11/07/2022
Poésie. Un grand vent s’est levé, de Danny-Marc, éd. Pippa
C’est un livre troublant que celui de Danny-Marc. Je l’ai découvert plusieurs années après sa publication. Lu, relu, mais ne sachant pas comment y entrer pour en parler. Et c’est venu là, comme naturellement. Mais pénètre-t-on l’intime quand il dit à ce point l’intime ? On prend le temps, d’abord en retrait pudique.
La préface de Michel Cazenave montre aussi ce qui peut nous mettre en distance par respect, voyant dans cet ouvrage qui est tout entier, dit-il une déclaration sans retour, une parole que seule une femme (plus profonde…) porterait ainsi.
Car elle se met beaucoup plus « en jeu et en balance », elle s’enracine d’autant plus dans toutes les réalités de la terre.
Et il la remercie d’avoir osé s’avancer ainsi comme une « amazone libre », et de nous découvrir des territoires que nous suspections sans avoir toujours le courage d’y pénétrer et de les arpenter…
En postface, Gaétan de Courrèges insiste lui aussi sur le féminin de cette parole, alliant force et simplicité, dans ces poèmes qui sont des feuilles intimes.
En exergue, Paul Éluard.
À toi qui n’as pas de nom et que les autres ignorent
On peut l’interpréter de plusieurs façons car le chant d’Éluard, qui ne nomme pas Gala, est aussi de douleur. Or dans l’amour à ce point essentiel il y a de la joie mais il y a des douleurs, dans l’absence par exemple, donc un manque, ou par l’intensité même. Mais, aussi, celui à qui on écrit son amour n’a de nom que pour soi, n’est connu (les autres ignorent) que par soi, car c’est l’amour qui connaît.
Mais plus loin, dans un poème Jean-Pierre Rosnay est cité, par un titre,
Comme un bateau prend la mer
Car, au-delà de la métaphore et de ses sens, ce poète fut une figure marquante d’un lieu de la poésie, Le Club des poètes, qu’il créa, et Danny-Marc, aussi auteur-compositeur, a contribué à la vie de ce lieu (voir la bio). Le citer est aussi lui rendre hommage.
Le premier poème est celui qui donne le titre au recueil.
Un grand vent s’est levé
Le vent de la rencontre, avec la force d’une évidence, d’une passion. D’autant plus fort que cela révèle, pour chacun (elle écrit nous), le manque qui précédait, malgré la richesse d’une vie de création et d’engagements. Même au plus fort de la présence d’autres liens, en dehors de cette évidence il y avait un manque. Qu’on ne savait pas et qui anesthésiait, faisant vivre un long sommeil, pour elle, pour lui, dans…
les longues heures
où nous étions absents
Ce qui était absent, c’était ce nous que la rencontre a créé. Absence à soi, à l’autre, si l’amour révèle l’ancrage de la présence…
Présence charnelle, les mains.
Et c’est le moment de saluer les « épures » de Danièle Maffray. Le mot m’est venu avant de le voir inscrit, tant c’est pur. Elle traduit, avec une intuition délicate, les émotions que les poèmes délivrent. Douceur et violence du désir autant que de l’élan du cœur (ce volcan qui dormait / sous la neige, et de la révélation à soi-même de son incarnation.
Mains de soleil dans le poème, page 13, mains de l’illustratrice, page 12, portant un cercle solaire figuré par un simple trait circulaire, geste de réception et d’offrande qui a quelque chose de sacré, comme pour une prière, répondant, poème suivant, à la soif de celui qui est aimé et aime. Ce qui naît c’est le NOUVEAU, en retour à la source de l’enfant en soi, à la ferveur.
Nous serons tout à l’heure
deux enfants nus
sur la plage de l’aube
et je t’aimerai
Le sacré, que j’ai noté en commentant une épure de Danièle Maffray, est présent dans le texte, et la rencontre de l’amour, quand c’est à cette hauteur de conscience, révèle, en bousculant l’ordre établi de son identité incarnée, le corps comme temple (page 17, poème Orphée). Le poète du lointain passé chantait le soleil et l'appelait. Eux seront ce poète dans le présent.
Demain comme Orphée
nous ferons lever le soleil
Mais Orphée est aussi celui qui ressuscite son aimée, la révèle à la vie. Ici il est l’un et l’autre, chacun trouvant en lui-même sa part féminine et masculine de créateur. (Nous…).
La peur est vaincue, qui peut-être était présente dans le commencement de la rencontre (le pas pour aller vers), devant l’inconnu de cette force (je n’ai plus peur). Ce qui advient c’est un éclat de liberté délivrée. Avec le rire libérateur, pour l’un, la saisie de la lumière, pour l’autre.
Accueil réciproque qui fait retrouver, par le nous, le miracle de vivre.
Transformation qui, passant aussi par une conscience autrement révélée des corps, les fait DEVENIR. Les quelques mots ainsi en majuscules marquent l’essentiel d’un processus alchimique dans l’amour. Et, pour être présente à cela intensément, celle qui vit le monde avec l’intensité de l’attention aux réalités sociales et aux douleurs d’autrui, sait choisir de mettre le monde entre parenthèses pour vivre la présence.
Cette nuit
j’ai largué le monde
et pour quelques heures
lui ai demandé le silence
La voyageuse a évoqué Ostende, puis Tolède. Comme le temps d’épousailles avec la beauté des lieux et de la nature.
Le temps. L’intensité fait éternité.
Le passé d’avant la rencontre est effacé par le présent, moment d’éternité, cette heure vivante. Mais le temps c’est aussi celui qui passe, raccourcit le futur de nos vies.
Nous n’avons plus vingt ans
mon amour
le temps presse
Partons à la rencontre
de ce temps d’avant
Donc... il faut avoir (poème Si nous refaisions le monde)
le désir un peu fou
de défier le temps qui passe
et l’usure du temps
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Pour moi Danny-Marc est aussi la précieuse et généreuse co-éditrice (avec Jean-Luc Maxence, note qui suit) de la superbe revue annuelle Les Cahiers du sens, avec laquelle j’ai eu la joie de partager quelques années d’écriture et de belles rencontres. Le dernier numéro, le 30, a marqué l’achèvement d’une grande entreprise (lien ci-dessous, recension). Mais les publications existent, traces définitives de haute poésie (je trouve) et de spiritualité. Ils sont les éditeurs du Nouvel Athanor, présent dans les Salons (Marché de la poésie, L’Autre livre, Salon de la revue…) et en permanence dans les rayons de la librairie L’Autre livre. Par eux j’ai découvert des auteurs et un esprit d’ensemble. Deux êtres pour qui j’ai de la tendresse, en plus de l’estime.
Recension © MC San Juan
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LIENS…
Un grand vent s’est levé, page de l’édition-librairie-galerie, Pippa… https://www.pippa.fr/Un-grand-vent-s-est-leve
Anthologie 1991-2011. L’Athanor des poètes (avec Jean-Luc Maxence), Le Nouvel Athanor, 2011... http://www.soleils-diffusion.com/article.php?isbn=9782356...
Co-éditrice (avec Jean-Luc Maxence), Le Nouvel Athanor (et revue Les Cahiers du sens)
Les Cahiers du Sens, entrevues.org… https://www.entrevues.org/revues/cahiers-du-sens/
Édition. Le Nouvel Athanor. Publications, voir le site de Soleils diffusion (mais commandes en librairie)... http://www.soleils-diffusion.com/id_athanor.php
Et dépôt permanent de livres de l'édition, librairie L’Autre livre… https://www.lautrelivre.fr/
Co-créatrice du magazine Rebelles, avec Jean-Luc Maxence… https://rebelles-lemag.com
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Recension, ici. Les Cahiers du Sens n° 30. Le silence… (le dernier numéro). Autres recensions (tag Les cahiers du Sens)… http://tramesnomades.hautetfort.com/archive/2020/08/26/po...
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Voir une sélection de titres du catalogue du Nouvel Athanor, en complément de la recension des recueils de Bruno Thomas, même édition. Note qui suit, juste après celle sur les livres de Jean-Luc Maxence.
19:30 Publié dans LIVRES, bibliographes, anthologies, Recensions.livres.poésie.citations©MC.San Juan | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dannny-marc, danièle maffray, un grand vent s'est levé, pippa éditions, pippa, poésie, livres, citations, art, sacré, l'athanor des poètes, le nouvel athanor, les cahiers du sens, anthologies, spiritualité
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