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31/07/2021

Silvaine Arabo, dossier de lectures (489 ème Encres vives,  2019)

Arabo.pngLa poésie laisse Être
Silvaine Arabo, Palimpsestes de la mémoire, Encres vives 297  (S.A. citée par Michel Host)
 
Le poème dit toujours plus. Il déborde son objet.
Silvaine Arabo, Sang d’âme, Editinter, 1999 (S.A. citée par Laurence Chaudouet)
 
Seigneur de la plus haute branche
Seigneur du sel et de la mer(e)
Seigneur du plus grand songe
que hante l’essentiel
Redis-leur la musique juste
Silvaine Arabo, Le dit des elfes, sylphes, ondins, et autres créatures… Encres vives, 2011 (S.A. citée par Claude Luezior, qui introduit ici un univers qu’il définit comme "monde onirique et sacré").

 
C’est un bouquet de lectures, qui, toutes, expriment une profonde admiration pour l’œuvre. Mais on sent que cet élan d’estime concerne plus que l’œuvre, la personne entière. Parcours qui, à travers les pages lues, poèmes de plusieurs recueils, mesure une amplitude qui n’est pas que d’écriture mais trace un portrait. Comme si ceux qui commentent captaient la réalité incontournable d’un itinéraire vital autant que scriptural et graphique. 
Les mots d’un poète viennent d’un centre charnel et immatériel. Avec des phrases différentes les auteurs des textes se rejoignent pour comprendre et faire comprendre une force terrienne, présente dans la conscience des instants démultipliés plutôt que dans une vaine fiction temporelle. 


Auteur, peintre, dont les encres subjuguent, éditrice éthique et chaleureuse, femme s’exprimant en tant que femme entière, aimante, voilà le portrait que réalisent ces voix différentes et concordantes. 
J’ai rédigé plusieurs recensions de certains de ses recueils (recherche, tag au nom), et je retrouve là celle que j’ai lue. Mais je vois aussi, plusieurs fois mentionnée, une autre part de son écriture, que je connais moins. J’ai lu certains de ses aphorismes et aimé leur densité, qui surgit d’une conscience de méditante. Cependant je connais peu ses haïkus, de cette expression très condensée qui nous vient du Japon. De Basho, Issa, et quelques autres grands. Pratique qui est, comme le rappelle Franck Médioni dans sa remarquable introduction à une anthologie (Le goût des haïkus, Mercure de France), une voie qui rejoint le zen, et il se réfère à Issa, qui insista sur cela, le citant. 

Justement Jacqueline Saint-Jean s’intéresse à l’art du bref ("haïku, poème très court, aphorisme"), où, dit-elle, "Silvaine Arabo excelle aussi". De son analyse je retiens une phrase où le mot "cristalliser" me semble caractériser parfaitement ce que le bref cherche à créer, par la densité. "Elle sait cristalliser les éclats du monde et du temps, percevoir et faire sentir l’aura de l’éphémère, l’éblouissement de la beauté, l’éclair de conscience, la vibration intérieure." Et elle cite l’auteur. "Au bord de la révélation / la ligne pure du haïku / me restitue à moi-même."

Mais il y a une perception qui approfondit le sens de cette pratique du haïku, évoquée aussi par Claude Mourthé, qui utilise, pour ces textes brefs, aphorismes ou haïkus, l’image du "caillou planté au milieu du fleuve". Belle métaphore, associée, dans ce texte à la dimension métaphysique de l’écriture, l’intérêt pour Lao-Tseu (affinité) et la proximité de démarche avec William Blake, par la création liant écriture, œuvre graphique et métaphysique. 

Pour Silvaine Arabo on pourrait dire que toute écriture est voie. Ce qu’il y a dans le très bref c’est l’épure dont parle Serge Duret, dans sa préface (citée partiellement dans ce numéro) à un recueil d’aphorismes et poèmes, qu’elle publia en 1998, Prière muette. Poésie, dit-il, qui participe "de l’ascèse mystique". "Épure et silence."

Voie. Mais autant dans ce qu’interroge Laurence Chaudouet, la capacité qu’a le poème d’invoquer l’intime. Tout en étant "exploration de l’âme et du monde, l’âme et le monde mêlés, jamais séparés, intimes aussi".

D’autres commentateurs ont exploré l’écriture non brève. Les poèmes des recueils, parfois amples, même. Et leur lecture confirme les intuitions concernant ce rapport au bref. Car l’essentiel est le sens. 

Paul Sanda caractérise ainsi son écriture comme poésie "rare", "aérienne", et il met l’accent sur "l’inscription du poète lui-même dans le monde sensible". Voyant aussi en elle "la volonté de fournir un sens profond à la vie, de préparer une réplique spirituelle à ses questionnements sans fin". Et c’est le recueil Alchimie du désir qui est pour lui "fondateur". 

Michel Host, refusant de faire l’exégèse des recueils dont il veut parler, mais choisissant d’en présenter simplement sa "lecture", parle d’une poésie dont le mode d’élaboration est "ancré dans le vivant". La citant il relève notamment deux phrases brèves. "Ne pas déserter le sens. Ne pas douter des signes."

André Sagne a relu une publication du Club des poètes, livre préfacé par Jean-Pierre Rosnay et contenant deux recueils et le texte de la conférence-essai, Poésie et transcendance. Texte où sont exposés, dit-il, "les principes de son art poétique". S’il voit, dans le poème, un processus alchimique, c’est celui de "l’œuvre au blanc", qui ouvre "une illumination intérieure".

Michel Camus, préfaçant Regards crépusculaires, déchiffre, dans cette écriture, un univers qui est "interface". Écrire "entre" des opposés, comme "le langage et le silence, le plein et le vide". Et il caractérise la démarche, doublement. "Silvaine Arabo nous ouvre les portes d’un autre niveau de réalité." Et… "Silvaine Arabo subvertit sereinement la rationalité conventionnelle."

Jean-Louis Bernard voit, dans Triptyque, l’utilisation qu’elle fait des mots "comme instruments de forage d’un inconnu pressenti mais si vaste". Et dans Arcanes majeurs, il parle du "Vide", en la citant. Précisant que, chez Silvaine Arabo, il "n’est pas l’inverse du Plein". Plutôt la source dense du sens, permettant "une symbiose aussi parfaite que possible entre le Vide et les mots". Ainsi l’art du bref est présent autrement, même dans des écritures non aphoristiques, par la démarche qui laisse entrer le silence dans l’écrit. Il voit aussi, dans le lien de Silvaine Arabo avec les éléments, "les forces telluriques et cosmiques", une parenté avec la perception bachelardienne. 
 
"La pensée du Chef indien" (dont  Claude Luezior rappelle l’importance pour l’auteur), voilà ce qui complète l’univers tracé ici. (Là, pour moi - qui sait cet intérêt qu’elle exprime souvent et que je partage - c’est un écho envoyé à ma note récente sur la planète, où la sagesse et le chamanisme des peuples premlers sont très présents.) Car la conscience vive d’une dimension spirituelle qui pense soi et le monde, le présent et le futur de la terre, cela ne peut que faire retrouver la source d’une connaissance ancestrale que la poésie saisit en rejoignant les savoirs d’un au-delà du poème (ou de ses racines). 
 
Georges de Rivas mentionne l'essai de Silvaine Arabo, Poésie et transcendance (que je ne connais pas encore). Je pense alors à celui de Marina Tsvetaïeva, L’Art à la lumière de la conscience. Même critères d’exigence. Marina Tsvetaïeva reprend des expressions ("l’art - c’est sacré", "sainteté de l’art") pour affirmer leur vérité. "Si communes que soient ces formules elles ont bien un sens". Précisant qu’elle s’adresse à ceux pour qui cela a réellement un sens, qu’elle suggère spirituel. Mais elle ajoute qu’elle s’adresserait "en partie" aussi à qui parlerait "d’art sublime" sans croire aux mêmes réalités. 
Autre proximité que permet de voir le mot "transcendance". Avec María Zambrano. Philosophe espagnole, dont certains fragments dispersés dans son œuvre ont la force de poèmes en prose. Conscience mystique, qui assume la pensée de la transcendance et voit dans l’art un chemin sacré aussi. 

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Recension © MC San Juan / Trames nomades

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LIENS…

Silvaine Arabo poète. Page sur Le Printemps des Poètes…  https://www.printempsdespoetes.com/Silvaine-Arabo

Page auteur, Alcyone… https://www.editionsalcyone.fr/435026972

Une page, sur Recours au poème. Poèmes et présentation… https://www.recoursaupoeme.fr/silvaine-arabo-marines-resi...

Silvaine Arabo, éditrice. Éditions Alcyonehttps://www.editionsalcyone.fr/425184962

Encres vives, Michel Cosem… https://encresvives.wixsite.com/michelcosem/edition

Un site créé par Silvaine Arabo. Animaux : les longs calvaires… (Avec un beau texte introductif)… Site mentionné aussi dans ma note récente sur la planète (dans la partie sur les animaux)... https://mirra.pagesperso-orange.fr

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Merci pour ce retour, Silvaine. Courriel suit.

Commentaires

Très bel article.

Merci, chère Marie-claude.

Amicalement,

S.A.

Écrit par : Silvaine Arabo | 08/08/2021

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