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Que penser du rapport de Benjamin Stora ?
Pour instaurer la paix dans le monde, pour mettre fin à toutes les guerres. (…) Il faut une révolution dans l'individu, en vous et moi. (...) Ce qui nous apportera la paix ce sera une transformation intérieure qui nous conduira à une action extérieure. (...) Il n'y a pas de pensée claire sans connaissance de soi. Sans connaissance de soi, il n'y a pas de paix. Khrishnamurti (La Première et Dernière liberté)
24/06/2021 | Lien permanent | Commentaires (2)
”L'Algérie de Kamel Daoud” (Oran en vedette). Documentaire de Jean-Marc Giri.
Sur la 5, en replay. Kamel Daoud, Oran... Des témoignages,
sans aucun tabou. Et des moments forts. Comme la parole
de ceux qui partagent vie intellectuelle et quotidien convivial
avec Kamel Daoud, connaissent beaucoup de lui. Un portrait
d'Oran, dans sa spécificité. Ville unique, imprégnée d'Espagne
aussi (on a entendu des échos d'espagnol). Et ce que dit Kamel
Daoud de son écriture en réponse au livre de Camus, L'étranger,
évacue les projections et instrumentalisations. Il insiste sur le fait
que son roman n'est pas "contre" Camus, mais, dit-il, "un exercice
d'admiration", un peu insolent, une "conversation". Il est,
en fait, un camusien authentique, avec la liberté de pensée de qui peut
affronter tout en aimant, non pas parce qu'il fait, lui, un contresens
sur l'intention de Camus dans sa propre création, mais pour être
dans une parole commune qui pose des nuances clés sur les
perceptions intimes du réel. Kamel Daoud parle, à un moment,
de l'altérité, du manque d'altérité quand l'autre est absent et
qu'on le réinvente négativement, justement parce qu'il est absent.
ll revient sur l'islamisme, comme l'a fait un de
ses amis en rappelant que tous les jeunes Algériens des années
80 avaient été influencés par l'islamisme, et Kamel Daoud aussi,
par le Fis, mais lui a su s'en distancer pour combattre d'autant
plus l'idéologie mortifère. Et, sur l'islamisme, Kamel Daoud dit
que pas mal de pays du Moyen-Orient se sont débarrassés
de leurs islamistes... qui sont venus en Algérie.
Il est fait retour sur le rapport à la langue pendant la période
française, un sentiment de dépossession de la langue du vécu
de tous les jours, langue perdant sa légitimité, souffrance
intime. Superbe moment de télévision…
LIEN… https://mobile.france.tv/france-5/la-case-du-siecle/12309...
………………………………………….
Autres LIENS…
Page "auteur", sur le site du Point. L’essentiel résumé en quelques
lignes… https://www.lepoint.fr/journalistes-du-point/kamel-daoud
Et une de ses chroniques.
"Où en est le rêve algérien ?", Kamel Daoud, 12-01-2020, Le Point...
https://www.lepoint.fr/editos-du-point/sebastien-le-fol/k...
Cette chronique lui a valu des critiques très dures dans la presse
algérienne, libanaise, et française. Y voyant un ralliement au pouvoir,
opposé à sa participation au Hirak au début. (Mais il avait dit que
marcher ne pouvait suffire, qu’il fallait des propositions, des alternatives
en personnalités et idées.) Ses positions sont depuis toujours lues
avec passion, soit pour le soutenir (et le remercier pour ses analyses,
comme sur des pages de soutien sur Facebook, très suivies), soit pour
le critiquer violemment. C’est une fracture dans l’opinion.
PAGES FACEBOOK….
Solidarité avec Kamel Daoud... https://fr-fr.facebook.com/pg/Solidarite.avec.Kamel.DAOUD/posts/
Et une, publique, à son nom. (Mais attention, d’autres sont fausses).
17/02/2020 | Lien permanent
Poésie / première, n° 69. Retour sur un numéro de 2017.
« Les mots le silence », décembre 2017.
Un thème, le silence, et un questionnement. Quelle est la place du silence dans l’écriture ? Pas de virgule : « Les mots le silence ». Dans les mots du poème il y a déjà le silence, ils naissent du silence, sont portés par lui. Dans un premier texte, Alain Duault part de la peinture, pour interroger le visible, la beauté (« pas du côté de la tranquillité »), et fait détour par la musique pour penser ensuite la poésie (« pas du côté de la maîtrise » et « pas là pour répondre »). Ces non-réponses sont déjà un premier silence, miroir de ce qui est immobile, brisure des concepts. Reliant les arts Alain Duault peut saisir ce qui fait l’espace spécifique de la poésie : « ce trouble, ce tremblement, ce battement - dans cette fracture d’un sens installé ». Yves Bonnefoy est cité deux fois, car il définit justement cela, cette « fissure ». Le titre du texte, lui, traduit « l’infini silence du désir que porte le poème ».
D’autres études (et des poèmes) prolongent cette méditation sur l’écriture et le silence.
Mais le dossier sur un poète tibétain, Palden Sonam Gangchenpa, par Michèle Duclos, donne à penser un autre silence, celui qu’impose la répression d’un pouvoir oppresseur : « L’obscurité n’a rien vu ».
Monique W. Labidoire évoque le terrorisme à Barcelone, quand la terreur et la mort font se fermer les yeux, et le flux des vagues devenir silencieux pour des oreilles rendues sourdes.
Autre silence, celui du poète sans lecteurs. Ainsi la solitude, longtemps, de Jacques Canut, avec ses « Carnets confidentiels ».
Joëlle Gardes, parlant de sa conception de la poésie, insiste sur la « dimension spirituelle liée au sacré », « un sacré qui n’a rien à voir avec le religieux ». Ce n’est pas étonnant qu’il lui ait été proposé de s’exprimer dans ce numéro, son premier recueil ayant pout titre « Dans le silence des mots »…
Enfin, dans les notes de lecture - hors thème - je retiens deux mentions qui rejoignent la pensée du silence. Celle du beau recueil de Gérard Mottet, « Murmures de l’absence ». Dans ce livre le silence est celui de la communication rompue par la disparition d’un être. Et celle du numéro des Cahiers du Sens de 2017 sur L’Inaccessible. Car même si le sujet n’en est pas le silence, c’est bien par lui et au-delà de lui que l’écriture tente de rejoindre l’inaccessible, ce qui ne peut être dit, et qui pourtant s’écrit.
Mais d’autres chroniques sortent du thème, ou ne le rejoignent qu’indirectement. Je ne suis pas l’ordre des pages mais celui de mes relectures…
J’ai beaucoup apprécié le très beau texte de Laurence Lépine sur le livre de Lydie Dattas, La Blonde (Les Icônes barbares de Pierre Soulages), 2014. En un peu moins de deux pages, aussi fortes que denses, elle dit l’affinité profonde entre les poèmes de Lydie Dattas et les outrenoirs de Pierre Soulages (peintre dont je regarde les noirs au musée de Montpellier à l’occasion de chaque exposition visitée). Je cite… Parlant de Lydie Dattas elle écrit ceci : « C’est un être de pure lumière qui a écrit ce texte.Une voyante d’air - tout pour elle semble dicté par quelques mystères. Tout semble écrit en plein ciel, pour rejaillir ensuite en gouttes d’encre sur le papier. » (…) « L’écriture de Lydie Dattas est d’une beauté abyssale. Chaque lecture est un nouveau palier franchi vers notre propre splendeur, ce lieu ancestral où quelqu’un, en nous, répète inlassablement les gestes qui entaillent les ténèbres — jusqu’à ce que jour se fasse, nous illumine, nous révèle à nous-mêmes.. » Le texte critique est en correspondance totale avec ce qui est en jeu dans la rencontre entre une écriture et le peintre du noir transfiguré.
J’aimais déjà Lydie Dattas depuis ma lecture de La Nuit spirituelle, mais là je découvre la force des mots de Laurence Lépine et c’est elle aussi que je vais me mettre à lire en cherchant ses recueils. Ils ne peuvent qu’être à la hauteur de ce qui passe là de sa conscience d’être et d’écriture…
J’ai lu avec beaucoup d'intérêt l’entretien avec Daniel Besace, par Jacqueline Persini, sur les revues Transpercer, Traverser et Transvaser (objets-livres), au sujet, notamment, de la matérialité des traces créées.
Enfin, ce fut une heureuse surprise, j’ai trouvé avec grand plaisir l’entretien avec Ivan Morane, metteur en scène de La Chute d’Albert Camus. Par Isabelle Lelouch. Le metteur en scène a découvert ce texte, dit-il, à 17 ans. En un choc qui fait que c’est toujours l’œuvre de Camus qu’il préfère, y lisant beaucoup de significations à déchiffrer, dont une interrogation essentielle sur l’humanité, ses failles. (Par contre il y a une erreur dans une page, au sujet de Catherine Camus, fille de Camus, pas petite-fille…). Ivan Morane dit être touché par Camus, par son langage « mélange entre la rudesse et une légèreté, dans son accent, son langage de pied-noir d’Algérie ». L’entretien est complété par deux pages sur Camus, son idéal humaniste, son combat pour des valeurs « porteuses de justice », et les références spirituelles qui parcourent le texte de la Chute.
J’avais raté ce numéro. Je l’ai choisi au Marché de la Poésie, pour son lien thématique avec un projet de travail, et trouvé plus encore que ce que je cherchais. Je surveillerai de plus près les prochaines publications de la revue…
En quatrième de couverture un collage de Ghislaine Lejard (des livres et des livres…).
MC San Juan
Le sommaire complet, en pdf, lien actif sur le site (sommaires).
19/06/2019 | Lien permanent
”Les événements, les faits, les circonstances”. Réflexion sur trois pointes de l'angle (penser-agir, créer, devenir)
"Ma conviction est que nous devrons toujours refuser de nous incliner devant les événements, les faits, les circonstances, la richesse et le pouvoir, l’histoire comme elle procède, le monde comme il va. Nous voulons voir la condition humaine telle qu’elle est. Et nous la connaissons désormais en profondeur. C’est l’horrible condition qui exige des charretées de cadavres et des siècles d’histoire pour provoquer une modification infime dans le destin de l’homme." (…) "Combien de Socrate ont été assassinés en Europe, ces dernières années ? C’est un signe. Le signe que seul un esprit socratique d’indulgence envers les autres et de rigueur envers nous-mêmes peut constituer une réelle menace pour une civilisation fondée sur le meurtre. Un signe, donc, que seul cet esprit peut rénover le monde. Toute action, fût-elle la plus admirable, qui aurait pour finalité d’asseoir la domination et le pouvoir, ne peut que mutiler l’homme encore plus atrocement."
Albert Camus, La crise de l’homme, conférence prononcée en 1946 aux Etats-Unis, à la Colombia University. Texte publié par la NRF en janvier 1996.
Ce qu’il dit là après les ravages d’une terrible guerre, l’horreur de l’holocauste, Camus aurait pu le redire en 2015. C’est toujours la même réalité sombre qu’on constate : domination et intérêt, règne de la violence et de la mort.
Actuellement, désespérant spectacle des luttes autour des problèmes et des choix de la Grèce : dureté, mépris, fracture politique, lutte nord-sud dans une Europe plus déchirée qu’on pouvait croire. Pays en posture de bouc émissaire, et pays en position de jeux de règne. Aux frontières, la souffrance, la peur, la mort : migrants (et tout un continent qui interroge la géopolitique, les stratégies mondiales). Pour cela aussi faillite de la pensée qui ne sait s’en saisir, de l’éthique qui se dilue dans des peurs adverses. Plus loin, Asie, autres migrants, Rohingyas musulmans persécutés par des bouddhistes intégristes et racistes : faits sidérants, contraires aux catégories mises en place. Mais, au contraire, terreur diffusée par d’autres musulmans, fondamentalistes, intégristes, stratèges manipulateurs, eux : les islamistes habiles à installer la porosité idéologique qui fait recruter. Terroristes, mais qui se réfèrent à une religion, dont ils ont une vision où la spiritualité a disparu (à des années lumières de la superbe mystique des soufis, et même de la simple pratique du quotidien de tous ceux qui leur échappent et qu’ils voudraient détruire). Le terme « islamistes » contenant le radical « islam » certains réfutent son emploi, mais il est pourtant le seul à désigner le soubassement du système mis en place. Le fait que les confusions soient possibles, les projections et amalgames aussi, cela ne peut justifier le déni. Cela nous impose juste une vigilance accrue : penser des pôles inverses en même temps. Toujours sur le fil du rasoir. Et lire, beaucoup. Relire. Camus autant que la presse, où on trouve des débats de qualité. Terrorisme, il faut mettre le pluriel : les faits dramatiques récents, en Israël, le démontrent, comme la répétition des assassinats de noirs aux USA. « Meurtre », concept clé (rappel de Camus). Même un roi lion se fait assassiner par quelqu’un qui peut payer le droit de cruauté. Meurtre et peine de mort… encore largement répandue. Meurtres, massacres, bombardements, mensonges. « Refuser de nous incliner ». Et soutenir ceux qui refusent…
Mais fil du rasoir et grand écart, pas seulement pour la pensée. Aussi pour savoir quelle place donner en soi aux trois pointes de l’angle. A la préoccupation du monde (qui peut devenir hantise, dérive militante anesthésiante), d’un côté. A la contemplation de la beauté des choses dans ce même monde, à la création pour la déchiffrer, d’un autre côté. Et, enfin, au cheminement intérieur vers plus de conscience, de silence, de l’autre. Trois pieds, trois yeux. Donc, là, pendant que je lisais des poèmes (notes précédentes, notamment, une partie de mon « marché » de la poésie de juin), et pendant que je photographiais et écrivais, j’avais constamment en tête tous les bruits des faits, les mots de la presse, le texte de Camus, et d’autres, chroniques ou éditos, entretiens parfois : documents accumulés, lus stylo en main. Textes (très récents ou beaucoup moins récents…) qui me paraissent donner des clés, mériter relecture, aider à penser l’actualité, pour refuser l’emprise des faits, pour ne pas être prisonniers de leur pouvoir. Textes que je relis, pour moi, textes que je pose en citations dans des notes (ou dans les listes en marge des notes : réserve de pensées, de questionnements, et d'informations prises en compte dans la lenteur contraire aux précipitations des faits donnés en pâture sur des chaînes qui paradoxalement nous coupent du réel).
Pour accompagner Camus, et ma réflexion, en écho éthique, je note des citations diverses… ci-dessous.
"Pour la majorité d’entre nous qui, n’ayant pas les moyens de stopper la barbarie, est condamnée à la subir, reste la solitude partagée. Ce n’est pas rien. Car plus les êtres humains seront nombreux à être seuls, plus ils constitueront un espace susceptible de reprendre un jour la parole. Car qu’est-ce que l’éthique, pour finir, sinon tenir bon et refuser d’obéir, y compris sans le soutien de l’espoir ?". Dominique Eddé, texte dans L’orient littéraire, fragment cité par Marc Saghié, éditorial du Courrier international, hors série sur L’islam en débat, début 2015 : http://www.lorientlitteraire.com/
"La solitude partagée", cela peut donner ce qui suit… Entrer en empathie dans la réalité de la vie d’autrui, sa solitude, en gardant la nôtre, pour dire.
Ce peut être aussi la solitude métaphysique, philosophique, conscience d’un exil sur terre, plus intense que l’exil d’un pays. Solitude commune à Atiq Rahimi et Albert Camus, dans la compréhension intime qu’en a Atiq Rahimi (qui, comme des lecteurs indiens, sait voir en lui une parenté méconnue : avec un Orient de l’esprit). Dans son commentaire sur sa lecture de L’Etranger, paru dans La Croix du 28-07-2011, il témoigne d’autres grandes proximités, comme Shams, ce mystique splendide, maître de Rûmi, Erri de Luca, et Dostoïevski. Et il cite Shams : « Le grand scripte a écrit trois textes, l’un qui pouvait être lu par les autres et par lui-même ; le deuxième qui pouvait être lu seulement par lui-même ; et le troisième qui ne peut être lu ni par les autres ni par lui : c’est moi. ». L’entretien, La Croix : http://bit.ly/1Di59uq
Solitude du refus du troupeau (idéologique, politique, identitaire, religieux…). "Le citoyen c’est l’homme sans étiquette", dit Régis Debray (entretien, Marianne, 5-11 juin 2015 : http://bit.ly/1MEDOp0
En fait la question du choix de la place des sujets sociaux, idéologiques, politiques - les faits, l’actualité, dans l’espace de notre pensée et de notre action, ce n’est pas seulement un problème de temps à consacrer à cela « contre » le temps du reste, c’est principalement la saisie d’un enjeu de langage. Thomas Clerc, ainsi, parle de l’abjection du langage, danger idéologique double : corruption abjecte de la pensée complaisante, idéologiquement paresseuse, d’une part, et anéantissement du langage par l’univers de la terreur, Libération : http://bit.ly/1ICOwJV
Mais, en deçà de la terreur, la politique, déjà, oppose une langue pervertie (par trop de cadres mentaux ?) à la présence du langage en poésie, qui est travail du questionnement, des marges et du doute, un « flou » qui fait traverser les couches du sens. On retrouve cette manière de penser chez Jérôme Ferrari : « La politique pourrit la langue, c’est-à-dire qu’elle fait à la langue l’exact contraire de la poésie ». Voir ce qu’il dit sur la physique quantique - le rapport au réel qu’elle bouleverse, et le rapprochement avec la démarche de la poésie soufie. Dans L’orient littéraire : http://bit.ly/1OW24kH
01/08/2015 | Lien permanent
L'EUROPE, L'OCCIDENT... et l'Ukraine... Démocratie contre totalitarisme.
L'Europe n'a pas su voir. N'a pas entendu les alertes. A cru que Poutine pensait comme on pense... En le traitant comme s'il n'était pas déjà un criininel de guerre et un dictateur. Nous avons refusé d'intégrer l'Ukraine à l'Otan, pour ne pas 'provoquer' Poutine. Pas réagi pour la Syrie aux crimes de guerre. Les failles et les faillites... Coupables.
23/03/2022 | Lien permanent
Gabriel Audisio, l’ancêtre principal… Méditerranée, Algérie
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SOMMAIRE, suite…
. Recension, Feux vivants, 1958
. Recension, L’opéra fabuleux, 1970
. Ulysse ou l'intelligence, 1945. LIEN vers la recension (note qui suit...).
. Textes DE Gabriel Audisio, citations : essais, roman, récit (prose méditative)
. Textes SUR Gabriel Audisio, citations
. Échos. Pensée de la Méditerranée… Réflexion, puis citations (de Jean Grenier, Fernand Braudel, Jacques Huntzinger, Henry Laurens).
. Bibliographie sélective...
. Liens vers des documents précieux (notes, critiques, entretien, études...)
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27/02/2021 | Lien permanent
De Paul Souleyre, Quelque part dans la foule il y a toi. Récit. D'une rive à l'autre, se trouver soi
Comme Albert Camus à travers son Premier homme, Paul Souleyre, né après l’exil de ses parents pieds-noirs, mène une recherche des origines, de l’identité, quête initiatique où quelques mentions de Camus sont des clés. Douleur du deuil, et naissance à soi-même. L’inconscient sait ce qu’on ignore, et il guide. Histoire initiatique du « retour » guérisseur vers l’Algérie de qui n’y a jamais vécu mais est habité par son algérianité. Retour vers le pays chanté par Camus, même si c’est vers la rouge terre de l’Oranie des racines. La réalité est parfois magicienne, et l’écriture force plus qu’analytique. Quand, à la différence de tous les membres de la famille […] [son] Là-bas tourne dans le vide (p. 127). Camus apparaît dans un moment triste, mais en soutien, pour avoir évoqué la mort et le deuil : À ton enterrement j’ai lu un petit texte de Camus que j’avais entendu dans une chronique. […] Camus n’était pas du genre à enfermer les gens dans des cartons […] …plus de force ; je voulais vivre le même sentiment avec toi (pp. 52-53).
Et dans son parcours de recherche sur les siens il constate des similitudes entre la vie de son grand-père à Oran et celle de Camus (p. 157). Mais l’un a eu la littérature pour transfigurer les traumatismes, l’autre pas.
Relisant ce livre je repense à ce que dit un des amis du père de Daniel Saint-Hamont, que celui qui attend de l’autre côté de la mer, c’est soi. C’est ce qui est arrivé à Paul Souleyre. Pourtant ce n’est pas un retour en Algérie au sens strict, puisqu’il est né après 1962 (en 1969) en France. Mais le lieu de naissance d’un fils d’exilés pieds-noirs, n’est pas seulement celui qui est inscrit sur ses papiers. Car il naît chargé de mémoires et de silences, habité par ce « là-bas » des parents, avec leurs douleurs et leurs imprégnations culturelles, leurs joies aussi. Pour se trouver il lui faudra traverser la mer et retourner vers Oran.
Mais ce livre est aussi celui d’une perte terrible, celle d’un enfant. L’auteur le dit dans son préambule : Ce livre est un séjour dans l’entre-deux. Doublement. Entre ici et là-bas, et entre présence et absence. Amour et deuil double. Et longue lettre à sa fille.
Une enfant perdue c’est inconsolable. Mais quel beau portrait d’elle à travers ces pages… Fillette d’une grande maturité, évidente à la lecture des passages de son journal intime (qu’elle ne voulait pas laisser secret) ou au rappel de certaines paroles, dont elle-même se demande parfois d’où c’est venu (comme peut le faire un écrivain conscient que c’est une autre dimension de lui qui s’exprime). Des pensées de jeune philosophe auteur d’aphorismes profonds dont elle semble croire que le sens la dépasse. La souffrance de la maladie et la pensée de la mort (dont elle parle), voilà une des raisons de cette force de pensée. Une autre étant sans doute la conscience des questionnements familiaux, cet héritage d’exil qui donne un regard autre sur la réalité. Mais il y a aussi (en plus de l’attention de ses proches) cette lucidité partagée avec son père (eux qui veulent être capables de pouvoir être sans états d’âme quand il le faut).
Cette enfant qui a souffert des années a été en quelque sorte un maître pour elle-même, sa famille, et son père. Ainsi quand il réfléchit à la complexité de l’amour, sa part de violence, même pour aider l’autre qu’on aime, il relie cela à son rapport à l’Algérie retrouvée (p. 15) : Peut-être m’as-tu préparé au terrain miné bordé d’amour qu’est l’Algérie, ou au terrain d’amour bordé de mines, comme on voudra.
Son premier séjour à Oran, quelques jours, coïncide avec la période des dix ans de sa fille. Parlant de l’amour il note une réflexion qu’on voit peu, au sujet des amours construits sur de l’exil. Ajoutant : Un désastre. Car les récits et témoignages sur des vécus d’exils mettent en général l’accent sur des questions d’identité, de nostalgie des lieux d’enfance, sur les traumatismes divers. Mais peu abordent le sujet des rapports amoureux. Que ce soit les relations entre exilés ou des liens plus métissés, en quoi ce processus de mémoire et d’oubli et ces questionnements troubles sur l’identité interfèrent-ils dans les choix des amours et les réussites (réelles ou apparentes) et les échecs (réels ou sur-interprétés comme tels) ? Ceux qui se construisent sur du flou mettent du flou dans l’amour. Avec quelques phrases Paul Souleyre ouvre des brèches dans l’inconscient.
Il révèle aussi un fait qui n’a rien d’anodin, sur les traces des blessures de racines, histoire de pieds. Et que les Français d’Algérie et les Juifs algériens soient nommés globalement Pieds-Noirs est finalement un heureux hasard, un signe qui fait sens. Car on s’ancre avec les pieds, on trouve ainsi sa verticalité. Or Paul Souleyre a vécu une expérience particulière. Des années avec une verrue inguérissable sous le pied droit. Et qui disparaît sans soin, pas n’importe quand : trois jours après avoir obtenu mon visa pour l’Algérie.
Donc… retour en Algérie où il n’est pas né mais dont il est. Double pays. Celui d’une apothéose (p. 18). Le lien qui se crée, les Algériens et tous les repères culturels, y compris signes qui se mangent (makrouds et calentica). Mais aussi lieu d’une absence, celle des Pieds-Noirs.
Autre intuition, intéressante, au sujet de son père, après avoir mentionné la valise (l’emblème absolu du Pied-Noir). Les lieux de vie, les intérieurs (p. 19) : Il est difficile de faire des généralités, mais c’est rarement neutre chez les Pieds-Noirs, on pourrait faire une géographie de chaque intérieur. La souffrance s’y cache plus ou moins bien. Cette souffrance de la génération qui le précède il la découvre aussi lors d’un colloque. Il est venu là pour tenter de comprendre, d’apprendre. Et habité par une interrogation (culpabilisante) au sujet de la maladie de sa fille. Pourrait-elle venir des souffrances des aïeuls ? Et pourrait-il sauver sa fille en guérissant sa mémoire de fils de Pieds-Noirs ? Jusqu’à comprendre que le lien était excessif. Cependant une autre sorte de guérison est intervenue, un travail de mémoire et de sens dans deux directions. Transmission reçue, transmission passée. S’adressant à sa fille qui pourrait légitimement, dit-il, avoir la parole dans un lieu de mémoire, il écrit (p. 23) : Toute la famille de ton père arrive d’Oran, s’est coltinée une guerre, un exode, des morts, des disparus, des perdus de vue, des abandons de sépultures et j’en passe, et […]. Et il rappelle la parole d’une femme s’adressant à lui (quand il arrive pour assister à ce colloque) : Faites attention, il y a beaucoup de souffrance. (Elle craignait la réaction d’un descendant pouvant secouer des émotions par ses réflexions éventuellement critiques, comme celles d’un jeune historien un peu provocateur.) Phrase qui l’a marqué, comme la difficulté de ces personnes à être entendues par leurs enfants, souvent, et donc leur solitude. Lui constate que trop de place est consacrée aux morts par ces petits groupes de militants de la mémoire (un minuscule pourcentage). Car s’ils ont raison de faire connaître des faits occultés (26 mars, 5 juillet…) ils ont tort de ne faire que ça. Ils ont fait le choix de vénérer les morts et de se figer dans le temps, écrit-il (p. 35).
Mémoire pour mémoire, celle qui émerge de sa recherche est l’ascendance juive de la référence ancestrale principale, la vieille Zohra, devenue française par le décret Crémieux, comme bien des Juifs algériens (en babouche et parlant arabe). Ensuite, métissages avec des immigrés espagnols, et, le temps passant, diaspora et dispersion. Effacement de certaines mémoires, ce marranisme oranais (et ses échos espagnols). Le marranisme crée un rapport très particulier à l’identité. Être d’où on vient, et ne l’être pas. En découvrir très étrangement des indices et des signes (comme un plat envoyé de Jérusalem à sa fille par une camarade de classe), et constater des amnésies. D’une manière ou d’une autre un effacement externe qui a un miroir interne. Les ancêtres ont glissé des traces, volontairement ou inconsciemment. La rationalité saisit ces traces de l’identité perdue (les noms perdus aussi, souvent) et ceux du présent ne savent pas toujours quoi en faire, si ce n’est interroger le passé et se construire une liberté sans appartenances qui enfermeraient ni renoncements qui trahiraient. On rejoint donc cette thématique de la trahison qui empêche parfois de questionner et douter. Cela avait été abordé dans le livre avec une citation d’Yves Saint Laurent (p. 29), qui avait de l’indulgence pour la trahison, plus que pour d’autres fautes (en pensant sans doute à l’amour). Mais peut-être pensait-il aussi à d’autres sujets en relation avec l’origine oranaise. Qu’est-ce alors que trahir ? Penser l’histoire autrement ? Et trahir qui ? Soi ou d’autres ?
Finalement, pour Paul Souleyre, ce qui compte le plus c’est l’Algérie liant passé et présent, surtout sans oublier le présent des vivants. Et en sachant être lié aux deux, être chez lui dans ce là-bas fantasmé en distance par d’autres. Il traduit cela ainsi (p. 46) : Il n’y a que les Algériens à comprendre que c’est chez moi même si ce n’est pas chez moi. Lui ne veut pas s’enfermer dans les dates de la guerre et l’obsession des morts. Je pense, alors, au poème d’Ahmed Azeggagh, Arrêtez, qui exprime ce même refus, adresse qui dans son texte est un appel aux Algériens et aux Pieds-Noirs. Ce que fait Paul Souleyre est peut-être ce qu’a écrit la poète Amina Mekahli, amie qu’il appréciait et cite, p. 61 (poète hélas décédée depuis) :
À l’orée des mondes où tout se reconstruit,
Sur cette bouche lointaine où poussent des étoiles
Aux tiges de cristal et aux pétales de peau,
Je déposerai les ruines du royaume défendu
Dans une urne de chair aux senteurs du désert.
Ce poème a une importance particulière pour lui, c’est le texte qui fut projeté au crématorium pour la cérémonie d’adieu à sa fille (être incinérée fut le choix de l’enfant). J’y vois aussi un écho avec ce qu’il constate, étudiant les vies des siens : des concordances étranges entre les destins d’une génération à une autre.
Retour à cette guérison du pied dont il parlait au début du livre et qu’il évoque de nouveau, bien plus loin, en ayant compris toute la signification, aidé aussi par les remarques d’un médecin homéopathe (nettoyage du corps et des racines, des émotions qui encombrent). Évoquant un vieil Algérien qui avait gardé, dans son appartement, les photographies de la famille qui y habitait avant, et les remet à celle qui revient visiter son passé, Paul Souleyre explique que sans doute il a dû se trouver allégé en pouvant rendre ces images qui ne le concernaient pas (et gardées généreusement dans l’espoir de ce retour). Il se trouve libéré, comme lui, de quelques fantômes encombrants (p. 211). Car, écrit-il, On est souvent embarqué dans des histoires étrangères à nous-mêmes.
Et Amina Mekahli, aussi, a joué un rôle, qui le guide pour entrer dans les significations des parts mystérieuses de la culture algérienne, en lâchant ses peurs. Elle a une perception presque mystique, sachant voir au-delà des frontières qu’une fausse rationalité dresserait. Lui accepte de traverser les apparences, de voir l’Algérie (p. 216) : C’est un pays illogique qui invite à la transgression. Il faut s’attendre à tout parce que rien ne se passe comme prévu. On met un peu de temps à s’habituer, mais après ce n’est que du bonheur.
Recension © MC San Juan
LIENS :
Mémoblog-Oran, Paul Souleyre : https://www.memoblog.fr/
Voyage à Oran. MémoBlog-Oran : http://voyage.memoblog.fr/
Quelque part dans la foule il y a toi : https://www.cultura.com/p-quelque-part-dans-la-foule-il-y...
Des nouvelles d’Oran (chroniques) : https://www.cultura.com/p-des-nouvelles-d-oran-9782322460...
Amina Mekahli (l’amie poète, citée dans le livre : importante pour Paul Souleyre, présente dans son processus de retour). Le fracas que fait une poétesse qui meurt, El Watan : https://elwatan-dz.com/amina-mekahli-nous-a-quittes-dieu-...
21/08/2023 | Lien permanent
Voilà comme j’étais. Sade par Marie-Paule Farina
Cette opiniâtreté qui fait l’écrivain, cet « envers et contre tout », cette énergie, cette bonne humeur persistante sont aussi ceux de l’autrice dès le sous-titre en forme de « nonsense » : « Autobiographie posthume ».
Nathalie de Courson, recension (blog Patte-de-mouette) du livre de Marie-Paule Farina
Quel roman que sa vie, dites-vous ! Roman vraiment ? Pas pour lui : "Et que l'on ne me dise pas que mes romans sont terrifiants, ce sont des romans, et dans les romans comme dans les baraques foraines, on ne tire qu'à blanc !"
Jean-François Mézil, recension, La Cause littéraire
Avec cette autobiographie fictive, vivante et documentée, Marie-Paule Farina offre, "de l'intérieur", des perspectives originales sur la vie, la pensée et l'écriture de Sade. (4ème de couverture, extrait).
J'ai lu attentivement la recension de Nathalie De Courson, puis celle de Jean-François Mézil, après avoir achevé la lecture du livre de Marie Paule Farina. Recensions de qualité pour un livre de qualité (belle écriture), dont l'auteur (je garde, moi, le masculin au neutre implicite...) écrit avec une telle maîtrise de son sujet qu'elle semble l'intime du personnage réel. J'ai surtout lu par curiosité et intérêt pour celle qui écrit, car les pages du Sade hors de ce livre me tombent des mains (en matière de sexualité ou érotisme je préfère lire Henry Miller, de loin, avec la fougue de sa passion vitale). Marie-Paule Farina a une écriture fluide, qui semble venir facilement, comme s'il n'y avait pas eu, avant, tout un travail de lecture et d'étude, commencé d'ailleurs dans ses ouvrages précédents.
Je vois, lisant, ce qui l'intéresse chez ce Sade que je n'apprécie pas. Une sorte de libertaire révolté, fou d'écriture. Mais je ne peux, pour ma part, ne pas penser à ces prostituées qu'il s'amusa à effrayer ou battre (lui, considérant que sa jouissance avait besoin de cela et que c'était excusable car affaire de tempérament, jusqu'à faire fabriquer les outils adéquats par un charpentier, et prévoir les baumes pour les plaies...). Il aurait, avec les mêmes tendances, sans doute eu aussi des ennuis dans la société de notre siècle et de ces dernières années, et peut-être goûté de la prison moderne... (Même s’il a sans doute été persécuté pour des raisons idéologiques et des fanatismes pas plus respectables que les faits que l’on peut lui reprocher). Un aristocrate utilisant à l'occasion les privilèges de son rang et très occupé de lui-même, aussi. Il se moque de ce qu'il appelle la "vertu", y voyant un ridicule de frustrés. (Cependant, de quelle « vertu » parle-t-il ainsi ? Est-ce vertu pudibonde et mortifère de gens qui refusent la vie même pour les autres, au nom des morales données pour être celles des religions (comme les divers ayatollahs actuels d’Iran ou d’ailleurs) ? Ou éthique de ceux qui refusent qu’on utilise et méprise des êtres, y compris des prostituées ? N'y a-t-il pas chez lui une sorte de frustration, d'impuissance à vivre le désir autrement qu'associé à des fantasmes violents, on peut le penser, selon ses propres déclarations...
Et pourtant il a réussi à fasciner une lectrice avisée, dont la formation est philosophique (et à qui on ne pourrait faire le reproche d'être indifférente aux droits des femmes...). Pour chercher en lui les parts de lumière que les ombres cachent bien...
J'ai remarqué et apprécié l'exergue. Alice, celle De l’autre côté du miroir, se saisissant du crayon du roi (personnage théâtral, figure de jeu) pour écrire à sa place, citation que Marie-Paule Farina reprend à la fin de son ouvrage, en inversant le sens, puisque le livre fait dire Je au Sade censé écrire son autobiographie avec le crayon que lui rendrait sa biographe et spécialiste.
Ayant lu, ce que je retiendrai c'est la complexité de cet être, comme de tout être. Le refus de juger de celle qui parle pourtant aussi des failles du personnage. Et au bout du compte, avec ce message, le livre vaut d'être lu.
J’ai cité en exergue des passages de recensions de deux commentateurs que j’apprécie, pour les lire régulièrement. Volonté de rester libre de comprendre cet ouvrage à ma façon, sans trahir l'intention de la biographe, et en gardant ma distance critique devant l’auteur et le personnage vivant qui écrivait. Et désir de compléter mon regard (tel que noté ici), par ceux de lecteurs qui adhèrent au charme (problématique pour moi) du sieur Sade... ou qui disent surtout ce qu’est pour eux cette œuvre littéraire.
Il a aussi le défaut (pour moi) de ne pas aimer la mer, cet univers de beauté... Et de dire le contraire de ce qu'affirmera bien plus tard René Char, sur la qualité du poète (mesurée aux pages non écrites, à la capacité de ne pas tout garder des flux d'écriture, et même de réduire ce flux). Sade trouve cela stupide. Donc Char stupide par avance, bien avant que celui-ci naisse et écrive... (Pour moi c’est le comble…).
Il y a aussi, dans mes réticences, le fait que souvent, et depuis des années et des années, j’ai vu un trio de noms, mentions systématiques, répétitives, de lecteurs qui en faisaient des références incontournables, comme si ces trois noms étaient le sommet de toute littérature et pensée : Sade, Céline, Heidegger. Goût de la transgression pour la transgression ? Fantasmes violents de l’un, pamphlets antisémites immondes et collaboration active de l’autre, et enfin adhésion au parti nazi et participation à la théorisation de la haine antisémite du troisième (c’est maintenant documenté). De tels noms associés, on se demande ce qui motive… Mais Céline n’est pas ici dans les références de la biographe et de ses deux lecteurs, très nettement non… !!! Totalement à l'opposé de leurs options. Autre univers de pensée. Le trio de noms est donc cassé.
Mais les citations que j’ai choisies de noter ici seront une présentation de l’ouvrage qui restituera le mieux ses qualités… Voici (Sade parle, à travers le crayon de Marie-Paule Farina, une Alice passée à travers le miroir du temps…). Mais le vrai Sade n'est-il pas plutôt celui que Camus rend responsable de légitimer la terreur ? Voir, fin de note, l'exposition de cette analyse.
p. 11. Rédiger des confessions, des mémoires, il faut réserver cela à la vieillesse, quand l’imagination est tarie, la mienne est bien vivante et pourtant j’éprouve une sorte de besoin de me raconter.
p. 17. Je sens souvent la folie me venir. C’est dans ma pauvre cervelle, un tourbillon d’idées et d’images où il me semble que ma conscience, que mon moi sombre comme un vaisseau sous la tempête. (Passage que l’auteur glisse chez Sade en le prenant à Flaubert, comme elle le dit dans sa postface, car la part de fiction aide à faire un portrait vrai, à révéler).
p. 30. Ceux qui auraient voulu un portrait de moi, l’auraient trouvé dans l’une de ces 120 journées, le vingt-troisième jour de novembre, jour de la Saint-Clément. Un portrait de moi, au noir, cynique, comme celui du moine Clément dans Justine.
p. 66. Il ne faut pas s’écrire. C’est mauvais à tout âge. La rumination ne donne que de l’aigreur. Mais on dit aussi, et depuis bien longtemps, que l’écriture rend les âmes oublieuses.
p. 95. J’aurais pu faire tant de choses que je n’ai pas faites mais nous ne pouvons pas corriger notre vie comme un brouillon attendant d’être mis au propre (…).
p. 171. (…) Tout ce qui m’a concerné n’a été que l’ouvrage du fanatisme des imbéciles dévots et de la grossière imbécillité de leurs séides…
p. 235. J’ai été la malheureuse Justine privée de toute information et de toute ressource et condamnée à deviner et à anticiper dans la douleur le sort que ses bourreaux lui réservaient ; mais j’ai été aussi, une plume à la main, la folle et rieuse Juliette tirant de son imagination une source continuelle de plaisir.
p. 250. Je suis parfaitement sain d’esprit mais j’ai des passions violentes auxquelles il me faut trouver des dérivatifs sous peine d’être physiquement malade.
Et enfin, dans la postface, elle écrit (p. 276) : Sade se peint très rarement de profil, j’ai donc essayé moi-même de le peindre de face en ayant constamment en tête la phrase de Vauvenargues : « À quoi bon rendre malheureux ceux qu’on ne peut rendre bons. »
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Ce que CAMUS pense de Sade. (Et qui correspond à ce que je perçois de malsain chez cet auteur. Pas seulement malsain de manière privée ou littéraire, mais dans une chronologie théorique qui choisit de penser CONTRE l’éthique.)
Jeanyves Guérin expose très clairement ce que Camus présente dans L’homme révolté. Et Sade est ramené, avec raison, à ce que signifient réellement ses jeux de fantasmes et ses pratiques de terreur (la prostituée fuyant dans la nuit, terrorisée, ce n’est pas un jeu de séduction fantasmé pour des pages…). Trois noms, trois responsables (Sade, Saint-Just, Hegel) : l’histoire du terrorisme a des racines.
Ce qui rejoint pour moi trois autres noms souvent associés par certains des lecteurs qui les apprécient :
Sade, Heidegger, Céline.
Jeanyves Guérin (Noces de sang. Albert Camus, revue Esprit. Terrorismes, oct./nov. 1984) :
« L’homme révolté. Ce livre relate la perversion de la révolte moderne et propose une généalogie de la terreur. Tout part, pour Camus, du XVIIIè siècle. On doit à Sade une légitimation libertine du terrorisme individuel et à Saint-Just une légitimation révolutionnaire du terrorisme étatique. Puis vient Hegel qui historise les valeurs et déprécie l’éthique au profit de l’efficacité. »
Lien, le numéro de la revue… https://esprit.presse.fr/article/jeanyves-guerin/noces-de-sang-albert-camus-30398
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Recension © MC San Juan
LIENS…
Recension, par Nathalie de Courson, blog Patte de Mouette… https://patte-de-mouette.fr/2022/11/09/le-marquis-de-sade-de-marie-paule-farina/
Recension par Jean-François Mézil, La Cause littéraire… http://www.lacauselitteraire.fr/voila-comme-j-etais-marie...
Page de l’édition… Éditions des instants… https://editionsdesinstants.fr/14738-2/
27/11/2022 | Lien permanent
École d’Alger littéraire : initiateurs, contexte, héritage...
On choisit pas non plus les trottoirs de Manille
De Paris ou d'Alger pour apprendre à marcher
Être né quelque part
Être né quelque part, pour celui qui est né
C'est toujours un hasard Né quelque part, 1988, Maxime Le Forestier (né à Paris, lui)
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J’ai régulièrement besoin, comme homme et comme écrivain, de me retourner vers ce paysage. Par lui je me rapatrie. Jean Pélégri, Ma mère l’Algérie
Elle cherche partout une partie d’elle-même, un frère, une sœur, une herbe d’Algérie, un bleu (…), une odeur d’Afrique. Marie Cardinal, Écoutez la mer
Elle a ses assassins."
01/04/2021 | Lien permanent
Jean Sénac, poète majeur, présent sur le site du Printemps des poètes. 2020 : Le COURAGE... / LE LIRE : LIVRES...
20/02/2020 | Lien permanent