Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

06/12/2011

Gilbert Lascault, citations : territoire, frontières, concentration, dispersion, détail

VISIBLE.gif

« Avec  acharnement, à longueur de nuits et de journées, certains philosophes, certains professionnels de la culture se demandent ce qu’est l’art, ce qu’il n’est pas, quelles sont ses frontières, comment l’organiser, comment interdire son territoire à ceux qui ne seraient pas dignes d’y entrer, comment y établir des ordres et des hiérarchies. »

(…)

« L’école nous avait appris à nous concentrer, à nous tendre, à préférer les notions aux sensations, les concepts à la riche multiplicité des choses. Il s’agit maintenant de nous débarrasser de cette éducation. Nous ne serons jamais assez dispersés, assez nonchalants. »

Gilbert Lascault

Apologie du pluriel

Ecrits timides sur le visible, coll. 10/18 1979), pages 13-14 / 2008, éds du Félin http://www.decitre.fr/livres/Ecrits-timides-sur-le-visible.aspx/9782866456696

Gilbert Lascault fait un éloge du pluriel, des sensations, de la dispersion… A sa réflexion il  ajoute un appel à ne pas oublier le détail au profit du général. (« On nous répète qu’il faut nous méfier des arbres qui cachent la forêt. » (…) Mais, dit-il « Trop souvent nous vivons dans un monde où le mot forêt  sert à nous cacher la présence de chaque merisier, de chaque tremble. ». La forêt, parfois, ce peut être le mot « écrivains », le mot « lecteurs », qui cache la singularité des itinéraires de création...

04/12/2011

Akhtar Soomro, photographie...

Ce qui embellit le désert c'est qu'il cache un puits quelque part. 

Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince

De Saint-Exupéry, cette phrase célèbre est lue autrement ici, car choisie par le journal La Croix comme légende d’une photographie d’Akhtar Soomro : Sabir, 3 ans, « jouant avec un casque dans une décharge de Karachi (Pakistan). Photo prise le 20 novembre, Journée internationale des droits de l’enfant. » 

La Croix24-11-2011 (pas trace de la page sur le site)... http://www.la-croix.com/Culture

Voir le portfolio, Akhtar Soomro, blogs Reuters  (Mais si je n'ai pas vu cette photographie précise, de l'enfant avec un casque, j'ai remarqué l'enfant au pistolet, derrière la toile d'une tente, jouant la guerre avec les objets de la guerre, dans un univers ravagé, et une petite fille terrorisée après des inondations. Photographies qui me font penser à l'art de Sebastiao Salgado, par le regard respectueux des êtres, en témoin humaniste des souffrances et du courage, en témoin traducteur de beauté)  : http://blogs.reuters.com/fullfocus/2010/11/08/portfolio-akhtar-soomro/#a=2

Désert réel et symbolique. Enfants dans la guerre, représentés par celui-ci. Désert bruyant des armes et de la mort, désert de la solitude intérieure : inventer des jeux dans le désastre créé par les adultes, et se construire psychiquement quand on ne peut trouver de réponses cohérentes au spectacle du monde qui est donné comme univers à contempler et dans lequel tenter d’être. Casque sur la petite tête : l’imaginaire guerrier comme refuge, casque comme enfermement imposé par l’indifférence collective, et par les marchands d’armes qui ont besoin des guerres et de la haine pour leur marché. Mais que serait le puits? Notant ce questionnement je pense aussitôt à Gérard Garouste, le peintre auteur de L'Intranquille, livre inépuisable. Car il rappelle que dans l'Ancien Testament "souvent, on rencontre les femmes tout près d'un puits" et, partant du mot 'puits', en hébreu, qui "s'apparente par sa racine au verbe 'interpréter', car la connaissance implique le creusement",  il donne une clé pour comprendre le lien entre la femme, le puits, l'interprétation. (p.137, Livre de Poche). Le choix de cette légende évoque ce sens à déchiffrer dans le réel, malgré la guerre, ses traces, son horreur, et ces enfants perdus au milieu de ce désordre. L'enfant peut-être ce puits de connaissance déjà là (son expérience qui pourra être dépassée en résilience) et de connaissance à venir : ce que la souffrance pourra produire de capacité de compassion, d'empathie, de désir de changer la violence en paix. Et c'est aussi, ce puits, le regard du photographe, qui fixe ces enfances et force le regard des autres, la responsabilité. Espoir, quand même... Et pourquoi mettre cela dans le domaine de la spiritualité? Choix judicieux, justement. Spiritualité hors de toute référence religieuse. Accent mis sur la dimension spirituelle de l'art (comme le définit Kandinsky) : le conte de l'écrivain, l'image du reporter artiste. Accent mis sur la dimension sociale de la spiritualité, ancrée dans un engagement pour l'humain, pas séparable d'une ouverture du coeur et de la capacité de créer du sens...  

02/12/2011

CARNETS D’ORIENT, BD de Jacques Ferrandez, L’Intégrale

CARNETS  t1.jpgCARNETS  t2.jpg

Bédéiste, Jacques Ferrandez l’est, d’évidence : il a réussi à créer une oeuvre forte, riche d’albums qui nous racontent une histoire qui rejoint l’Histoire, celle de son pays natal, et des communautés de ce pays, dans un contexte violent de colonisation, guerre, et décolonisation. Des personnages riches en profondeur et humanité permettent de saisir la complexité de cette longue période, sans dogmatisme, sans projections idéologiques, sans volonté de juger les uns ou les autres. Les carnets d’Orient, qui constituent une part importante de cette œuvre, majeure même, sont regroupés en deux volumes (mais disponibles en albums séparés aussi). Je présenterai les différents ouvrages plus précisément, en leur consacrant, petit à petit, une vignette et une page dans un album dédié aux bandes dessinées, qui va s’ouvrir avec ces deux volumes compacts.

C’est donc un auteur de BD, un très bon. Cependant on découvre le peintre, à travers les tableaux de son personnage, Joseph Constant. Mais on sent que le bédéiste observe le peintre, car les tableaux font partie de l’histoire, et posent un regard sur l’histoire de l’art, aussi : l’orientalisme, ses réussites superbes et flamboyantes parfois, ses limites, que le bédéiste veut, lui, franchir. Il n’est pas dans un rapport de contemplation extérieure, celle qui reste étrangère, malgré la fascination qui est celle des grands artistes orientalistes, malgré l’empathie, même : lui regarde de l’intérieur, ses personnages jouent des rôles qui parlent aussi des siens, et de possibles identifications avec les uns et les autres, des parts des uns et des autres. Loin d’une vision duelle, il propose une lecture qui cherche l’approche universelle, et trouve cette dimension dans les récits d’une douloureuse période historique. C’est une création fidèle à l’héritage humaniste de Camus, de Feraoun.

CARNETS D’ORIENT, L’Intégrale, tome 1, 2008 : http://www.casterman.com/Bande-dessinee/Catalogue/albums-...

Présentation EDITEUR : «Ce premier tome de l’intégrale des CARNETS D’ORIENT de Jacques Ferrandez réunit en un volume unique les cinq premiers tomes de la série (de Carnets d’Orient au Cimetière des princesses) – soit l’époque historique s’étendant des premières années de la colonisation de l’Algérie à la veille de l’indépendance. Bonus : en complément de l’album, un carnet de croquis relié, à la manière d’un fac-similé, rassemble les peintures réalisées par Joseph Constant, le personnage principal du premier volume de la  série. »

L’intégrale, tome 2, 2011 BdFugue : http://www.bdfugue.com/carnets-d-orient-integrale-t-2

Présentation EDITEUR. Citation : « Après un premier tome regroupant les cinq épisodes du premier cycle narratif de la série, le second volume de cette intégrale rassemble en un volume unique les cinq titres du second cycle (La Guerre fantôme, Rue de la bombe, La fille du Djebel Amour, Dernière demeure et La Valise ou le cercueil), qui commence en 1954, à la veille de l’insurrection. »

…………………………………………………………………………………………………………………

BioBibliographie de Jacques Ferrandez, sur wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Ferrandez   

 et… bdparadisio.com : http://www.bdparadisio.com/scripts/detail.cfm?id=664

Article, Le grand soleil de Jacques Ferrandez, sur actuabd.com : http://www.actuabd.com/Le-grand-soleil-de-Jacques-Ferrandez  (Citation : « La saga des Carnets d’Orient puise à deux sources très différentes. La première relève d’une certaine tradition historique de la bande dessinée franco-belge. Le trait de Ferrandez est sage, sans envolées excessives. Il fait preuve d’une certaine neutralité qui est aussi celle du propos. Ferrandez ne se propose pas de juger l’histoire de l’Algérie coloniale. Son graphisme respecte cette intention. »)

28/11/2011

Joan MIRO. "Ce que je cherche, c'est le mouvement immobile..."

« Ce que je cherche, c'est le mouvement immobile, quelque chose qui soit l'équivalence de l'éloquence du silence. »
Joan Miró

Citation, en exergue sur Passion Estampes, galerie d’art : http://www.passion-estampes.com/bio/mirobiographie.html

Sur le site, biographie de Joan Miró et reproductions.

…………………………………….

"Il faut toujours revisiter les peintres qu'on croit connaître", Danielle Attali, à propos de Miró, article du JDD, 2011 (qui n'est plus en ligne...).  

"Je n'invente rien, tout est là."  (Miró cité par Danielle Attali)

..............

Voir aussi la note du 21-04-2016« Miró. Saisir l’être en soi, et peindre. »…  http://tramesnomades.hautetfort.com/archive/2016/04/21/mi...

20/11/2011

L’Intranquille, de Gérard Garouste. En exergue, Rabbi Nahman de Bratslav

INTRANQUILLE.jpg

« Ne demande jamais ton chemin à celui qui le connaît. Tu risquerais de ne pas t’égarer. »

Rabbi Nahman de Bratslav

« L’Intranquille », sous-titre : « Autoportrait d’un fils, d’un peintre, d’un fou », de Gérard Garouste, avec Judith Perrignon, éd. L’Iconoclaste, 2009, et Livre de Poche, 2011. Livre dédié à sa femme Elisabeth. 

Gérard Garouste, peintre : http://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9rard_Garouste 

Le LIVRE. Fiche decitre.fr : http://www.decitre.fr/livres/L-Intranquille.aspx/9782253156741  

Olivia de Lamberterie, Elle : « L’Intranquille est un livre triste et admirable » (citée sur la 4ème de couverture)                                      

Paris-Art.com : http://www.paris-art.com/editeur-design/l-intranquille-autoportrait-d-un-fils-d-un-peintre-d-un-fou/garouste-gerard/2510.html  (« L'Intranquille est le premier récit personnel de Gérard Garouste, artiste internationalement reconnu. Ses oeuvres sont exposées dans les plus grands musées du monde. ». Avec une partie du résumé publié sur la 4ème de couverture. Début : « Je suis le fils d'un salopard qui m'aimait. »). Cette phrase, citée là, est une clé bouleversante pour entrer dans ce livre, ce témoignage, cette œuvre : complexité des êtres et de l’affectif. 

Interview de Judith Perrignon (coauteur du livre), sur le site de l’éditeur, L’Iconoclaste : http://www.editions-iconoclaste.fr/spip.php?article1336  

« "L'Intranquille. Autoportrait d'un fils, d'un peintre, d'un fou", de Gérard Garouste : Garouste, l'horreur des origines », par Philippe Dagen, Le Monde des Livres, 07-05-09. (Mise à jour : lien inactif). Citations : « De Gérard Garouste, on sait qu'il est un peintre français né en 1946 et que sa peinture, depuis les années 1980, va si fortement à contre-courant des tendances issues du minimalisme et du conceptuel qu'elle est tenue pour emblématique de ce que l'on nomme tantôt retour à la figuration, tantôt postmodernisme. Aujourd'hui, Garouste peint des scènes fabuleuses et énigmatiques et des portraits » (…) « Aussi la parution de L'Intranquille, sous-titré Autoportrait d'un fils, d'un peintre, d'un fou, sa première prose, surprend-elle. Qu'est-ce que Garouste peut avoir à écrire ? Des histoires d'atelier ? Non. Des réflexions sur la situation actuelle de l'art ? Très peu. La peinture et le dessin ne sont pas absents. Mais ce qui fait la force et l'intérêt exceptionnels de L'Intranquille, c'est ce que Garouste y révèle de son histoire et la clarté résolue et calme avec laquelle il le révèle - sans aucun pathos, sans masochisme non plus. » 

Mohammed Aïssaoui, Le Figaro, 20-10-2011 (Rubrique Les Poches du jour) : http://www.lefigaro.fr/livres/2011/10/20/03005-20111020ARTFIG00823-gerard-garouste-autoportrait-d-un-intranquille.php  (« Peu d'auteurs savent recueillir avec autant de talent et de sensibilité les confidences. Question d'écoute. Judith Perrignon a tendu l'oreille à Gérard Garouste. ») 

Rubrique « Faites-vous des Poches », Le Point, par Marine de Tilly, 10-10-2011 :  http://www.lepoint.fr/livre/l-intranquille-autoportrait-d-un-fils-d-un-peintre-d-un-fou-de-gerard-garouste-avec-judith-perrignon-10-10-2011-1382831_79.php (« Ce petit livre sombre, profond et d'une sincérité désarmante raconte tout cela : l'enfance, l'antisémitisme et la folie, aux trousses d'un immense artiste. ») 

Blog de Vanessa Curton. Livres coups de cœur. Lecture de L’Intranquille. (Mise à jour : lien inactif...). Citation : « Regard sur ce père qui vient de mourir et son antisémitisme effréné. Gérard Garouste s'est construit en rupture, comme un cri, avec cet enfant au creux de lui et cette ferveur de "peindre jusqu'à l'épuisement". En rupture aussi avec ses contemporains. Tandis que ceux de son âge cherchaient à faire des performances, à provoquer, lui, il "cherchait le chaos des poudres" sur une toile préparée à l'ancienne, choisissait l'érudition et trouvait peu à peu son langage. »)

24/10/2011

Fra Angelico et les maîtres de la lumière, EXPOSITION du 23-9-2011 au 16-1-2012

EXPO FRA ANGELICO.jpg

Fra Angelico. Rare événement… Première expo sur Fra Angelico dans un musée, en France. Parcours chronologique, musée Jacquemart-André, pour la découverte des œuvres de ce très grand peintre, initiateur du courant dit des « Peintres de la lumière ».

Musée Jacquemart-André 

https://www.musee-jacquemart-andre.com/fr/fra-angelico-et...

21/10/2011

CITATION. Diane Arbus, photographe américaine

 

« La photographie est un secret sur un secret. Plus elle en dit moins vous en savez. »

Diane Arbus, citée par Claire Guillot :

Le Monde, daté 21-10-2011 : http://www.lemonde.fr/culture/article/2011/10/20/sous-l-oeil-subtilement-ambigu-de-diane-arbus_1591024_3246.html

(Rétrospective au Jeu de Paume, jusqu’au 5 février 2012).

……………………………………………………………………………………

Diane Arbus (1923-1971), fiche wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Diane_Arbus

Jeu de Paume : http://www.jeudepaume.org/index.php?page=article&idAr...     

12/10/2011

PHOTOQUAI, ou pause regard. BIENNALE des IMAGES du MONDE, Paris, du 13 sept. au 11 nov. 2011

PHITOQUAI.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PRESENTATION photoquai.fr Texte et bande-annonce  

http://www.photoquai.fr/fr/2011/presentation.html 

Voilà une exposition en plusieurs lieux qui nous fera faire un voyage au-delà des frontières...

 (PHOTOQUAI : très belle page d'accueil). BIENNALE des IMAGES du MONDE... http://www.photoquai.fr/fr/2011/accueil.html

Pays, continents, et photographes exposés :  http://www.pixfan.com/photoquai-2011/ ("46 photographes de 29 pays exposent près de 400 photographies")

DIAPORAMA, PHOTOGRAPHIES du MONDE, 20 minutes : http://www.20minutes.fr/culture/diaporama-1784-photo-6890...

CATALOGUE, sous la direction de Françoise Huguier, Actes Sud Beaux Arts : http://www.actes-sud.fr/node/31374 

VIDEO. Les PHOTOGRAPHES des divers pays se présentent (en anglais ou en français, suivant les cas). Oeuvres montrées, et les lieux : http://www.youtube.com/watch?v=Qu-x7AXDXFs

..................................

MUSÉE du QUAI BRANLY... http://www.quaibranly.fr 

30/01/2011

Un Balcon sur la mer, film de Nicole Garcia

cinéma,films,un balcon sur la mer,nicole garcia,exil,attentat,double,identité,traumatisme,pieds-noirs,algérie,oran,f.l.n.,o.a.s.,crimes,amnésie,nostalgie,mémoire,regard,fraternité,culture,artJ’ai vu récemment ce film. Merci, Nicole Garcia, merci Jacques Fieschi, son coscénariste. Les acteurs sont excellents, et on oublie qu’ils jouent : Jean Dujardin et Marie-Josée Croze, notamment, mais pas uniquement, loin de là (forte présence du père pied-noir, par exemple). Histoire de double ? Mais double double… Jeune femme qui retrouve son amour d’enfance, mais qui, confondue avec une autre, maintient la confusion, s’y perd ; homme qui vit une identité apparente, dans une vie « normale », et une autre, cachée à lui-même, refoulée, dans une amnésie de survie. C’est tellement vrai cette vision du problème identitaire des exilés, surtout quand s’ajoutent les traumatismes de l’incompréhension des autres et les silences des aînés, enfermés dans leur douleur. Ce n’est pas une quelconque nostalgie qui intéresse Nicole Garcia, mais la question du déchirement intérieur, de cette identité troublée : quelle est la part de l’authenticité, la part des mensonges qu’on se fait à soi-même ? Guérit-on de son exil ? Quand, à la fin du film le personnage de Jean Dujardin dit s’être perdu et qu’il parle de l’instant, du lieu, j’entends autre chose : perdu à moi-même dans l’oubli de mes souvenirs de cet ailleurs de l’enfance. Et cela se passe aux abords du théâtre où celle qu’il recherche va jouer : de nos identités lesquelles ne sont que des rôles auxquels on croit? Quand elle répétait son rôle et croyait ne pas trouver le ton juste, alors que justement elle l’avait trouvé, elle parlait du regard (comme en parle Nicole Garcia dans l’interview de TGV magazine, mais en tant que metteur en scène qui ne peut se regarder elle-même comme actrice, qui comme actrice a besoin du regard d’un autre). Les yeux ont beaucoup d’importance dans la reconnaissance complexe entre les deux personnages, et ils en ont beaucoup dans ce qu’on ressent de nos appartenances : les yeux de l’autre… A Oran l’homme assis, Algérien au beau visage, qui dit à Jean Dujardin qu’il peut monter sur la terrasse, a des yeux fraternels, des yeux qui reconnaissent celui qui est né là. Comme cela se passe si souvent, en réalité, dans les retours des Pieds-Noirs… Il y a trop souvent, ici, les regards qui exilent (hostiles ou indifférents, ou loin de comprendre) et il y a, à cet instant, sur cette rive, le regard qui ancre.  Les lieux sont magistralement filmés : Oran de la mémoire, en flash-back, et Oran du présent, Nice, le sud… C’est un film très méditerranéen : voilà une identité magnifiée par ce film, et celle-ci, exil ou pas, se retrouve d’une rive à l’autre, perdure.

Dans le TGV magazine de décembre-janvier 2011, j’ai lu un entretien intéressant dont je choisis deux passages, pour compléter cette note sur cet excellent film (Nicole Garcia répond à Olivier Boucreux). « Quand on retourne sur un lieu de son enfance après un exil, on retrouve un peu de cette enfance à jamais perdue. Et c’est déchirant. » (…) Et, parlant  de la tristesse de la génération de ses parents : « L’Histoire a été sévère avec cette communauté que l’on a appelé plus tard les Pieds-Noirs. » (J’ajoute la majuscule, puisque c’est une identité collective…).

 Sur le site telerama.fr  on peut lire un long et passionnant entretien (et voir des vidéos) : http://www.telerama.fr/cinema/nicole-garcia-en-compagnie-des-ombres-1-2,63544.php « J’étais déjà retournée à Oran pour des voyages officiels, et j’avais ressenti une émotion étrange, très animale. Ni romantique, ni nostalgique. Plutôt le sentiment violent d’un temps à jamais perdu. Comme une déflagration. »

Dans cet entretien Nicole Garcia évoque son rôle, comme actrice, dans le film de Laurent Heynemann, « La Question »    (à partir du livre d’Henri Alleg), participation nécessaire et difficile (du fait des confusions faites entre l’armée française et les Français d’Algérie dans divers courants de l’opinion).  Occasion pour elle d’un retour sur mémoire, déjà, d’un retour dans le pays de l’enfance. Elle précise aussi, pour son dernier film, l’importance de Jacques Fieschi, son coscénariste, lui aussi originaire d’Algérie, et attaché à cette origine de manière plus tripale, et qui, dit-elle, l’a plongée dans l’eau de ce sujet (situer cette histoire de double dans l’arrachement de l’exil) comme on jette dans une piscine. Parce que, certainement, la résistance est grande. Et d’autant plus grande que la douleur enfouie est forte ? Elle parle du silence de son père, de l’origine espagnole, de la fuite de la langue du père.

A lire, critique de Télérama, 18-12-10, par Guillemette Odicino : http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:vwrjOCgddFAJ:www.telerama.fr/cinema/films/un-balcon-sur-la-mer,418551,critique.php+un+balcon+sur+la+mer+telerama&cd=2&hl=fr&ct=clnk&gl=fr  « Un Balcon sur la mer, le sixième film de Nicole Garcia, est un retour aux sources pour cette cinéaste d'origine oranaise. Et ce qui l'intéresse, dans cette histoire de passé retrouvé, c'est le vertige. Celui que l'on ressent en se penchant d'un balcon sur lequel on aura, trop longtemps, refusé de monter. »

Voir aussi synopsis et vidéo : http://www.telerama.fr/cinema/films/un-balcon-sur-la-mer,418551.php    

Lire aussi les critiques diverses de cette revue de presse : http://www.allocine.fr/film/revuedepresse_gen_cfilm=145167.html

Je sais que certains lui ont reproché de n’avoir montré qu’un attentat de l’OAS (la petite fille qui meurt, et qu’aimait, enfant, le personnage principal, était la fille d’un communiste indépendantiste : un attentat OAS les avait tués, et cette mort avait été cachée au petit garçon amoureux, déjà traumatisé par l’arrachement à son pays de naissance). Ainsi ce film est démonté par un blogueur  (qui pourtant sur son site dénonce aussi des crimes de l’OAS, ailleurs) : voir les liens ci-dessous. Car il ne comprend pas pourquoi  le scénario retient un attentat (fictionnel, ici, mais s’inspirant de faits réels) et pas d’autres, ne faisant aucune allusion au massacre du 5 juillet 1962 à Oran, par exemple, massacre qui a traumatisé toute une ville (et que des Oranais algériens qualifient de génocide dans le documentaire de Jean-Pierre Lledo  «Algérie, histoires à ne pas dire » : voir la bande-annonce du film et des critiques dans les liens de ce blog, albums, et vidéos).  

Je ne ferai pas du tout les mêmes reproches à ce film. Le but n’était pas de réaliser un documentaire équilibré sur les torts des uns et des autres, ou de rentrer dans des débats historiques, ou de traiter du terrorisme (FLN ou OAS). Le sujet était d’abord le thème du double, soutenu par la question de l’exil (dont le traumatisme crée forcément une dualité intérieure, et nourrit donc ce déchirement identitaire de l’individu). Si le scénario avait intégré d’autres problématiques le film aurait dévié et le sujet n’aurait plus été traité : il aurait perdu sa part d’universalité. Et cela aurait été bien dommage. C’est donc, pour moi, un film qu’il faut voir et soutenir. Elle ne parle que d’un attentat OAS ? Mais d’autres n’en parlent jamais : ça équilibre…