On s’en tient à ce qui s’envole : une feuille, un oiseau, un peu d’encre, une pensée.
Puis des ailes.
Hervé Bougel, Petites fadaises à la fenêtre
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Voir, tout en bas, mise à jour, 08-08-21. Autres publications, depuis cette note jusqu’à 2021 (plus livres non lus avant)…
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Retour sur quelques livres. Le parcours d’écriture (non exhaustif) d’Hervé Bougel. C’est le moment d’y revenir, maintenant que l’auteur-éditeur a décidé d’arrêter l’édition, après une vingtaine d’années intenses, où il a mené de front son œuvre personnelle, sa vie professionnelle, et l’édition. Il va se consacrer totalement à son écriture.
Publication de livres, dès 1995 (suivant la bibliographie).
Je vais directement plus loin…
Cafés noirs,
Les Carnets du Dessert de Lune, 2002. Avec des illustrations de
Sophie Jolivet.
Au début un poème-préface de Jean-Pierre Chambon, qui présente l’auteur, en familier complice.
Une vingtaine de textes, proses. Rencontres au hasard des cafés, ou d’un buffet de gare. Portraits de personnages rocambolesques et cinglantes dénonciations de comportements racistes. Des récits de faits divers, presque des scènes de théâtre. Et des souvenirs, comme la grenadine d’enfance.
Petites fadaises à la fenêtre, La Chambre d’échos, 2004.
Un livre qui se relit de bout en bout, ou au hasard des pages. Comme on le fait pour un recueil de poèmes.
En exergue, Georges Perros (« Prendre l’air / était son métier »). Et tout le long du livre des citations, en italique (références à la fin), une vingtaine.
C’est un journal de regard. Notations brèves, jour après jour, et livre structuré en suivant les quatre saisons, 365 jours… L’auteur, à sa fenêtre (comme le dit le titre) observe, contemple, et note. Parfois avec tendresse, parfois avec une distance ironique. Scènes de tous les jours, une vie de quartier, une rue qui ressemble à d’autres. Scènes universelles du quotidien, des passants, n’importe où. Notations en prose qui sont des fragments poétiques ou souvent une ligne se détache, comme un vers unique, poème minimal lui-même dans un poème-fragment. Mais aussi notes qui sont des poèmes de deux ou trois vers libres. Des pensées qui viennent du regard et s’en échappent. Il rêve aussi, et laisse l’imagination transformer des klaxons en cris d’oiseaux. Mais toujours, exercice de lucidité. Acuité d’esprit, et humour qui trouve les flèches, même en citant Prévert (« Ceux qui sont chauves à l’intérieur de la tête »). Parfois il dialogue avec l’auteur cité. Ainsi, le 16 décembre, sa phrase, une ligne, est entre deux citations de Jacques Bertin.
Les Pommarins,
Les Carnets du Dessert de Lune, 2008. Préface de
Roland Tixier, illustrations d’
Hubert Daronnat.
La réalité de l’entreprise, brute, brutale, cruelle. L’usine du travail qui écrase, mais lieu, aussi, d’humanité : des visages, la société, telle quelle. Lui écrit, se souvenant de tout, sans illusions, sans acceptation, sans complaisance. Il dit la fatigue du corps et de l’esprit, les destins qui se perdent là. Et comme le dit Roland Tixier : « Il nous prend à témoin avec des mots dont la force fait dire : c’est ainsi, c’est vrai. »
Osram, Osram. Atelier du Hanneton, 2009.
Seize poèmes denses, qui privilégient le quatrain. Variations sur la lumière, le regard, le corps, sous l'univers des ampoules et des néons. La réalité peinte, et une métaphore du réel. Ce qui est montré, ce qui est ressenti, sans masques.
Travails, Les Carnets du dessert de Lune, 2013.
Quatrième de couverture de Christian Degoutte.
Longs poèmes verticaux de trois ou quatre pages. Vers courts. Une autobiographie qui mêle des souvenirs divers, le travail justement. Des lieux, des gens, des faits. Fragments de vie, détails, charge de mémoire.
Tombeau pour Luis Ocaña,
La Table ronde, 2014.
Dans cet ouvrage 71 textes, proses, où le Je désigne Luis Ocaña. L’auteur entre dans la mémoire et les jours du coureur cycliste espagnol qui immigra en France. Il parle à sa place, comme pénétré par sa rage, ses douleurs, l’injustice d’un destin brisé, et la conscience de ce qui menait peut-être à cela. Le premier texte est celui du suicide, mai 1994. Et comme une litanie cela revient, parce que c’est le moment d’un aboutissement triste, et c’est, dans le livre, le point de départ de l’entreprise de dévoilement du mystère Ocaña. Le dernier, le 71, est celui de la chute sur le Tour de France en juillet 1971, qui le fit perdre. Les chiffres sont une clé, car on comprend ainsi que 1971 est une sorte de naissance du drame, et la sienne dans le drame. Et même si en 1973 il fut vainqueur, le point de vue qui est pris ici met l’accent sur cette tragédie. De cette chute à la mort, comme une boucle de destin. Une tragédie qui se poursuit avec des accidents, la catastrophe qui anéantit sa plantation, son refuge après la fin de sa carrière, et la maladie. On découvre comment la passion du vélo lui est venue, tôt. On pénètre dans le secret de ses doutes, regrets, et rêves. On vit ses douleurs physiques. Et on va de page en page d’un poème (en prose) à un autre.
Comme si on avait sous les yeux une tragédie en 71 stances. Et l’archéologie d’une passion dévorante, l’histoire d’un « forcené ». Des mots, les siens, en espagnol, inscrivent cette histoire particulière dans l’univers « del sentimiento trágico de la vida » d’Unamuno. Et interrogent. Quelle est la source de telles passons ? Lui répondit à un journaliste que rien n’avait été plus fort que sa vie de coureur. Le sens d’une vie. Malgré les ratages la force d’une puissance incarnée, pour être. En face de la mort.
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Mise à jour, 08-08-21. Autres publications, depuis cette note jusqu’à 2021 (plus livres non lus avant)…
Piécettes, La Porte, 2007. Trois pages de fragments sur un homme qui attend les pièces tendues. Citation... "Je vois cet homme, l’escarre dans sa chair, au ventre. Au centre son coeur chu. Il aura payé pour voir quand c’était donné. Rien ne lui fut épargné."
Anévrisme, La Porte, 2007. 16 poèmes brefs et denses, une dizaine de pages. C’est assez sombre… Ou d’une lucidité acide que ses livres plus récents aident à comprendre. (Lucidité qui n’est pas obstacle au poème, la preuve est dans les textes…).
Citations...
Poème 5. "Tout blanchit rien ne rayonne / le coeur est un pays de neige / une abstraction rien ne cède / la mouvance du sang peut-être."
Poème 15. "On jette des cailloux on désigne des murs / sang épris des algues / comme si la vie égrenait ses dents / croches fêlées."
Au mois de mai / 1968, éd. Les Carnets du Dessert de lune, Un bref récit. Quelques pages pour la mémoire de 1968 vécue à hauteur d’enfance (à 9 ans). La fin dit un moment d’orage (non symbolique, vraie pluie, mais sens multiples cependant). Dans ces mots on peut lire aussi une remontée de regard sur une enfance et sur la réalité de tous ceux qui vivent, autour de lui, des désastres personnels et sociaux. Citation (la dernière phrase)... "Le déluge nous liquéfia, nos vies furent dévastées, c’est tout."
et
Les Continents, éd. Les Carnets du Dessert de lune, 2018. La forme des poèmes est très différente de ce qu’on a pu lire de lui ailleurs. Ici tout est très vertical. De cette verticalité Jean-Louis Jacquier-Roux parle dans son avant-propos, appréciant "cet élagage pointu des adventices". Pour ce parcours où l’auteur traverse "les" continents mais dit aussi "mes" continents (car c’est une traversée de mémoires et rêves). Voyage ferroviaire "d’affamés" (qui veulent voir ailleurs - ou s’échapper - car la faim a des tas de significations…). Plusieurs dates, plusieurs voyages. Là encore, question d’enfance ("La vie est si vite / Épuisée / Toujours / L’enfance est déférée"). Question sur l’enfant en lui, ce qu’il a fait de son histoire. Citations nombreuses en italique, intégrées au corps du texte (les auteurs sont cités à la fin, dans l’ordre des pages).
Les Carnets du Dessert de lune. Site de l’édition…
Clandestine, Le Réalgar-Éditions, 2020
Belladone, Buchet-Chastel, 2021… (Récit, une enfance dans les Alpes. Une réalité asphyxiante que l’enfant veut fuir). Livre dédié à « ma mémoire ». L’auteur fait un émouvant travail de retour sur le vécu de ses premières années. Et ainsi se libère (autant qu’on peut le faire par l’écriture) de strates de douleurs qui ont des causes complexes, tant psychologiques que sociales. Des souffrances qui se passent d’une génération à la suivante. Ce qui est toxique dans le psychisme d’adultes (mais qui a aussi des racines qui leur échappent, inconscientes et sociales). C’est un parcours intérieur que propose l’auteur. Et qui éclaire, je trouve, bien des textes de lui qui sont antérieurs (et certains recensés par moi ici, plus haut). Lui a trouvé deux réponses. L’art, d’une part (poésie, récits, photographie, édition - maintenant arrêtée), et le regard critique sur les injustices de la société (comme dans Piécettes, par exemple).
Page éditeur… Buchet-Chastel...
De mémoire de petit garçon, chronique. Belladone, livre lu par Xavier Houssin, Le Monde, qui a aimé. (L’article n’est pas intégralement lisible en ligne, mais assez pour donner une impression sur le contenu de l’ouvrage). Le chroniqueur rapproche à juste titre ce livre de la mémoire de mai 68, temps vécu par l’enfant qu’Hervé Bougel était alors. … https://www.lemonde.fr/livres/article/2021/02/18/belladon...
Page (bio-biblio). Hervé Bougel, site de la Maison des écrivains… (mise à jour incomplète)… Dans la bibliographie manquent les dernières publications (2018 à 2021)… que j’ajoute ici.
Belladone, éditions Buchet-Chastel, 2021 / Roman.
Clandestine, Le Réalgar-Éditions, 2020
Une inquiétude (le Quatuor), éditions Mazette, 2019 / Monologue pour une comédienne.
Au mois de mai 1968, éditions Les Carnets du Dessert de Lune, 2018 / Récit.
Les Continents, éditions Les Carnets du Dessert de Lune, 2018 / Poésie…
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NOTE © MC San Juan / Trames nomades
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