03/02/2015
Parler du fascisme tapi dans l'islamisme...(MAIS...). Lectures... Courrier international...
Parler du fascisme, oui. Fascisme... C'est cela que désignent les auteurs de ces articles de nombreux pays, que le Courrier international publie, traduits. Journalistes ou écrivains, qui s'expriment dans le monde - et, précisément, aussi (voir les deux derniers articles), dans le "monde arabe" (notion controversée, mais qui recouvre une réalité culturelle et géopolitique cependant). Fondamentalisme qui est avant tout idéologique, politique. Fascisme qui ment en prenant le masque d'un attachement à une appartenance religieuse (même si celle-ci peut interroger ce qui en elle permet cette captation), et en emprisonnant les populations dont c'est la croyance ou la culture. (Ou dont c'est une des cultures, car les êtres sont tissés de cultures plurielles, surtout dans le contexte de notre univers mondialisé, diasporique, métissé, voyageur, nomade, connecté, traversé de réseaux...). Totalitarisme qui a un projet (fou peut-être, mais d'autres folies ont déjà réussi à opprimer terriblement : mémoire de l'Inquisition, du nazisme, du stalinisme...). Idéologie fondée sur des constructions mentales manipulatrices, une rationalité mêlée considérablement d'irrationalité (complotisme et négationnisme n'étant que deux aspects de la mise hors raison). Plongée mortifère dans le culte du passé, la peur de la femme, la peur du rire, du sport, de la musique, de l'art, de la pensée...
Fascisme tapi dans l'islamisme... PAS dans l'islam des simples croyants ou des mystiques soufis. Vision qui peut être haineuse dans l'esprit de certains qui y trouvent un prétexte au refus de l'autre. Ce que veut imposer l'extrême droite, pour rejeter les musulmans, par pur racisme, xénophobie en tout cas, refus culturel, peur identitaire. Pas dans l'islam tel que le pratiquent la majorité des gens qui le vivent comme spiritualité. Donc pas en eux, seulement croyants parfois, ou même pratiquants - plus ou moins, comme dans toutes les religions. Pas en eux, sur lesquels on risque de projeter l'ombre des terroristes revendiqués musulmans. Projeter cela c'est projeter la peur, et ouvrir la place (dont d'autres pourront se saisir) pour les agressions, verbales ou physiques. Attention, NE PAS confondre... Eviter de superposer les mots et les gens (ou idéologie et croyance religieuse). L'extrême droite nous tend et nous tendra ce piège, qui n'est que le miroir de celui que tendent les islamistes djihadistes (cela conforte leurs analyses jumelles fondées sur la haine de l'Autre...). Confondre, c'est pratique, facile... c'est penser en raccourci. Cependant, ne pas penser en raccourci, c'est, aussi, interroger, comme le font de nombreux intellectuels musulmans et des islamologues, ce qui, dans les sources de la religion, peut autoriser la violence, la légitimer. Dans tous les textes de ces intellectuels la complexité est présente. Mais, si la complexité est présente, dans la pensée comme dans la réalité, l'interrogation devra se porter aussi sur le lien des religions avec les revendications identitaires, et sur le lien des appartenances idéo-religieuses avec la perception que les uns ont des autres (croyants ou incroyants, et croyants autrement). [En Norvège, Anders Behring Breivik, le terroriste chrétien qui tua 77 personnes et en blessa 151 en juillet 2011 - des cibles idéologiques - ne le fit évidemment pas au nom de l'islam, mais bien au nom de ses convictions politiques d'extrême droite, sous-tendues par le désir de défendre sa conception d'une identité européenne associée à la chrétienté, qu'il voulait préserver... Preuve que des fanatiques idéologiques peuvent se saisir du religieux à des fins politiques. Stratégiquement parfois, ou même sincèrement... Car le rapport avec la foi est subjectif, donc facilement passionnel, et peut devenir doctrinaire si les questionnements n'ouvrent pas la lecture des textes aux interprétations divergentes. Et, au-delà, si des clés ne sont pas données, culturellement, pour dire comment distinguer ce qui est de l'ordre de la spiritualité, de la recherche de sens, et ce qui est de l'ordre de la politique.] Religion, et religions, ou cultures imbriquées... Rien n'est simplement cela ou le contraire.
Complexité? Bien mise à mal, encore, quand on enferme les êtres dans des catégories. Car que veut-on dire quand on dit "musulmans"? Ceux qui ne sont ni chrétiens, ni juifs, ni bouddhistes? (Cela ne rend pas forcément musulman...). N'y-a-t-il pas dans cette appellation, y compris pour refuser (à juste titre) tout amalgame avec les terroristes, une manière de désigner une origine? C'est hypocrite et mensonger. Lire la tribune d'Ahmed Benchemsi, parue dans Le Monde du 16-01-15 : "Le 'musulman modéré', une version actualisée du bon nègre". [Citations : "En les qualifiant de "musulmans", on les singularise déjà." (...) "L'islam, c'est d'une ridicule évidence, n'est inscrit dans le patrimoine génétique de personne." (...) "Sauf à considérer que leur origine ethnique conditionne leur façon de penser (ce qui est la définition même du racisme)"]. Texte intégral : http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/01/16/le-musulman-modere-une-version-actualisee-du-bon-negre_4557616_3212.html
Donc, LECTURES (citations...)...
Vu de Québec. Quand l'idéologie tue, par Paul Journet, La Presse (Montréal, 09-01-15), Courrier international, 15/21-01-15 : http://www.courrierinternational.com/article/2015/01/14/vu-du-quebec-quand-l-ideologie-tue [ CITATIONS : "(S’interroger sur...) la part de responsabilité du modèle français d’intégration des minorités. Cet examen est prématuré et simpliste. Il repose sur une confusion entre trois concepts liés mais distincts. L’intégration des immigrants (...), la laïcité (...) et enfin l’intégrisme, la religion devenue militante et violente. Ni la laïcité, trop molle ou stricte, ni l’intégration déficiente ne causent l’intégrisme. Et elles ne suffiront pas à l’éteindre. (...) L’islamisme existe aussi dans des pays où l’intégration ne pose pas problème." ( ...) "Les djihadistes ne correspondent pas à un profil unique. (...) Certains sont fous, d’autres sont diaboliquement rationnels.". L’auteur insiste sur la nécessité d’admettre "le pouvoir meurtrier de l’idéologie" et d’éviter deux pièges. Le premier est de réagir en adhérant aux thèses de l’extrême droite, récupérant les attentats pour "amalgamer les islamistes à l’ensemble des musulmans qui pratiquent pourtant leur foi dans la paix." De réagir en croyant à la "bête théorie du choc des civilisations" qui "sert les islamistes" - par la polarisation qu’ils veulent créer pour "mieux recruter". Au contraire, "Il faut dénoncer sans relâche cette xénophobie.". L’autre piège, l’autre danger, est 'non pas de récupérer, mais d’étouffer le débat sur l’islamisme."
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Vu d’Ukraine. Le prix sanglant du ‘politiquement correct, par Sergueï Grabovskiy, Den (Kiev, 09-0-115), Courrier international, 15/21-01-15 : http://www.courrierinternational.com/article/2015/01/14/vu-d-ukraine-le-prix-sanglant-du-politiquement-correct [ CITATIONS : "Pour l’heure, ni l’Europe, ni les Etats-Unis, ni l’Ukraine ne sont prêts à exprimer ouvertement les faits essentiels qui ont abouti aux attentats terroristes à Paris, ni la réalité fondamentale qui se dissimule derrière ces actes." (...) "On ne parle pas seulement de religion, mais de politique parée d’atours religieux. Nous sommes face à une chose digne de l’obscurantisme médiéval" (...) "Pour être plus précis, cette idéologie terroriste est un fascisme islamiste, qui s’appuie sur des idées totalitaires et nourrit des ambitions planétaires. "/// "Ce terrorisme est très particulier, car il a pour objectif ultime la liquidation de la civilisation euro-atlantique (ou "judéo-chrétienne" comme elle se définit elle-même)." (...) "Attentats (...) absurdes" ( ?). "Non." (...) ".. ce sont des actes complètement rationnels qui s’inscrivent dans le cadre de cette vision du monde totalitaire." (...) "Il y a eu le bolchevisme, le fascisme et le nazisme, la vague de l’extrême gauche appelant à une révolution mondiale dans les années 1970, et maintenant il y a l’islam militant." L’auteur dit que, à son avis, la réponse aux attentats de Paris est "la fin de toute tolérance face aux agissements des fondamentalistes et des tenants du fascisme islamiste." (...) Car ne pas le faire "revient à saper les fondements de la démocratie européenne tout en donnant aux musulmans qui défendent les valeurs démocratiques le sentiment d’être abandonnés face au totalitarisme."
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Vu du Liban. "Le poing du fascisme", par Alex Rowell, Now (Beyrouth, 07-01-15), Courrier international, 15/21-01-15 : http://www.courrierinternational.com/article/2015/01/14/vu-du-liban-le-poing-du-fascisme CITATIONS : "Les rues de Paris, qu’ont autrefois foulées Descartes, Diderot et Voltaire, ont été ensanglantées. Une fois de plus, l’esprit humoristique, ironique et intellectuel est frappé en pleine face par le poing du fascisme." (...) "Insondables illusions. Certains, bien entendu, verront dans ce qui s’est passé une sorte de justice expéditive à l’égard du passé colonial de la France ou de ses interventions récentes au Mali ou en Libye." (...) "La réalité a toujours prouvé exactement le contraire : ceux qui répondent à la satire par le meurtre doivent être non pas moins mais encore plus critiqués..."
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Vu de Tunisie. "Des imbéciles qui se réclament d'Allah", par Slaheddine Charlie Dchicha, Kapitalis (Tunis, 08-01-15), Courrier international, 15/21-01-15. CITATIONS : "Les fascistes qui ont tué les journalistes de Charlie Hebdo sont les mêmes qui égorgent des policiers et des soldats en Tunisie, et sèment la désolation en Irak, en Syrie et en Libye. Ainsi donc deux ou trois sinistres individus, parce que le hasard les a fait naître dans une famille musulmane, s’autoproclament porte-parole des musulmans et s’érigent en représentants de Mahomet voire d’Allah sur terre. Quelle prétention ! Quelle fatuité ! Quelle suffisance !" (...) "Ces criminels fanatiques et imbéciles prennent en otage les musulmans de France et d’ailleurs." (...) "Car ces fascistes sont les agents et les promoteurs autoproclamés d’un ordre totalitaire, le même qui émet une fatwa contre Kamel Daoud en Algérie. L’autoproclamation, voilà la malédiction du monde arabe et musulman." (...) "Le génial journaliste algérien Kamel Daoud a mille fois raison lorsqu’il affirme : "Si l’on ne tranche dans le monde dit arabe la question de Dieu, on ne va pas réhabiliter l’homme, on ne va pas avancer... La question religieuse devient vitale dans le monde arabe. Il faut qu’on la tranche, il faut qu’on la réfléchisse pour pouvoir avancer."
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Vu du monde arabe. "Non, la France n'a pas mérité ça !", par Hazem Saghieh, Al-Hayat (Londres, 10-01-15), Courrier international, 15/21-01-15. CITATIONS : "Les auteurs du crime contre la revue satirique Charlie Hebdo ont eu comme seules paroles, d’après ce qu’on en sait, les cris "Allahu Akbar” et l’affirmation qu’ils voulaient “venger le Prophète”. En revanche, des éditorialistes [arabes] et des militants des réseaux sociaux se sont efforcés de trouver des raisons auxquelles les criminels eux-mêmes n’auraient pas pensé et qui sont très loin de leur univers mental simpliste de terroristes. ///Cette ambiguïté, voire complaisance, dont ces éditorialistes font preuve face au crime s’explique par le sentiment que dans nos contrées le réflexe de faire l’unité [entre musulmans] prime les autres considérations. Alors qu’en un clin d’œil on voit les multiples guerres civiles qui déchirent le monde arabo-musulman, ce qui donne à cette “unité” un côté pathologique. Mettons de côté les accusations contre le sionisme, les mises à l’index de la France, des Etats-Unis et des puissances occultes, ainsi que les discours oiseux selon lesquels “eux-mêmes” [la France] l’ont cherché." (...) "Certains Arabes disent que les caricaturistes se sont moqués de l’islam mais pas de l’Holocauste. Le fait est qu’il y a une différence profonde entre les deux. Selon les dessinateurs de ce journal et selon les lois de leur pays, on a le droit de heurter les sensibilités religieuses et d’attaquer les symboles du sacré." (...) "C’est tout autre chose que de se moquer de drames humains récents, ayant fait des victimes dont des proches sont encore en vie. On peut se moquer de Moïse, mais pas de l’Holocauste." (...) "D’autres veulent “que les Juifs dégustent un peu, eux aussi, des souffrances que nous subissons” ! /// Or les Juifs ont bien assez dégusté au cours des dizaines de siècles, bien plus que nous Arabes. Personne, pas même les racistes parmi les Juifs, ne dit que les Arabes devraient subir la même chose. Certes, l’islamophobie existe dans les pays occidentaux. Mais il ne faut pas oublier que ces pays sont les seuls qui débattent de ce phénomène, l’analysent et le condamnent. C’est probablement la frustration que nous ressentons depuis [l’échec] des révolutions, échec qui nous prive de la liberté qui nous aurait permis, à nous aussi, de débattre de ces phénomènes, de les analyser et de les condamner."
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VU de Londres (article d’un écrivain, opposant syrien). Comment l'islamisme a triomphé, par Yassine al-Haj Saleh, Al-Quds Al-Arabi (Londres, 10-01-15), Courrier international, 29-01/04-02 : http://www.courrierinternational.com/article/2015/01/29/comment-l-islamisme-a-triomphe Intro. Courrier int. : "Pour cet écrivain et opposant syrien, l’attrait de la modernité a été supplanté dans les pays arabes par la religion à partir des années 1970, alors que l’instruction cessait d’être un gage de progrès social et que se répandait la corruption." /// ARTICLE. CITATIONS : "L’acclimatation à la modernité n’a pas rencontré de résistance particulière dans le monde musulman pendant environ un siècle, de la deuxième moitié du XIXe siècle aux années 1970. Cela allait de pair avec l’amélioration des conditions de vie et l’apparition d’opportunités de promotion sociale, d’abord pour les hommes, ensuite pour les femmes." (...) "Quoi qu’il en soit, ce qui meut les sociétés arabes, à l’instar de n’importe quelle société, c’est la perspective d’améliorer la vie en ce bas monde." (...) "Que s’est-il donc passé dans les années 1970 pour que les choses s’inversent, pour que le voile soit à nouveau répandu et que les islamistes puissent prétendre se substituer à l’autorité de l’Etat ? On l’explique couramment par l’islam ou par une structure mentale propre aux musulmans. Cette vision des choses correspond à celle des islamistes eux-mêmes puisqu’ils prônent le "retour au véritable islam" et la primauté de la religion dans tous les aspects de la vie." // "Cette explication n’en est pas une. Pour commencer, parce que les musulmans ne sont pas entièrement structurés par la religion. En revanche on peut faire remonter cette tendance, dont l’Etat islamique [Ei, Daech] représente le point culminant, à une idée forgée par Sayyid Qutb, (...) l’idéologue égyptien des islamistes, idée selon laquelle il fallait s’écarter de la modernité." (Idée, dit l'auteur, qui s’est développée au moment où "les libertés reculaient" – dictateurs, enrichissements de tyrans." (...) "Ce nouveau climat a permis aux islamistes de répandre leur vision du monde. Aujourd’hui la première tâche consiste à renouer avec le progrès, c'est-à-dire à offrir au plus grand nombre des opportunités pour une vie meilleure."
23:58 Publié dans ACTU/MÉMO.valeurs.idées, ISLAMISME.idéologie.radicalité. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fascisme, fondamentalisme, islamisme, idéologie, culture, raison, histoire, complexité, valeurs, pensée
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