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14/03/2015

Fraternité et résistance... Penser la tension en soi, choisir la vie, la « spiritualisation de nos vies »...

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Teilhard de Chardin, cité par Abdennour Bidar

Mon cœur est devenu capable / d’accueillir toute forme.

(...) Car l’amour est ma religion et ma foi.

Ibn Arabi, cité par Abdennour Bidar 

Deux livres, dont l’un précède l’autre de plusieurs années, trois auteurs, et des expressions récentes répondant à l’actualité (entretiens, articles, tribunes, éditoriaux, émissions). Ce qui est proposé c’est de faire l’effort de penser la réalité en prenant du recul par rapport aux émotions d’abord traversées, en se remettant dans la rationalité de l’exigence fraternelle. Il y a le NON du refus du terrorisme. Mais il y a le OUI de l’engagement qui concerne chacun. Abdennour Bidar nous dit (Albin Michel, 2015) qu’il faut passer des luttes CONTRE aux actions POUR. Sortir du négatif. C’est au citoyen en chacun qu’il s’adresse dans son Plaidoyer, texte indispensable qui répond à l’urgence d’agir (la nôtre, implication concrète, individuelle).
 
Ghaleb Bencheikh et Antoine Sfeir s’adressaient  (en 2008, éd. Bayard) aux islamistes, pour une parole autre, pour dénoncer les pièges. En 2015 le message est toujours valable, mais il est complété, enrichi par leur expression récente : textes divers éclairants.

ibn arabi,abdennour bidar,ghaleb bencheik,antoine sfeir,fraternité,islam,société,idéologie,religions,spiritualité,mystique,amour,culture,ignorance,islamisme,livres,citations,engagement,humanisme,interculturel,interreligieuxNous avons aujourd’hui l’occasion historique de changer d’ère en changeant de vision de l’homme. En échangeant cette mesure de l’homme à partir de son inhumanité contre sa mesure à partir de son humanité. / Le sacré de la fraternité n’impose rien. Il laisse être. 

Abdennour Bidar, Plaidoyer pour la fraternité, Albin Michel Spiritualités, 2015 

Savoir endiguer la déferlante extrémiste, ravaler le délabrement moral, guérir du malaise existentiel, en finir avec l’indigence intellectuelle et la déshérence culturelle. Telle est la vision programmatique pour sortir de l’ornière dans laquelle nous nous débattons. L’extrémisme est le culte sans la culture ; le fondamentalisme est la croyance sans la connaissance ; l’intégrisme est la religiosité sans la spiritualité. 

Ghaleb Bencheikh, Éditorial, site Religions pour la paix, 10-01-15... http://bit.ly/1BDoYcc

Appartenir à deux cultures, loin de créer un choc de civilisations, est au contraire une richesse ; mais s’en tenir exclusivement à une soi-disant "culture d’origine", qui renie l’Autre dans son essence, risque pourtant d’engendrer un choc de cultures.

Antoine Sfeir, Éditorial, Cahiers de l’Orient N° 118, note de son blog, 05-02-15 : http://bit.ly/1FkLAQn

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Ni déni ni haine chez Abdennour Bidar. Au contraire. Nuances dans le regard porté sur l’islam : distinction claire entre ce qui est  spiritualité fondée sur la culture, sur une perception historique, sur le questionnement philosophique, et ce qui n’est que dévoiements de l’ignorance, de la perte de liberté de conscience, et, pire, l'oppression ou la terreur qui veulent faire croire qu’elle sont légitimes.

J’ai noté "Penser la tension", car c’est un fil tendu entre des voies qui semblent parfois, ou semblent à certains, antinomiques. Deux sacralisations s’affrontent, nous dit Abdennour Bidar (liberté et spiritualité). Peut-être, justement, parce que, dans nos sociétés nous avons "évacué la dimension du sacré" et qu’il faut retrouver "un sacré partageable". Les idéologies ne répondent plus aux questions actuelles, et nous n’avons pas encore réinvesti la valeur de la fraternité. Et ce qui oppose (nos "démons" réciproques souterrains) ce n’est que le miroir tendu qu’on refuse de voir. D’où cet examen de conscience double dont il parle. Son livre nous propose une éthique de la fraternité, pour laquelle un "travail sur soi" est nécessaire. En exergue, Régis Debray. Au cours des pages, des références, des citations : Pierre Rabhi pour "l’insurrection des consciences", Albert Camus, Mohammed Arkoun, Emmanuel Lévinas, Kant... Et, bien sûr, des versets du Coran. La philosophie n’interdit pas l’expérience mystique, au contraire, elle en fait une richesse intérieure enracinée dans le savoir : "Je suis croyant" / "Je crois en philosophe et en mystique".  

Comment aimer une spiritualité et devoir poser un regard critique... Certains, qui essentialisent les croyants, portent un regard de suspicion sur l’effort de refondation que tentent de plus en plus d’intellectuels, et, ce faisant, ils se laissent atteindre par une dangereuse porosité avec les courants fondamentalistes. Aveuglement ou hypocrisie idéologique. Compromission, dans tous les cas.

Et comment, quand on mesure les dangers qui guettent, être cependant capable d’interroger ce qui fait obstacle à la fraternité, contrôler les pulsions de haine, prendre conscience de la nécessité de faire, sur soi, ce travail « d’intégration » dont parle pour chacun Abdennour Bidar (pour chacun, ,dit-il, pas à projeter sur autrui)... Alors qu’on croit que cela ne concerne que celui qui fait figure d’étranger (à sa foi, son origine, à son imaginaire identité fermée) alors que notre réalité plurielle nous demande de savoir entrer en elle et la faire entrer en nous... Plaidoyer pour la fraternité... http://www.albin-michel.fr/Plaidoyer-pour-la-fraternite-E... 

Chez Ghaleb Bencheikh, comme chez Abdennour Bidar, il y a la puissance d’un regard, intérieur à une spiritualité qu’ils veulent sauver des pièges, en croyants qui refusent les fausses lucidités, celles qui sont revendiquées notamment par des non croyants étrangers à l’islam, forts de leur ignorance et qui, pensant être solidaires, sont seulement cyniques par incompétence, et même, dit Abdennour Bidar, méprisants. Antoine Sfeir, lui, parle de l’intérieur d’un Orient originel fraternel, en connaisseur de réalités géopolitiques qui aident aussi à penser les faits religieux. Trois voix précieuses, qui aimeraient qu’on donne plus de place à toutes les autres, celles qui, intellectuelles et/ou mystiques, ouvrent le chemin d’une opportunité, pour la France, de faire un grand pas vers elle-même, pour s’accepter dans sa riche pluralité et barrer la route aux deux dangers complices : l’obscurantisme de la terreur (et ses penseurs voisins), d’une part, l’extrémisme haineux des droites identitaires (et ses idéologues voisins, politiciens ou pas), d'autre part. Porosités dont il faut se méfier... Lettre ouverte aux islamistes... http://www.decitre.fr/livres/lettre-ouverte-aux-islamiste... 

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