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15/08/2023

Traversées, revue. Parcours des numéros 103 et 104

traversees-103-recto.jpegtraversees-nc2b0104.jpegJe relis, numéro par numéro.

Traversées n° 103

D’abord je reviens parcourir l’éditorial, même s’il est volontairement décalé à la fin, choix de structure sans doute pour laisser ouverte la compréhension des axes de ces pages. Oui, d’évidence, la traduction, l’ouverture à des poètes du monde. Et c’est le sujet du texte de Patrice. (Sans plus de précision : Patrice Breno, l’éditeur, ou Patrice Reytier, qui fait la composition, la mise en pages et des créations sous forme de petites vignettes qui marquent les espaces entre les rubriques ?  – À vous de deviner, on peut...). Traduction, donc, l’entreprise ardue qu’est rendre le style et le sens dans une langue autre : transmutation, en quelque sorte. Mais entreprise nécessaire au plus haut point, pour dépasser les frontières de notre tour de Babel. Les textes sont offerts dans la langue d’origine et en français. Des textes en langues qu’on connaît on lit doublement, des autres on regarde, même sans comprendre : c’est déjà un voyage culturel que la perception des graphies différentes.

Parcours, une sélection subjective, citations (poèmes), sans commenter les fragments cités, mais parfois un peu les présentations, après avoir consulté celles qui sont en dernières pages et donnent des clés (indications partielles notées ici entre parenthèses, sous le nom de l'auteur).

…………….


traversees-103-recto.jpegCITATIONS (poèmes), titres en italique

Deux poètes ukrainiens traduits par Vladimir Claude Fisera.

Solidarité. Comment ne serions-nous pas émus par la réalité tragique ?

Anastasia Afanav’seva

(Elle est née et vit à Kharkiv, ville régulièrement bombardée. Elle traduisait autrefois des textes de l’ukrainien en russe, mais ne veut plus écrire dans cette langue, depuis l’horreur des faits de cette guerre subie.)

C’est là, chez moi…

Avant, il y avait un passage,

Maintenant, il y a une clôture.

C’est là qu’on vit, contre la clôture.

.

Iouri Bouriak

(Il vit à Kiiv, Kiev en russe)

Dans cette vie-là

Dans cette vie-là, j’aurais habité à Lviv, ou peut-être à Vienne,

dans une rue étroite, au premier étage, avec des fleurs sur le balcon

et un vieux vélo dans l’entrée ;

…………………..

Poète d’expression roumaine,

Ara Alexandre Shishmanian

trad. en français par Dana Shishmanian

(Né à Bucarest, il a quitté la Roumanie en 1983, du fait des persécutions répondant à son engagement pour les droits de l’homme. On nous précise qu’il est historien des religions et a publié des études sur l’Inde védique et la Gnose. Plusieurs recueils traduits et édités par L’Harmattan, deux par d’autres éditions.)

qui es-tu

qui es-tu moi étrange

une pesanteur confuse colle le feu aux murs

le gardien de l’éternité veille au morcellement

inéluctable des secondes et les remplit de mutismes

…………………..

Dossier, des poètes néerlandais

(choix de Jean-Pierre Otte et Christian Marcipont)

trad. Christian Marcipont

Parmi eux, Gerrit Kouwenaar 

(journaliste, il est aussi traducteur). Extrait : 

là où le bateau vient de passer

demeure l’indicible vide

c’est le bateau qui fait la mer.

…………………..

Dossier, un poète luxembourgeois, présentation et traduction Florent Toniello

Tom Weber

(En lisant la présentation, après avoir découvert les poèmes, j’ai été étonnée par sa jeunesse – il est né en 1996. Traducteur, il écrit en anglais et allemand, et s’intéresse particulièrement à la mythologie. Je me dis que c’est peut-être parce qu’il trouve là un écho de profondeur en affinité avec ses propres interrogations et réflexions. Belle découverte…)

vacances sur anthémuse

j’aime me perdre j’aime être libre

du fardeau de ma propre volonté

juste de temps en temps

[…]

je demeure en un pays magique

où tous les ego se confondent

où passé présent et futur

se combinent en une symphonie

où toute existence rime divinement

[…]

dans les profondeurs glacées de

ce kaléidoscope abandonné

où la lumière dans nos yeux

gagne sa liberté en touchant

le prisme de nos âmes

[ ]

berceuse

une fillette se relaxe

dans les rues d’idlib

[…]

dans sa minuscule

poitrine d’enfant

on a fait

des trous d’air

au fusil

dans les rues d’idlib

sont à l’agonie

les valeurs de l’occident

[ ]

jeu de miroirs

il doit bien

y avoir quelque chose

il  doit bien

rester quelque chose à sauver

…………………….

Dossier, poètes italiens

(trad. Irène Dubœuf, Michela Zanarella et Alain Bourdy)

Parmi eux, Amedeo Anelli et Luigi Carotenuto

Amedeo Anelli

(philosophe et traducteur, dirige la revue de philosophie Kamen’, qu’il a fondée)

Postlude

Et le silence actif

tel l’animal transpercé

se fait instrument

et l’hermétique sagesse se renouvelle

le chant respire dans le silence

.

Luigi Carotenuto

(né en Sicile, publie la revue en ligne l’EstroVerso)

Rien n’est déplacé,

pas même le désordre.

…………………………..

Une poète grecque, trad. Bernard Grasset

Jeanne Tsatsos

(1909-2000, résistante pendant l’Occupation, humaniste, une poésie de la profondeur intérieure)

Extrait du recueil Paroles du silence :

Je lutte autour de la lumière que je ne vois pas,

je la pressens, j’en ai soif ;

j’ai enclos le soleil dehors.

.

Extrait du recueil Lumière dans l’obscurité :

J’ai partagé mon amour

Un autre vent devint le temps,

un autre devint la mort.

……………………..

Canada, Leonard Cohen, trad. Gérard Le Goff

(1934-2016. De Montréal, Québec, mais anglophone. Connu internationalement pour sa carrière de chanteur, on sait aussi son intérêt pour les questions spirituelles. Je me souviens avoir lu des textes issus de ses années dans un centre zen qu’il finit par quitter, le renoncement étant excessif – mais ses aspirations demeuraient, autrement).

Suzanne

Et tu veux voyager avec elle

Tu veux voyager en aveugle

Et tu sais qu’elle te fera confiance

Toi qui touchas son corps parfait en esprit

[…]

Et tu veux voyager avec elle

Tu veux voyager en aveugle

Et tu sais que tu peux avoir confiance en elle

Puisqu’elle toucha ton corps parfait avec son esprit

…………………

Dossier, poètes américains

Billy Collins, trad. Vladimir Claude Fisera

(Né à New York en 1941, auteur de dix recueils de poésie et de deux anthologies personnelles)

Sur la mort d’amis

Le soir j’ai fermé les  yeux

[…]

c’est là où mes amis continuent d’aller,

un « endroit » qui n’existe qu’entre guillemets,

où, au lieu qu’il y ait de l’oxygène, il y a du silence

que ne brisera pas l’aboiement d’un renard en hiver

ou le sifflement d’une bouilloire oubliée.

Les yeux toujours fermés, je courus dans le noir vers ce silence,

.

Bob Dylan, présentation et traduction Gérard Le Goff

(Né Robert Zimmerman, passionné par le rock et le blues, très jeune célèbre avec sa chanson Blowin’ In the Wind, devenu ainsi une figure du mouvement contestataire…)

Un souffle dans le vent

Combien de routes doit parcourir un homme

Avant que d’être accepté comme tel ?

[…]

Durant combien de temps encore doivent pleuvoir les obus

Avant d’être à jamais proscrits ?

[…]
La réponse, mon ami, est un souffle dans le vent

Le vent te souffle la réponse

.

J.P. Howard, trad. Vladimir Claude Fisera

(Juliet P. Howard, née à New York, active dans différents mouvements militant pour des droits)

Gamins noirs

Les gamins noirs sont fatigués de mourir.

Des gamins noirs fatigués d’essayer

d’arrêter de mourir, tous les jours

.

Tracy K. Smith, trad Laurence Fritsch

(Née en 1972. Prix Cave Canem du meilleur premier livre d’un poète afro-américain)

Déclaration

À chaque étape de ces Oppressions nous avons demandé

Réparation dans les plus humbles termes :

                                                              À nos requêtes répétées

Il a été répondu que par des agressions répétées

.

Walt Whitman, trad. Pierre Mironer

(Walter Whitman, 1819-1892. Très connu pour son œuvre Leaves of Grass, Feuilles d’herbe. Il a souffert de paralysie.)

Me Imperturbe

Imperturbable, assis en pleine Nature

[…]

Préoccupé cependant par la pauvreté, la notoriété,

nos faiblesses et nos crimes

moins importants que je n’aurais cru.

[…]

Me voici le même, où que ma vie se déroule,

O ! Être de soi-même préparé à toute éventualité.

Affronter les nuits, les tempêtes

[…]
à la manière des arbres et des animaux.

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traversees-nc2b0104.jpegTraversées n° 104

Je commence de nouveau par l’éditorial de la page 193. Il est de Caroline Lieven Callant, et porte cette fois sur l’histoire de la revue, les valeurs qui la caractérisent (que l’éditeur Patrice Breno a impulsées) et aussi sur son itinéraire personnel, car depuis dix ans elle s’occupe du site de la revue (et édition).

Et je lis, relis, cite.

…………….

CITATIONS (poèmes, fragments)

Gabriel Zimmermann

(Poèmes en revues, quatre recueils aux éditions Tarabuste, un publié par Polder)

Des poèmes sans titres, mais des numéros, de I à XV… Extraits :

II

Des oiseaux s’envolent dans la fine lumière

Du soir, regarder leur millier d’ailes

Parmi l’air qui se remplit d’ombres

Est une âpre aventure, presque une quête

Commence quand l’œil des hommes veut enserrer

Ce moment où des animaux traversent le ciel

VI

Défaisons-nous de la sagesse triste

Où nous ne récoltons, nous, mortels

Qu’un lot de gangue.

XI

Je veux une forêt sur ma langue,

Que les mots aient le même déploiement de racines

Et je parlerai comme elles surgissent de terre.

…………….

Sacha Zamka

(Né en 1995, voyages, et questionnements sur identité et mémoire)

asile

la question redevient énigme

humain trouvera-t-on asile

dans une larme ou dans un chiffre ?

.

galaxie

la nuit s’avance entre énigme et miracle

on cherche en soi le dieu qui se contracte

[…]

qu’est-ce qui naît de l’intérieur des larmes ?

un infini que galaxie égale

un infini que galaxie élague

……………

Martine Rouhart

(Juriste de formation, a publié une quinzaine d’ouvrages)

Je remercie le temps

pour ses gestes

sans brusquerie

[…]

ces oiseaux de feu

qu’il laisse

sur mes épaules

.

reste

presque rien

qui est tout

…………….

Richard Rognet

(Collabore avec des artistes)

Parcourir les dessous

de l’invisible, encore

faut-il qu’il soit [ ] / l’invisible.

[…]

je terrasse, je retourne

une parole censée [ ]

en savoir plus long

que moi – moi, l’instant

éteint avant d’être

présent, vagabond

perpétuel, sans repères

………………

Béatrice Pailler

(Poèmes en revue, recueils dont une plaquette publiée par À L’Index)

Le mur vit le temps. [ ]

Éternité forte de silence et face à lui, une part de vie cherchant sa propre éternité. Sève et sang, la vie, une histoire de ramures et de blés, de chairs et de peaux, de tendresses et de luttes.

…………….

Serge Muscat

(Écriture fragmentaire surtout, un site à son nom)

De la fatigue

Mais la fatigue est aussi ce signal d’alerte qui vous dit que peut-être tout est en fin de compte vain et que les efforts pour survivre sont une tentative vouée à l’échec. [ ]

La fatigue est le murmure de la mort.

[…]

La fatigue est le meilleur conseiller de la lucidité.

…………..

Choupie Moysan

(Poèmes en revue, recueils dont un éd. Graines de vent, et un éd. Unicité (trio d’auteures). Éditrice de livres d’artistes, cmjn-editions.fr)

De l’effacement

S’approcher de soi pourtant

mais sans jamais s’atteindre

être absent à soi-même

dans la poussière

[…]

On est avalé par le monde, une disparition mais en sourdine, disons plutôt un effacement où les contours se dissolvent.

……………..

Pierre Maubé

(Onze recueils de poèmes publiés, dont Étrange, suivi de Kaddish pour Rose, éd. Lieux-Dits. Blog de poésie, Poésiemaintenant.)

Fragments :

Greffe ta joie sur tes regrets. Donne lieu à l’heure pressentie.

[…]

Habite le possible, rêve tes accomplissements, invente la maison de tes futurs visages.

[…]
Tu croyais clos autour de toi les murs de tes renoncements. Leur maçonnerie se fissure.

[…]

Toute trêve est nourricière.

……………

Jean Maison

(Professionnel de l’herboristerie et poète, il produit des plantes médicinales. A connu René Char qui l’a soutenu.)

Extraits :

La beauté est épopée pour chaque être.

.

Que trois vers me soient donnés

Pour rappeler ce que j’ignore

Ce que j’annonce sans savoir

Mes mains cherchent la lumière

Jusqu’au front rasé d’un gisant

.

Le travail poétique

N’a ni bien

Ni heure

Ni lieu

……………

Géry Lamarre

(Formation en Histoire de l’art et Arts plastiques, plasticien qui expose en France et à l’étranger. Comme poète et plasticien il participe à des livres d’artistes, dont plusieurs publiés par divers éditeurs. Poèmes en revues. A co-dirigé la revue sénégalaise de poésie, Ressacs, avec Laïty Ndiaye.)

Variations sur un verger. 1, 2, 3. Extraits :

1.

Chaque vie est un verger sarclé incessamment

Où l’on extirpe le superflu au cœur du temps

Avec peut-être l’espoir d’une sens à découvrir

2.

Mais toute plante. A sa raison d’être. Et d’exister. Sa propre valeur. Sa propre beauté !

3.

Nos cieux lumineux

et ceux d’orages

sont semences plantées

[…]

Et

extirper l’épine de stupeur

dans le cœur du temps

……………..

Amandine Gouttefarde-Rousseau

(Poèmes en revues et plusieurs recueils, Dont Extases post mortem, L’Harmattan 2021, L’âme nigredo, L’Ire de l’Ours, 2022, et Habiter les lotus, Ballade à la lune, 2022. Intérêt pour la spiritualité, et la nature, écriture dans l’esprit de la poésie mystique en relation avec le chamanisme.)

Extraits :

fermer derrière

moi

les grilles rouillées

du monde

agité

.

des lotus [ ]

déchirent le voile [ ]

pour me parler

de ce que je ne sais plus

.

L’oiseau sur la branche

Je n’avais jamais senti

Qu’il vivait

Qu’il mourrait

Et qu’entre temps

Il illuminait le monde

De n’être que de passage

.

Par les oiseaux concernée

Aujourd’hui j’ai regardé le soleil revenir sur la façade

Les oiseaux sur les branches

C’est tout

C’est plus que pendant toute une vie

………………

Nicolas Boldych

(Voyage, nomadisme, et écriture de la terre. Deux livres, éd. Voix d’encre et L’Harmattan.)

Regarde

Chaque fois je ne crois plus au monde

Ni à ses poings ni à ses ailes

Une voix me dit « regarde ! »

Et ce « regarde ! » libère tout : [ ]

moi

le cosmos

l’angoisse [ ]

le Feu d’être là

……………….

Jean-Pierre Bars

(Se définit en citant Jean Rivière. Citation, « comme un visage », dit-il : « Il n’y a pas de liberté comme pays, il y a une liberté comme chemin. Un passage libre, un instant gracié. »)

La terre se souvient

Le mot écrit en poésie

est un fruit sur l’arbre universel.

Le vivant ne tombe pas dans le passé.

……………..

Joseph Apsarah

(Musicien, peintre, écrivain. A co-fondé la revue d’art Citadelle en 2020.)

Les pluies de lumière

Désormais, je ne vois plus guère, perchées aux sommets des érables, les promesses insatiables qui murmuraient dans le vent.

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