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10/06/2025

Possibles, revue, parcours... n°35, 34, 33, 32...

35.jpgJ’ai parcouru d’un même élan ces quatre numéros de la revue Possibles. Sans volonté de lecture exhaustive. L’avantage d’un tel parcours c’est qu’il laisse se faire des choix d’évidence.

Possibles n°35, Chemins d’âmes

(Illustration de couverture de K.J.Djii/JF Mura)

Ce n’est pas un volume à thème. Pierre Perrin a choisi ce titre en évoquant Dante et Emmanuel Godo, dont le livre, Ton âme est un chemin, Artège, 2024, inspire trois textes. Ils précèdent les notes de lecture, à la fin du volume. Mais l’exergue, une citation d’Emmanuel Godo (deux phrases du livre) m’a menée vers ce dossier… « Méditation sur Dante d’Emmanuel Godo », par Stéphane Barsacq, qui montre que ce livre « écrit sur près d’une décennie » est une sorte d’initiation à l’œuvre de Dante, à la signification essentielle du message de Dante, « l’éternité » pensée selon le destin de « l’âme ». Il voit dans l’œuvre de Dante un « miroir », qui « nous permet du plus loin du temps, du plus loin de la nuit, de nous regarder en face dans la plus grande proximité et la plus grande distance ».

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20/05/2025

À L'Index n°51, revue

à l’index,revue,jean-claude tardif,littérature,poésie,silence,paroleLe dernier numéro d’À L’Index offre, en plus des textes, cinq Encres de l’écrivain et plasticien Hervé Delabarre, respirations entre les pages. On a l’impression de percevoir le mouvement du tracé, et, regardant, on voit des mondes, imagine des visages, silhouettes, espaces.

L’éditorial de Jean-Claude Tardif pose « une nécessité de Lucidité » (avec majuscule). Que faire du monde et qu’en dire, quand le présent est si inquiétant ? Critique de la pensée du « à quoi bon ? », qui est renoncement et passivité. Inquiétude devant ce que deviennent culture, édition, commerciale, et langage, appauvri. Si, comme il dit le craindre, la poésie ne « suffira pas » à corriger la bascule sombre, il espère cependant qu’elle puisse aider à revenir « aux valeurs d’humanisme qui la fondent et qui nous constituent ». Donc ne pas se taire. Dans ces pages il a mentionné le malaise des choix sémantiques qui recouvrent de fausseté les mots employés : « Nos mots sont de plus en plus des silences ». Et, alors que le numéro n’est pas du tout un volume à thème, les sujets étant libres et divers, j’ai remarqué que le hasard faisait que le silence était évoqué, diversement, par plusieurs auteurs.

Textes, je fais un parcours de certains poèmes, par choix d’axe, pour illustrer le questionnement.

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18/05/2025

Jacques Boise, Les mots du passant, livre, éd. À L’Index, coll. Empreintes

IMG_6155-734x1024.jpgJacques Boise, Les mots du passant, À L’index, coll. Empreintes, 2025.

Livre collectif sur Jacques Boise, poète (dir., introduction et entretien : Jean-Claude Tardif), avec quelques textes de Jacques Boise, aussi.

J’y ai participé avec plusieurs auteurs. Liste : M. Alloy, C. Baptiste, É. Bouchéty, J-C Bourdet, J-J Camy, M. Lamart, S. Lida, J. Nuñez Teodoro, G. Okoundji, I. Rebreyend,  Ph. Simon, S. Van Der Pas, L. Verle... (et moi, M-C San Juan). Un texte liminaire de Werner Lambersy, introduisant une des plaquettes de Jacques Boise, a été repris.

Dans l’introduction, « Vous avez dit Boise ? », Jean-Claude Tardif évoque d’abord un paradoxe, la difficulté d’entreprendre de présenter quelqu’un qui part beaucoup, disparaît longtemps, n’est « pas des plus faciles à saisir ». Mais il arrive, en partant de ce qu’il perçoit, aidé par des années d’amitié, à nous révéler un être auréolé d’un riche mystère, confirmant ce qui séduit dans ses textes. Et quand il cite une de ses paroles, la conviction que « nous sommes tous liés », mais « l’avons oublié », effet de notre société, je reconnais là une pensée d’intuitif à la sagesse des marcheurs solitaires, qui rejette ce qui limite la vie, la folie du monde. De lui Jean-Claude Tardif sait le regard sur le réel,« au travers de ses yeux, où se mélangent une vive acuité et une tristesse profonde bien que l’homme aime tout ce qu’il regarde ». Ce n’est, nous dit-il, que tardivement que Jacques Boise lui confia ce qu’il appelle ses « notes ». On comprend dans l’entretien qui suit dans quel état d’esprit. Et on se dit que le destinataire de ces papiers était vraiment bien choisi, que parfois le hasard des rencontres est un guide qui mène vers des choix essentiels. Qui pouvait mieux comprendre quel auteur se cachait derrière celui qui ne se voyait pas ainsi, et que ces papiers étaient traces de poèmes ?

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16/05/2025

Diérèse n°92, revue

diérèse n°92,revue,daniel martinez,poésie,écriture,livres,recensionsL’exergue de la page titre intérieure est cette fois de Jon Fosse.

« Écrire, c’est écouter ».

Multiple, l’interprétation qu’on peut en faire. D’abord les sons, pour entendre les assonances et allitérations qui peuvent tant dire, et le rythme. Écouter en soi le silence qui fait émerger ce qui s’élaborait souterrainement, et entendre le bruit du monde, ses voix.

Illustration de couverture, création de Mathieu Gray.

L’éditorial est de Gabriel Zimmermann. « Quels sont les enjeux, théoriques et réels, de la poésie de nos jours ? » Après avoir mentionné que Musset, déjà, interrogeait le rapport de l’art et de la société, le « besoin d’art », il se réfère à Bertolt Brecht qui dénonçait, écrit-il, « l’inconséquence éthérée à faire un texte sur le frémissement des feuilles dans un arbre pendant que des foules se tordent le ventre de faim ». Et, ramenant le questionnement à la violence des guerres, aux angoisses diverses et aux dérives de la communication, il questionne la possible « indécence » de « toute préoccupation esthétique ». Mais, quelle que soit l’époque, pour le poète il y a toujours cet appel de création, sa « nécessité ». Est-ce pour échapper à l’indécence que, comme il le constate, des choix contemporains ont fait rejeter lyrisme et subjectivité, et préférer le minimalisme ? Il y voit le risque « d’assécher l’évocation du réel jusqu’à occulter les horreurs contemporaines. Plutôt, retrouver le feu et le souffle, dit-il, « la part d’incandescence ». Passer, par une « voix assumée », des « murmures » au « cri ».

Cela me fait penser à l’appréciation d’Albert Camus préfaçant en 1947 les Poésies posthumes de René Leynaud, exécuté par la Gestapo : « deux ou trois cris qui suffisent à justifier une œuvre ».

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Diérèse n°91, revue

diérèse n°91,revue,daniel martinez,poésie,écriture,livres,recensionsEn exergue de la revue (page titre intérieure), Paul Valéry :

« L’écrivain est celui qui n’a pas de mots.

    Alors il cherche. Et il trouve mieux. »

Paradoxe apparent, mais les paradoxes interrogent le réel. Écrire n’est-ce pas tenter de nommer ce qui ne l’est pas encore, et de devoir affronter l’insuffisance du langage ? Sur la même page, comme marque iconique de la revue, le dessin d’un serpent lové sur lui-même en un beau cercle sombre. Représentation à interpréter, idée de profondeur, de retrait méditatif en soi, à la recherche des mots absents. Chaque exergue (selon les numéros) donne sa couleur au dessin...

En couverture, création de Pacôme Yerma.

L’éditorial est de Jean-Louis Bernard

« La part du réel en poésie ». Il commence par évoquer la distinction entre réel et réalité, introduisant « la notion d’imaginaire dans la création poétique », « afictionnelle » et       « dans notre intime ». Pour écrire, tenter de saisir ce qui dans le réel échappe justement, en sachant « l’écart entre le langage et le réel ». Il s’appuie sur Héraclite (« harmonie des tensions »), Saint-John Perse (« grands lés tissés du songe et du réel »), Novalis (« que le chaos brille dans chaque poème », et   « force brisante du regard »). Ainsi on peut penser le jeu sérieux du désordre qui ouvre des passages dans ce que la conscience imagine du réel, en recréant des parts de vérité, sans rien trahir. 

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10/05/2025

L'Intranquille n°27, revue

l’intranquille 27,l’atelier de l’agneau,françoise favretto,poésie,traduction,livres,écriture,créationRiche numéro, séquences diverses : entretiens, traductions, (dossiers : traduction, poésie corse), poésie, chroniques critiques...

« Changer d’art, changer d’air » (pp. 3-5), juste titre pour introduire l’entretien de Françoise Favretto avec Francis Coffinet, qui crée dans deux domaines très différents, trois même. Écriture, cinéma, peinture (j’ai vu une de ses expositions). Cinéma, il se sert de son visage (il ajouterait certainement de son corps, comme tout acteur), mais au visage il donne une force de signification particulière, créant des personnages fort loin de celui qui écrit.

Françoise Favretto l’interroge sur son goût de la lecture à voix haute, sur ses « rôles un peu effrayants, impressionnants ». Elle s’intéresse au passage de l’écriture au rôle, de « l’introverti à l’extraverti », et à la chronologie des implications dans ces arts.

Écrivain il aime donc lire ses textes à voix haute. Sa réponse concernant son expérience de lecture mériterait d’être citée intégralement. Noter, au moins, les « mots lancés comme des fléchettes », où il perçoit surtout faire jaillir des « énergies », une transmission palpable, matérielle, semant de quoi faire      « essaimer ». Comme si le poème lui échappait, devenait multiple vibration signifiante, se métamorphosait, en passant par le son dans les consciences d’autrui. Le son, donc la musique. C’est logique qu’il travaille aussi avec des musiciens, pour que se « tissent » des « correspondances » 

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08/12/2024

Boualem SANSAL. Répondre aux accusations, soutien

Un.jpegMa conviction est que nous devrons toujours refuser de nous incliner devant les événements, les faits, les circonstances, la richesse et le pouvoir, l’histoire comme elle procède, le monde comme il va.

Albert Camus, La crise de l’homme, Conférence, 1946, Columbia Université, NRF, 1996, p. 25. Conférences et discours 1936-1958, Folio, 2017.

J'ai un goût très vif pour la liberté. Et pour tout intellectuel, la liberté finit par se confondre avec la liberté d’expression.

Albert Camus, Carnets II, Gallimard, 1964, pp. 141-142

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Pour « une solidarité sans faille » ...

Kamel Bencheikh, Boualem Sansal : un ami, un esprit des Lumières, un homme en danger, Le Matin d’Algérie, 22-11-2024.

Citations : « Boualem Sansal est bien plus qu’un écrivain franco-algérien d’exception. Sa plume, empreinte de laïcité, d’universalité et d’un profond humanisme, incarne l’héritage des Lumières. / Boualem Sansal est, à mes yeux, une figure lumineuse de notre époque, portant haut les valeurs de liberté, de vérité et de justice, même dans un contexte qui les étouffe. » (...) « C’est pourquoi son sort actuel m’alarme profondément. » (...) « Cette arrestation, qui ne peut être vue que comme une tentative de museler sa voix libre et critique, me bouleverse et m’indigne. » (...) « ...Cette fois-ci, c’est à nous de répondre à son courage par une solidarité sans faille. »… https://lematindalgerie.com/boualem-sansal-un-ami-un-esprit-des-lumieres-un-homme-en-danger/

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Littérature et liberté, SITE. Textes, livres, actualité, soutien : https://www.litterature-liberte.org/

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05/12/2024

Boualem SANSAL. Lire et relire, pour mesurer l'importance de l'œuvre et des questionnements

boualem sansal,sansal,livres,écriture,éthique,liberté,valeurs,lucidité,complexité,algérie,mondeIl est des lieux qui font du temps un chemin de calvaire sans retour. (...) La nuit est une prison dans la prison.

Boualem Sansal, incipit, L’Enfant fou de l’arbre creux

Au tout début de cet ouvrage on est déjà dans l’univers de la prison, au moment, fin du jour où l’ombre avance et où brusquement le cri du muezzin étreint la ville... Ces pages sont révélatrices du lieu et de ce qui dépasse aussi ce lieu, métaphoriquement, dans la force de l’écriture de l’auteur. De même, autre métaphore, l’enfant fou qui donne son titre à l’ouvrage, habitant d’un arbre creux (qu’un hibou maléfique a quitté). Mystère, l'inexplicable, qui est en soi un rejet de la raison. Relisant ce passage, et pensant à Boualem Sansal prisonnier, c’est comme la représentation symbolique de la solitude des consciences libres que j’y vois aujourd’hui, quand la raison ne permet plus de saisir le sens de faits irrationnels, comme l’arrestation de l’écrivain. Et, dans l’anxiété de penser à cette situation si injuste, pour celui qui est entouré des murs qui enferment et des murs des mensonges projetés par ceux qui veulent faire de lui un portrait destructeur, j’ai une phrase (de 2084. La fin du monde) qui revient et tourne en moi, comme une question sourde : Pour des gens qui ne sont jamais sortis de leur peur, l’ailleurs est un abîme. Or celui qui pense en lucidité et amour mêlés, comme il fait, est un ailleurs et un abîme à la fois pour ces gens dont la peur, le ressentiment, l’idéologie, mettent des masques qui voilent le sens des paroles, des pages, des livres de Boualem Sansal. Lui dont toute l'œuvre est une lettre d'amitié envoyée à l'Algérie (d'amour alors plutôt), et au monde (de désir de paix, donc). Comme le dit un de ses titres... Le soutenir c’est aussi le faire lire. Que tous puissent reconnaître la puissance de l’œuvre d’un humaniste à dimension universelle.

MC San Juan

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Donc lire, relire, proposer de lire.

Tous ses livres sont publiés par Gallimard, et beaucoup repris en Folio. (Sauf texte dans un livre collectif, 2003). Voir, 2025, coll. Tracts Gallimard, Discours de 2011 (prix de la Paix).

Un SITE. Littérature et liberté : https://www.litterature-liberte.org/

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03/12/2024

RELIRE CAMUS... pour soi, pour autrui

camus,valeurs,pensée,humanité,solidarité,liberté,livres,citations,boualem sansal,sansalLe combat contre l’injustice, l’oppression et l’obscurantisme est une entreprise « sisyphienne ». Camus y a pris sa part. Son parler vrai, juste et clair, son sens du dialogue et son souci de l’autre manqueront encore longtemps. Il reste à découvrir ou à relire ses livres.

Jeanyves Guérin, « Introduction » (en titre une longue citation de Camus, l'excipit de L'Homme révolté), Dictionnaire Albert Camus, Robert Laffont, 2009.

Camus est immense, Sartre et ses amis se sont trompés, par méchanceté, par jalousie et, aussi, par dogmatisme ou idéologie. Camus est immense parce que le message qu’il nous délivre est à hauteur d’homme.

Thierry Renard et Michel Kneubühler, « Un vif besoin de Camus », in Pour saluer Albert Camus, La passe du vent, 2013.

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C'est en cela que je me sens proche de l’homme. Dans les rapports qu’il entretient non pas avec les autres mais avec lui-même. Des rapports complexes, liés à une quête inlassable, non pas de la vérité que l’on sait multiforme, mais d’une authenticité, de la vérité de son être, qu’on est le seul à pouvoir définir.

Maïssa Bey, L’ombre d’un homme qui marche au soleil. Réflexions sur Albert Camus, Chèvre-feuille étoilée, 2004, rééd. 2006 

Comment être inféodé à une philosophie de l'histoire et épouser ta conception de la liberté ? Comment en somme concilier ton refus de la servitude avec l'allégeance tacite à un antitotalitarisme contre un autre moins fréquentable ? / Tu as été l'animateur intransigeant de la gauche anti totalitaire. Tu as refusé tous les totalitarismes qu'ils soient communistes ou fascistes. 

Daniel Leconte, réalisateur, Camus forever, Huffingtonpost, 07-11-2013. https://www.huffingtonpost.fr/actualites/article/camus-fo...

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30/11/2024

Mes réponses au questionnaire de Pi [P(oés)i(e)] de Christophe Condello...

questionnaire de pi,poésie,écriture,marie-claude san juan,le réel est un poème métaphysique,unicité,christophe condello,pieds nus dans l’âme,pierre turcotte éditeurEn accueil des pages du site de Christophe Condello, l’exergue suivant : Les arbres sont des êtres qui rêvent, Aristote.

J’aime y trouver cette phrase. Je l’associe au livre de Mario Mercier, L’enseignement de l’arbre-maître, longue méditation, parcours ou pauses immobiles en forêt, la nuit surtout. Rêves des arbres et rêves d’un arbre se mêlant aux siens. Le message de l’arbre est, notamment, que l’homme est un arbre qui marche...

Le questionnaire de Christophe Condello (poète et éditeur au Québec) comporte des questions types, les mêmes pour tous ceux qu’il invite. Mais les pages qu’on lit, résultant de cela, sont très différentes. Car la question déclenche une introspection (pour ce qui concerne le rapport à l’écriture et à la lecture de poésie) et penser les réponses force à entrer dans sa vérité intime, pour arriver à dire sa démarche. S’interroger ainsi, ce qui fait partie dans tous les cas du travail d’écriture, donne l’occasion, inscrivant ce que l’on capte, de saisir encore des parts de soi qui se précisent. Mettre des mots...

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12/11/2024

Un refuge autre que l’exil, de Theombogü. Éditions du Cygne

1couv_theombogu.jpgOuvrant le livre on trouve des pages titrées, qui sembleraient hésiter entre le fragment et le poème. Le poème, oui, même si plusieurs passages affirment le contraire (pp 39, 40, 41). Le mot « dégoût » est même posé comme un rejet total assumé par le personnage d’un court récit qui ressent de l’aversion pour les                       « poéticiens ». Incompris, il détruit ses manuscrits et se débarrasse des ouvrages de poésie contemporaine. Mais l’auteur en question est « un écrivain exilé ». Le sujet ne concerne alors plus les conditions de l’écriture, mais l’écriture de l’exilé. La page qui suit présente le désespoir d’un universitaire qui perd toute foi en son domaine de recherche et d’écriture : « je ne crois plus à rien : ni à cette poésie aphasique, ni à cette philosophie amnésique, ni à cette sagesse angélique, ni à ces religions monomaniaques. ». Pour conclure :            « Aurais-je oublié d’aimer ? » et se résigner « à la solitude ». C’est le portrait de celui qui a pu se laisser piéger par un univers poussiéreux, celui des « poéticiens » critiqués par l’exilé de la page précédente... Et enfin c'est un texte sans personnage extérieur apparent, un narrateur qui dit Je et qu’on pourrait croire être l’auteur. Lui résiste à la poésie :    « Je ne suis pas poète », répète-t-il. Pourquoi ? Car... « Si la poésie était seule, je serais devenu poète. Beaucoup d’ingrats cheminent avec elle durant toute leur carrière, durant toute leur existence. Et j’ai horreur de l’ingratitude. ». Carrière, le mot étranger à toute poésie, et pourtant qui définit certains itinéraires. Alors, personnages loin de l’auteur, ou parlant pour lui, ces trois pages sont un éloge de l’authenticité et le refus des postures formelles, des artifices stériles, négation de la poésie. Par inversion, éloge de ce que devrait être la poésie. D’ailleurs l’ouvrage est dans la collection Voix au poème. Et ce n’est pas par hasard que l’auteur, Theombogü,  fait partie du comité de rédaction de la revue Po&sie.

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13/08/2024

Magie renversée, recueil d’Isabelle Lévesque et Sabine Dewulf

couverture-Magie-renversée-212x300.jpgMagie renversée, poèmes d’Isabelle Lévesque et Sabine Dewulf, peintures de Caroline François-Rubino (préface de Florence Saint-Roch), Les Lieux-Dits, coll. Duo, 2024

Il y a sans doute plusieurs manières d’aborder ce livre. Celle que j’ai envie de choisir serait en marge des approches littéraires destinées à penser un événement-livre. Mais justement celui-ci s’inscrit dans des marges qui autorisent des lectures décalées. Un premier constat concerne Sabine Dewulf. Car quand on lit ce qui s’exprime de son univers on ne peut que remarquer que sa créativité emprunte une voie qui n’est pas que poésie. En créatrice de jeux qui sont des propositions invitant à traverser la frontière des apparences, à accepter de lâcher une rationalité plus conforme pour laisser advenir une attention à des parts cachées du réel et de soi. Elle s’intéresse aux oracles, aux clés qu’ils délivrent afin de voyager dans un autre espace du temps.  Et si ce livre est un dialogue poétique cela permet de supposer que cet aspect de son univers est reconnu par Isabelle Lévesque, et qu’elle-même a ses propres entrées dans ce lieu d’une pensée ouverte à d’autres trajectoires de la conscience, ce que l’ouvrage confirme. Elles entrent donc à deux dans l’aire du regard autre. À trois, car les peintures de Caroline François-Rubino soutiennent ce déplacement du visible à ce qui lui est sous-jacent.

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11/08/2024

Sous l’étoile du jour, recueil de Michel Diaz

M Diaz Étoile du jur.jpgSous l’étoile du jour, Rosa canina éditions, 2023.

Le préfacier, Alain Freixe, choisit de ne pas faire réellement une préface, si c’est orienter la lecture des textes de Michel Diaz. Il propose « quelques notes prises sur cette partition qu’élabore sa pratique poétique. ». Ces textes, comme en marge, ont, comme exergue, une citation de Jean-Marie Barnaud : « Tu marches cependant / tu ne sais où tu vas / dis-tu / tu vas vers ton secret / telle est l’audace / cela suffit pour une joie. » Choix très judicieux, ces  vers, car Michel Diaz aurait pu l’écrire pour lui-même, lui pour qui la marche nourrit la pensée et le geste d’écrire. Et la marche est aussi la représentation d’un processus créatif.

De ces notes je relève un fragment : « C’est toujours la marche en avant. Vers l’impossible salut. À cause de cet appel insensé qui, du fond de notre finitude, nous a fait roi mage de notre vie en quête du vrai lieu. Telle est l’aventure de l’homme cet être des lointains. L’homme dans la poésie de Michel Diaz remonte ses épaules, relève la tête et poursuit. »

Michel Diaz a structuré son recueil en deux parties. Pierre du vent et Sous l’étoile du jour, qui donne donc son titre au livre.

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08/08/2024

Deux recueils de Teo Libardo

D’abord, présenter l’auteur. Teo LIbardo est né en Italie. Passé de l’exil à Lausanne au choix de la France, sud et soleil. Poète, il est aussi peintre et musicien. Et cela se sent dans ce qu’il écrit. Il regarde et écoute.

Ensuite, expliquer le sens du nom de l’édition, Rosa canina. Ce rosier a des racines qu’on croyait guérisseuses de la rage. L’édition évoque d’autres formes de la rage (comme la haine), tout ce qui corrompt l’humanité. Et elle fait ainsi de la poésie un rosier mental qui va tenter de répondre par des propositions donnant sens autrement.

Les deux livres lus sont Là où germent les mots, suivi de Les yeux naufragés (2020) et Il suffira (2021).

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06/08/2024

Concerto pour marées et silence n° 17, 2024, revue de poésie

COUVERTURE-format-revue-424x600.jpgPour le monde je suis né dans ma date de naissance //

Mais je suis né dans l’infini des êtres

Pierre Esperbé, Concerto pour marées et silence 

Le titre magnifique de la revue est celui d’un recueil de Pierre Esperbé (Guy Chambelland, 1974), qu’il accepta d’offrir. Ses textes structurent chaque numéro de la revue, lui donnant une composition musicale, en trois parties (Moderato, Adagio, Allegro), chacune introduite par un poème de Pierre Esperbé, de Concerto...

Musique, aussi, l’exergue permanent, appuyant le choix, une citation de Romain Rolland :

« Si la musique nous est si chère, c’est qu’elle est la parole la plus profonde de l’âme, le cri harmonieux de sa joie et de sa douleur. »

Ce numéro publie des citations plus amples de Pierre Esperbé, pour marquer le centenaire de sa naissance. Et cette fois des QR codes permettent d’entendre sa voix.

Avant même le premier texte, et après le dernier poème publié, il y a, comme toujours, une citation qui ouvre l’ensemble et une qui le ferme, parfois deux. Cette fois c’est Cathy Jurado, un extrait d’Intérieur nuit, puis Georges Cathalo quatre vers d’Ils ont peur, et enfin Marie-Ange Sebasti, avec un fragment d’Empoigner la lumière.

Le texte introductif de l’éditrice, Colette Klein (poète et peintre) parle du défi de l’écriture et de l’édition : « Je passe ma vie à lutter contre l’idée qu’en écrivant on jette des pierres dans des puits sans fond. Et, pourtant, il m’est impensable de ne pas relever le défi de chercher à remonter au jour ces pierres qui risqueraient de rester hors de portée. » Dans le numéro précédent elle parlait de son « monde utopique », celui « où les mots des poèmes ont plus de sens que ceux que l’on peut lire dans les journaux qui mettent à la une les crimes de l’humanité. »

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