgLe poète Ahmed Azeggah appelait, lui, à cesser de commémorer les massacres (poème « Arrêtez », lisible en Anthologie) :

Arrêtez de célébrer les massacres

Arrêtez de célébrer les noms

Arrêtez de célébrer les fantômes

[…]

Ce sang coagulé

Venin de la haine

Levain du racisme

...Il faut trouver un juste équilibre entre mémoire, Histoire (aux historiens) et… oubli.

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09/05/2023 | Lien permanent

CAMUS, lire et relire ses « Carnets »…

albert camus,carnets,citations,livres,fragments,philosophie,libertaireCarnets, journal de pensée, journal d’écriture… Livre de chevet, comme le Journal de Kafka. De ces livres lus et relus...

Mais là je reprends (et commente) deux citations posées sur des pages Facebook dédiées à Camus, ces pages littéraires qui font relire des fragments au hasard. Parfois c’est « Albert Camus », parfois « Albert Camus, pensée du jour ». Et j’en ajoute, en feuilletant l'ouvrage… 

...

"Pourquoi suis-je un artiste et non un philosophe ? C'est que je pense selon les mots et non selon les idées".

Artiste, oui. Poète (lisez Noces...!). ET philosophe. Un des seuls à avoir su penser les totalitarismes sans se laisser fasciner par eux. Et, lui, était en résistance quand il le fallait, quand un Sartre posait des textes dans des feuilles collaborationnistes et signait (comme Beauvoir) l'engagement qui les faisait affirmer (sur l’honneur?!) qu'ils n'étaient ni Juifs ni francs-maçons, pour pouvoir rester dans l'Éducation nationale pendant l'Occupation...! Un philosophe n'est pas un constructeur de systèmes. C'est un penseur qui donne de quoi élaborer une conscience, individuellement et collectivement. Lisez ses "Écrits libertaires", regroupés par Lou Marin, ce chercheur allemand qui a retrouvé tant de textes dispersés dans des revues libertaires du monde entier...

"Paris ou le décor de la sensibilité"... (La page Facebook "Albert Camus, pensée du jour" avait associé cette citation à une photographie de Paris vu de l'espace...).

Paris pensé par Camus… Pensée de metteur en scène, qu'on peut interpréter diversement : force du lieu, richesse sensible possible, ou mirage qui cache les froideurs, ou tout cela en même temps... De Paris, Camus percevait des aspects plus angoissants (autres textes...). L'espace gris, la pluie, qui, malgré la beauté, réveillaient la nostalgie d'un univers méditerranéen solaire (Algérie, Espagne, mais aussi un certain sud en France, celui de son ami si cher, René Char... ou des paysages italiens). Et puis Paris, ce fut pour lui des vécus très divers, entre l'amitié des Gallimard, d'un côté, et l'hostilité d'un certain milieu d'une bourgeoisie intellectuelle rejetant le fils de pauvres et (comme il le dit) l'Algérien en lui (et sans doute l'Espagnol - par sa mère et ses liens vitaux - l'Espagnol  libertaire, surtout…).

Et j’ajoute ceci (Carnets 1945-48) : « Il n’y a pas de justice, il n’y a que des limites. » 

J’associe cette pensée à l’éthique du père de Camus « Un homme, ça s’empêche ». On pose des freins à la violence des êtres, des mots contre les masques du langage. Sans illusion, on résiste à l’injuste. 

LIENS… 

Gallimard, Folio : http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio/C... 

Fabula, un appel en 2010 pour un colloque (et quelques pistes de lecture)... http://www.fabula.org/actualites/article35111.php 

Fiche wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Carnets_(Albert_Camus) 

Nombreuses citations, dont fragments des Carnets… http://www.laculturegenerale.com/citations-albert-camus/ 

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16/02/2017 | Lien permanent

FOOT. Olivier GUEZ, Albert CAMUS, et moi... UNE ”PAUSE MÉTAPHYSIQUE” ?

football,foot,coupe du monde,olivier guez,albert camus,footeur,pause métaphysique,équipe,communion,bleusJ'ai toujours considéré le football comme une pause métaphysique. À l'échelle d'une nation, c'est extraordinaire et, à mes yeux, largement suffisant.

       Olivier Guez (écrivain, dont je recopie ci-dessous un fragment de chronique) 

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Vraiment le peu de morale que je sais, je l’ai appris sur les terrains de football et les scènes de théâtre qui resteront mes vraies universités.

              Albert Camus, Pourquoi je fais du théâtre, 1959

Maintenant encore, les matchs du dimanche, dans un stade plein à craquer et le théâtre, que j’ai aimé avec une passion sans égale, sont les seuls endroits au monde où je me sente innocent. 

            Albert Camus, La Chute

Albert Camus et le foot... http://toutelaculture.com/livres/albert-camus-et-le-foot-... 

et... Camus, ce footeur devenu écrivain... http://lefooteur.com/2013/01/14/camus-ce-footeur-devenu-e...

Coupe du Monde… Ce que j'en pense ? 

Oui, la répression continue en Russie (il suffit, pour le savoir, de consulter le dossier 'Russie' sur les sites de RSF et d'autres associations des droits humains, et de lire la presse - mais pas RT ou Sputnik...). Oui, Poutine utilise la Coupe du Monde en stratège habile, et d'autres gouvernants peuvent s'en saisir (avec perversité, ou pas du tout). Et, oui, le triste anniversaire de la tragédie de Nice met une ombre sur ces jours. Alors justement... LUMIÈRE... !!! (Et nous agirons aussi en signant des pétitions pour soutenir le cinéaste ukrainien prisonnier, en grève de la faim : en diffusant des informations, et en participant aux actions proposées par des associations... La joie collective aide la solidarité, ne l'entrave en rien).

Car cet événement, il me semble, n'est pas récupérable : il s'y joue autre chose, si des peuples aiment ce sport et ont leurs raisons pour cela. (Non, l'argument "le pain et les jeux", qui réduit l'univers des gens à une manipulation qu'ils acceptent, cela n'explique pas l'essentiel et c'est assez méprisant.) 

Même quand, comme moi, on n'y connaît strictement rien (regardant très rarement des matchs), on peut aimer la gestuelle qui est comme une chorégraphie (c'était vrai pour Zidane et ça le devient pour d'autres), on peut admirer l'habileté époustouflante et la grande maîtrise de certains. On peut voir dans une équipe une métaphore de la société, du collectif. Et quand des personnalités surnagent, par leur comportement, leur charisme, cela aide à penser autrement l'humain (l'enthousiasme de beaucoup de jeunes doit sans doute beaucoup à cela : s'identifier à du "possible" dans les réalisations des êtres, à travers quelques visages qui les séduisent). Une équipe qui nous ressemble, par sa diversité assumée et heureuse. Différents, et très Français. 

En plus on assiste à un phénomène pédagogique assez remarquable (ou comment un sélectionneur crée une dynamique collective et révèle des personnalités). 

Albert CAMUS aimait le foot, et ce qu'il a dit à ce sujet parle autant de lui que du foot, ce sport populaire (or lui était d'un milieu populaire, justement) : "Vraiment le peu de morale que je sais, je l’ai appris sur les terrains de football et les scènes de théâtre qui resteront mes vraies universités." (citation déjà en exergue...).

La fébrilité des groupes de spectateurs qui suivaient la demi-finale, et la fièvre dans les cafés (les cris pour les buts...) et dans les rues, c'est de la vie, une dynamique particulière que seule provoque aussi la musique dans les foules de concerts. Pas de l'hystérie, du partage. Ce soir il faut être dans les cafés... 

Albert CAMUS, donc, pour le foot.

Mais aussi Olivier GUEZ, qui a écrit une belle chronique dans Le Monde daté du 13 juillet. J'en retiens un passage (dont j'ai tiré un exergue) : "Il y a une autre chose que révèle le parcours russe des Bleus : l'immense besoin de communier des Français, ensemble, après les drames de 2015 et 2016 et malgré nos divisions, politiques, économiques et religieuses. J'ai toujours considéré le football comme une pause métaphysique. À l'échelle d'une nation, c'est extraordinaire et, à mes yeux, largement suffisant."

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PS : après le triomphe des Bleus. Joie de voir gagner cette équipe si sympathique et ce sélectionneur remarquable…

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15/07/2018 | Lien permanent

Citoyens du monde : Garry Davis et Albert Camus. Double hommage…

CAMUS.jpgL’un, Garry Davis (décédé en juillet 2013),  s’est proclamé citoyen du monde, renonçant à la citoyenneté américaine et diffusant largement ce concept de citoyenneté mondiale (d’abord apparu en Angleterre en 1937), dans un contexte d’après-guerre qui permettait de prendre conscience de la nécessité de sortir des enfermements nationalistes (même si cela est encore loin d’être une réalité en 2013…). C’est loin, et c’est proche aussi, car beaucoup de gens agissent dans une conscience transnationale, tissent des liens transculturels, et de multiples structures solidaires traversent les frontières, même dans la complexe situation de crise économique, politique, environnementale et plus…    

L’autre, Albert Camus, dont on marque le centenaire de naissance (par de nombreux hommages et quelques tentatives diverses – mais vaines - de récupération – car sa pensée est radicalement irrécupérable, s’il est lu intégralement et sans mauvaise foi…) manifesta toujours une aversion pour les nationalismes quels qu’ils soient – ce qui entraîna, et entraîne encore, des malentendus de lecture, des projections et incompréhensions d’une pensée qui est à hauteur d’éthique, complexe, questionnante, assumant le doute. Lui, donc, Albert Camus, fut impliqué dans le soutien de Garry Davis alors que ce dernier se trouvait en France, en situation d’apatride. Textes d'hommage et revue de presse sur le site des Citoyens du monde : http://www.recim.org/dem/garry.htm#autres  (« Robert Sarrazac, qui conservait de nombreux contacts de son temps dans la Résistance, avait créé un « Conseil de Solidarité » formé de personnes admirées pour leur indépendance d’esprit et qui n’étaient liées à aucun parti politique en particulier. Le Conseil était dirigé par Albert Camus, romancier et rédacteur dans plusieurs journaux, André Breton, poète surréaliste, l’Abbé Pierre et Emmanuel Mounier, rédacteur en chef d’Esprit, tous deux étant des Catholiques dotés d’une forte indépendance d’esprit, ainsi qu’Henri Roser, pasteur protestant et secrétaire en charge des pays francophones du Mouvement international de la Réconciliation. »). Plusieurs liens vers d’autres articles  sur Garry Davis, ou extraits, sur cette même page.  Dont l’article du Monde qui se termine sur la même évocation des soutiens dont fut, donc, Albert Camus : « Il va donc lancer en 1953 son mouvement pour un " gouvernement des citoyens du monde ", recevant les soutiens de personnalités aussi diverses qu'Albert Camus, André Gide, Albert Einstein ou Eleanor Roosevelt. Au jour de sa mort, le registre des " citoyens du monde ", tenu par ses supporteurs du World Service Autority à Washington, comptait près d'un million d'inscrits. »

D’octobre 2013 à janvier 2014, une exposition (Aix) fait pénétrer dans la pensée solaire de Camus à partir de cette thématique de citoyenneté du monde. C’est une entrée qui me paraît particulièrement justifiée : Algérie native, Espagne originelle et présente, France de la culture et de la création, ancrage méditerranéen qui porte en lui-même son ouverture au monde, voilà la matrice de cette conscience transnationale, des déchirements intimes qui en découlent et de la dimension libertaire de sa présence au monde. Centre Albert Camus de la Cité du livre, Aix : http://www.citedulivre-aix.com/Typo3/fileadmin/documents/Expositions/centrecamus/

Ouvrage collectif publié à l’occasion de cette exposition, « Albert Camus, citoyen du monde », Gallimard, 2013 : http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Albums-Beaux-Livres/Albert-Camus-citoyen-du-monde  (« Pour Albert Camus, le monde est une cité où pourraient cohabiter des hommes libres et égaux. Montrer en lui le «citoyen du monde», c'est souligner son lien avec la nature, son souci du temps présent et de l'avenir, sa générosité envers les autres, son refus des frontières, son sens aigu d'une fraternité universelle. »)

Garry Davis… Sa déclaration de 1948 aux Nations Unies est dite « déclaration d’Oran », pour ce lien avec Camus qui participa à la rédaction de cet appel, affirmation et haut questionnement (« I interrupt you in the name of the people of the world not represented here.”). Fiche wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Garry_Davis   (« Le 19 novembre 1948, en préparation avec Albert Camus, Davis interrompt une séance de l’Assemblée générale des nations Unies au Palais de Chaillot afin de demander la création d’un gouvernement mondial. Le texte de la déclaration d'Oran (ainsi appelée car elle fut rédigée avec Camus, originaire d'Oran. ») .

En ce 07-11-2013, Camus aurait eu cent ans...

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07/11/2013 | Lien permanent

La philosophie contre la peine de mort. Et tous LIVRES contre...

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La chronique de Hicham-Stéphane Afeissa sur Non Fiction donne des clés très intéressantes pour comprendre cette démarche... http://www.nonfiction.fr/article-7875-la_folie_de_la_rais...

Car c’est vrai que les arguments qu’on utilise contre la peine de mort (et cependant à juste titre) tiennent compte de la logique sociale (inefficacité, prouvée par des études statistiques, contre le crime) et de la morale (ne pas se faire meurtrier du meurtrier pour refuser le crime, ou ne pas déléguer à d’autres le geste de tuer, en assumant cependant le choix donc le crime : chaîne infinie). 

Mais cela reste une morale pensée sans avoir conscience de la dimension sacrificielle, que Jacques Derrida réintroduit dans son analyse.

Aspect très intéressant de la pensée de Jacques Derrida, aussi, c’est le lien fait avec notre rapport aux animaux ("Je pense la même chose pour le rapport aux animaux : derrière toutes les problématiques qui sont des alibis au sujet de notre consommation et de notre tuerie des animaux, il y a, au-delà de toutes les prétendues nécessités sur les protéines, etc., il y a une pulsion sacrificielle. (…) Il faut penser ce que signifie ‘sacrifice’ pour approcher aussi bien la question de l’animal que la question de la peine de mort, des deux côtés »).    

Je vois cette oeuvre abolitionniste comme un prolongement de l’écriture et de la lutte d’Albert Camus (et, plus loin dans le temps, de Victor Hugo). Camus et Derrida, deux natifs d’Algérie engagés (chacun à sa manière, chacun avec son langage) contre cette barbarie toujours si présente dans le monde. Cela peut nous aider, au-delà des pétitions et diverses actions contre les exécutions, l’engagement peut être plus fort s’il s’appuie sur des pensées fortes. 

C’est bien nécessaire quand on vient d’apprendre les 47 exécutions en Arabie saoudite, qu’on craint, dans ce pays, pour le poète palestinien et pour le jeune neveu d’un des dissidents assassinés. Quand on doit signer une pétition pour tenter de sauver trois jeunes condamnés en Iran (pays qui exécute encore plus que l’Arabie saoudite…). Même si de plus en plus de pays deviennent abolitionnistes nombreux sont ceux qui ne le sont pas encore (comme les USA, la Chine, etc.).

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Le SÉMINAIRE de Jacques Derrida.  La peine de mort, éd. Galilée, deux volumes...

Séminaire. La peine de mort I (1999-2000)...
Séminaire. La peine de mort II (2000-2001)...

BioBiblio, Jacques DERRIDA, fiche wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Derrida 

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ÉCHOS. Autres grands livres...

Albert Camus, Arthur Koestler,Robert Badinter, Stephen King, Victor Hugo, Cesare Beccaria,...

Essais... 

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Note sur ce livre, Études camusiennes... http://www.etudes-camusiennes.fr/wordpress/tag/reflexionx... 

TEXTES de Camus, regroupés : http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Hors-serie-Li... 

Réflexion sur la peine capitale, Albert Camus et Arthur Koestler, Gallimard...
 
Et (1764), Des délits et des peines, de Cesare Beccaria...
...
 
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Contre la peine de mort – Ecrits 1970 – 2006, page Decitre... http://www.decitre.fr/livres/contre-la-peine-de-mort-9782...

L’Abolition, BiblioMonde… http://www.bibliomonde.com/livre/abolition-2633.html

Fiche wikipediaRobert Badinter, qui a joué un rôle majeur pour l’abolition de la peine de mort en France…  http://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Badinter

...
Grand texte. Le discours de Robert Badinter du 17-09-1981. Le Figaro, 08-04-14...
...
Analyse, sur Camus et Koestler contre la peine de mort. SITE d'ECPM (Ensemble contre la peine de mort)...
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Trois récits majeurs...

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L'étranger, d'Albert Camus, histoire d'un livre, page Gallimard...
 
Sur ce livre, une note au sujet de l'analyse (nécessaire mise au point contre des interprétations erronées de choix de Camus). "En quête de L'étranger", un essai d'Alice Kaplan...
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......................
 
Bibliographies...
 
15 livres sélectionnés par Sens critique. Oui, mais il manque les essais de Camus (même s'il y a L'étranger...)... 
 
Livres et films sur la peine de mort, fiche wikipedia... 
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NOTE antérieure, 15-10-12 (mise à jour 2020). Associations, SITES. Arguments, dont diaporama… http://tramesnomades.hautetfort.com/archive/2012/10/15/co...

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06/01/2016 | Lien permanent

Superbe exposition de Tomoko Yoneda, Maison de la culture du Japon.

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Pour cette exposition, j’ai revisité les lieux où Camus a vécu, ainsi que les endroits et les événements historiques qui l’ont inspiré, dialoguant avec les habitants de l'Algérie et de la France chères à l'écrivain pour mieux explorer en images la question de l’amour universel et radieux. Je me suis efforcée d’alimenter la réflexion sur la nature humaine, en répondant en photographies aux événements du passé, mais aussi aux ombres qui planent de nouveau sur l’Europe et le Japon.                    

 Tomoko Yoneda (début de son texte introductif. Suite sur le site de la Maison de la culture du Japon, où on peut lire aussi une présentation de l’artiste, de sa démarche de photographe)… https://www.mcjp.fr/fr/agenda/tomoko-yoneda 

 

Camus.jpgSuperbe exposition, achevée le 2 juin. Associer les lieux d’Albert Camus, en Algérie et en France, en les reliant, à travers une démarche très consciente des questions que pose Camus, de son éthique, c’est une réussite. Les textes qui introduisent l’oeuvre de Tomoko Yoneda sont ceux d’une artiste camusienne lucide, qui veut, par le regard, lutter contre les ombres qu'elle sait menacer nos pays, ceux de Camus, mais aussi le Japon, et d’autres. Elle se réfère à « Ni victimes ni bourreaux ». Ce rappel accentue la force du message, comme la citation qu’elle fait de Camus, sur la révolte, contre ce qui manque, et parfois dans ce qui est, dans le monde. J'apprécie ce lien fait entre Camus et le Japon, lui qui avait été bien seul à protester contre l’horreur de la bombe nucléaire. 

Certaines photographies sont très grandes, d’autres petites (celles-ci associées par deux).

Présence de la lumière. Soleil d’Alger… 

La mer, bien sûr. Méditerranée, sur les deux rives : Marseille, ainsi. 

La beauté chantée par les mots de Camus, ses repères de joie. Tipaza, aussi.

La luxuriance du Jardin d’Essai. 

Mais aussi les lieux de vie : la maison du quartier populaire de Belcourt à Alger, l’hôtel de Montmartre où Camus acheva L’Étranger, la maison où il écrivit Le premier homme. 

« Dialogue avec Albert Camus », ce titre est bien adapté. Car on sent un intense échange intérieur avec l’oeuvre. On perçoit la conscience en éveil de la photographe, inquiète de la marche du monde, des pièges qui guettent, des totalitarismes toujours à l’affût, contre lesquels Camus dressait sa lucidité et la beauté de l’art, écriture et théâtre. Elle crée de la beauté, mais en choisissant des lieux porteurs et en accompagnant les photographies de textes qui en sont comme un deuxième cadre. Ce qui fait que le regard porté sur les photographies tient compte d’un hors champ conceptuel que l’artiste a disposé volontairement, subtilement. L’ombre est aussi dans le hors champ, les menaces totalitaires, la violence, la mort. Et le « je » de la photographe est dans la création, dans les questions, dans l’écoute de l’oeuvre camusienne, avec le juste recul d’un « je » qui ne se contemple pas mais dit le réel (parfois ce qui est donné à voir n’est pas banalement « beau », mais juste banal de la banalité du quotidien (la maison de Belcourt, l’hôtel de l’écriture). Réel. Le dialogue est aussi entre les temps, des lieux vus actuellement, qui ont appartenu au passé de Camus ou de son père (la bataille de la Marne). Sur le présent d’un lieu se projette la mémoire qu’on a des textes et des questionnements associés. Guerre et guerre (Mémorial des étudiants algériens). La guerre, ce meurtre collectif délégué, thème central chez Camus, même refus chez elle, habitée par l’Histoire.

Leçon d’esthétique, dans cette exposition. Il faut deux fois cadrer une photographie : cadrer par le regard qui choisit l'angle et structure, cadrer par les mots qui créent un possible hors champ, et qui ne sont pas « commentaire » mais marge offerte à la pensée. Et certaines photographies sont elles-mêmes des marges pour les autres. Comme celle de L’attente, port d’Alger. Une femme, voilée, attend. Derrière des vitres, barrées de fer. Qui est prisonnier? Elle ? (De normes rigoristes qui réduisent sa liberté de femme, et contre lesquelles d’autres femmes luttent? »). Nous ? (De peurs que des signes font naître à juste titre par le sens qu’ils véhiculent ? Ou de peurs excessives qui projettent sur des visages, autres, les ombres lues sur des masques qui cachent les corps ? Ou, comme l'analyse Camus, dans « Ni victimes ni bourreaux », la peur de dire, qui crée les silences complices. Les vitres pourraient symboliser le silence, mur invisible, abstrait mais compact). 

Dans le dossier de presse (à lire sur le site) on apprend que photographier en Algérie n'a pas été si facile pour l'artiste, constamment contrôlée, et ne pouvant obtenir d’avoir des échanges avec des étudiants. (Je me demande si c'est son intérêt pour Camus qui a dérangé un pouvoir qui ne le comprend toujours pas et qui a peur de sa liberté, contagieuse… Ou simplement la peur des regards lucides, d'où qu’ils viennent ? Pourtant son objectif était l’empathie. Répondre par l'amour aux défis du monde, morale camusienne aussi.)

Son SITE…  https://www.tomokoyoneda.com 

Lire le texte de Camus auquel elle se réfère, « Ni victimes ni bourreaux », 1948, Combat. Texte écrit contre le meurtre justifié idéologiquement au nom d’objectifs « futurs ». Éloge des « médiocres »  que nous sommes (Camus s'intègre dans ce « nous », et médiocres que nous devons être, ceux qui n’ont pas la force de supporter l’horreur de tuer). Réflexion sur la peur présente dans le monde, dans la conscience et l'inconscient des humains.

CITATIONS (c’est tellement actuel que c’est troublant, la réalité de 2018…) : 

« Le XVIIe siècle a été le siècle des mathématiques, le XVIIIe celui des sciences physiques, et le XIXe celui de la biologie. Notre XXe siècle est le siècle de la peur. » (…) 

« Le long dialogue des hommes vient de s’arrêter. Et, bien entendu, un homme qu’on ne peut pas persuader est un homme qui fait peur. C’est ainsi qu’à côté des gens qui ne parlaient pas parce qu’ils le jugeaient inutile s’étalait et s’étale toujours une immense conspiration du silence, acceptée par ceux qui tremblent et qui se donnent de bonnes raisons pour se cacher à eux-mêmes ce tremblement, et suscitée par ceux qui ont intérêt à le faire. »

« Depuis août 1944, tout le monde parle chez nous de révolution, et toujours si sincèrement, il n’y a pas de doute là-dessus. Mais la sincérité n’est pas une vertu en soi. Il y a des sincérités si confuses qu’elles sont pires que des mensonges. Il ne s’agit pas pour nous aujourd’hui de parler le langage du cœur, mais seulement de penser clair. » (…) 

« Je puis maintenant conclure. Tout ce qui me parait désirable, en ce moment, c’est qu’au milieu du monde du meurtre, on se décide à réfléchir au meurtre et à choisir. Si cela pouvait se faire, nous nous partagerions alors entre ceux qui acceptent à la rigueur d’être des meurtriers et ceux qui s’y refusent de toutes leurs forces. » 

Lecture intégrale, "Ni victimes ni bourreaux"pdf… https://inventin.lautre.net/livres/Camus-Ni-victimes-ni-b... 

Camus à Combat, éditoriaux et articles, 44-47… http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-e... 

L’éditorial de Camus après Hiroshima, extrait, suivi de textes de rares intervenants critiques… http://pm22100.net/docs/pdf/textes/121105_CAMUS_APRES_HIR... 

© Marie-Claude San Juan

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31/05/2018 | Lien permanent

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