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31/07/2021

Claire Légat, Nous nous sommes trompés de monde, Encres vives

Claire Légat,   Encres vives .jpgClaire Légat, 492ème Encres vives, 2019
 
Nous nous sommes trompés de monde, extraits d’outre moi-même (recueil en cours d’écriture), et un inédit (murmuration du vide).
Claire Légat, je l’ai découverte grâce à la belle recension de ce numéro d’Encres vives qu’Arnaud Forgeron avait publiée dans la revue À L’Index 41 (j’en parlais dans ma recension). Séduite par la qualité ainsi révélée et par ce qui était mentionné par Laurence Amaury (il citait sa note de lecture, dont j’ai retrouvé un paragraphe en 4ème de couverture d’Encres vives). "Après des décennies de retrait et de silence, Claire Légat nous revient avec un long poème." Arnaud Forgeron, lui, ajoutait une réflexion plus générale, dont je partage complètement le constat (ayant souvent dit regretter ce goût pour l’immédiateté des publications). "Cela a son importance, surtout dans l’engorgement du trafic qui semble sévir en poésie et dans nos sociétés de l’immédiateté." Et il concluait en parlant de cette "voix" et "voie"... "travaillée par le silence". 
Pour moi, immédiate estime. Quelqu’un capable d’attendre, de ne pas publier sans cesse, de choisir le retrait en silence. Et que l’écriture vienne, comme le dit Laurence Amaury (poète aussi), "comme un coup de tonnerre secouant nos accoutumances, notre passivité, notre aveuglement".

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Michel Lamart, Carnet d'Eire, Encres vives

Lamart.jpgJe commence, avec ce volume, une série de recensions d’Encres vives…  Poésie.
 
Michel Lamart, Carnet d'Eire, 371ème lieu : Irlande, Encres vives, 2018
 
Eire, Irlande… Ou lecture d’un "vert écrin", ses routes 
"Comme autant de possibles
  Inexplorés"
Lisant, avec l’impression de pénétrer dans un univers que je ressens comme exotique, si étranger à mes lieux… 
Et de page en page je découvre deux recueils en surimpression. Il y a d’abord  le voyage dans ce territoire dont je ne sais rien, la description des lieux de ce… lieu (comme indiqué pour cette série de lieux d’Encres vives). 
Monde d’eau.

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30/07/2021

Ritournelle pour un jardin de pierre, de Michel Lamart (suite d'une lecture esquissée le 19-05-21)

1182750108.jpgRitournelle pour un jardin de pierre, de Michel Lamart, À L’Index, coll. Les Plaquettes, 2018. 

Quand j’ai commenté le titre c’était pour rendre compte d’un ouvrage que j’aurais voulu lire (qui était épuisé - et que, depuis, j’ai pu lire). Pour une note sur plusieurs plaquettes, toutes liées au regard. Mais j’avais lu quelques mots sur le site d’À L’Index (Le livre à dire, Jean-Claude Tardif). Et je connaissais suffisamment de textes et travaux de Michel Lamart pour avoir l’intuition de sa démarche et pour deviner que ses mots, accompagnés par des monotypes de Marie Desmée, devaient être un riche exercice de regard. J’avais lu ce qu’il écrivait dans un beau dossier, Autopsier un mirage, consacré à un poète photographe, Michel Mourot, publié par À L’index (n° 38) et recensé ici. 

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27/07/2021

Le temps, la création. Créer longtemps, créer toujours… Soi et l’œuvre.

Regards sur le temps.jpgLe temps martèle les visages
    afin que sorte le regard.
(…)
    Si notre vie était le pont ?
Si en-dessous coulait le temps ? 
(…)
Quelques années, quelques heures, puis rien.
             Qu’est-ce qui s’est passé ? 
Jean Mambrino, Le mot de passe (recueil de distiques)
 
Laissez-moi seulement boire
À la source des étoiles
Ahmed Azeggah, À chacun son métier
 
Pour que tu dures : pour que tu dures et te perpétues (…) pour que les ruines des temps réunis soient l’éternité (…).
José Ángel Valente, Noun / Trois leçons de ténèbres
(trad. Jacques Ancet)
 
S’il y a une âme, c’est une erreur de croire qu’elle nous est donnée toute créée. Elle se crée ici, à longueur de vie. Et vivre n’est rien d’autre que ce long et torturant accouchement. Quand l’âme est prête, créée par nous et la douleur, voici la mort.
Albert Camus, Carnets (1942-1951)
 
Pour qu’une forêt soit superbe
Il lui faut l’âge et l’infini.
René Char, En trente-trois morceaux et autres poèmes
 
Je suis assis tout droit sur le bord du lit
et de mes mille et une personnalités
je fais obstacle à l’obscurité tombante
L’obscurité entre
(…)
J’ai copié le temps
je savais que j’étais une fiction
mais je ne pouvais me suspendre
I copied
Léonard Cohen, Le livre du désir/poèmes
 (trad. JD Brierre et J. Vassal)
 
Or qu’est-ce que la vie entière perdue dans l’océan de l’éternité, sinon ‘un grand instant’ ?
Vladimir Jankélévitch, La mort
 
Qu’est-ce que vivre, sinon s’approprier l’infini particulier d’une éclipse de la mort ? 
Pierre Perrin, La Porte
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Le temps, la création... Les EXERGUES ci-dessus en portent déjà tout le sens, avant ce parcours. Qui passe par des penseurs, des artistes, des écrivains (et des citations). Et encore des CITATIONS… Pour clore, des LIENS précieux (dossier, entretiens, articles, documents, vidéos troublantes - dont pianiste et danseuse de 107 ans et bergers érudits - notes de blogs, livres…) qui éclairent parfois des passages de la note, ou font écho, ou donnent à lire ce qui est évoqué. 
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Créer, penser, serait-ce… 
"Tenir l’infini dans la paume de la main
  Et l’éternité dans une heure" ?
L’auteur de ces vers d’Augures d’innocence, William Blake, en avait des intuitions. L’astrophysicien Trinh Xuan Thuan lui emprunta, sans doute pour cela, un fragment pour son livre avec Matthieu Ricard, L’infini dans la paume de la main….
 
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18/07/2021

La vie ample, le vaste…

Guillevic.jpgLa vie augmente (poème)
Eugène Guillevic, Gagner
 
Est-il vrai, prince, que vous ayez dit un jour que la 'beauté' sauverait le monde ?
Fiodor Dostoïevski, L’Idiot
 
Ô ce morceau de chair qu’est le cœur lardé de peurs, de pleurs
François Cheng, Chant des âmes retrouvées 
Quand reviennent les âmes errantes
 
Entre ce que je vois et dis / entre ce que je dis et tais / (…)  la Poésie. / Elle glisse / entre le oui et le non (…) / Elle n’est pas un dire : / elle est un faire.
Octavio Paz, L’Arbre parle (trad. Frédéric Magne et Jean-Claude Masson)
 
Pas plus que le vent tu n’as de lieu
Rainer Maria Rilke, Le livre de la pauvreté et de la mort
 
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La vie augmente. Le hasard m’avait fait relire ce poème d’Eugène Guillevic (Gagner, 1949), cité quelque part... Il est très souvent repris en ligne. Ainsi sur un blog qui publie des poèmes (et seulement des poèmes, sans les commenter, laissant les visiteurs le faire). Le  nom du blog (trouvé par hasard, aussi) est emprunté à Fiodor Dostoïevski. La beauté sauvera le monde (c’est noté en anglais…). 
En fait Dostoïevski n’a pas écrit cela exactement, mais il l’a noté autrement, dans L’Idiot.
"Est-il vrai, prince, que vous ayez dit un jour que la 'beauté' sauverait le monde ? Messieurs… le prince prétend que la beauté sauvera le monde. Et moi je prétends que, s’il a des idées aussi folâtres, c’est qu’il est amoureux… Ne rougissez pas, prince ! Vous me feriez pitié. Quelle beauté sauvera le monde ?" 

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08/06/2021

QUARTIER du LIVRE... Un Salon du livre Paris 5ème, encore un jour...

Quartier du livre.pngQuartier livre, Paris 5ème. Encore un jour, ce mercredi 9.
Et moi, avec les Ombres... frôlées par le vent.
Plusieurs éditions sont là. Unicité, donc, avec mes Ombres, et d'autres livres, d'autres titres, dont une collection qui ressuscite Les Cahiers bleus de Dominique Daguet. (Livres Unicité,  certains recensés sur ce blog Trames nomades, certains programmés pour plus tard).
Et je passerai faire un signe vers la table où est posée la revue amie L'Intranquille (éd. L'Atelier de l'agneau) dont le numéro sur les animaux, puis celui sur le monde végétal... Options pour créer et pour faire penser...
Ensuite il faudra attendre l'automne, pour le  Marché de la Poésie et le Salon de la revue. On retrouvera les mêmes éditions au Marché et bien d'autres, absentes là, comme Le Nouvel Athanor ou AEncrages. Au Salon, les revues, dont Les Cahiers du Sens, L'Intranquille, Ficelle, etc.
 
LIEN... Quartier du livre... https://quartierdulivre.fr

06/05/2021

Parcours de quelques livres... Éditions Unicité. Lire Éric Desordre, Pascal Hermouet, Pascal Mora, Mohsen Marashi Pour, Éric Dubois...

Unicité éd.jpgD’abord, l’édition, car ce sont des livres qui sont tous publiés par les éditions Unicité (picorés sur quatre années, 2018 à 2021). Cette édition, qui n’a plus à prouver sa qualité, a été créée en 2010 par François Mocaër, écrivain engagé dans un itinéraire personnel qui donne sens à ses choix d’éditeur et au nom de son édition (voir la note précédente). Cela paraît très proche, 2010, alors que les traces concrètes des productions commencent à être assez nombreuses, et que l’aura dépasse la région parisienne, notamment par les auteurs qui viennent de toutes régions et d’au-delà des frontières, pour certains, comme le jeune philosophe iranien, dont je présente ici un ouvrage. Il a su pouvoir être compris là. Puisqu’il cherche à dépasser la dualité, toute pensée de séparation, même dans un contexte difficile.

Unicité, l’exergue en accueil sur le site explique ce que cela veut signifier. Une citation d’Albert Einstein, ce chercheur maître en rationalité mais ouvert à une compréhension du réel qui lui fait ressentir émerveillement devant ce qui est, dans ces moments, écrit-il, "où l’on se sent libéré de ses propres limites et imperfections humaines". Et… "Il n’y a qu’être", ajoute Einstein. Être. Voilà un mot qui aidera à comprendre les démarches des auteurs recensés aujourd’hui. Aucun n’est dupe de ses limites ou fragilités (la sagesse commence par la connaissance de nos "imperfections humaines"…). Mais aucun ne s’arrête là. Chez tous ce désir d’échapper à ce qui sépare d’autrui et de la possibilité de l’émerveillement, si on arrive à produire en soi la capacité de vivre de tels moments d’ouverture de conscience. 

Autre chose est à noter. Certains sont photographes. Mais dans tous ces livres le regard est important. Savoir regarder le monde (le vivant, la nature, les choses), et les visages, les yeux, d’autrui. Les yeux, profondeur qui offre plus que la beauté. Le regard, comme celui d’Albert Einstein, "fixé en émerveillement sur la beauté froide et pourtant profonde et émouvante de ce qui est éternel, de ce qui est insaisissable". Lisez la citation complète en accueil sur le site.

Lien… http://www.editions-unicite.fr

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01/05/2021

Poésie. Deux recueils de François Mocaër. "On écrit avec le corps dès le signe d'un basculement vers la douleur". Et "Le don du silence est le diamant du vide"… Parcours, de 2003 à 2020.

F Mocaër On écrit.jpgJ’ai inventé la nuit
qui gênait nos rumeurs
La fragilité d’un arbre
me donne espoir
p. 23. François Mocaër, On écrit avec le corps dès le signe d’un basculement vers la douleur, L’Harmattan, 2003
 
Dans une poussière
il y a le monde
p. 16 
Nous sommes pauvres
près de cette folie qui fait de nous
ces hommes débarquant
au cœur du dernier sursaut
p. 17
avant que nous disions oui
à l’immense
dont chacun de nous porte le mystère
p. 43
F. M., Le don du silence est le diamant du vide, Unicité 2020 
 
Essaie de répondre à la question  
qui suis-je
sans te référer à ton moi
qui se projette constamment dans le futur
François Mocaër, S’abandonner à la plénitude, Accarias l’Originel, 2010
p. 65, rééd. Unicité, Définitions de Dieu/Le chant de l'éveil, 2020 (2ème partie du volume Le don du silence…)
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Deux volumes, trois recueils (dont une réédition). Le livre de 2020 est suivi de la reprise d’un ouvrage publié en 2010, et qui est tout à fait dans le même esprit. L’un éclaire l’autre. Mais lire l’ouvrage de 2003 fait de l’itinéraire une évidence, tant pour la dimension personnelle des vécus tels qu’ils sont partagés (vécus émotionnels, interrogations métaphysiques, questions éthiques) que pour la démarche d’écriture. Rien d’ancien, qui serait dépassé, dans la publication de 2003. Les textes demeurent, évidemment, avec toute leur force. Mais on suit, en poésie, dix-sept ans de maturation (2003-2020), avec une étape, donc, en 2010. Cela pour les publications. Car la poésie, elle, est présence permanente, et c’est de ce lieu qui demeure qu'elle provient. Peu de livres dans une vie de poète. Et quelques romans, peu nombreux, qui ne sont pas étrangers au domaine poétique. Ainsi À l’aube d’un dimanche raconte l’histoire d’une femme qui fait dire ses poèmes, pour la voix, par un homme qui va découvrir ainsi le pouvoir de la poésie. Le poème est rare quand il est méditation. En 2020 on retrouve des thématiques présentes en 2003, mais avec le détachement de qui a pris la mesure de l’essentiel, sachant lâcher l’inessentiel. 
 
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22/04/2021

Lecture de Roland Chopard. "Parmi les méandres/Cinq méditations d'écriture"

1 CHopard.jpgÉcrire sans subterfuges et avec le désir de transgresser certains usages mêmes de la littérature: telle serait aussi la constance de la démarche.
Roland Chopard, Cérémonial du Livre/Première méditation 
 
L’œil était un élément cosmique mais aussi l’objet qui contient aussi bien l’infini que l’infime.
R.C., L’éveil/Deuxième méditation
 
Tout ce qui se fait vient de ces sensations intérieures en mouvement.
R.C. Les sensations mentales/Troisième méditation
 
Ces tris sélectifs prouvent aussi que la quête de soi est un long, difficile, mais indispensable travail poétique (…).
R.C. Le recours essentiel/Quatrième méditation
 
Ces mots qui se sont imposés sont des certitudes inconscientes qui désemparent l’œil (…).
R.C. L’effet (provoqué)/Cinquième méditation
 
Roland Chopard, Parmi les méandres/Cinq méditations d’écriture, L’Atelier du Grand Tétras, 2020
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À écriture intense, lecture intense, et longue relecture : c’est ce que mérite cet ouvrage.  Tout est dit, déjà, par le titre, le sous-titre et les exergues choisis par Roland Chopard. Une démarche difficile, plongée en eau souterraine de l’écriture. D’où vient son titre ? D’une pensée de Claude Louis-Combet, avec lequel il est en grande proximité d’exigence et qui offre une postface au livre. Voici cette phrase, dont la citation ouvre le livre, avant le Cérémonial du Livre, titre de la première méditation : "(…) l’expérience intérieure de l’écriture : un enfoncement méandreux en soi-même, à l’écoute de cette voix parfaitement limpide qui est cependant la voix de l’obscur, (…)". 
Dans les méandres on erre et on hésite, on accepte de se perdre. Et si c’est méditer en écriture on accepte de croiser de l’impensé, sans être sûr de pouvoir le saisir, en perdant la chronologie des bribes de conscience capturées. Donc pour entrer dans l’écoute de cette voix en soi qui permettrait de tracer des mots, et d’aboutir à un déchiffrement de l’espace secret à donner à lire à autrui, Roland Chopard choisit les voies indirectes, les détours que la dynamique même de l’écriture provoquera. Démarche de vulcanologue faisant émerger les scories et acceptant les brûlures préalables. Plonger c’est entrer dans la nuit profonde du soi, le non-su du langage, et extraire suffisamment de sens pour que ce soit dicible. Mais seule démarche qui vaille d’écrire. Cela c’est la dimension dans laquelle on entre en ouvrant ces pages. Et quels sont les auteurs dont les citations sont les exergues de chaque méditation ? Mallarmé, Char / Lao Tseu / Porchia / Steiner, Pessoa / Lautréamont… 

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21/04/2021

AUDISIO poète, suite. Deux recueils : De ma nature et Poème de la joie...

De ma nature   Audisio.jpgDe ma nature, Rougerie, 1977
 
Ce qui peut surprendre, en consultant la table, c’est l’amplitude des thèmes et la rigueur de la composition du recueil, les poèmes classés par catégories. Nombreux, alors que le livre n’a qu’un peu plus d’une centaine de pages, car les textes ne dépassent que rarement une page.
Dans l’adresse au lecteur Gabriel Audisio définit ce qu’il entend par nature : "le monde physique", comme le définissent les Anciens, la phusis. Et il dit vouloir interroger "les rapports d’un homme avec la nature", chercher les "analogies" que peut ressentir "ce vivant provisoire" entre vie et mort de l’humain et faits de nature. L’intention, exprimée, est de regarder le monde à la manière de Lucrèce, l’auteur du De natura rerum, De la nature des choses… En quelque sorte il veut faire lui aussi son De natura rerum. Le titre du recueil se calque sur celui de Lucrèce. Mais le possessif remplace l’article : ma nature. Audisio  ne rédige pas un traité général sur le rapport des hommes avec cette nature qu’il a toujours aimée. Il implique son ressenti personnel, son regard subjectif, avec cependant une volonté de distance mentale. Et c’est peut-être cela qu’il faut comprendre dans ce qu’il dit de l’attitude qu’il choisit d’avoir : "moins religieuse que lucrécienne". Donc pas d’interprétations métaphysiques, l’observation tel qu’en lui-même présent avec son corps et son âge. C’est son dernier recueil, publié un an avant la mort (dont la conscience affleure souvent). Comme un émouvant testament.

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17/04/2021

Recension. Lignes de crête, de Michel Diaz

Diaz, Alcyone.jpgCette recension était prévue, j’apprécie de la relier à mon parcours de la revue Saraswati, où Michel Diaz est présent (note précédente).
 
En exergue au préambule, l'auteur a choisi de citer Thérèse d’Avila et Kant, pensées qui traduisent notre faim intérieure, et dans le corps du texte des lignes d’Alain Freixe (extraites de Comme des pas qui s’éloignent). 
Que dit ce préambule, qu’annonce-t-il ? Un questionnement, une recherche comme en apnée, où l’attention à "la solitude saturée de présence", que révèle la marche, est celle de "l’écoute du monde invisible où s’enracinent nos pensées les plus archaïques et dont nous recherchons toujours la clé". 
On retrouve, relisant ces pages, ce même désir de déchiffrement de l’entre-deux que révèlent les poèmes en prose des saisons : "ce cheminement sur la ligne de partage des eaux" (…) "vers des pierriers d’incertitude au pied desquels peuvent s’ouvrir des trouées de clarté comme des chaos de ténèbres". La démarche est éclairée aussi par la brève postface où l’auteur dit le rôle de la marche dans l’émergence des textes, et celui des "alchimies imprévisibles de la songerie".
Le livre est divisé en quatre méditations, offertes à Walter Benjamin, Friedrich Hölderlin, Claude Cahun,  et Alejandra Pizarnik. On comprend pourquoi le préambule parle du risque de bascule dans "des chaos de ténèbres", et pourquoi la postface mentionne la "douleur inexprimée".

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22/03/2021

Gabriel Audisio, ou Ulysse poète...

gabriel audisio,audisio,poésie,misères de notre poésie,racine de tout,livres,citations,louis branquier,henri bosco,jules roy,francis ponge,jean pélégri,edmond charlot,aux vraies richesses        Mon pays,
C’est toutes parts où des hommes.
        Mon pays ?
Toutes parts où des soleils
Gabriel Audisio, Hommes au Soleil, 1923
.
La figure, l’être, le mythe d’Ulysse n’ont jamais cessé de me hanter, m’habitent de plus en plus.                                                         Gabriel Audisio, Ulysse ou l’intelligence, 1946
.
Donnez-moi, dieux des mains qui écrivent, donnez-moi les mains de ceux qui animent des statues !
Gabriel Audisio, Ulysse ou l’intelligence, 1946
.        
D’Hommes au soleil, 1923, à De ma nature, 1977, plus de cinquante années de poésie publiée. Hommes au soleil est dédié à Jules Romains, dont l'unanimisme, cette conscience d'une matrice commune des Méditerranéens, l'a influencé (il fut son professeur de philosophie à Marseille). Cela se retrouve ensuite, mais transformé, magnifié par la connaissance qu'Audisio aura des cultures méditerranéennes diverses - grecques comme islamiques - et par l'intense imprégnation du mythe d'Ulysse. Audisio est poète dans tous ses écrits, dans ses romans comme dans ses essais. Partout, ce même souffle, cet élan singulier. Mais c’est dans les recueils qu’il met en œuvre des refus et des exigences spécifiques, et crée le poème, tel qu’il le conçoit. Pour comprendre ce qui constitue sa poétique il nous faut considérer les éléments qu’il donne dans des essais, et lire, comme en surimpression, les pages des recueils. Des associations apparaissent. Thématiques et formelles. L’idéal d’un humanisme méditerranéen traverse l’écriture d’Audisio, celui de l’être méditerranéen pluriel, porteur d’une capacité de joie vitale, solaire, habité par l’esthétique de la mer, ce "continent" commun, et par la beauté de ses rives. Sagesse méditerranéenne de l’adhésion à la vie.
Ainsi, dans Jeunesse de la Méditerranée, il définit ce qu’il appelle le "mystérieux" de la Méditerranée, "alliance du fantastique et du merveilleux". Ceci est une clé pour lui-même, un des visages de son Ulysse intérieur.
Misères de notre poésie, cet essai en fragments de 1943, expose une éthique de l’écriture poétique, esquissée par ses ombres et le refus des impostures. 
Et dans Racine de tout, l’avant-dernier recueil, 1975, on retrouve des mots de l’essai de 1943, comme cette injonction à soi-même, "rayer". Et la partie titrée Allégories du poème nous fait recroiser l’abeille de l’essai, celle dont le miel dépend du "butin". Dans le poème le pollen est la glèbe aboutie, "le suc / aspiré". Le butin du poète c'est ce dont il se nourrit : expériences, contemplation des paysages, culture, êtres rencontrés.
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SOMMMAIRE, suite  :
 
. Recension, Misères de notre poésie, essai, 1943
 
. Recension, Racine de tout, recueil, 1975
 
. Citations (essai et recueils)
 
. Bibliographie sélective
 
. Lien (thèse au Canada)

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15/08/2020

Ashraf Fayad, POÈTE toujours prisonnier en Arabie saoudite…

ASHRAF FAYAD.jpgC’est une tragédie, comme l’Arabie saoudite en crée régulièrement, n’acceptant aucune pensée dissidente, ni même des ébauches de questionnements (pouvoir emprisonnant et exécutant aussi des adolescents et des femmes). Démocrates (hommes et femmes). Intellectuels voulant revendiquer la liberté de conscience et d'expression, ou simplement la vivre. Adolescents suivant une marche pour plus de liberté. Femmes refusant l’oppression des femmes (les réformes apparentes ne doivent pas faire illusion…). Tous sont réprimés. Jusqu’à la mort. Nombreuses exécutions…

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15/07/2020

Rainer Maria RILKE, Le livre de la pauvreté et de la mort. Ou ce "que tout homme en soi porte", ce "fruit autour duquel gravite tout"…

1 RILKE.jpg
Ô vers où l’emporta, lui si clair, sa chanson?
Que ne le sentent-ils de loin
dans sa joie et dans sa jeunesse
les pauvres qui attendent ?
 
Que ne surgit-il en leur crépuscule —
Lui, de la Pauvreté grande étoile du soir ?
Rainer Maria Rilke
Le Livre de la pauvreté et de la mort (1903), excipit
Seuil, Œuvres 2, 1972
(traduction de Jacques Legrand)
 
C’est le dernier poème d’un recueil (qu’on regroupe avec deux autres dans Le Livre d’heures). Textes d’une méditation sur la mort, adressée à Dieu comme un défi (Seigneur…), et cherchant en François d’Assise le maître en pauvreté authentique, pure (celle d’un être lumineux). 
L’excipit nomme deux sortes de pauvreté, celle du manque que vivent dans la souffrance les êtres humains perdus dans des villes douloureuses à vivre, sans repères de sens, et celle, avec majuscule, du dépouillement du grand pauvre, François d’Assise ("Ô toi qui sais"), "l’étoile du soir", et paradoxalement, aussi, du Dieu auquel Rilke s'adresse. Puisqu’il lui demande de pouvoir aller loin des villes, ces lieux de misère où il est "enfoncé jusqu’à en suffoquer" : "Envoie-moi dans tes déserts". Bien sûr il évoque là les vrais déserts terrestres, mais symboliquement aussi ce qui pour lui est un attribut de la divinité, du sacré : la dépossession de tout, un absolu - vide de l’inutile car absolu. Il demande aussi, pour tous, d’accomplir "en nous ton signe suprême" (…), de nous donner "l’austère maternité de l’être". Comme pour une contagion de dénuement afin de rejoindre la part sacrée, une essence dépouillée de ce qui charge l’âme d’autre chose qu’elle.

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10/07/2020

Antonin Artaud. Révolte contre la poésie, ou révolte pour la poésie "mise en incarnation de l'âme"...

antonin artaud,révolte contre la poésie,espaces et signes éditeur,poésie,citations,anne manson,édouard dor,nerval,stéphen moysanJe ne veux être que ce poète à jamais qui s’est sacrifié dans la Kabbale du soi à la conception immaculée des choses.
             Antonin Artaud, Révolte contre la poésie (1944), excipit
                          rééd. Espaces et signes, 2020
 
La difficulté, pense Antonin Artaud, c’est la présence du Verbe antérieure à toute création. Les mots sont là, le Verbe, c’est "dans l’inconscient du poète". Or il veut que la création soit intégrale, pouvoir échapper à cette "opération de rapace" du Verbe, qui est "autodévoration". Lutter contre le poids de cette antériorité, où il voit une violence "abjecte", c’est lutter contre soi-même, pour se libérer de sens venus d’une incarnation du Verbe. Il y a aussi dans ce texte l’expression d’un dégoût pour le trop charnel qui piège le moi. Ce "moi" qui n’est pas libre.
Artaud élabore une théorie de ce que devrait être la poésie. Ce n’est pas délirant, même si dans ces pages il y a des échappées qui le paraissent. Car ce qu’il exprime là, il le dit aussi dans d’autres textes, l’analysant rigoureusement. 

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