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15/07/2020

Rainer Maria RILKE, Le livre de la pauvreté et de la mort. Ou ce "que tout homme en soi porte", ce "fruit autour duquel gravite tout"…

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Ô vers où l’emporta, lui si clair, sa chanson?
Que ne le sentent-ils de loin
dans sa joie et dans sa jeunesse
les pauvres qui attendent ?
 
Que ne surgit-il en leur crépuscule —
Lui, de la Pauvreté grande étoile du soir ?
Rainer Maria Rilke
Le Livre de la pauvreté et de la mort (1903), excipit
Seuil, Œuvres 2, 1972
(traduction de Jacques Legrand)
 
C’est le dernier poème d’un recueil (qu’on regroupe avec deux autres dans Le Livre d’heures). Textes d’une méditation sur la mort, adressée à Dieu comme un défi (Seigneur…), et cherchant en François d’Assise le maître en pauvreté authentique, pure (celle d’un être lumineux). 
L’excipit nomme deux sortes de pauvreté, celle du manque que vivent dans la souffrance les êtres humains perdus dans des villes douloureuses à vivre, sans repères de sens, et celle, avec majuscule, du dépouillement du grand pauvre, François d’Assise ("Ô toi qui sais"), "l’étoile du soir", et paradoxalement, aussi, du Dieu auquel Rilke s'adresse. Puisqu’il lui demande de pouvoir aller loin des villes, ces lieux de misère où il est "enfoncé jusqu’à en suffoquer" : "Envoie-moi dans tes déserts". Bien sûr il évoque là les vrais déserts terrestres, mais symboliquement aussi ce qui pour lui est un attribut de la divinité, du sacré : la dépossession de tout, un absolu - vide de l’inutile car absolu. Il demande aussi, pour tous, d’accomplir "en nous ton signe suprême" (…), de nous donner "l’austère maternité de l’être". Comme pour une contagion de dénuement afin de rejoindre la part sacrée, une essence dépouillée de ce qui charge l’âme d’autre chose qu’elle.

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